Lutte contre le piratage : les « cyberlockers » donnent du fil à retordre aux industries culturelles

Aiguillonnée par l’Alpa et l’Arcom, la justice française multiplie les décisions de blocage de sites pirates qui recourent aux « cyberlockers », hébergeurs générant des liens web pour permettre à leurs utilisateurs d’accéder à des fichiers de films, séries, musiques ou livres, souvent piratés.

Les « cyberlockers » ont le vent en poupe et jouent au chat et à la souris avec les ayants droits, les régulateurs et les juges. En France, rien qu’en janvier 2024, ce ne sont pas moins cinq d’entre eux – Turbobit, Rapidgator, Streamtape, Upstream et Nitroflare – qui ont été bloqués par décision de justice. En un an, près d’une quinzaine de ces sites d’hébergement générateurs de liens web uniques ou multiples – des URL (Uniform Resource Locator) pour permettre de télécharger des fichiers de contenus et de les partager – ont été bloqués, sur décision du juge, par les Orange, SFR, Bouygues ou Free.

Les 25 membres de l’Alpa en lutte
Outre les cinq cyberlockers épinglés en janvier, il en a aussi été ainsi de Doodstream, Mixdrop, Vidoza et Netu par jugement de juin 2023, de Uptobox en mai 2023 (1), ainsi que de Uqload, Upvid, Vudeo et Fembed en janvier 2023. C’est ce que révèle une étude de l’Association de la lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa), réalisée avec Médiamétrie et publiée discrètement le 7 mars dernier – communiquée, sans présentation formelle, aux membres de l’Alpa qui l’a mise en ligne sur son site web (2). Contacté par Edition Multimédi@, le délégué général de l’Alpa depuis plus de 21 ans, Frédéric Delacroix (photo), nous explique que « les sites pirates utilisent les cyberlockers pour héberger les contenus illicites qu’ils proposent sur leurs pages en mettant à disposition des liens – de téléchargement DDL (3) ou de streaming – renvoyant sur ces derniers, les cyberlockers étant des services essentiels dans l’écosystème pirate et ne servant qu’à l’hébergement de contenus illicites ».

L’affiliation publicitaire croît, notamment grâce à la presse pratiquant le « content-to-commerce »

Les articles de presse publicitaires sont de plus en plus nombreux sur les sites de presse en ligne (Le Figaro, Le Parisien, Le Point, 20 Minutes, Ouest-France, …) grâce aux liens d’affiliation. C’est une pratique éditoriale de vente en ligne en plein boom. Les journaux prennent des airs de boutiques.

Cette pratique marketing de plus en plus courante, qui consiste pour un éditeur de site web – presse en ligne en tête – de publier des articles qui promeuvent – en échange d’une commission perçue par lui sur les ventes générées par son intermédiaire – des produits ou des services. Lorsque le lecteur de cet article de presse – sans forcément d’ailleurs savoir qu’il s’agit d’un contenu éditorial de type publirédactionnel pour telle ou telle marque – clique sur le lien d’affiliation et va jusqu’à acheter le bien (souvent en promotion alléchante), le journal perçoit des royalties commerciales.

Près de 4 % du marché de l’e-pub
En France, de nombreux médias – et parmi les grands titres de presse (Le Figaro, Le Parisien, Le Point, 20 Minutes, Ouest-France, Le Monde, …) ou de l’audiovisuel (Europe 1, …) – se sont entichés de cette nouvelle forme de publicité éditoriale, quitte à rependre à l’identique l’habillage des articles écrits par leur rédaction de journalistes. A ceci près qu’il est parfois indiqué dans les articles d’affiliation la mention, par exemple, « La rédaction du Figaro n’a pas participé à la réalisation de cet article » ou « La rédaction du Parisien n’a pas participé à la réalisation de cet article ».
Les médias ne sont pas les seuls à pratiquer l’affiliation publicitaire, mais ils sont en première ligne étant donné leurs fortes audiences susceptibles de générer du « CPA ». Ce « coût par action » (Cost Per Action) est à l’affiliation ce que le « coût pour mille » (Cost Per Thousand) est au nombre de 1.000 « impressions » (affichages) d’une publicité mise en ligne, ou au « coût par clic » (Cost Per Click) lorsque le lecteur va cliquer sur une annonce publicitaire. Les prestataires d’affiliation se sont multipliés ces dernières années, notamment en France où l’on en compte de nombreux tels que : Awin, CJ Affiliate, Companeo, Effinity, Kwanko, Rakuten, TimeOne, Tradedoubler ou encore Tradetracker.

Le bitcoin – reine des cryptomonnaies créée il y a 15 ans – fait indirectement son entrée en Bourse

Ark Invest, Bitwise, BlackRock, Fidelity, Franklin Templeton, Grayscale, Hashdex, Invesco, WisdomTree, Valkyrie et VanEck : ce sont les onze « ETF bitcoin spot » que le gendarme boursier américain (SEC) a autorisés. Une consécration historique pour la reine des cryptos qui fête ses 15 ans.

Alors que le bitcoin fête ses 15 ans, ayant été créé le 9 janvier 2009 par un inconnu toujours non démasqué et utilisant le nom de Satoshi Nakamoto (photo (1)), le gendarme américain de la Bourse – la SEC (Securities and Exchange Commission) – a finalement autorisé le 10 janvier 2024 les tout premiers « ETF bitcoin spot », au nombre de onze. Il s’agit de fonds d’investissement cotés qui se négocient au comptant sur les marchés boursiers (« Exchange Traded Fund ») et qui sont indexés directement (« spot ») sur la reine des cryptomonnaies (le bitcoin).

