Fréquences de la TNT : vers un troisième « dividende numérique » pour les opérateurs mobiles ?

C’est le 25 juin 2019 que s’achève le transfert, entamé il y a trois ans, des fréquences libérées par la TNT pour être remises aux opérateurs mobiles
pour leurs réseaux 4G. Mais l’Arcep, elle, souhaite « une volonté politique »
pour que soient libérées d’autres fréquences de la TNT pour, cette fois, la 5G.

Après le 29 juin, la télévision numérique terrestre (TNT) ne sera plus du tout diffusée sur la bande de fréquences dite des 700 Mhz (694-790 MHz) – celles que l’on appelait « les fréquences en or », issues du « deuxième dividende numérique ». Comme prévu il y a aura cinq ans cette année, dans un calendrier précisé le 10 décembre 2014 par le Premier ministre de l’époque (Manuel Valls), le transfert de la bande 700 Mhz de la diffusion de la TNT au secteur des télécoms s’achève en effet à cette date.

Passer la TV sur ADSL, VDSL2 ou FTTH
Ce que confirme à Edition Multimédi@ Gilles Brégant, le directeur général de l’Agence nationale des fréquences (ANFr) : « Oui, effectivement, le mois de juin 2019 verra s’effectuer la dernière tranche de libération de la bande 700 Mhz au profit des opérateurs mobiles. Les réaménagements de fréquences correspondants s’effectueront à partir du mardi 25 juin dans une zone située à proximité de Grenoble. A partir du 1er juillet, la bande sera utilisable par les opérateurs mobiles partout en métropole ».
Ce 29 juin marque ainsi la treizième et dernière phase (1) de la libération par la TNT des dernières fréquences de la bande des « 700 » au profit d’Orange, de SFR, de Bouygues Telecom et de Free. Cela s’est donc fait progressivement depuis octobre 2017, sachant que la région Ile-de-France fut la première à opérer – dès le 5 avril 2016 (phase dit « zéro ») – ces changements de fréquences nécessaires à la libération de la bande en question pour les services mobiles.
Cela a pu se faire grâce à la généralisation de la norme de compression numérique Mpeg4 et le passage à la TNT HD (haute définition). Cette opération a permis de réduire le nombre de canaux nécessaires à la diffusion de la TNT. La manœuvre a consisté, et comme ce sera encore le cas le 29 juin, à « déplacer les canaux de diffusion de la TNT en dehors de la bande des 700 Mhz, pour les concentrer sur les fréquences restantes (bande 470-694 Mhz) ». Cela concerne les téléspectateurs recevant la télévision par antenne râteau, qu’elle soit individuelle, en maison, ou collective en immeuble. Dans certains cas où il y aurait une perte de chaînes, il faut alors effectuer une recherche et une mémorisation des chaînes de la TNT (2). A moins de faire « pivoter » le foyer vers une réception alternative à la TNT, à savoir la « box » des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) déjà bien implantée sur tout le territoire (en mode ADSL, VDSL2, câble ou fibre optique), sinon le satellite. Pour les télécoms, c’est l’opportunité d’utiliser ce « deuxième dividende numérique », le premier dividende numérique ayant été celui de la bande des 800 Mhz que l’audiovisuel avait déjà dû en 2011 abandonner (3). Mais avec l’arrivée de la 5G prévue commercialement à partir du premier semestre 2020, soit dans un an, les deux dividendes numériques pourraient ne pas être suffisant. Reste à savoir si l’actuel Premier ministre, Edouard Philippe (photo de gauche), arbitrera en faveur d’un troisième dividende numérique issu de la TNT. Mais s’il ne reste maintenant à l’audiovisuel que sa seule bande 470-694 Mhz, où aller chercher ces nouvelles « fréquences en or » ? Tout simplement en basculant l’ensemble de la télévision sur les réseaux très haut débit pour libérer entièrement les fréquences restantes de la TNT au profit de la 5G ! C’est en substance ce que vient de suggérer au gouvernement le président de l’Arcep, Sébastien Soriano (photo de droite). Auditionné le 3 juin dernier devant la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, ce dernier a déclaré : «La 5G en zone rurale est un défi politique. Nous ne pouvons pas apporter de la 5G massivement en zone rurale tant que nous n’aurons pas plus de fréquences. Ne faudrait-il pas débloquer de nouvelles fréquences pour les opérateurs ? Il y a des fréquences basses utilisées par la TNT. Mais ces fréquences ne seraient-elles pas plus utiles pour la 5G ? ». Et Sébastien Soriano de faire un appel du pied au gouvernement : « C’est un choix politique, sous l’arbitrage du Premier ministre qui décide de l’attribution des fréquences entre les secteurs. Et à l’Arcep, nous serons ravis d’obtenir davantage de fréquences pour les financements ».

