Amazon se veut plus un allié des commerçants qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine

S’en prendre à Amazon, géant du e-commerce et première place de marché pour des commerçants, c’est se tirer une balle dans le pied. « Ennemi public n°1 » pour Marianne. « Oui ils se gavent » juge Roselyne Bachelot. Le « brigand du numérique » (sic) est en fait un bon pis-aller en tant de crise.

La firme mondiale de Jeff Bezos fait l’objet de « beaucoup de fantasmes », pour reprendre l’expression qu’a formulée le directeur général d’Amazon France, Frédéric Duval, le 5 novembre (1). Le ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, Bruno Le Maire, s’en est pris aussi le 17 novembre à ceux qui veulent « interdire » le géant américain du e-commerce, devenu le bouc-émissaire en France, voire « l’ennemi public n°1 » selon la pleine Une de Marianne (2).

France : Huawei et TikTok se paient des personnalités

En fait. Le 25 novembre, l’administration Trump a accordé un délai supplémentaire – jusqu’au 4 décembre – au chinois ByteDance, maison mère de TikTok, pour céder ses activités américaines. De son côté, Huawei est aussi « blacklisté » au nom de la sécurité nationale des Etats-Unis. En France ? La diplomatie paie !

En clair. Les filiales Huawei France et TikTok France sont les bienvenues, contrairement aux Etats-Unis où leurs homologues américaines de ces deux groupes chinois sont « persona non grata ». Le contraste est saisissant. Les firmes chinoises de respectivement Shenzhen et Pékin se sont même payées le luxe de recruter pour l’Hexagone des personnalités qui ne passent pas inaperçues dans l’organigramme des entités françaises. Prenez TikTok France du groupe ByteDance : Eric Garandeau y a été recruté en septembre dernier en tant que directeur des Affaires publiques et des Relations avec le gouvernement (français). Embaucher un ancien président du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui fut auparavant conseiller culturel de Nicolas Sarkozy lorsque ce dernier était président de la République, est un coup de maître – digne d’une stratégie du jeu de Go très populaire dans l’Empire du Milieu. Eric Garandeau avait l’an dernier été pressenti pour présider la société publique-privée Pass Culture (1) que… Garandeau Consulting avait conseillée. Mais un article de Mediapart était venu contrarier ses ambitions (2). En démissionnant de Pass Culture, il a tourné la page mais sans se détourner des jeunes. Mieux qu’un lobbyiste, la filiale française de ByteDance s’est offerte une personnalité pour montrer patte blanche – comme avec le ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports dans la lutte contre le harcèlement en ligne. « Ça commence sur TikTok », scande la publicité pluri-média diffusée jusqu’au 20 décembre.
De son côté, Huawei France chercherait à amadouer le gouvernement français qu’il ne s’y prendrait pas autrement : après avoir hésité à être président du conseil d’administration de Huawei France (3), ce qu’il a finalement refusé en juillet 2019, Jean-Louis Borloo – ancien ministre, ex-député président de l’UDI – en a tout de même été membre de décembre 2016 à juillet 2020 (mandat écourté à mai). C’est Jean-Marie Le Guen, ancien député lui aussi et ex-secrétaire d’Etat et ancien adjoint de la Mairie de Paris, qui lui a succédé en septembre. Et fin octobre, c’est Jacques Biot – polytechnique dont la carrière avait débuté au ministère de l’Industrie et de la Recherche, avant d’être conseiller du Premier Ministre Laurent Fabius (1985) – qui a été nommé président du conseil d’administration de la filiale française (4)… « dans les intérêts de la France ». @

Radios publiques et privées dans « le » Cosmos

En fait. Le 23 novembre, six groupes français de radios – Lagardère (dont Europe 1), M6 (dont RTL), NRJ, Radio France (dont France Inter), NextRadioTV (dont RMC) et Les Indés Radios (129 stations) – ont annoncé le lancement au printemps 2021 de la plateforme « Radioplayer France », pilotée par leur société commune : Cosmos.