Cautionner les ETF, pas les cryptos
Ces onze ETF bitcoin spot – Ark Invest, Bitwise, BlackRock, Fidelity, Franklin Templeton, Grayscale, Hashdex, Invesco, WisdomTree, Valkyrie et VanEck – concernent pour l’instant les Etats-Unis où le feu vert leur a été donné, mais pas d’autres marchés boursiers comme ceux de l’Union européenne. Cette consécration du bitcoin par la SEC, laquelle était depuis dix ans hostile à l’introduction de ces actifs sur le marché boursier, est intervenue après des mois de tergiversations et de spéculations. Finalement, le mercredi 10 janvier 2024, l’autorité américaine des marchés financiers a approuvé une liste de onze ETF bitcoin spot lors d’un vote de ses cinq commissaires.
Selon les constatations de Edition Multimédi@, il s’en est fallu de peu puisque trois d’entre eux – le président Gary Gensler, la commissaire Hester Peirce et le commissaire Mark Uyeda – ont voté pour, tandis que les deux autres – la commissaire Caroline Crenshaw et le commissaire Jaime Lizárraga – ont voté contre (2). Ce n’est pas la première fois que la SEC examinait des projets d’ETF bitcoin spot. « Sous la présidence de Jay Clayton en 2018 et jusqu’en mars 2023, la Commission [la SEC, ndlr] a désapprouvé plus de 20 dépôts d’ETF bitcoin spot au comptant », a rappelé Gary Gensler.

La CSNP demande à l’Etat de lancer une étude d’impact sur les communs numériques

La Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP) a publié le 8 novembre un avis sur les communs numériques. Bien qu’ouverts et gratuits, plusieurs « freins » à leur développement sont identifiés. Les Etats jouent parfois contre eux, en finançant des produits ou services similaires.

Parmi les onze recommandations que fait la Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP) – instance bicamérale et transpartisane en interaction avec Bercy – dans son avis rendu le 8novembre et intitulé «Commun numériques : vers un modèle souverain et durable », la n°5 suggère à l’Etat français de « lancer une étude d’impact économique et sociétale comparée pour les communs numériques d’intérêt général ». Et ce, « afin d’évaluer, notamment d’un point de vue comparatif, les coûts générés et évités par les communs numériques d’intérêt général ».

Clarifier les aides d’Etat dans les communs
La CSNP, dont la mission sur les communs numériques a été pilotée par Jeanne Bretécher (photo), mentionne juste en guise d’exemple où une étude comparée pourrait être pertinente : « NumAlim versus Open Food Facts ». Mais sans expliquer pourquoi. Ces deux initiatives poursuivent le même objectif : fournir des informations sur les produits alimentaires. Mais les deux sont d’origine différente, comme l’analyse Edition Multimédi@. Open Food Facts est un projet collaboratif lancé par des citoyens bénévoles pour créer une base de données libre et ouverte sur les produits alimentaires, utilisé par NutriScore, Yuka, Foodvisor et ScanUp ou encore Centipède. Alors que NumAlim est en revanche un projet initié par l’Ania (1), le lobby de l’industrie alimentaire, et opéré par la société Agdatahub (détenue par la holding API-Agro), pour créer une plateforme de données ouvertes mais aussi payantes sur les produits alimentaires. Mais au-delà du fait qu’Open Food Facts à but non lucratif est un vrai commun numérique gratuit et que NumAlim est une plateforme commerciale avec sa place de marché « BtoB » HubAlim, leurs financements diffèrent : Open Food Facts dépend principalement des contributions de bénévoles et de dons, tandis que NumAlim bénéficie du financement de la Banque des Territoires, filiale d’investissement de la Caisse des Dépôts (CDC), bras armé financier de l’Etat français.

Les majors de la musique déplorent la « trop lente » croissance du streaming par abonnement

Est-ce une « anomalie » du marché français de la musique en ligne, comme le dit le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) qui représente entre autres les majors ? Le streaming financé par la publicité, porté par TikTok, est moins rémunérateur pour les producteurs.

« La croissance du streaming par abonnement en France reste trop lente, comparée à l’adoption massive du modèle payant dans les autres grands marchés historiques de la musique enregistrée », regrette le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), dont sont notamment membres les majors Universal Music, Sony Music et Warner Music. « Avec 11 millions d’abonnements payants, soit 1 million de plus que l’an passé, l’usage réunit désormais 16 millions d’utilisateurs premium, grâce aux offres famille et duo », indique à Edition Multimédi@ son directeur général, Alexandre Lasch (photo).

TikTok participerait à l’« anomalie »
Rien que sur le premier semestre 2023, le streaming musical par abonnement génère près de 232 millions d’euros, plus que jamais première source de revenu des producteurs (58,3 % du total, numérique et physique confondus). Pour autant, d’après le Snep, le compte n’y est pas. La croissance des abonnements reste bien en deçà de celle du streaming gratuit financé par la publicité, même si celui-ci est loin derrière en termes de chiffre d’affaires. Ainsi, pour les six premiers mois de 2023, la hausse des revenus des abonnements est de 10 % sur un an (35,8 millions d’euros), alors que celle du streaming financé par la publicité est de 28,1 % (35,4 millions d’euros). « L’anomalie vient du fait que le streaming audio freemium et vidéo, qui réalise désormais près de 20 % du marché, contribue davantage à la progression des revenus du streaming que les offres payantes », explique Alexandre Lasch.