Les majors Universal Music, Sony Music et Warner Music négocient avec les éditeurs d’IA musicales

Google et sa filiale YouTube négocient avec Universal Music l’autorisation d’utiliser pour son IA musical, MusicML, les données de la première « maison de disques ». Les autres majors, Warner Music et Sony Music, devront aussi trouver des accords. C’est plus une opportunité qu’une menace.

Le 21 août, YouTube a annoncé un accord avec Universal Music autour de l’IA musicale. Le Financial Times avait par ailleurs révélé le 9 août que sa maison mère Google et la première major mondiale de la musique enregistrée étaient en pourparlers pour autoriser que les mélodies et les voix des artistes soient exploitées par l’intelligence artificielle MusicLM (développée par Google) afin que celle-ci puisse créer de nouvelles chansons. Si ces négociations devaient aboutir, un accord de ce type serait une première pour l’industrie musicale qui, jusqu’à maintenant, voient plus ces IA génératives de musiques comme une menace pour elle.

Accords avec Google et YouTube
Quel est l’impact de l’IA générative sur l’industrie musicale ? « Imaginez que quelqu’un vole tout ce qui a de la valeur à une entreprise et l’utilise pour lancer une entreprise pour lui faire concurrence. C’est exactement ce qui se passe avec beaucoup de grands modèles d’IA d’apprentissage automatique qui existent aujourd’hui. Il s’agit d’une concurrence déloyale classique. (…) Il y a un besoin urgent de “code de la route” approprié pour l’IA générative et nous vous encourageons à agir de manière décisive et sans délai », a déclaré le 12 juillet dernier Jeffrey Harleston (photo), directeur juridique et vice-président exécutif pour les affaires commerciales et juridiques d’Universal Music. Il était auditionné au Sénat américain par le sous-comité de la commission judiciaire du Sénat, sur le thème de « l’intelligence artificielle et la propriété intellectuelle » (1).

L’anonymat sur les réseaux sociaux n’existe pas, seule est pratiquée la pseudonymisation

