« BBC à la française » : le candidat Macron en a rêvée ; le président de la République va-t-il le faire ?

« Nous rapprochons les sociétés audiovisuelles publiques pour une plus grande efficacité et une meilleure adéquation entre le périmètre des chaînes et leurs missions de service public », avait promis le candidat Emmanuel Macron. Maintenant qu’il est chef de l’Etat, sa promesse est pour l’instant sans lendemain.

« Il est beaucoup question de “BBC à la française” – expression qui semble toujours plus chic que
“RAI à la française” ou “RTVE à la française”, pour ne prendre des exemples que dans des démocraties. Je vais être très clair : c’est pour moi exactement le chemin qu’il ne faut pas prendre », avait lancé Mathieu Gallet (photo de gauche), PDG de Radio France, en pleine torpeur de l’été, le 26 juillet dernier devant la commission des Affaires culturelles et de l’Education de l’Assemblée nationale où il était auditionné.

Harmonisation des statuts : 40 M€ par an
Quant à Delphine Ernotte (photo de droite), président de France Télévisions, elle est moins catégorique que son homologue de Radio France mais néanmoins réservée sur la faisabilité d’une telle «BBC à la française» : « Réunir des entreprises publiques, cela suppose avant toute chose – avant même d’envisager la moindre réforme – de renégocier un accord collectif et harmoniser les différents statuts. (…) Mais cela prend beaucoup de temps – au moins trois ans. De plus, les synergies se traduisent d’abord par une hausse des coûts (1). (…) La fusion des entreprises audiovisuelles n’est donc pas une bonne méthode pour réduire les coûts… », avait-elle expliqué une semaine avant, le 19 juillet, devant la même commission de l’Assemblée nationale. De tout façon, selon elle, « une BBC à la française, c’est vrai que cela fait rêver : (…) cela fait envie. Malheureusement, nous avons un peu “loupé le coche”… Il aurait fallu s’y mettre plus tôt. (…) La nouvelle frontière : un Netflix à l’européenne plutôt qu’une BBC à la française ». Autant dire que les deux présidents de l’audiovisuel public ne sont pas très disposés – et c’est un euphémisme – à s’approprier la promesse du chef de l’Etat actionnaire de leur groupe audiovisuel public respectif.
Auditionné lui aussi devant la même commission le 25 juillet, interrogé par une députée sur le « rapprochement des sociétés audiovisuelles publiques » et la nomination de leurs dirigeants par les conseils d’administration, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), Olivier Schrameck, a botté en touche : « Je ne sais pas et n’ai pas à me prononcer sur ce sujet. J’attends la décision – si elle doit venir – du pouvoir politique. Nous l’appliquerons alors avec ponctualité et scrupule ». Alors que le projet de loi de Finances 2018 – examiné à l’Assemblée nationale en commission des Finances le 11 octobre et commission des affaires culturelles à partir du 24 octobre – entérine la baisse du budget global de l’audiovisuel public (2) décidé par le gouvernement sous la férule d’Emmanuel Macron, le rapprochement des sociétés audiovisuelles publiques n’est plus évoqué. La ministre de la Culture, Françoise Nyssen, parle désormais de « transformation » de l’audiovisuel public. Le 14 septembre dernier, lors de l’annonce de la révision à la baisse du budget global de l’audiovisuel public, elle a évoqué « les chantiers de transformation lancés par les groupes du service public audiovisuel » dont elle invite à « mutualiser les forces et les initiatives » dans le sillage de la chaîne d’info Franceinfo issue de la coopération entre France Télévisions, Radio France, France 24 et l’INA. A défaut de « BBC à la française »,
à laquelle ne croyait pas non plus Fleur Pellerin lorsqu’elle était rue de Valois, le contribuable français – dont le paiement de la redevance audiovisuelle finance l’audiovisuel public à hauteur de 3,6 milliards d’euros – peut s’attendre à d’autres synergies autours de nouvelles plateformes numériques : une sur l’information jeunesse pour les 15-30 ans, d’une part, et une sur la culture à partir de Culturebox et en partenariat avec Arte, d’autre part. « Ce que nous souhaitons faire, et que nous avons, me semble-t-il, réussi à faire au sein de Franceinfo, c’est d’éviter de doublonner les investissements. Nous devons exister dans le numérique ; c’est là que ça se passe, que tout le monde regarde l’information qui tombe », a expliqué Delphine Ernotte devant les députés cet été.
Quant au futur « Netflix à la française » qu’elle prévoyait de lancer cet automne en partenariat avec La RTBF et Radio Canada, il devrait être retardé au « début d’année 2018 ». C’est ce que la présidente de France Télévisions a indiqué le 31 août devant l’Association des journalistes médias (AJM).