Devancer les discussions de la CMR 2023
Pourtant, en France, la loi modifiée de 1986 sur la liberté de communication prévoit que les fréquences audiovisuelles utilisées pour la TNT – affectées au CSA – ne peuvent pas être transférées à d’autres services « au moins jusqu’au 31 décembre 2030 ». Mais le président de l’Arcep semble vouloir lancer le débat dès maintenant, en prévision des discussions sur l’avenir de la bande UHF de la télévision à la conférence mondiale des radiocommunications (CMR) de fin 2023 et des rapports européens et français attendus pour 2025. @

Charles de Laubier

5G : le « en même temps » d’Emmanuel Macron sera-t-il fatal au chinois Huawei en France ?

La commission des affaires économiques du Sénat a auditionné le 4 juin Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat en charge notamment des télécoms. Comme le ministre de l’Economie et des Finances, elle a promis que le chinois Huawei ne sera « pas discriminé » par la France. Mais « en même temps »…

« Nous n’allons pas cibler une compagnie ou une autre. Il y a aujourd’hui beaucoup d’opérateurs qui travaillent sur la 4G avec Huawei. Notre position est différente des Américains sur ce sujet. Nous veillerons à ce qu’il n’y ait pas d’ingérence possible, à ce
que notre souveraineté soit maintenue, et en même temps nous voulons garantir le meilleur accès technologique pour nos entreprises et pour les particuliers », a déclaré Bruno Le Maire
au micro de France Info, le 22 mai dernier.

Loi – « anti-Huawei » ? – le 19 juin au Sénat
La veille, devant des journalistes de la presse diplomatique, le locataire de Bercy avait formulé une appréciation similaire vis-à-vis de Huawei : « Aucun candidat ne serait écarté a priori. Le choix des équipementiers télécoms pour le déploiement de la 5G
en France se fera en fonction de la sécurité des réseaux et de leurs performances ».
Le ministre de l’Economie et des Finances s’est en tout cas fait l’écho de la position
du « en même temps » adoptée par Emmanuel Macron à l’égard du géant chinois des télécoms. Le 16 mai, lors du salon VivaTech à Paris, le président de République a tenté de rassurer sur les intentions de la France dans cette affaire, au lendemain de la décision de Donald Trump d’interdire Huawei aux Etats-Unis : « Notre perspective n’est pas de bloquer Huawei ou toute autre entreprise, a dit Emmanuel Macron, mais de préserver notre sécurité nationale et la souveraineté européenne. (…) Nous voulons développer l’emploi, les affaires, l’innovation. Nous croyons à la coopération et au multilatéralisme. En même temps, pour la 5G, nous faisons très attention à l’accès aux technologies coeur de réseau pour préserver notre sécurité nationale ». Auditionnée au Sénat le 4 juin, la secrétaire d’Etat en charge des télécoms, Agnès Pannier- Runacher (photo), n’a pas dit autre chose (1).
Ce sont ces « en même temps », « mais » et « a priori » qui posent questions sur les vraies intentions du gouvernement français vis-à-vis de la firme de Shenzhen. D’autant que le Sénat est en train d’examiner la proposition de loi visant à « préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l’exploitation des réseaux radioélectriques mobiles ». Emanant donc du gouvernement, cette proposition de loi a été inscrite en procédure accélérée et adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 10 avril. Ce texte, que le Sénat va commencer à examiner le 19 juin avant un débat en séance publique programmé pour le 26 juin, prévoit en effet un régime d’autorisation préalable qui donne un droit de véto au Premier ministre sur « tous dispositifs matériels ou logiciels, permettant de connecter les terminaux des utilisateurs finaux au réseau radioélectrique mobile qui, par leurs fonctions, présentent un risque pour l’intégrité, la sécurité et la continuité de l’exploitation du réseau, à l’exclusion des appareils installés chez les utilisateurs
finaux » (2). Bien que le gouvernement s’en défende, cette proposition de loi prend
des allures d’« anti-Huawei » et se fait le relais en France de la psychose technologique et sécuritaire qui s’est emparée de l’administration Trump au détriment des fabricants chinois, Huawei et ZTE en tête. Dans la politique du « en même temps » d’Emmanuel Macron, chef des Armées, difficile de croire sur parole Guillaume Poupard, le directeur général de l’ANSSI – Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, qui fait office de « régulateur de la sécurité numérique » (3) – lorsqu’il répond au député Thomas Gassilloud (LREM), rapporteur de la loi, pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées, comme le relate ce dernier : « Le directeur général de l’ANSSI a assuré le rapporteur pour avis que, dans son soutien à la proposition de loi, le gouvernement ne s’inscrit pas dans le même état d’esprit que
celui des Etats-Unis vis-à-vis de Huawei ou de ZTE. Au contraire (…) ». Alors, double-langage à la française ? Emmanuel Macron ne sera-t-il pas contraint de se soumette à l’extraterritorialité de l’« America first » ? Les Etats-Unis et la France font partie des 29 pays membres de l’Otan qui subit les pressions de Donald Trump (4).

