Presse écrite : l’abandon du papier par certains éditeurs se poursuit au profit du tout-numérique

Il y a ceux qui disparaissent corps et biens ; il y en a d’autres qui résistent en se délestant du papier. Les journaux – quotidiens en tête – ont tendance à tourner la page du papier, dont les ventes déclinent, pour miser sur le numérique. Et ce, afin d’alléger leurs coûts – mais aussi leur revenus…

Bien que la presse magazine résiste le mieux à la baisse continue des ventes
« papier », les quotidiens, eux, accuse le coup. En France, selon l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ex-OJD/Audipresse), la presse quotidienne a vu ses ventes baisser de -1,4 % en 2015 par rapport à l’année précédente. A elles seules, les ventes en kiosque ont même chuté de – 8,6 %. Les abonnements « papier » sont eux aussi en baisse. Ce déclin de la presse quotidienne papier touche tous les titres
(Le Monde, Le Figaro, Libération, Le Parisien, …).

Quotidien : chute des ventes en kiosque
Et comme si cela ne suffisait pas, il y a aussi une désaffection des annonceurs pour le journal imprimé : les investissement publicitaires dans les quotidiens papier ont chuté de – 12,4 %, selon l’Institut de recherches et d’études publicitaires (Irep). Résultat : de plus en plus de kiosques physiques ferment, dont rien qu’un millier l’an dernier pour tomber à 24.877 points de vente, selon le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP). D’autres signes ne trompent pas : Le Monde a fermé en septembre son imprimerie historique d’Ivry-sur-Seine ; le groupe Amaury a fait de même pour la sienne à Saint-Ouen, avant de céder Le Parisien à LVMH (Les Echos) pour ne garder que L’Equipe. Quant aux prix des quotidiens, ils ont encore augmenté : Le Monde est devenu depuis janvier le quotidien papier le plus cher, à 2,40 euros l’exemplaire, au risque pour la presse imprimée de devenir un produit de luxe de moins en moins diffusée (1).
En cinq ans, trois quotidiens papier ont disparu en France : France Soir n’est plus imprimé depuis fin 2011 et n’existe plus que sur Internet ; La Tribune a fait de même début 2012 mais en gardant une édition hebdomadaire imprimée (2) ; Metronews a déclaré forfait en mai 2015 et son propriétaire TF1 n’a gardé que le site web. L’abandon du papier par la presse est une tendance mondiale, même si l’on voit de nouvelles initiatives « imprimées » comme The New Day lancé fin février (3). Le quotidien britannique The Independent, fondé en 1986, va imprimer sa dernière édition papier
le 26 mars prochain, soit quelques jours après son édition dominicale The Independent on Sunday. Au Canada, les quotidiens La Presse et Guelph Mercury ont cessé aussi le papier pour se rabattre à leur tour sur le tout-numérique. La Presse a tout de même gardé une édition imprimée le samedi. Aux Etats-Unis, le quotidien centenaire The Christian Science Monitor – une sorte de La Croix américain – a été parmi les premiers quotidien à abandonner le papier. The Onion, né comme hebdomadaire parodique en 1988, est devenu entièrement numérique fin 2013. National Journal a, lui, franchi le pas du tout-digital début 2016. Sans parler de nombreux magazines américains dont la version papier a été sacrifiée sur l’autel de la rentabilité. L’érosion des ventes papier
et les arrêts de journaux imprimés ne datent pas d’hier et ces deux phénomènes liés
ne sont pas prêts de s’arrêter. Selon les chiffres de la Newspaper Association of America (NAA), le nombre de quotidiens a chuté de – 13 % aux Etats-Unis en vingt
ans. The Rocky Mountain News, un quotidien de Denver (Colorado), fondé en 1859,
a complètement disparu des radars en octobre 2009, tandis que The Seattle Post-Intelligencer (surnommé P-I) né en 1863 est devenu uniquement online en mars
2009. La troisième voie consiste à ne plus imprimer qu’une à trois fois par semaine, comme The Times-Picayune, journal de La Nouvelle-Orléans fondé en 1837, qui
paraît seulement trois jours dans la semaine. D’autres tablent sur l’édition dominicale. Qu’adviendra-t-il des rescapés de la presse papier dans trois à cinq ans ? The New York Times, The Wall Street Journal ou encore The Washington Post – ce dernier ayant été racheté en août 2013 par Jeff Bezos, patron d’Amazon, pour 250 millions de dollars – vont-ils eux aussi à terme tourner la page du journal papier ? Question de rentabilité : selon le Pew Research Center, la presse imprimée rapporte encore en moyenne cinq fois plus que le site web du même journal.