« Un grand service public audiovisuel » (Hollande)
Mais un « Netflix à la française » ne mènera pas à une « BBC à la française ».
Le « grand service public audiovisuel », dont a rêvé François Hollande lorsqu’il était chef de l’Etat (3) et repris par son pseudo-dauphin Emmanuel Macron, verrat- il le jour ? A l’instar de la Grande-Bretagne, de la Belgique, de l’Italie, de la Suisse et de l’Espagne, avec respectivement une BBC, une RTBF, une RAI, une RTS ou encore une RTVE, la France pourrait avoir à l’avenir son « France Télévisions- Radios » (4). Dans un rapport daté du 1er avril 2016, la Cour des comptes évoquait la fusion entre la radio et la télévision publiques françaises. @

Charles de Laubier

Secrétaire d’Etat au Numérique : la « feuille de route » interministérielle et européenne de Mounir Mahjoubi

Septième ministre en charge du Numérique depuis la création de cette attribution gouvernementale il y aura dix ans en mars 2018, le secrétaire d’Etat Mounir Mahjoubi a pour la première fois déjeuné avec des journalistes pour parler en « off » de son action politique aussi bien nationale qu’européenne.

PAR Charles de Laubier

Ce fut, le 6 octobre dernier, le premier déjeuner de Mounir Mahjoubi (photo) avec des journalistes, en l’occurrence ceux de l’Association des journalistes économiques et financiers (Ajef). Une première pour lui, depuis qu’il a été nommé le 17 mai, « secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre, chargé du Numérique » (1). Mais pour cette tout première rencontre – présentée comme « une prise de contact » – avec des médias (dont faisait partie Edition Multimédi@), le plus jeune membre (33 ans) du gouvernement d’Emmanuel Macron a préféré jouer la prudence en imposant le « off », voire du triple off-the-record.
Autrement dit, les propos qu’ils aura tenus durant son tout premier repas journalistique devaient être tenus strictement confidentiels. Dommage ! D’autant que le secrétaire d’Etat au Numérique, en pleine forme et souriant ce jour-là comme à son habitude et malgré un agenda de ministre très chargé, fut disert voire prolixe sur ses dossiers qu’il semble connaître sur le bout des doigts.

Actions « tous azimuts », agenda surbooké
Mounir Mahjoubi a ainsi répondu aux questions des journalistes sur des sujets aussi variés que la cybersécurité, la transformation numérique de l’Etat, l’inclusion numérique, la numérisation des TPE et PME, le déploiement du haut et très haut débit, le financement de l’innovation, la diversité dans les start-up, ou encore la taxation des GAFA. Il faut dire que les nombreuses attributions qui lui ont été déléguées par le Premier ministre Edouard Philippe – dont il dépend directement – en font le seul ministre du gouvernement véritablement « interministériel ».
C’est aussi la seconde fois depuis la création de cette fonction de « secrétaire d’Etat au Numérique » au sein d’un gouvernement français – et cela fera dix ans en mars 2018 – que ce portefeuille ministériel dépend du Premier ministre et non pas de Bercy, c’est-à-dire sans être sous tutelle du ministère de l’Economie aux dénominations variables selon les époques. Si les deux premiers « secrétaires d’Etat au Numérique », Eric Besson (mars 2008-janvier 2009 (2)) et Nathalie Kosciusko-Morizet (janvier 2009-novembre 2010 (3)), l’ont été en effet successivement auprès du Premier ministre de l’époque, François Fillon, il n’en a pas été de même pour les quatre suivants. Ainsi, durant près de sept ans, Eric Besson (novembre 2010- mai 2012), Fleur Pellerin (mai 2012-mars 2014), Axelle Lemaire (avril 2014-février 2017) et Christophe Sirugue (février 2017-mai 2017) se retrouveront nommés secrétaires d’Etat placés sous la houlette de Bercy.