Orange a déjà lâché la 5G de Huawei
Mis à l’index par quelques pays (Etats-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande), Huawei Technologies risque de faire moins bien en 2019 que l’an dernier où la société fondée
il y a plus de 30 ans par le Chinois Ren Zhengfei (son actuel PDG) a franchi la barre des 100 milliards de dollars (+ 19,5 %) avec un bénéfice net de 8,5 milliards (5). Pour l’heure, en France, SFR (Altice) et Bouygues Telecom (Bouygues) sont toujours client de Huawei. Orange, dont l’Etat est « un actionnaire avisé », n’a pas retenu Huawei pour sa 5G mais les européens Nokia et Ericsson. @

Charles de Laubier

Contenus toxiques : la régulation des réseaux sociaux devra être a minima européenne, voire mondiale

La commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale s’est réunie le
21 mai pour examiner la proposition de loi pour lutter contre la haine sur Internet. Le texte sera débattu à partir du 19 juin à l’Assemblée nationale. Mais la rencontre entre Emmanuel Macron et Mark Zuckerberg, le 17 mai, avait des allures de négociation.

La pression monte autour de la députée Laetitia Avia (photo), la rapporteure de la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur Internet, mais aussi sur les réseaux sociaux eux-mêmes.
Le texte, qui fut déposé le 20 mars à l’Assemblée nationale à l’initiative du gouvernement et du président de la République, doit être débattu à partir du 19 juin prochain au Parlement. Il s’inspire de la loi allemande de 2017, appelée « NetzDG« , en imposant aux Facebook, YouTube, Twitter et autres Snapchat, de retirer ou de rendre inaccessible dans un délai maximal de 24 heures après notification tout contenu haineux.