A part pour certains geeks utilisant Tor, l’anonymat sur Internet n’existe quasiment pas – contrairement à une idée répandue. L’identification d’un internaute utilisant un pseudonyme se fait par son adresse IP et peut être ordonnée par un juge sur « réquisition judiciaire ». « L’anonymat sur les réseaux sociaux n’est plus une protection face à la justice », a lancé le procureur de la République de Créteil, Stéphane Hardouin, le 6 juillet dernier sur son compte professionnel LinkedIn, en montrant son communiqué expédié le même jour (1). Il annonce qu’un jeune homme âgé de 19 ans, ayant relayé de façon anonyme sur Twitter – après la mort de Nahel tué à bout portant par un policier le 27 juin 2023 à Nanterre et ayant suscité une forte émotion – un appel à attaquer le centre commercial « Créteil Soleil » et le tribunal judiciaire de Créteil, a été identifié avec l’aide de Twitter. Twitter, Snapchat, Instagram, TikTok, … Présumé innocent, il encourt en cas de culpabilité jusqu’à cinq ans de prison d’emprisonnement et 45.000 euros d’amendes. Son anonymat a été levé par Twitter sur réquisition judiciaire adressée le 1er juillet au réseau social à l’oiseau bleu. Accusé de « provocation publique et directe non suivie d’effet à commettre un crime ou un délit et complicité de dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui », le garçon majeur – domicilié dans le Val-de-Marne – a été interpellé le 6 juillet et placé en garde à vue au commissariat de Créteil. Après son tweet, il se trouve que le centre commercial « Créteil Soleil » était pris d’assaut le 30 juin (21 individus interpelés), puis dans la nuit du 2 au 3 juillet des barricades faites de poubelles était incendiées et des mortiers était tirés aux abords du tribunal judiciaire de Créteil. Son message a été repéré par Pharos, la « plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements » de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC), au sein de la Police judiciaire. Pour la réquisition judiciaire adressée à Twitter, le procureur de Créteil, Stéphane Hardouin, fait référence dans son communiqué à la circulaire du garde des sceaux datée du 30 juin et signée par Eric Dupond-Moretti (photo), qui appelle notamment à « une réponse pénale ferme ». Le ministre de la Justice pointe notamment l’anonymat sur les réseaux sociaux qui peut être levé par un juge : « Il apparaît que de nombreuses exactions sont commises après avoir été coordonnées via les systèmes de diffusion de messages sur certains réseaux sociaux dits OTT pour “opérateurs de contournement” (Snapchat notamment). Il doit être rappelé que depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2021-650 du 25 mai 2021, les OTT sont considérés comme des opérateurs de communication électronique (…), au sens de l’article L.32 du code des postes et des communications électroniques (CPCE). Dès lors, ils sont tenus de répondre aux réquisitions judiciaires, car relevant des mêmes obligations que les opérateurs téléphoniques. Ils peuvent ainsi être requis au visa de l’urgence pour assurer une réponse rapide sur les éléments de nature à permettre d’identifier les auteurs de ces messages ». Dans la circulaire « Traitement judiciaire des violences urbaines » de quatre pages (2), émise par la Direction des affaires criminelles et des grâces à l’attention des procureurs et des présidents des tribunaux, le garde des sceaux leur demande de « veiller à retenir la qualification pénale adaptée aux faits perpétrés dans ce contexte et à procéder à une évaluation rapide et globale de la situation de manière à pouvoir apporter une réponse pénale ferme, systématique et rapide aux faits le justifiant ». Et d’ajouter : « Pour les mis en cause majeurs, la voie du défèrement aux fins de comparution immédiate ou à délai différé, ou le cas échéant, de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, sera privilégiée pour répondre aux faits les plus graves ». Eric Dupond- Moretti a rappelé en outre que « les infractions commises par les mineurs engagent, en principe, la responsabilité civile de leurs parents ». Que cela soit dans la vraie vie ou sur les réseaux sociaux, nul n’est censé échapper aux sanctions pénales si la justice juge coupable l’individu ou l’internaute interpellé. Pseudonymisation et démocratie vont de pair Dans son rapport annuel 2022 – publié le 27 septembre – sur « les réseaux sociaux : enjeux et opportunités pour la puissance publique » (3), le Conseil d’Etat a estimé que « les réseaux sociaux engendrent une désinhibition, souvent aggravée par l’anonymat, qui ouvre la voie à de nombreux actes malveillants ». Faut-il pour autant interdire l’utilisation de pseudonymes sur les réseaux sociaux ? Les sages du Palais-Royal se sont dits très réservés sur la suppression de l’anonymat qui n’est autre que de la pseudonymisation : « La possibilité de s’exprimer