Papier subventionné par le numérique ?
Pour que le numérique devienne plus rapidement leur relais de croissance (4), certains éditeurs se diversifient en ligne. Le Figaro, dont les ventes papier ont reculé de – 0,8 % l’an dernier et surtout de -11,4 % en kiosque pour accuser une perte opérationnelle, a poursuivi sa diversification sur Internet en rachetant CCM Benchmark (Linternaute.com, Commentcamarche.net, Journaldesfemmes.com, …). Le quotidien du groupe Dassault s’est déjà développé dans les services en ligne (Explorimmo.com, Cadremploi.fr, Bazarchic.com, …). C’est à se demander si, à l’avenir, le numérique ne subventionnera pas le papier des journaux et le e-commerce leurs rédactions. @

Charles de Laubier

Antoine de Tavernost et son père Nicolas, président du groupe M6, se rejoignent sur les chaînes YouTube

C’est le fils de son père et l’un des quatre enfants du président du directoire
de Métropole Télévision, la maison mère du groupe M6 : Antoine de Tavernost s’est pris d’un intérêt particulier pour les Youtubers, son père aussi. Et plus si affinités ? Une affaire de famille…

Etre pistonné n’est pas le genre de la maison. Antoine de Tavernost (photo de droite) ne travaille donc pas chez M6 que préside son père depuis 15 ans cette année. A 31 ans, il poursuit ses activités professionnelles dans l’organisation d’événements, via l’agence conseil en communication événementielle Live! by GL Events, en tant que responsable du développement, après avoir été durant
plus de deux ans directeur de clientèle auprès des agences du groupe Publicis pour les sites web en régie chez Lagardère Publicité (1).

M6 constitue son réseau multi-chaînes
A part sur le terrain du football, pour lequel le père – propriétaire des Girondins de Bordeaux – et le fils – actionnaire du réseau social de fans Youfoot – se retrouvent déjà, il est un autre domaine où Antoine et Nicolas se rejoignent : les chaînes sur YouTube. En effet, Antoine de Tavernost a été l’un des organisateurs à Paris du salon-festival Video City, qui réunissait pour la première fois en France (les 7 et 8 novembre derniers) la communauté des Youtubeurs des chaînes de toutes catégories (humour, beauté, gaming, musique, cooking, sport, chroniques, éduction, …).
Les fans et les abonnés – la plupart des adolescents et les jeunes adultes – ont pu tenter de voir en chair et en os leurs vedettes et célébrités du Web : Cyprien, Norman, Squeezie, Natoo, EnjoyPhoenix, Bapt et Gael, Seb La Frite, Tibo InShape, … Les plus chanceux ont pu obtenir d’eux une dédicace ou mieux, un selfie en souvenir. Les visiteurs sont aussi parti à la découverte de Youtubers de talent moins connus : Akim Omiri, Eleonor Coste, Monsieur Fun ou encore Nad Rich’ Hard dans la catégorie « humour », Nota Bene, Dr Nozman ou TeaTime dans la catégorie « éducation », Rose Carpet, Style Tonic ou Chakeup dans « beauté », CodJordan, Furious Jumper, Vinsky ou encore Zerator côté « jeux », Tibo InShape, Rudy Coia ou encore Jean Onche le Musclay dans « sports ». Bref, dans les chaînes YouTube, il y en a pour tous les goûts ! Alors que la plupart des adultes ne s’intéressent nullement à ces chaînes de vidéos courtes sur Internet très prisées des 15-25 ans, Antoine de Tavernost a la chance, lui, d’avoir un père qui s’y intéresse de très près. Ce premier rendez- vous festif était ainsi co-organisé par non seulement Live! by GL Events (Antoine de Tavernost), mais aussi par M6 Digital Talents (Nicolas Capuron), ainsi que par ailleurs par Studio Bagel du groupe Canal+ (Lorenzo Benedetti) et l’éditeur et régie web Mixicom (Thierry Boyer). Les quatre coorganisateurs se sont inspirés d’événements similaires tels que VidCon aux Etats-Unis, Video Days en Allemagne ou encore Summer In The City en Angleterre.
Le groupe M6 de Nicolas de Tavernost s’est quant à lui lancé à la conquête de chaînes YouTube pour constituer un réseau multi-chaînes de type Multi Channel Networks (MCN). En 2014, une nouvelle entité a été créée au sein de M6 Web et dédiée à la création de courtes vidéos : M6 Digital Studio, qui regroupe les marques de chaînes
en ligne telles que Minute Facile, Golden Moustache, Rose Carpet ou encore Cover Garden. Il s’agit de mettre en place des « MCN M6 » à fort potentiel d’audience dans les thématiques de l’humour et du style de vie (lifestyle), entre autres. La chaîne d’humour Golden Moustache, dont M6 avait pris le contrôle à 75% pour 500.000 euros en 2012, compte plus de 2 millions d’abonnés gratuits sur YouTube et totalise plus de 340 millions de vues depuis ses débuts. Elle est présente aussi sur Dailymotion depuis le début de l’année, mais les abonnés bien moins nombreux : à peine plus de 1.400, pour 2 millions de vue. Minute Facile se revendique comme étant « le premier site de vidéos pratiques » dans nombre de domaines : cuisine, déco, brico, jardinage, beauté, mode, high-tech, finance, psycho-sexo, … La chaîne Rose Carpet, elle, est présente
sur YouTube, mais aussi via un blog et les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter, …). Quant à la chaîne Cover Garden, lancée il y a un an maintenant, elle est musicale et artistique, avec un écosystème étendu aussi aux réseaux sociaux pour séduire les annonceurs publicitaires.