Vers des pouvoirs du CSA encore accrus
Sont visés les contenus comportant une incitation à la haine en général et toutes injures discriminatoires en raison de la race, de la religion, de l’ethnie, du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap. Le Conseil d’Etat, dans son avis du 16 mai, a demandé plus de « clarté » sur les contenus listés au regard de ceux « odieux » déjà visés dans l’article
6 de la loi dite LCEN sur la confiance dans l’économie numérique. Le manquement à cette obligation de retrait sous 24 heures sera passible d’une sanction pécuniaire
fixée et infligée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – aux pouvoirs encore renforcés (4) – et pouvant atteindre 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial (sur l’exercice précédent) de la société opérant ce réseau incriminé. Ainsi, dans le cas de Facebook qui a fait l’objet d’un rapport de mission d’experts en France remis le 10 mai au secrétaire d’Etat au Numérique, Cédric O, l’amende pourrait atteindre 2 milliards d’euros (5) en cas d’infraction à cette future loi française. La France marche donc dans les pas de l’Allemagne, les deux pays de l’axe cherchant à convaincre leurs partenaires européens à adopter le même arsenal pour lutter contre ces contenus toxiques. Il s’agit pour le tandem Merkel-Macron de mettre le curseur au bon milieu, entre la censure généralisée de la Chine de Xi Jinping et le laisser-faire des Etats-Unis de Donald Trump. Alors que la France assure du 1er janvier 2019 au 1er janvier 2020 la présidence du G7, lequel accueillera à Biarritz du 24 au 26 août prochains les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Japon, l’Italie et le Canada (avec l’Union européenne), une réunion informelle des ministres du Numérique s’est tenue le 15
mai dernier à Paris (avec en plus l’Australie, le Chili, l’Inde, la Jordanie, le Sénégal, l’Indonésie, l’Irlande, la Norvège et la Nouvelle-Zélande). Parmi les trois thèmes principaux qui ont été à ordre du jour des discussions, est arrivée en premier la lutte contre les contenus haineux sur Internet (6). « Les pays du G7 doivent être en mesure d’assurer à leurs citoyens le respect de leurs droits et de leurs libertés en ligne.
La difficulté à lutter contre la haine en ligne témoigne de la nécessité de bâtir collectivement un cadre d’action plus efficace avec les plateformes en ligne », explique l’Elysée. Se prépare donc, sous l’impulsion de l’axe franco-allemand, une régulation mondiale des réseaux sociaux – pour ne pas dire de l’Internet. Cela se traduit par l’élaboration par les pays du G7 d’une charte contre les contenus de haine en ligne ainsi que la cosignature – prévue en août – par les Etats et les plateformes numériques d’un texte de lutte contre le cyberterrorisme et le cyberextrémisme. Les Etats-Unis ne sont pas signataires à ce stade.
C’est le 15 mai, dans le cadre de la 2e édition du sommet Tech for Good (7) créé à l’initiative du Président de la République (8), que ces engagements ont été pris.
Ils ont pris la forme d’un « appel de Christchurch », en mémoire du massacre de 51 musulmans dans une mosquée de Christchurch (Nouvelle-Zélande), le 15 mars 2019, par un suprémaciste australien qui a diffusé son acte en direct durant 17 minutes sur Facebook Live. L’appel a été signé par huit entreprises du Net : Amazon, Dailymotion, Facebook, Google, Microsoft, Qwant, Twitter et YouTube. La Fondation Wikimédia (Wikipedia) aurait également adopté ce texte, mais elle n’est pas mentionnée dans l’appel mis en ligne (9). Des réseaux sociaux chinois tels que Wechat, TikTok ou encore Weibo manquent à l’« appel de Christchurch » – pour l’instant (soutenir : ChristchurchCall@mfat.govt.nz).

La durée de 24 heures ne plaît pas à « Zuck »
Invité à l’Elysée le 17 mai, le PDG du numéro un mondial des réseaux sociaux s’est
vu remettre le rapport « Régulation des réseaux sociaux Expérimentation Facebook » élaboré durant un an en coopération avec son entreprise multinationale qui avait accepté cette « collaboration volontaire et hors de tout cadre juridique ». Emmanuel Macron et Mark Zuckerberg, qui s’était déjà rencontrés lors du 1er sommet Tech for Good l’an dernier, s’en étaient mis d’accord lors du Forum sur la gouvernance de l’Internet en novembre 2018. « Je suis encouragé et optimiste sur le cadre de régulation qui sera mis en place. Ce sera difficile pour nous et nous serons en désaccord sur certaines choses, c’est normal », a tout de même confié le patron de Facebook à sa sortie de l’Elysée, faisant notamment allusion à certaines dispositions de la proposition de loi française portée par Laetitia Avia comme la durée de 24 heures au-delà de laquelle il y aura sanction de 4 % du chiffre d’affaires. Il a demandé à Emmanuel Macron de remplacer cette durée par une « limitation de la viralité du contenu indésirable ».