sous un autre nom que le sien, qui a toujours été admise dans la vie réelle, est, comme l’a d’ailleurs rappelé par exemple la Cnil (4), “une condition essentielle du fonctionnement des sociétés démocratiques” qui permet “l’exercice de plusieurs libertés fondamentales essentielles, en particulier la liberté d’information et le droit à la vie privée”. Elle peut faciliter la prise de parole de personnes qui craignent la discrimination ou souhaitent contester les positions acquises ». L’anonymat du Net est toute relative Le Conseil d’Etat estime en outre que « la suppression de l’anonymat, qui n’a été adoptée par aucune démocratie occidentale et n’est pas envisagée au sein de l’Union européenne, ne paraît pas constituer une solution raisonnable conforme à notre cadre juridique le plus fondamental ». Et contrairement aux détracteurs d’Internet et des réseaux sociaux, l’anonymat sur Internet n’existe pas en général. « Cette forme d’anonymat n’est que relative. Il est en effet relativement facile, en cas de nécessité, d’identifier une personne compte tenu des nombreuses traces numériques qu’elle laisse (adresse IP, données de géolocalisation, etc.). La LCEN [loi de 2004 pour la confiance dans l’écono-mie numérique, ndlr] prévoit l’obligation de fournir à la justice les adresses IP authentifiantes des auteurs de message haineux et plusieurs dispositifs normatifs, dont la directive dite “Police-Justice”, obligent les opérateurs à conserver de telles données : en pra-tique, les opérateurs répondent généralement sans difficulté aux réquisitions judiciaires pour communiquer l’adresse IP. Les obstacles rencontrés existent mais apparaissent finalement assez limités : la possibilité de s’exprimer sur Internet sans laisser aucune trace paraît donc à ce jour réservée aux “geeks” les plus aguerris [utilisant notamment le navigateur Tor garantissant l’anonymat de ses utilisateurs, ndlr] ». La pseudonymisation, comme le définit d’ailleurs l’article 4 paragraphe 5 du règlement général européen sur la protection des données (RGPD), est un traitement de données personnelles réalisé de manière à ce que l’on ne puisse plus attribuer les données à une personne physique identifiée sans information supplémentaire. « En pratique, rappellent les sages du Palais-Royal, la pseudonymisation consiste à remplacer les données directement identifiantes (nom, prénoms, etc.) d’un jeu de données par des données indirectement identifiantes (alias, numéro séquentiel, etc.). La pseudonymisation permet ainsi de traiter les données d’individus sans pouvoir identifier ceux-ci de façon directe. Contrairement à l’anonymisation, la pseudonymisation est une opération réversible : il est possible de retrouver l’identité d’une personne si l’on dispose d’informations supplémentaires ». Sans remettre en cause l’anonymat de l’expression, le Conseil d’Etat propose notamment la généralisation du recours aux solutions d’identité numérique et aux tiers de confiance. Et ce, notamment pour mieux protéger les mineurs, vérifier la majorité numérique – laquelle vient d’être fixée en France à 15 ans (5) – et de garantir la fiabilité des échanges sur les réseaux sociaux. La Cnil, présidée par Marie-Laure Denis (photo ci-contre), veut préserver l’anonymat. Y compris lorsque les sites pornographiques vérifient l’âge de leurs utilisateurs, sous le contrôle de l’Arcom. Pour cela, la Cnil préconise depuis juin 2021 le mécanisme de « double anonymat » (6) préféré à la carte d’identité. Ce mécanisme empêche, d’une part, le tiers de confiance d’identifier le site ou l’application de contenus pornographiques à l’origine d’une demande de vérification et, d’autre part, l’éditeur du site ou de l’application en question d’avoir accès aux données susceptibles d’identifier l’utilisateur (7). Quant au contrôle parental, il sera activé par défaut en France sur tous les terminaux à partir du 13 juillet 2024, selon le décret « Renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à Internet » du 11 juillet paru 13 juillet (8). « Couper les réseaux sociaux » (Macron) « Quand les choses s’emballent pour un moment, [on peut] se dire : on se met peut-être en situation de les réguler ou de les couper », a lancé Emmanuel Macron de l’Elysée, le 4 juillet dernier, devant un parterre de 300 maires de communes touchées par les émeutes déclenchées par le meurtre du jeune Nahel. Face au tollé provoqué par ce propos digne d’un régime autoritaire à la Corée du Nord, à l’Iran ou à la Chine, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a dû rétropédaler en ne parlant plus que de « suspensions de fonctionnalités » comme la géolocalisation. Si couper les réseaux sociaux est faisable techniquement, avec l’aide des fournisseurs d’accès à Internet (FAI), la décision de le faire risque d’être illégale au regard des libertés fondamentales qui fondent une démocratie. @