Actions « tous azimuts », agenda surbooké
Deux ministres de l’Economie accoleront même «Numérique» au libellé de leur portefeuille : Arnaud Montebourg en tant que «ministre de l’Economie, du Redressement productif et du Numérique » (avril 2014-août 2014) et… Emmanuel Macron en tant que « ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique » (août 2014-août 2016). Auparavant, avant mars 2008, il n’est pas encore question de
« Numérique » dans les attributions ministérielles mais seulement de « Technologies
de l’information » : François Fillon fut « ministre des Technologies de l’information et de la Poste » (mai 1995- novembre 1995), suivi de Claudie Haigneré « ministre déléguée
à la Recherche et aux Nouvelles technologies » (juin 2002- mars 2004). Entre ces deux ministres, les « Technologies de l’information » disparaissent même au profit des
« ministres de la Recherche et des Télécommunications ».
Puis, de 2004 à 2008 et à défaut de ne toujours pas avoir de ministre du Numérique en France pourtant déjà jugé nécessaire à l’époque (4), les « Technologies » réapparaissent au détour des « ministres de la Recherche et des Technologies ». C’est alors qu’une sorte d’anomalie gouvernementale va perdurer de 2008 à 2012 : malgré la nomination finalement du tout premier « secrétaire d’Etat chargé au Développement de l’économie numérique » en mars 2018, le décret des attributions du ministre de la Recherche, lui, n’est pas modifié pour autant. Résultat, durant la majeure partie du quinquennat de Nicolas Sarkozy, le gouvernement français aura eu à la fois un ministre de l’Economie numérique, un autre chargé des Nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) – à savoir le ministre de la Recherche qui « prépare »
la politique du gouvernement en la matière –, ainsi qu’un ministre chargé des Télécommunications et un autre de la Communication audiovisuelle !
Mais revenons à Mounir Mahjoubi, le septième ministre en charge du Numérique.
C’est à croire qu’il ne sait plus où donner de la tête tant son action interministérielle l’amène à parler avec tous ses collègues du gouvernement, les collectivités territoriales et les instances européennes. Par exemple, rien que sur la semaine du 9 au 13 octobre, son agenda officiel ne comptait pas moins d’une quinzaine d’entretiens avec des personnalités, allant de Fleur Pellerin, présidente du fonds d’investissement Korelya Capital, ancienne ministre de l’Economie numérique (5) et exministre exministre de la Culture et de la Communication, à Gilles Babinet, Digital Champion de la France auprès de la Commission européenne, en passant par Thierry Delville, délégué aux industries de sécurité et à la lutte contre les cybermenaces au ministère de l’Intérieur, Yannick Bolloré, PDG du groupe Havas (tout juste racheté par Vivendi présidé par le père de ce dernier) ou encore Sébastien Crozier, président du syndicat CFE-CGC chez Orange. A ces entretiens menés au pas de charge sont venues s’ajouter une audition devant la Commission numérique de Régions de France, une rencontre administrations-entrepreneurs pour l’appel à candidature « Entrepreneur.e d’intérêt général » (6), un déplacement à Option Start-up auprès des collégiens et lycéens dans toute leur diversité (fin septembre, il s’est rendu à Start-up Banlieue), une intervention à l’événement Bpifrance Inno Génération, une visite de la plateforme d’innovation Le Cargo. En outre, il a participé à l’Elysée au conseil de Défense et dans la foulée à celui des Ministres, sans oublier de répondre aux inévitables questions au gouvernement à l’Assemblée nationale et au Sénat. S’il y a une semaine qui illustre au mieux la course effrénée contre la montre qu’a engagée depuis cinq moins maintenant l’ancien président du Conseil national du numérique (CNNum), ex-responsable numérique de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron et élu député (REM) de la seizième circonscription de Paris, c’est bien celle-ci ! Son action a aussi une portée européenne. Par exemple, la veille de son déjeuner avec l’Ajef, Mounir Mahjoubi recevait Mariya Gabriel, la commissaire européenne à l’Economie et à la Société numériques (7), pour parler de la réforme en cours du
« Paquet télécoms » visant à inciter les opérateurs de réseaux à plus investir dans la couverture du très haut débit fixe et mobile – quitte à inscrire des obligations lors du renouvellement prochain de leurs fréquences hertziennes. Il a aussi été question entre eux de développement des start-up, de numérisation de l’industrie et de l’administration, d’économie des données, de formation des jeunes au codage, ou encore de cybersécurité et de lutte contre les contenus illicites en ligne de propagande terroriste ou de discours haineux (lire p. 4).

Sa longue « feuille de route » aux cinq piliers
Devant les journalistes de l’Ajef, Mounir Mahjoubi a justifié ce qui pourrait être perçu comme une hyperactivité, comme il l’avait déjà fait devant des parlementaires : « Ma feuille de route comporte cinq piliers. Le premier pilier, que je qualifierai de numérique économique, vise à accélérer la croissance et l’innovation. Le deuxième, consacré au numérique public, consiste à réinventer la puissance publique. Le troisième, le numérique inclusif, entend faire du numérique une chance pour tous. Le quatrième répond aux enjeux de la confiance, de souveraineté et de sécurité. Le cinquième, enfin, concerne la diffusion du numérique sur l’ensemble du territoire ». Vaste programme. @

Charles de Laubier

Proposition franco-allemande dès septembre pour taxer « plus vite » les plateformes numériques

Emmanuel Macron compte tenir sa promesse sur la taxation fiscale des GAFA. Une proposition franco-allemande sera présentée le 15 septembre lors du conseil des ministres des Finances européen. A charge ensuite à la Commission européenne de présenter un texte d’ici décembre.

« C’est notre droit (…) d’exiger de la part (…) de toutes les plateformes du numérique une juste contribution au Trésor public français. Aujourd’hui, cette juste contribution n’existe pas. Ce sont des dizaines de millions d’euros de chiffres d’affaires réalisés par ces plateformes du numérique, et quelques dizaines de milliers d’euros qui sont perçus par
le Trésor public français. Avec le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, nous comptons mettre fin à cette situation inacceptable », a lancé le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire (photo), le 9 août dernier devant l’Assemblée nationale, en pleine questions au gouvernement.