Course à l’audience massive
Car derrière cette course aux audiences massives, c’est bien la conquête des recettes publicitaires qui motive M6, mais aussi Canal+ (Studio Bagel, CanalFactory), RTL Group (BroadbandTV, StyleHaul), Webedia du groupe Fimalac (Melberries, Mixicom) Disney (Maker Studios) ou encore Rightster (Base79). « Les chaînes de télévision [classiques, comprenez “la télévision de papa” (Nicolas ?), ndlr] essaient de comprendre ce phénomène avec plus ou moins de succès », a estimé Antoine de Tavernost (2). YouTube en France compte déjà plus de 300.000 chaînes, dont seulement une cinquantaine dépassent 1 million d’abonnés. @

Charles de Laubier

Les droits d’auteur dans le monde en 2015 vont franchir la barre des 8 milliards d’euros

Lorsque la puissante Cisac, qui réunit 230 sociétés de gestion collective dans le monde (musique, audiovisuel, livre, …), publiera l’an prochain les perceptions de cette année 2015, elle fêtera ses 90 ans et 8 milliards d’euros de droits perçus – les revenus numériques se rapprochant de 1 milliard.

Selon les estimations de Edition Multimédi@, les revenus numériques des droits d’auteur dans le monde devrait durant cette année 2015 s’approcher encore plus près de 1 milliard d’euros sur le total des perceptions qui franchira, lui, la barre des 8 milliards d’euros. Comme la croissance des revenus du numériques perçus par les 230 sociétés de gestion collective – telles que, pour la France, la Sacem, la SACD, la Scam, ou encore la SGDL – se situe entre 20 % et 30 % par an, il y a fort à parier que les revenus numériques mondiaux des droits d’auteurs des industries culturelles devraient atteindre cette année entre 620 et 670 millions d’euros, contre les 515,7 millions perçus au titre de l’année 2014 (+ 20,2 % sur un an).