Charles de Laubier

Sous pression de ChatGPT et frénétiquement, Google multiplie les produits d’intelligence artificielle

L’édition 2023 de la conférence des développeurs Google I/O, qui s’est tenue le 10 mai, a montré pour la première fois de l’histoire de la filiale d’Alphabet, créée il y a 25 ans, que l’IA est désormais devenue sa priorité numéro une. L’enjeu est de taille : ne pas se faire « ChatGPTéiser ». Le 2 juin à l’assemblée générale annuelle des actionnaires d’Alphabet, la maison mère de Google, l’intelligence artificielle (IA) sera dans toutes les têtes. Ce rendez-vous entièrement virtualisé (1) devrait entériner la nouvelle stratégie de Google plus que jamais tournée vers l’IA. Le temps presse car la firme de Mountain View (Californie) ne mène plus la danse sur le Web, depuis que la start-up OpenAI a lancé fin novembre 2022 son IA générative ChatGPT, allant même jusqu’à déstabiliser le numéro un des moteurs de recherche. Alphabet met de l’IA à tous les étages Pour la première fois depuis sa création il y a 25 ans par Larry Page et Sergey Brin, « Google Search » se sent menacé. Audelà de sa réplique à ChatGPT avec sa propre IA générative, Bard, le groupe Alphabet dirigé par Sundar Pichai met les bouchées doubles dans l’IA. Jamais la conférence des développeurs Google I/O (2), dont c’était la 15e édition annuelle depuis son lancement en 2008 (en tenant compte de son annulation en 2020 pour cause de pandémie), n’a été autant tournée vers l’intelligence artificielle. Le système d’exploitation mobile Android, les smartphones Pixel et autres outils de l’écosystème Google sont passés au second plan (3). L’année 2023 est une étape historique pour la filiale d’Alphabet qui a entrepris de généraliser l’IA partout où cela peut être utile. « L’IA est déjà dans de nombreux produits des millions (et dans certains cas des milliards) de personnes utilisent déjà comme Google Maps, Google Translate, Google Lens et plus encore. Et maintenant, nous apportons l’intelligence artificielle pour aider les gens à s’enflammer et à faire preuve de créativité avec Bard, à augmenter leur productivité avec les outils Workspace et à révolutionner la façon dont ils accèdent aux connaissances avec Search Generative Experience », a expliqué James Manyika (photo), vice-président chez Alphabet et Google, en charge des technologies et de la société ainsi que de Google Research et de Google Labs. L’IA s’est invitée dans la plupart des annonces faites aux développeurs « I/O », comme l’illustre un compte-rendu mis en ligne (4). Quant au chatbot intelligent Bard, qui fut lancé dans la précipitation le 6 février dernier d’abord auprès d’happy few testeurs pour engager un bras de fer avec ChatGPT cornaqué par Microsoft (5), il est appelé à évoluer pour tenter de s’imposer. « Plus tard cette année, Data Commons – un système qui organise des données provenant de centaines de sources pour éclairer les approches des grands défis sociétaux, de la durabilité aux soins de santé, en passant par l’emploi et l’économie dans de nombreux pays – sera accessible par l’intermédiaire de Bard, ce qui le rendra encore plus utile », a aussi annoncé James Manyika. Au-delà de Bard, l’IA sera mise à contribution par Alphabet pour faire face aux changements climatiques et réduire les émissions de carbone, pour améliorer les soins de santé, y compris les soins maternels, les traitements contre le cancer et le dépistage de la tuberculose. « Nous avons récemment annoncé un nouveau grand modèle linguistique qui pourrait être un outil utile pour les cliniciens : Med-PaLM », cite en exemple Google. L’IA va aussi de plus en plus aider les scientifiques dans de nombreux domaines, comme la physique, la science des matériaux et la santé, à l’instar du programme AlphaFold de Google DeepMind pour prédire avec précision la forme 3D de 200 millions de protéines (macronutriments essentiels au bon fonctionnement de l’organisme). L’IA va contribuer également à rendre l’information mondiale encore plus accessible à tous et permettre à chacun d’évaluer l’information en ligne et de détecter la mésinformation. « Dans les prochains mois, a indiqué James Manyika, nous allons ajouter un nouvel outil, “About this image” (6) dans Google Search, qui fournira un contexte utile, comme le moment et l’endroit où des images similaires peuvent être apparues pour la première fois et où elles ont été vues en ligne, y compris les actualités, la vérification des faits et les sites sociaux. Plus tard cette année, cet outil sera disponible dans Chrome et Google Lens ». L’IA est aussi au cœur d’Universal Translator, un nouveau service expérimental du géant du Net. Il s’agit d’un outil intelligent de doublage vidéo qui traduit la voix d’un orateur et fait correspondre ses mouvements de lèvres. Concevoir les IA avec des garde-fous Selon Google, Universal Translator présente un énorme potentiel pour accroître la compréhension de l’apprentissage. Mais cela présente des risques de détournement, des « tensions » comme les désigne James Manyika : « Nous avons conçu le service avec des garde-fous pour limiter l’utilisation abusive et le rendre accessible seulement aux partenaires autorisés. Nous appliquons nos principes d’IA (7) à nos produits », assure-t-il. L’IA responsable (8) suppose aussi des outils de détection (« classificateurs ») pour débusquer les deepfake (9) et les supercheries. Et ce n’est que le début d’une nouvelle ère. @