« Au niveau européen, obtenir une taxation »
Selon lui, les initiatives, telles que celle prise par l’OCDE ou celle « qui dure depuis
des moins » au sein de l’Union européenne, « prennent trop de temps » – lorsque les négociations ne se sont pas enlisées – et « tout cela est trop compliqué ». Et le ministre de l’Economie d’annoncer : « Nous voulons aller plus vite et obtenir des résultats plus rapidement. Avec le Premier ministre [Edouard Philippe], avec le président de la République [Emmanuel Macron], nous prendrons donc une initiative au niveau européen pour obtenir une taxation de toutes les plateformes du numérique, de tous
les géants du numérique, qu’il s’agisse de Google, d’Amazon, de Facebook, … Chacun doit payer une juste contribution au Trésor public français au regard des activités qu’ils exercent en France ». Microsoft n’échappe pas à la règle puisque, selon L’Express, le fisc français lui réclamant 600 millions d’euros (1). Aussi, la France et l’Allemagne déposeront « une proposition franco-allemande » au prochain conseil des ministres des Finances européen le 15 septembre à Tallinn (2), capitale de l’Estonie, pays balte qui préside l’Union européenne (UE) pour six mois depuis le 1er juillet dernier. Il s’agira de « prendre comme base de référence le chiffre d’affaires de ces grands groupes, de fixer à partir de là un niveau de taxation et de faire en sorte que ces grands groupes payent ce qu’ils doivent payer aux Trésors publics des pays européens où ils font des bénéfices » (3). La proposition franco-allemande doit se transformer en « proposition
de la Commission européenne », qui devra être étudiée au niveau des chefs d’Etat, au conseil européen de décembre.

A noter que le 29 septembre prochain, la présidence estonienne du Conseil de l’UE organisera, en coopération avec le Conseil européen et la Commission européenne,
« le Sommet numérique de Tallinn », qui réunira les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE. « L’impôt est acceptable s’il est juste. L’impôt est acceptable s’il est stable. L’impôt est acceptable quand chacun sait que personne ne peut échapper aux règles qui s’imposent à tous », a conclu Bruno Le Maire.
En fait, le ministre de l’Economie était pressé par les députés de s’exprimer sur cette question épineuse de la fiscalité des géants du Net. Et ce, alors que Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, à la Fiscalité et à l’Union douanière, s’était exprimé la veille sur la radio RTL sur cette question au lendemain de la publication par Le Parisien d’un article consacré à la plateforme de location temporaire Airbnb qui aurait payé seulement 92.944 d’euros d’impôt en France pour l’année 2016. « Ce n’est pas normal ; c’est choquant », a alors réagi Pierre Moscovici. D’autant plus que cette société californienne – basée en Irlande pour ses activités en Europe – compte la France comme second marché après les Etats-Unis.
Si le commissaire européen est favorable à « une assiette commune » entre les différents pays européens, il s’est en revanche dit opposé à l’harmonisation en Europe du taux de l’impôt sur les sociétés, la France étant à 33 % et l’Irlande à 12,5 %.
« Quand vous travaillez en France, c’est le cas d’Airbnb, vous payez vos impôts en France avec le taux français », a-t-il estimé. Le même jour, au micro de RMC cette fois, la députée Clémentine Autain (La France insoumise) a aussi réagi à cette question de l’optimisation fiscale des plateformes numériques : « L’évasion fiscale, qui coûte à notre pays entre 60 et 80 milliards d’euros de manque à gagner pour le budget de l’Etat est un pur scandale ».

La cas emblématique de Google
Et Clémentine Autain d’insister : « Il faut modifier la loi pour que ce type d’arrangement avec le système fiscal international ne puisse pas avoir lieu. A l’échelle européenne évidemment qu’il faut une harmonisation fiscale (…). C’est un sujet français et international de souveraineté, de justice fiscale et sociale. Nous attendons du sonnant et du trébuchant en termes de modification législative et de bataille à l’échelle européenne et internationale pour que ce type de pratique ne puisse plus avoir lieu ». Basé également en Irlande, Google a défrayé la chronique cet été lorsque le tribunal administratif de Paris a annulé le 12 juillet dernier – via cinq jugements (4) – le redressement fiscal de 1,115 milliard d’euros (5) que lui avait infligé par le fisc français sur la période 2005-2010. L’Etat français a décidé de faire appel de ce jugement ; il a deux mois depuis cette date pour le faire.
Alors candidat à l’élection présidentielle, Emmanuel Macron avait fait de l’imposition des GAFA une promesse de campagne : « Nous nous battrons, au niveau européen, pour une taxe sur le chiffre d’affaires réalisé dans nos pays pour des prestations de service électronique. Cela éliminera ainsi les montages consistant à rapatrier les profits dans des paradis fiscaux ». Il a donc promis de « rétablir une concurrence équitable avec les grands acteurs numériques pour qu’ils payent leurs impôts comme tous les autres acteurs économiques » (6).