Numérique : 620 à 670 M€ en 2015
A ce rythme, toujours selon nos calculs et en prenant l’hypothèse haute de croissance, la barre du milliard d’euros devait être franchie au cours de l’année 2017. Sans attendre ce franchissement qui sera historique pour les industries culturelles, lesquelles s’estiment pourtant malmenées par la déferlante numérique, la Confédération internationale des droits d’auteurs et compositeurs (Cisac) se félicite déjà des nouvelles performances du numérique – à commencer par son président depuis 2013, le compositeur et musicien électronique, Jean-Michel Jarre (photo) : « Les revenus liés aux utilisations numériques ont progressé. (…) Nous, les créateurs, soutenons nos sociétés qui s’adaptent progressivement aux nouvelles conditions du marché afin d’augmenter encore davantage leurs perceptions en dépit des forces commerciales colossales qui font baisser la valeur de nos œuvres créatives », écrit-il dans son avant-propos du rapport annuel sur les droits perçus dans le monde, publié le 27 octobre dernier. Le compositeur et producteur, qui a sorti en octobre son dix-huitième album
(« Electronica 1 : The Time Machine ») commercialisé par Columbia/Sony Music et notamment sur iTunes d’Apple, Amazon et Spotify, fait allusion implicitement aux plateformes numériques et au streaming qui – selon les ayants droit – les rémunèreraient insuffisamment. « Si les politiques privilégient trop les bénéfices
des grands acteurs d’Internet et du secteur des télécoms, les créateurs – moteurs essentiels de l’innovation et de la croissance économique – devront embrasser une autre profession et nous y perdrons tous », avait déjà écrit Jean-Michel Jarre en introduction introduction du rapport d’activité 2015 de la Cisac, à l’occasion de son assemblée général annuelle de juin dernier. Les 515,7 millions d’euros collectés durant l’année 2014 grâce au « numérique & multimédia » (selon la terminologie de la Cisac) représentent tout de même déjà 6,5 % du total des sommes perçues (7,935 milliards d’euros précisément). Et pour Eric Baptiste, qui est, lui, président du conseil d’administration de la confédération et directeur de la Socan (la Sacem canadienne),
le meilleur est à venir grâce au streaming : « Nous avons peut-être atteint, pour la première fois, le point de basculement en termes de hausse des revenus ».
Si cette collecte est censée représenter les droits numériques de 4 millions de créateurs, elle ne concerne encore en réalité que la musique à 99 % (voir tableau p. 10) – le 1% restant étant réparti entre les auteurs de films, de livres, de peintures, de poèmes ou d’illustrations. Non pas que ces autres auteurs ne voient rien venir de la gestion collective de leurs droits numériques, mais parce que ces droits ne sont pas distinctement identifiés dans les données fournies par les sociétés membres de la Cisac. Résultat : la part des perceptions issues du numérique peut dès lors à ce titre être considérée comme sous-estimée par la confédération (1). La Cisac, qui fêtera l’an prochain ses 90 ans (pour avoir été créée en 1926), est installée en France à Neuilly-sur-Seine, à côté de la Sacem qui en est membre.

« Compensation » : taxer les GAFA
Membre de la Cisac, la Sacem prône – dans le cadre de la révision de la directive européenne «DADVSI » sur le droit d’auteur – une « compensation équitable » au profit des titulaires de droit, « laquelle serait supportée par certains intermédiaires techniques de l’Internet » (2).
Pour les sociétés de gestion collective, qui en assureraient la gestion, cette taxe prélevée sur les plateformes du Web (YouTube, Dailymotion, Facebook, Yahoo, …), serait justifiée pour compenser ce qu’elles estiment être « le préjudice subi par les ayants droit » en raison du statut d’hébergeur à responsabilité limité (3) de ces acteurs du Net par rapport au piratage sur Internet. « Les créateurs n’ont rien contre les nouvelles technologies », avait cependant lancé le pionnier de la musique électronique, lors de l’assemblée générale de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (Ompi) en septembre 2014. @

Charles de Laubier

Comment la presse se fait progressivement « uberiser » par les géants du Net

L’avenir de la presse passe de plus en plus par Facebook, Google ou Apple, lesquels deviennent petit à petit des groupes de médias d’information. Les journaux traditionnels deviennent finalement leurs fournisseurs d’articles, via des partenariats qui leur garantissent trafic en ligne et publicités.

Les journaux traditionnels, qui sont depuis longtemps vendus à la découpe sur les
sites web et les applications mobile, apparaissent finalement comme des fournisseurs d’articles au profit de ces acteurs du Net. Le marché de l’information a déplacé son centre de gravité des quotidiens et magazines imprimés vers les plateformes de contenus et les réseaux sociaux.