Un régulation ex ante européenne ?
« Zuck » a pourtant appelé fin mars à « réguler Internet » dans une tribune publiée dans des journaux aux Etats-Unis et en Europe, dont Le JDD en France (10). Le « F » de GAFA et le « F » de France sont en tout cas d’accord sur le fait que, seule, cette future législation française serait un coup d’épée dans l’eau face aux réseaux sociaux sans frontières si elle n’était pas reprise au niveau européen.
La régulation des médias sociaux devra être a minima européenne, voire mondiale,
si elle veut être sérieusement efficace. Le rapport d’experts d’une trentaine de pages (11) estime à cet égard que l’Europe doit passer du pays d’installation au pays de destination. « Compte tenu de l’unicité et de l’ubiquité des réseaux sociaux, qui dépassent les frontières des Etats membres – un service unique accessible sur plusieurs géographies – cette régulation ex ante doit s’inscrire dans une dynamique
et un cadre européens. Néanmoins, la règle actuelle dite du pays d’installation, selon laquelle seul le pays qui accueille le siège du réseau social peut intervenir pour réguler ce réseau, s’avère inefficace ». Et de prévenir : « Toute initiative française devra donc avoir pour ambition d’inverser la logique européenne actuelle au profit d’une logique du pays de destination, selon laquelle la plateforme est responsable devant l’Etat membre où le dommage se produit, pour renforcer la capacité de chacun des Etats membres à maîtriser les conséquences de la globalisation ».
Le rapport « Facebook » et la proposition de loi « Antihaine » interviennent alors que
le cofondateur de Facebook, Chris Hughes, a appelé le 9 mai dernier à « démanteler Facebook » pour dissocier le réseau social des applications Instagram et WhatsApp. Outre un voyage d’étude à Berlin, pour étudier loi allemande NetzDG, et un séjour à Londres, les huit membres de la mission coauteurs du rapport « Facebook » – sous la direction de Benoît Loutrel, ex-directeur général de l’Arcep devenu quelques mois en 2017 directeur des relations publiques de Google – se sont entretenus avec : le ministère de l’Intérieur pour sa Plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos) qui pourrait permettre le signalement et
la détection des contenus (12) ; le Centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) de la Gendarmerie nationale au sein du Service central du renseignement criminel (SCRC) ; le Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE) auprès du Premier ministre ; ainsi que la Direction générale des entreprises (DGE) et la Direction générale du Trésor (DGT) au ministère français de l’Economie et des Finances.
La mission s’est en outre appuyée sur un précédent rapport remis en septembre 2018
au Premier ministre par la députée Laetitia Avia, l’écrivain Karim Amellal et le vice-président du Crif, Gil Taieb, visant à renforcer la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet. En dehors de l’Etat français, la mission a aussi auditionné le Conseil national du numérique (CNNum) dont les membres sont nommés par le secrétaire d’Etat chargé du Numérique, l’Institut national de la recherche en informatique et automatique (Inria), ainsi que des acteurs privés ou associatifs, à savoir : Reporters sans frontières (RSF), le Centre on Regulation in Europe (Cerre), qui est
un think tank basé à Bruxelles (son directeur général, Bruno Liebhaberg étant aussi président de la chaire « EU Observatory on Online Platform Economy »), Google, Twitter, Snap, Webedia, Netino et la Quadrature du Net. Cette dernière, association française de défense des droits et libertés numériques, craint la mise en place d’une police privée. « Le but est purement et simplement de remplacer la justice publique par Facebook, Google et Twitter, en les laissant seuls maîtres de ce qui peut ou non être dit sur le Web », s’est-elle inquiétée.

« Police privée » versus juge des référés
Tandis que le ministère de la Justice, marginalisé dans ce projet « Anti-haine », a rappelé dans sa circulaire du 4 avril qu’il était préférable de recourir au juge des référés (13) pour éviter « un usage abusif (…) des dispositions permettant d’engager la responsabilité des acteurs d’Internet et de celles susceptibles de restreindre l’accès
à ces services de communication ». La proposition de loi « Macron-Avia » prévoit en outre de créer un « parquet spécialisé numérique » (14) ainsi que l’interdiction temporaire pour un individu condamné d’utiliser un réseau social. @

Charles de Laubier

Très haut débit : Les abonnés VDSL2 sont toujours plus nombreux que les abonnés FTTH

Dans le Gers, le 22 mars, le Premier ministre Edouard Philippe a fait un point d’étape sur le « Plan très haut débit pour tous en 2022 » poursuivi par Emmanuel Macron. L’Arcep, elle, a organisé le 26 mars une conférence « Territoires Connectés ». Mais un train (FTTH) peut en cacher un autre (VDSL2).