Enquête du parquet national financier
Le 31 juillet dernier, Mounir Mahjoubi, le secrétaire d’Etat au Numérique, avait répondu aux questions de RMC et de BFMTV sur l’optimisation fiscale des géants du Net en général et de Google en particulier : « Il faut qu’ils en paient davantage (d’impôts), parce que les consommateurs citoyens le veulent. Les Français adorent utiliser leurs services. Par contre, ils se demandent tous comment (…) c’est possible que ces boîtes-là fassent autant d’argent sans payer un impôt légitime dans le pays où elles génèrent ces revenus. (…) Aujourd’hui, le droit européen et le droit français ne permettent pas de les taxer”, car “ce sont de nouveaux opérateurs qui transforment le modèle même d’une entreprise internationale avec des flux qui passent sous notre radar, qu’on ne voit pas. Mais tout cela est très légal. On ne dit pas que ces boîtes font des choses illégales, on dit que ce n’est pas moralement acceptable. Donc, ce n’est pas acceptable pour les Français que ces boîtes continuent de faire ça ». Le bras de fer entre l’Etat français et la firme de Mountain View va se poursuivre devant la Cour d’appel de Paris, tandis qu’une enquête du parquet national financier (PNF) – chargé de lutter ensemble contre la fraude et l’évasion fiscales – est parallèlement en cours depuis mi-2015 sur Google soupçonné de « fraude fiscale aggravée » et « blanchiment en bande organisée de fraude fiscale aggravée ». Le gouvernement avait annoncé le 25 juillet qu’« une transaction » était encore possible avec Google, plutôt que de s’éterniser dans une procédure judiciaire qui semble incertain pour l’Etat et qui retarderait d’autant le recouvrement de l’impôt. « Il vaut mieux un bon accord qu’un mauvais procès », avait rappelé Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics. Contrairement au Royaume-Uni et à l’Italie, où les fiscs respectifs ont trouvé un accord avec Google qui a accepté de verser des centaines de millions d’euros pour écarter la menace d’être traîné devant la justice (voir encadré ci-dessous), la France a préféré aller jusqu’au bout. Même si le numéro un des moteurs de recherche et éditeur du système mobile Android a des chances de gagner à nouveau en appel, puisque ses pratiques d’optimisation fiscale en Europe n’ont a priori rien d’illégales, il pourrait en effet être tenter de trouver un accord à l’amiable avec le fisc français dans le but de ménager
son image auprès des internautes.
Quelque part, le géant du Net sait sans doute qu’il a juridiquement raison vis-à-vis du fisc mais moralement tort aux yeux du grand public. « Si Google est prêt à entrer dans une démarche sincère auprès du gouvernement français pour régulariser sa situation dans le cadre d’un accord transactionnel intelligent pour l’entreprise mais aussi pour les deniers publics, notre porte est ouverte », avait dit Gérald Darmanin, dans Les Echos du 24 juillet. Le ministre de l’Action et des Comptes publics avait parlé en juin dernier d’« une activité occulte » de Google en matière fiscale. Bercy estime que la multinationale a déclaré en Irlande – via Google Ireland Limited (GIL) – des prestations publicitaires pourtant réalisées en France, échappant ainsi indûment pendant cinq ans à l’impôt sur les sociétés (IS) et à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Or, selon le jugement du 12 juillet, le géant du Net n’a pas d’« établissement stable » en France, ni de « structure apte à réaliser des prestations de manière autonome ». @

Charles de Laubier

L’échec des négociations sur la chronologie des médias démontre l’inertie du cinéma français

La énième évolution de la chronologie des médias – que le CNC a proposée le
28 avril lors d’une réunion de la dernière chance – a suscité plus de méfiance
des parties prenantes que d’adhésion. Le cinéma en France reste figé sur les règles obsolètes de 2009 toujours en vigueur.

Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), présidé par Frédérique Bredin (photo), n’a pas réussi à mettre toute la filière du 7e Art français d’accord sur une nouvelle chronologie des médias, malgré sa énième proposition datée
du 24 avril – que Edition Multimédi@ s’est procurée (1) – et débattue lors de la dernière réunion de négociations le 28 avril. L’espoir d’annoncer de nouvelles fenêtres de diffusion des nouveaux films durant le 70e Festival de Cannes, qui se tient
du 17 au 28 mai, s’est évanoui en raison des dissensions professionnelles persistantes et irréconciliables.