Charles de Laubier

Création immersive : l’audiovisuel et le cinéma se mettent très progressivement au métavers

Cela fait plus de six mois que le musicien Jean-Michel Jarre est président de la commission « Création immersive » du CNC, dotée de 3,6 millions d’euros par an pour subventionner la création d’œuvres immersives. Elle s’est réunie le 6 mars dernier pour la troisième fois afin de retenir de nouveaux projets à soutenir. Le Fonds d’aide à la création immersive, créé en juillet 2022, remplace au sein du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), à la fois le Fonds d’aide aux expériences numériques (Fonds XN) et le Dispositif pour la création artistique multimédia et numérique (Dicréam). Pour la troisième fois, la commission « Création immersive » présidée depuis septembre 2022 par le musicien Jean-Michel Jarre (photo), s’est réunie – le 6 mars – pour choisir les projets immersifs qui bénéficieront d’une aide financière allant de quelques milliers d’euros à plus de 130.000 euros chacun. Projets VR, MR, XR, voire métavers Le Fonds d’aide à la création immersive est doté de 3,6 millions d’euros par an pour financer des contenus de réalité virtuelle (VR), de réalité mixte (MR), de réalité étendues (XR) ou encore de narrations interactives (Interactive Storytelling). Lancé durant l’été 2022 en pleine euphorie « métavers » déclenchée par la firme de Mark Zuckerberg, Meta (ex-groupe Facebook), ce fonds vise aussi à aider des projets de métavers. En lançant la commission « Création immersive », le CNC avait appelé la filière à « investir le métavers comme un nouveau territoire d’expression artistique ». Le but était alors d’« accélérer la structuration de cet écosystème, actuellement porté par le développement du métavers qui désigne en premier lieu le processus de plateformisation des usages immersifs, et présente des opportunités sans précédent ». Surtout que JeanMichel Jarre croit en ces mondes immersifs, se présentant lui-même comme « musicien, auteur, interprète, pionnier des métavers ». Il est par ailleurs associé au studio de production Vrroom (société Perpetual Emotion), lequel a déjà assuré la virtualisation de certains de ses concerts (immersion complète dans un monde virtuel) et qui va lancer « un métavers entièrement dédié au spectacle » – pour l’heure à l’état de prototype (1). Malgré le « métaflop » constaté en fin d’année dernière (2), les œuvres dans le métavers entrent toujours dans le dispositif. Mais la mise en avant du métavers n’a pas fait long feu. De quoi aussi apaiser les craintes de certains créateurs du numérique (auteurs et producteurs) qui se sont inquiétés de voir disparaître la Dicréam – au bout de plus de vingt ans d’aides aux artistes multimédias –, n’ayant pas forcément les moyens de faire de la réalité virtuelle ni du métavers (3). Quant au Fonds XN, lui aussi remplacé, il avait été créé en octobre 2018 à la suite de l’ancien Fonds nouveaux médias (4) – le CNC ayant commencé à aider des projet de réalité virtuelle dès 2014. La commission « Création immersive » est composée de deux collèges : l’un examine les demandes d’aide à l’écriture et à la préproduction ; l’autre examine les demandes d’aide à la production et aux manifestations à caractère collectif. Le tout, sous l’œil de membres « observateurs » que sont Dorine Dzyczko, chargée au ministère de la Culture de la coordination des politiques numériques en faveur de la création, et un représentant de l’Institut