Les GAFA vampirisent la presse
Dernière initiative en date en direction de la presse, Google a annoncé le 7 octobre dernier une nouvelle solution open source appelée AMP (Accelerated Mobile Pages) pour rendre accessible plus rapidement les actualités de journaux partenaires – tels que le Financial Times, le Wall Street Journal, La Stampa ou encore Les Echos (1) – sur les smartphones et les tablettes. « Sur les terminaux mobile, l’expérience des lecteurs peut souvent laisser beaucoup à désirer. Chaque fois qu’une page web prend trop de temps à se charger, l’éditeur perd un lecteur et l’occasion de gagner de l’argent à travers la publicité ou des abonnements », a expliqué David Besbris (photo), viceprésident ingénierie chez Google à San Francisco. Avec cet accélérateur de news, les articles avec vidéos, graphiques ou animations s’afficheront désormais instantanément. Google News devrait l’intégrer. Certains se demandent si le moteur de recherche n’a pas aussi des velléités d’être le nouvel « Editor-in-Chief » de la presse en ligne (2). Cette initiative de Google est en tout cas une première réponse au lancement par Facebook en mai dernier de la fonction Instant Articles (3), qui va faire ses premiers pas en France, ainsi qu’à l’application News d’Apple lancée mi-septembre sur son nouveau système d’exploitation iOS9. La solution d’articles instantanés du numéro un des réseaux sociaux a été lancée en partenariat avec neuf premiers éditeurs comme
le New York Times, The Guardian, BBC News, Spiegel et Bild, ou encore National Geographic. Instant Articles se veut aussi rapide en affichage, grâce aux formats web HTML et aux fils RSS. Et selon The Awl du 13 octobre, Facebook prépare une application, Notify, pour l’envoi d’alertes d’actualité. Certains éditeurs s’inquiètent là aussi déjà du risque de perte de contrôle sur leurs productions journalistiques et de leur monétisation et de l’absence de transparence sur le traitement algorithmique de leurs informations.

Les articles proposés aux utilisateurs ne seraient que ceux en rapport avec leurs centres d’intérêts ou ceux échangés uniquement entre « amis », réduisant du coup leur champ de connaissances et de découverte. D’après une étude récente du Pew Research Center, près de 30 % des Américains s’informent déjà en utilisant Facebook. Une autre étude, du cabinet Parse.ly cette fois, indique que 40 % des visites de sites web d’information proviennent de Facebook, tandis que Google fournirait 38 % des visites. Apple n’est pas en reste avec News, qui donne accès à une cinquantaine de titres de presse : du New York Times à Vanity Fair. Les trois géants du Net misent sur l’instantanéité de l’actualité en accélérant la vitesse d’affichages des news, en quelques millisecondes au lieu de plusieur secondes constatées sur les applications mobiles.
Ces temps de latence pénaliseraient non seulement la presse en ligne mais aussi les réseaux sociaux. Twitter, Pinterest, WordPress ou encore LinkedIn envisagent d’intégrer des pages au format AMP HTML, comme le fait Google News. Dans cette course pour capter l’attention des mobinautes devenus majoritaires (4) dans l’accès à l’information, les médias doivent-ils pour autant s’asservir auprès des grandes plateformes numériques au risque d’y perdre leur âme et les journalistes leur moral (5)? L’enjeu est de taille, au moment où les ventes des journaux imprimés continuent de s’éroder et les recettes publicitaires « papier » poursuivent à la baisse. Le trafic sur mobile devient le nouveau relais de croissance primordial pour la diffusion de l’information. Si Google, Facebook ou Apple garantissent aux éditeurs partenaires
de pouvoir conserver la totalité des recettes publicitaires que ces derniers auraient obtenues eux-mêmes, ces géants du Net y voient aussi un moyen de leur proposer d’être leur régie publicitaire – moyennant 30 % de commission.