Quid de la dérogation à trois mois ?
Cette réunion du 28 avril fut celle de la dernière chance, après plus de deux ans
de négociations où le statu quo se l’ait disputé au dialogue de sourds. Malgré des ajustements proposés dans les propositions du CNC d’avril par rapport à celles de février, que nous nous étions aussi procurées (2), aucun consensus ne s’est dégagé. Les grands gagnants de cet échec sont la puissante Fédération nationale des cinémas français (FNCF), laquelle représente les quelque 2.000 établissements exploitant en France plus de 5.700 écrans de cinéma, ainsi que la non moins influente Fédération nationale des distributeurs de film (FNDF) où l’on retrouve de grands groupes à fois exploitants et distributeurs tels que Gaumont-Pathé, UGC ou encore MK2. Les deux fédérations, présidées respectivement par Richard Patry et Victor Hadida, ont défendu becs et ongles jusqu’au bout la sanctuarisation de la salle de cinéma qui bénéficie
d’un monopole de diffusion des nouveaux films durant les quatre premiers mois de
leur sortie.
Depuis l’accord de juillet 2009, qui du coup reste en vigueur en raison de l’échec des négociations, les salles obscures gardent leurs quatre mois d’exclusivité et par la même la primeur des nouveaux films. Il y a bien depuis près de huit ans une possibilité de dérogation à trois mois pour la vidéo à la demande (VOD) à l’acte et le DVD telle que prévue par un décret du 22 avril 2010 pour les films enregistrant moins de 200 entrées au cours de leur quatrième semaine, mais – comme l’a encore souligné le  28 avril l’Union des producteurs de cinéma (UPC) – « le champ et la complexité ont  fait qu[e cette dérogation] n’a jamais été mise en oeuvre ». En moyenne, il y a concentration des entrées sur la 1ère semaine : les films font en moyenne plus de 80 % du total de leurs entrées sur les 4 premières semaines, sur fond d’accélération du taux de rotation des films en salles. Résultat, de nombreux films – sur les quelque 700 qui sortent chaque année en France – sont quasiment mortnés. Comme le montre une enquête de l’auteur paru dans Le Monde : « La moitié des quelque 320 films français produits en 2015 ont fait moins de 20.000 entrées en salle, soit 50 % de plus qu’il y a dix ans. Et cinquante ont été vus par moins de 1.000 spectateurs » (3). Dans ses propositions de février,
le CNC prévoyait d’abandonner la dérogation à trois mois et de mettre la VOD en téléchargement définitif – dite EST (4) – à trois mois par rapport à la VOD à l’acte
(dite locative) qui restait, elle, à quatre mois. La raison est simple : un film se vend plus cher en EST (environ 20 euros) qu’en VOD (3 à 10 euros), le premier usage numérique rapportant plus aux ayants droits que le second usage.
Mais dans ses nouvelles propositions de fin avril, le CNC est contrainte de rectifier le
tir et réinstaure la dérogation à trois mois dont le seuil de déclenchement est relevé, à savoir une « exception à trois mois pour les films ayant réalisé moins de 20.000 entrées cumulées en salle à l’issue de la quatrième semaine ou moins de 1.000 entrées sur cette quatrième semaine ». Et dans cette ultime mouture d’avril, la VOD dite EST n’est plus proposée à trois mois mais à trois mois et demi (de même que le DVD), tandis que la VOD dite locative n’est plus à quatre mois mais repoussée à quatre mois et demi. Seule mesure qui semble faire l’unanimité : le dégel de la VOD sur toutes les fenêtres de diffusion suivantes. Cela veut dire que les plateformes de VOD et/ou de EST n’auraient plus eu à déprogrammer des films lorsque la chaîne payante – Canal+ en tête – les diffuse. Après s’y être opposée par le passé sous l’ère « Rodolphe Belmer », la chaîne cryptée de Vivendi avait finalement consenti au dégel sous la direction de Maxime Saada en contrepartie d’une avancée de la fenêtre de Canal+ à six mois au lieu de ses dix actuels (5). Finalement, rien ne bouge.

Neflix reste à trente-six mois
Quant à la vidéo à la demande par abonnement (SVOD), telle que la plateforme de Netflix qui joue les trouble-fête à Cannes (6), elle reste reléguée à trente-six mois
faute de nouvel accord. Dans ses propositions de février, le CNC proposait de diminuer ce délai à trente-quatre mois, voire à vingt-huit mois en cas de contribution financière
à la production des films concernés – autrement dit un « alignement de la SVOD vertueuse sur les services de télévision », étant entendu que « la notion de SVOD vertueuse est à définir : elle doit prendre en compte des critères du décret SMAd [du
12 novembre 2010, ndlr (7)] voire d’autres éléments ». Dans ses nouvelles propositions d’avril, le CNC ne parle plus de passer à trente-quatre mois et repart des trente-six mois actuellement en vigueur en mettant en place une incitation des services de SVOD à contribuer à la production des films.