Français. Un même projet peut se présenter successivement à chacun des dispositifs d’aide à la création existants – écriture, préproduction, production – au fur et à mesure de son avancement, et cela qu’il ait obtenu ou non une aide à l’un de ces dispositifs. Les membres de cette commission (comme pour les autres du CNC) sont des professionnels, nommé pour deux ans. Les aides financières, elles, sont in fine délivrées par le président du CNC, actuellement Dominique Boutonnat, lequel a nommé en septembre 2022 Jean-Michel Jarre président de cette commission « Création immersive ». Etant donné que la commission « Création immersive » se réunit environ deux mois après la date limite de dépôt des dossiers, les projets retenus le 6 mars portent sur les dossiers de candidature déposés à l’échéance du lundi 16 janvier dernier. Mais, selon les informations de Edition Multimédi@, le CNC ne divulguera pas les résultats avant « début avril, ce décalage étant dû à des procédures administratives ». Les prochaines dates limites de dépôts des dossiers pour 2023 sont respectivement le mardi 11 avril, le lundi 3 juillet et le lundi 16 octobre. Les candidatures sont à envoyer au format numérique uniquement (5). 52 projets au total aidés en 2022 L’an dernier, la commission a sélectionné par deux fois des projets immersifs lors de ses réunions du 4 octobre et du 5 décembre – soit 52 projets au total. Lors des premiers résultats (6): six projets immersifs ont bénéficié d’aides financières au titre de l’aide à l’écriture, tels que « Uncanny You ! » (Sigrid Coggins) pour 6.000 euros de dotation la plus basse, ou « Pour en finir avec la fin du monde » (Samuel Lepoint) pour 12.000 de dotation la plus élevée ; onze projets immersifs ont été retenus au titre de l’aide à la préproduction, tels que « Mille » (L’instant Mobile) pour 8.000 euros de dotation la plus basse, ou « Alternates » (Floréal) pour 50.000 euros de dotation la plus élevée ; quatre projets immersifs l’ont été au titre de à la production, tels que « Champollion » (Lucid Realities) pour 60.000 euros de dotation la plus basse, ou « Entrez dans la danse » (Tchikiboum) pour 120.000 euros de dotation la plus élevée ; quatre projets immersifs au titre de l’aide aux opérations à caractère collectif, tels que « Courant 3D » (Prenez du relief) pour 5.000 euros de dotation la plus basse, ou « Showroom » (Zinc) pour 15.000 euros de dotation la plus élevée. Le studio français Atlas V mieux loti Lors des seconds résultats (7) : sept projets immersifs ont bénéficié d’aides financières au titre de l’aide à l’écriture, tels que « Habiter les nuits » (Maria Victoria Follonier/Elie Blanchard) pour 6.000 euros de dotation la plus basse, ou « Vibrotanica » (Jérôme Li-Thiao-Té) pour 16.350 euros de dotation la plus élevée ; quatorze projets immersifs ont été retenus au titre de l’aide à la préproduction, tels que « Minos » (Rebonds d’Histoires) pour 9.000 euros de dotation la plus basse, ou « Slipstreaming » (1er Stratagème) pour 55.000 euros de dotation la plus élevée ; sept projets immersifs l’ont été au titre de à la production, tels que « Mille » (L’Instant mobile) pour 10.000 euros de dotation la plus basse, ou « La Petite Souris » (Atlas V) pour 139.000 euros de dotation la plus élevée ; trois projets immersifs au titre de l’aide aux opérations à caractère collectif, tels que « SVSN 2023 » (Dark Euphoria) pour 20.000 euros de dotation la plus basse, ou « Taiwan XR Residency » (Forum des