Publicité et vente d’articles en question
Reste à savoir quel sera l’impact de ces nouveaux services instantanés d’actualité financés par la publicité en ligne sur la vente de journaux, au numéro, à l’article ou à l’abonnement. Les journaux traditionnels semblent condamnés à s’« adosser » aux GAFA pour aller chercher les (jeunes) internautes et mobinautes qui fréquentent de moins en moins les kiosques « papier ». C’est aussi le seul moyen pour ne pas être
« uberisés » par des pure players de l’actualité en ligne. @

Charles de Laubier

Les majors de la musique dénoncent plus que jamais le « transfert de valeur » du streaming gratuit

Les trois majors de la musique – Universal Music, Sony Music et Warner Music
– se félicitent de la croissance du streaming par abonnement mais continuent
de dénoncer un « transfert de valeur » vers le streaming gratuit, au profit de YouTube notamment. En attendant le rapport Schwartz…

Alors qu’il s’est entretenu le 7 septembre avec Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, Marc Schwartz nous confirme qu’il rendra bien le 30 septembre son rapport final sur le partage de la valeur dans la musique en ligne. Le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) espère, lui, qu’il sera entendu. Son directeur général, Guillaume Leblanc (photo), a encore rappelé – dans l’édito du rapport annuel sur la production musicale publié fin juin – que « la correction du transfert de valeur est plus que jamais nécessaire pour faire en sorte que quelques grands acteurs puissent rémunérer justement la création et cessent enfin de se considérer comme de simples hébergeurs ».

Haro sur les « hébergeurs » de type YouTube
Il en veut pour preuve la différence entre les sommes versées aux ayants droits de la musique par des services en ligne, tels que Deezer et Spotify, et celles acquittées par certaines plateformes comme YouTube. Explication : les services d’abonnement streaming – avec 41 millions d’abonnés payants et plus de 100 millions d’utilisateurs actifs sur leurs offres gratuites au niveau mondial – ont versé plus de 1,6 milliard de dollars aux maisons de disques en 2014. En revanche, le revenu total des maisons de disques provenant des plateformes telles que YouTube, lequel revendique à lui seul plus de 1 milliard d’utilisateurs uniques mensuels, s’est élevé à 641 millions de dollars, soit moins de la moitié du chiffre d’affaires réalisé avec les services d’abonnements.
« Ce fossé est à l’origine du transfert de valeur », affirme le Snep qui présente cela comme « une anomalie à corriger ». Le streaming musical gratuit financé par la publicité, bien qu’en légère diminution de 2,6 % sur un an à 13,5 millions d’euros sur les sept premiers mois de l’année, est ainsi dans le collimateur des majors en raison de revenus beaucoup plus faibles. Alors que, d’après Médiamétrie, l’audience de YouTube continue de progresser en France pour atteindre 30,8 millions de visiteurs uniques (+ 4 % en juin). Le Snep s’est en tout cas félicité le 8 septembre dernier des « bonnes performances » du streaming sur le marché français de la musique. A fin juillet 2015, le marché du streaming – en progression de 42,7 % à 58,6 millions d’euros (sur les sept premiers mois de l’année) – réalise les deux tiers des revenus numériques et 28,2 % du marché global, lequel atteint sur cette période de sept mois 207,3 millions d’euros de chiffre d’affaires (1). Les revenus issus du streaming représentent désormais la moitié du chiffre d’affaires des ventes physiques en France.

Mais le syndicat qui représente notamment les intérêts des trois majors mondiales
du disque (Universal Music, Sony Music et Warner Music) regrette que « la forte croissance du streaming ne permet cependant pas encore de compenser la baisse des ventes de supports physiques (-18 %) et celle des ventes en téléchargement (-15 %), l’ensemble du marché étant en baisse de 6,2%». Le lancement d’Apple Music, la version streaming d’iTunes jusqu’alors limité au téléchargement, devrait accélérer la croissance de la musique en ligne. Reste à savoir si le « fossé » que dénonce le Snep continuera ou pas de se creusera avec la marque à la pomme. La médiation de Marc Schwartz menée depuis le mois de mai devrait tenter de clarifier le partage de la valeur entre les producteurs de musique et les plateformes numériques (2). S’il n’y avait pas d’accord interprofessionnel à l’issue de cette médiation fin septembre, notamment sur l’instauration d’une gestion collective des droits numériques, la ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, a déjà prévenu qu’elle en passerait par la loi « Liberté de création, architecture et patrimoine ». Quoi qu’il en soit, les majors de la musique misent plus sur les abonnements, qui représentent à ce stade un peu plus de 75 % des revenus du streaming et plus de la moitié des revenus numériques (voir graphique ci-dessous). « La part des abonnements au sein du chiffre d’affaires a donc doublé en un an », s’est félicité le Snep. @

Charles de Laubier