La « SVOD vertueuse » attendra
Ainsi, s’il avait eu accord le 28 avril, la « SVOD vertueuse » aurait pu « par exception » et « accord avec la profession » voir sa fenêtre ramenée à vingt-quatre mois, voire
à dix-huit mois (dans tous les cas en l’absence d’achat ou pré-achat de première et deuxième fenêtre payantes). « Les accords professionnels entre les diffuseurs et la profession sont la forme privilégiée pour marquer l’engagement du diffuseur à contribuer à la production, dans le domaine de la télévision payante et gratuite. Etendre cet instrument à la SVOD permet d’accompagner l’intégration de ces services dans
le système français de financement de la création. Un tel accord pourrait notamment reprendre, sous forme d’engagements, les obligations prévues par le décret SMAd »,
a précisé le CNC dans sa dernière mouture. Le décret SMAd de 2010 prévoit en effet des obligations pour les services de SVOD établis en France : outre la promotion substantielle des films français et européens sur la page d’accueil du service, l’investissement – à partir de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires (hors taxes mondial) – dans la production d’œuvres françaises et européennes.
L’article 4 de ce décret SMAd prévoit en effet que « les services par abonnement consacrent chaque année une part de leur chiffre d’affaires annuel net de l’exercice précédent à des dépenses contribuant au développement de la production d’oeuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes, d’une part, et d’expression originale française, d’autre part, respectivement au moins égale à : (…) 26 % et 22 % lorsqu’ils proposent annuellement au moins 10 oeuvres cinématographiques de longue durée dans un délai inférieur à vingt-deux mois après leur sortie en salles en France ; (…) 21 % et 17 % lorsqu’ils proposent annuellement au moins 10 oeuvres cinématographiques de longue durée dans un délai inférieur à trente-six mois et égal
ou supérieur à vingt-deux mois après leur sortie en salles en France ; (…) 15 % et 12 % dans les autres cas ». Et à partir de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, au moins 25 % de ces investissements doivent être réalisés en préfinancement, dont 75 % en production indépendante. Dernière roue du carrosse « chronologie des médias », la VOD gratuite – éventuellement sur des plateformes vidéo telles que YouTube ou Dailymotion – reste à quarante-huit mois, délai qui aurait pu être ramené à trente mois « en l’absence d’achat ou préachat par une chaîne » ou même à vingt-quatre mois « en l’absence d’achat ou préachat par une chaîne et par un service de SVOD ». Faute d’accord le 28 avril, il n’en sera rien. Entre la VOD/EST et la SVOD/VOD gratuite, il y a toutes les fenêtres de diffusion des chaînes de télévision payantes ou gratuites. Canal+ avait proposé, lors de 26e Rencontres cinématographiques de Dijon (RCD) d’octobre dernier, de ramener sa fenêtre de dix à six mois. Ce à quoi le CNC a proposé un système complexe de « fenêtres coulissantes » – avec l’abandon de « fenêtres glissantes » – en guise de chronologie modulable en fonction des niveaux d’investissements des chaînes dans les œuvres cinématographiques.
Mais, selon nos informations, lors de la réunion du CNC le 15 février dernier, « il n’y a pas eu de soutien sur le fond car c’est un mécanisme trop compliqué ». L’objectif était, selon le CNC, de créer « un jeu de un à trois mois maximum », en avançant la fenêtre en fonction du préfinancement (coproduction et préachat) apporté par le diffuseur de film. Ainsi, précise la proposition de février, « les services TV payants de cinéma de première diffusion sous accord pourraient avancer jusqu’à six mois, réduisant la
fenêtre d’exclusivité de l’EST/VOD à l’acte au maximum à trois mois » ; « les principales chaînes en clair peuvent avancer jusqu’à dix-sept mois, réduisant la fenêtre d’exclusivité de la première TV payante au maximum à neuf mois » ; « les autres services de TV et la SVOD peuvent avancer au maximum à vingt-cinq mois, réduisant la fenêtre d’exclusivité des principales chaînes en clair au maximum à cinq mois ».

Des « fenêtres coulissantes » compliquées
Dans la nouvelle proposition d’avril, le CNC a affiné les modalités de ses fenêtres coulissantes : pour la première fenêtre de télévision payante de type Canal+ ou OCS (dix mois, sinon huit mois en cas d’accord avec les organisations professionnelles, délai qui peut être réduit de un à deux mois supplémentaires selon l’investissement de la chaîne payante dans le film – au maximum à six mois) ; pour la deuxième fenêtre de télévision payante (vingt-deux mois, sinon vingt mois en présence d’un accord avec
les organisations professionnelles), la première fenêtre payante disposant ainsi d’une fenêtre d’exclusivité de douze mois ; pour la télévision gratuite (vingt-six mois, sinon vingt mois ou quatorze mois en l’absence d’achat ou préachat par une chaîne payante de respectivement deuxième fenêtre et de première/deuxième fenêtre) ; pour les autres chaînes, notamment de la TNT (trente mois, sinon vingt mois en cas d’absence d’achat ou de préachat par une chaîne relevant d’une fenêtre précédente). Toutes ces fenêtres coulissantes ont finalement rajouté de la complexité à la mésentente générale. @

Charles de Laubier

Ce qui attend Isabelle de Silva, nouvelle présidente de l’Autorité de la concurrence

Fraîchement nommée à la tête de l’Autorité de la concurrence, par décret du président de la République daté du 14 octobre dernier, Isabelle de Silva (conseillère d’Etat) a prononcé le 8 novembre sa première décision (contre SFR). Mais le plus dure reste à venir, notamment dans l’audiovisuel et le numérique.