images) pour 50.000 euros de dotation la plus élevée. Ainsi, le studio français de réalité virtuelle Atlas V est jusqu’à maintenant le mieux doté avec ses 135.000 euros pour la production de « La Petite Souris », un film aux allures de conte de fées narratif qui raconte en réalité virtuelle l’histoire d’une jeune créature têtue se rendant dans le monde pour se faire connaître. Atlas V a aussi décroché en même temps une aide de 48.000 euros pour la préproduction de « Faire Corps ». Contacté par Edition Multimédi@, Antoine Cayrol (photo ci-contre), cofondateur de l’entreprise avec Fred Volhuer, nous indique qu’il a obtenu à nouveau le soutien pour un projet lors de la réunion de la commission le 6 mars. Atlas V a déjà une douzaine d’œuvres immersives à son actif, dont « Gloomy Eyes », « Ayahuasca », « Vestige », « Sphères », « Battlesca », « Fragments Miroir », « Goodbye Mr. Octopus », « Madrid Noir », « Atomu », et « The color of infinity ». Le studio parisien et lyonnais, également implanté aux Etats-Unis, se présente comme un créateur de métavers, de mondes alternatifs et de contenus immersifs. L’entreprise a en outre créé en 2020 une société baptisée Albyon et dédiées aux expériences situées à la croisée des chemins entre l’immersif et le jeu vidéo. Le Fonds d’aide à la création immersive est d’ailleurs géré dans le service de la création numérique, dirigé au CNC par Olivier Fontenay, qui inclut les aides au jeu vidéo (Fonds d’aide au jeu vidéo, d’une part, et Crédit d’impôt jeu vidéo, d’autre part). Cependant, un projet ne peut « pour les mêmes dépenses » bénéficier à la fois d’une aide à l’écriture de projets d’œuvres immersives et d’une autre aide attribuée par le CNC. En tout cas, la commission « Création immersive » dispose d’un grand rayon d’action puisqu’elle peut subventionner une « œuvres immersives des créations audiovisuelles » qui, par définition, « proposent une expérience de visionnage dynamique liée au déplacement du regard et/ou à l’activation de contenus visuels ou sonores par le spectateur, faisant notamment appel aux technologies dites de réalité virtuelle ou augmentée ou tout autre dispositif permettant l’immersion ». Elle précise même que « les œuvres pluridisciplinaires sont admissibles au bénéfice de l’aide à condition de comporter une forte composante audiovisuelle » et que « les contenus à destination des réseaux sociaux dont le primo-diffuseur n’est pas un SMAd [VOD/SVOD, ndlr] sont également éligibles ». Le CNC rappelle au passage que « l’utilisation d’un casque de réalité virtuelle est fortement déconseillée aux enfants âgés de moins de 13 ans ». Et pour être éligible, le projet doit être « une œuvre originale spécifiquement conçue pour une expérience immersive », « destiné à un ou plusieurs médias », et « conçu et écrit en langue française ». Eligible : sociétés de production en France La subvention est plafonnée à 50 % du budget de préproduction ou, en cas de coproduction internationale, à 50 % de la participation française (8). En outre, au moins 50 % des dépenses doivent être effectuées en France. « Dans le cas d’une coproduction internationale, précise le CNC, les dépenses minimum à effectuer en France s’élèvent à 50 % de la part française de financement. Par ailleurs, le projet doit être financé par une participation française au moins égale à 30 % de son coût définitif ». L’entreprise de production (société ou association) doit être établie en France par son siège social. @