En clair. Selon nos informations, les six groupes de radio ont constitué une société commune baptisée Cosmos, au capital de laquelle ils sont à parts égales. Elle a été formellement créée en septembre dernier mais ses activités ont démarré dès juillet avec quatre premiers groupes fondateurs : Lagardère News (Europe 1, Virgin Radio, RFM), le groupe M6 (RTL, RTL2, Fun Radio), Radio France (France Inter, France Info, France Bleu, France Musique, Fip), et le groupement d’intérêt économique Les Indés Radios (129 stations indépendantes).
Sont ensuite venus se joindre à Cosmos deux autres groupes : NRJ Group (NRJ, Nostalgie, Chérie, Rire & Chansons) et NextRadioTV, filiale d’Altice Média (RMC, BFM). Cosmos est domiciliée chez le GIE Les Indés Radios, dont le président, Jean-Eric Valli (par ailleurs président de Groupe 1981 aux radios locales et régionales), est aussi président de la nouvelle société par actions simplifiée (SAS). Cela faisait trois ans que cet ancien des radios libres (Vibration, Start), cofondateur en 1992 des Indés Radios (1) et président du groupe 1981 (Oüi FM, Voltage, Forum, Latina, Vibration, …), cherchait à rassembler les radios privées et publiques (réseaux nationaux et indépendants) autour d’un player unique pour « s’imposer face aux géants du Web ». Jean-Eric Valli pressait les éditeurs de radio en France à « s’inspirer rapidement du modèle de Radioplayer au Royaume-Uni ». Les six groupes, ouverts à d’autres, ont finalement adopté la plateforme Radioplayer créée par un transfuge de la BBC (2), Michael Hill, que Edition Multimédi@ a contacté. « UK Radioplayer Ltd est une société à but non lucratif “à responsabilité limitée par garantie”. C’est un format d’association où il n’y a pas d’actionnaires, juste des “membres”. Ce sont la BBC (partenaire à 50 %), Global Radio (28 %), Bauer Media (11 %) et Radiocentre (11 %) », nous explique-t-il. Les radiodiffuseurs partagent leurs flux avec Radioplayer qui ne diffuse rien mais s’assure que ces flux et métadonnées (identité de la station, logo, streams, podcasts, etc.) soient disponibles gratuitement dans les voitures, les récepteurs numérique (3), les enceintes connectées, les assistants vocaux, les applications mobiles et le site web, comme en France Radioplayer.fr. Et chaque station garde la maîtrise de sa diffusion et de ses « géo-restrictions » (4). Radioplayer compte maintenant 14 pays sous licence. @

Fréquences 5G : en plus des 2,7 milliards d’euros, les opérateurs verseront 1 % de leur chiffre d’affaires

Les lauréats Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free Mobile, qui peuvent utiliser leurs fréquences 5G depuis le 18 novembre, verseront entre 2020 et 2034 une « redevance fixe » totale de plus de 2,7 milliards d’euros à l’Etat. Mais aussi « redevance variable » de 1 % de leurs revenus mobiles, dont ceux de la publicité et des contenus.

Au total, les quatre lauréats des premières fréquences 5G en France – bande des 3,4 à 3,8 Ghz dite « bande coeur », en attendant cette des 26 Ghz dite « bande pionnière » – devront verser à l’Etat une redevance fixe de précisément 2.789.096.245 euros. Celle-ci est exigible en plusieurs parts entre 2020 et 2034. Mais ce n’est pas tout : Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free Mobile verseront en plus chaque année une redevance variable égale à 1 % du chiffre d’affaires réalisé sur ces fréquences, comme c’est le cas sur les fréquences 3G et 4G.

Production cinématographique et audiovisuelle : Netflix « accélère » en France avant l’obligation de financement

Les plateformes de SVOD telles que Netflix vont devoir financer des films, séries ou documentaires européens à hauteur de 20 % à 25 % de leur chiffre d’affaires – dont 85 % en oeuvres françaises. Avec le binôme « Bernet- Pedron », le groupe de Reed Hastings s’est renforcé en France où il compte plus de 6,4 millions d’abonnés.

C’est le baptême du feu pour Damien Bernet et Jérôme Pedron, depuis leur recrutement par Netflix en France, respectivement en avril et mai derniers. Le premier a été directeur général d’Altice Média après avoir été directeur délégué de NextRadioTV (racheté par Altice en 2016) et le second fut un ancien de Telfrance et directeur délégué de la société de production audiovisuelle Newen (rachetée par TF1 en 2015). Ce binôme de « Director Business and Legal Affairs » à la tête de la filiale française de Netflix, aux côtés de Marie-Laure Daridan, directrice des relations institutionnelles depuis près de deux ans, est placé sous l’autorité de Tom McFadden (photo), lui-même aussi « Director Business and Legal Affairs » mais pour l’ensemble de la vaste région EMEA – Europe, Moyen-Orient et Afrique. Originaire de Pennsylvanie (Etats-Unis), cet Américain est basé au QG européen de Netflix à Amsterdam (Pays-Bas) depuis le début de l’année, après avoir fait ses premières armes de négociateur – commercial et juridique – dans les contrats de production, de coproduction et de licences de séries et de films chez Netflix à Hollywood, la Mecque du cinéma américain. C’est lui aussi qui supervise juridiquement les relations des équipes locales avec les gouvernements et les politiques. Damien Bernet et Jérôme Pedron en réfèrent à lui justement dans les discussions en France autour du projet de décret dit SMAd – Services de médias audiovisuels à la demande – que le pays de « l’exception culturelle » s’apprête à promulguer.