Sa toute première décision, rendue le 8 novembre, est une amende de 80 millions d’euros infligée à l’encontre du groupe Altice pour avoir brûlé les étapes – via sa filiale Numericable
à l’époque (1) – dans le rachat de SFR et de Virgin Mobile.
La successeure de Bruno Lasserre, Isabelle de Silva (photo),
a condamné le groupe de Patrick Drahi pour avoir accédé à
de nombreuses informations stratégiques sur ses deux cibles avant même d’avoir obtenu le feu vert de l’Autorité de la concurrence (2).

Canal+, OTT, Booking.com, …
Ce baptême du feu pour Isabelle de Silva n’est qu’une mise en jambes pour cette conseillère d’Etat qui va devoir affronter des dossiers autrement plus épineux. Certes, elle est membre du collège de l’Autorité de la concurrence depuis mars 2014 et a déjà eu à traiter de grosses affaires comme celle l’an dernier de la plateforme en ligne de réservation hôtelière Booking.com – laquelle a remis son rapport d’engagements qu’Isabelle de Silva doit examiner d’ici le 1er janvier 2017 lors d’une séance contradictoire. Mais cette fois, cette surdiplômée (Ena, Hec, Cems, licence de Philosophie), se retrouve propulsée au devant de la scène pour cinq ans de mandat.
Le premier vrai gros dossier qu’elle devra affronter est assurément celui de Canal+, dont les 33 restrictions imposées à la filiale de télévision payante du groupe Vivendi après la prise de contrôle de TPS et CanalSatellite en 2006 – il y a maintenant dix ans – arrivent à échéance l’an prochain, le 23 juillet 2017 précisément. L’Autorité de la concurrence, qui pourra prolonger ou pas ces mesures correctrices pour cinq ans supplémentaires à l’issue d’une nouvelle analyse, a déjà prévu de rendre sa décision
« au plus tard le 23 juin 2017 » à l’issue d’échanges contradictoires avec le groupe Canal+. Pour y voir plus clair, elle a mené de juillet à fin septembre une consultation publique « auprès des éditeurs de chaînes payantes et gratuites, et des nouveaux entrants comme Netflix voire Amazon en France, pour voir ce qui a changé » (3). Isabelle de Silva et les sages de la rue de l’Echelle s’interrogent d’ores et déjà sur
« l’impact concurrentiel de l’entrée de nouveaux acteurs de la télévision linéaire (comme SFR Sport) ou non linéaire (comme Netflix) », que cela soit sur les marchés
de l’acquisition de droits de diffusion que sur les marchés de distribution de services
de télévision payante. L’Autorité de la concurrence a déjà commencé à analyser « dans quelle mesure l’émergence de nouveaux usages, comme l’accès aux chaînes de télévision au moyen d’une simple connexion Internet (offres dites “Over-The-Top”) modifie le fonctionnement concurrentiel des marchés ». Parmi les mesures correctrices en vigueur depuis dix ans, Canal+ doit, par exemple : limiter à trois ans la durée des accords-cadre (output deals) conclus avec les majors américaines pour l’achat de droits de diffusion de films en TV payante ; acheter séparément auprès des majors les droits de diffusion pour la VOD et la SVOD, sur une base non exclusive et sans les coupler avec des achats de droits pour une diffusion linéaire de TV payante ; s’abstenir de demander à ce que sa plateforme VOD ou SVOD soit distribuée de manière exclusive sur les plateformes des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ; dégrouper les chaînes cinéma du bouquet CanalSat éditées par le groupe Canal+ avec un maintien de leur qualité pour les mettre à la disposition de tout distributeur qui en fait la demande.
Le dossier Canal+ a déjà connu des rebondissements, tels que le retrait de l’autorisation de rachat de TPS et CanalSatellite prononcé par le gendarme de la concurrence en 2011 en raison de plusieurs manquements aux engagements de 2006 (autorisation rétablie en 2012, puis, après annulation en Conseil d’Etat, en 2014…). Plus récemment, en juin, l’Autorité de la concurrence s’est opposée à l’accord de distribution exclusive entre Canal+ et beIN Sports que Vincent Bolloré – devenu président de Vivendi (4) – avait projeté pour redresser la chaîne cryptée (5). Isabelle de Silva n’est pas au bout de ses peine dans ce dossier épineux. Sa sensibilité « culture », pour avoir été conseillère technique en 1999 et 2000 de Catherine Traumann, alors ministre de la Culture et de la Communication, l’aidera sûrement à appréhender le nouveau Canal+ en vigueur depuis le 15 novembre et plus que jamais premier pourvoyeur de fonds du cinéma français (6).

Publicité en ligne
Autre gros dossier hérité de Bruno Lasserre : la publicité en ligne. Le 23 mai dernier, l’Autorité de la concurrence s’était en effet auto-saisie « pour avis » afin d’« analyser les conditions d’exploitation des données dans le secteur de la publicité en ligne » – avec Google et Facebook en ligne de mire (7). Y a-t-il position dominante et conflits d’intérêts ? Isabelle de Silva devra répondre (8) à ces questions au second semestre 2017. @

Charles de Laubier