Charles de Laubier

 

Radio numérique terrestre : le DAB+ reste méconnu du public faute d’une réelle volonté politique

zolpidem Alors, que la radio voit son audience baisser et ses auditeurs vieillir, la radio numérique terrestre pourrait lui redonner un second souffle auprès des jeunes. Hélas, la politique de soutien envers elle – pour faire connaître le DAB+ – laisse à désirer. Alors pourquoi attendre un « livre blanc » ? Un « livre blanc » pour préparer le basculement à terme de la FM au DAB+ ? « Les radios indépendantes souhaitent s’associer à la rédaction d’un livre blanc sur le DAB+ proposée par le président de l’Arcom pour (…) accélérer le développement attendu du DAB+ », a déclaré le Sirti, le syndicat des radios indépendantes (170 membres, 9 millions d’auditeurs) présidé par Christophe Schalk (photo de gauche), le 25 janvier. Ce jour-là, lors d’une table-ronde au Sénat sur « L’avenir de la radio à l’heure du DAB+ », Roch-Olivier Maistre, président de l’Arcom (1), a proposé de travailler sur un « livre blanc » sur la radio (2).

Eviter que la radio IP ne tue le DAB+ « Nous souhaitons aboutir avant la fin de l’année. Plus tôt dans la mesure du possible », indique à Edition Multimédi@ Hervé Godechot, membre de l’Arcom et président du groupe de travail « radios et audio numérique ». S’agit-il d’un énième rapport sur la radio, alors qu’il y aurait plutôt urgence à accompagner dès maintenant les radios indépendantes dans le DAB+ ? Surtout que la « RNT », qui est à la radio ce que la TNT est à la télévision, s’est lancée en France il y a près de neuf ans (3). Les grandes radios privées (RTL, NRJ, Europe 1 et RMC/BFM) avaient tout fait pour mettre des bâtons dans les roues de la RNT, avant de finalement l’adopter (4). Les radios indépendantes, elles, y ont toujours cru et ont été les pionnières à émettre en DAB+. « Les radios indépendantes sont massivement impliquées dans le déploiement du DAB+ en France ; 75 % d’entre elles sont aujourd’hui diffusées via cette norme de diffusion radio [qui] couvre à présent 50 % du territoire. (…) Pourtant, il faut franchir un pas supplémentaire très vite. Le média radio a besoin d’être accompagné dans la transition numérique de sa diffusion hertzienne », a insisté le Sirti à l’occasion de la table-ronde au Sénat. Même son de cloche pour le Syndicat national des radios libres (SNRL), présidé par Emmanuel Boutterin (photo de droite), qui représente des radios associatives – au nombre de 700 sur tout le territoire (1,4 million d’auditeurs). « Certains poussent, notamment les GAFA, vers le tout-IP. C’est donc pour nous tous un défi industriel. Il faut réussir le passage au DAB+. Nous avons un défi considérable de l’équipement des ménages et des véhicules. (…) Et pour relever ce défi, il faut accompagner les éditeurs, simplifier leurs démarches et les soutenir financièrement, notamment les radios locales associatives en partie subventionnées depuis la loi de 1986 et son article 29 », a plaidé le président du SNRL. Les éditeurs de radios – qu’ils soient publics ou privés, locaux ou nationaux – promeuvent tous désormais la radio numérique terrestre à travers l’association « Ensemble pour le DAB+ », créée il y un peu plus de six mois (en juillet 2022), domiciliée au siège du Sirti et présidée par Charles-Emmanuel Bon (directeur de la distribution et des projets stratégiques de Radio France). Problème : le budget alloué à cette association nationale de promotion du DAB+ est cinq fois inférieur à ce qui était attendu au départ : 200.000 euros versus 1 million d’euros prévus initialement. Alors, comment faire connaître auprès du grand public les avantages de la « RNT » si les moyens de communication, de publicité et de marketing ne suivent pas ? Les Français méconnaissent encore les atouts de la radio en DAB+ : gratuite, universelle, fiable, mobilité, qualité, peu énergivore, … « Elle offre également pour l’auditeur une diversification de son offre radiophonique, tout en préservant la souveraineté et une diffusion régulée », ajoute le Sirti. Encore faut-il inciter les auditeurs à l’adopter. C’est là que le bât blesse : « Il faut arrêter de vendre dans les magasins de la camelote chinoise, où des postes DAB+ commencent à 19 ou 29 euros et qui dégoûte l’auditeur du DAB+, s’est insurgé Emmanuel Boutterin devant les sénateurs. Il faut donc réguler cette distribution et adopter des normes de qualité sur les récepteurs, et, par la massification, faire baisser leur prix pour que l’ensemble des ménages puissent s’équiper à domicile ». Concernant les véhicules, que les constructeurs ont l’obligation depuis le 1er janvier 2021 de « primo-équiper » en DAB+, entre 2 millions et 3 millions le sont à ce jour en France.

Appel au soutien de la puissance publique Les acteurs de la radio numérique terrestre appellent aussi à l’aide l’Etat pour la double diffusion (FM et DAB+) qui engendre des coûts difficiles à supporter – surtout pour les indépendants. « Faut-il mettre de l’argent sur la table comme l’avait fait Jacques Chirac pour la TNT ? », demande aux sénateurs le président du SNRL. Le Sirti, lui, demande « un crédit d’impôt pour la double diffusion, ou un dispositif d’aides directes à l’image (…) du fonds de soutien à l’expression radiophonique ». Les radios espèrent qu’elles seront… écoutées. Le législateur attendra sûrement le livre blanc avant de les aider. @

Charles de Laubier