La « taxe GAFA » – chère au président Macron et à son ministre Le Maire – cherche son véhicule législatif

Absente de la loi de finances pour 2019 et de la loi « Gilets jaunes » promulguées en décembre, la taxe GAFA – que Bruno Le Maire présentera d’ici fin février en conseil des ministres – cherche encore son véhicule législatif. Projet de loi Pacte ? Projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2019 ? Ou projet de
loi spécifique à part ?

Edition Multimédi@ s’est rendu le 14 janvier dernier à Bercy
aux vœux à la presse de Bruno Le Maire (photo) et, en marge
de la cérémonie, a pu demander directement au ministre de l’Economie et des Finances à quel stade en est précisément la décision de taxer en France les GAFA – les Google, Amazon, Facebook, Apple et autres Microsoft – rétroactivement à partir
du 1er janvier 2019. « Pour la taxation nationale des géants du numériques, je suis en train avec mes équipes de préparer un projet de loi spécifique qui nous soumettrons au Parlement dans les prochaines semaines », nous a-t-il répondu, sans préciser quel véhicule législatif sera utilisé pour porter cette « taxe GAFA » qui est l’un des chevaux de bataille du président de la République, Emmanuel Macron. Six jours après ses vœux à la presse, Bruno Le Maire n’a pas non plus évoqué – dans une interview au Journal du Dimanche parue le 20 janvier – le cadre législatif retenu pour ce projet de loi « taxe GAFA » du gouvernement. « Nous présenterons un projet de loi spécifique en conseil des ministres d’ici à fin février, qui sera rapidement soumis au vote du Parlement », a-t-il néanmoins indiqué, en ajoutant que « [cette] taxe touchera toutes les entreprises qui proposent des services numériques représentant un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros au niveau mondial et 25 millions d’euros en France (…) et son taux sera modulé en fonction du chiffre d’affaires avec un maximum de 5 % ». Le gouvernement en attend quelque 500 millions d’euros de recettes fiscales dès cette année.

La « taxe GAFA » devant le Parlement au printemps
Sur le véhicule législatif, le ministre de l’Economie et des Finances avait pourtant dit le 18 décembre dernier que cette mesure fiscale – qui portera sur les revenus publicitaires des plateformes numériques et la vente des données des utilisateurs à des fins de publicité – « pourrait être introduite dans la loi Pacte » (1), dont le projet va être examiné en première lecture au Sénat (2) à partir du 29 janvier et jusqu’au 12 février (3). Or non seulement Bruno Le Maire n’a plus fait référence à la loi Pacte lors de ses vœux à la presse, ni lors de notre échange, ni dans le JDD, mais il n’en est pas question non plus dans les 80 pages du dossier « Pacte » daté de janvier 2019 remis aux journalistes présents à Bercy le 14 janvier.

Honorer la promesse de Macron
Il est encore moins question de « taxe GAFA » dans la loi de finances 2019 qui a été promulguée le 30 décembre 2018 au Journal Officiel, pas plus que dans la loi « Gilets jaunes » – comprenez la loi portant « mesures d’urgence économiques et sociales » – promulguée, dans l’urgence justement, le 26 décembre (4), à la suite des décisions à 10 milliards d’euros prises par le président de la République sous la pression de ce mouvement historique. Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, avait d’ailleurs confirmé dès le 17 décembre à l’Assemblée nationale que la taxe GAFA n’allait pas figurer dans le projet de loi « Gilets jaunes » examiné et adopté les 19 et 21 janvier par une majorité de, respectivement, députés et sénateurs. Pourtant, les cahiers de doléances que les maires de France transmettent au Parlement, lequel les remettra au gouvernement, montrent bien que la taxation des géants du Net fait partie des revendications fortes de bon nombre de Français, au même titre que la ré-instauration de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) – au nom de l’équité fiscale, du partage de
la valeur et d’une meilleure répartition des richesses (5). Alors que reste-t-il comme véhicule législatif ? Bruno Le Maire avait évoqué devant le Sénat en décembre la probabilité que la taxe GAFA atterrisse avant l’été dans un projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2019, appelé aussi « collectif budgétaire », où il sera aussi question de fiscalité locale et… de baisse d’impôt pour les sociétés.
Quel que soit le véhicule législatif retenu, Bruno Le Maire a appelé – non seulement lors de ses vœux à la presse le 14 janvier, mais également lors des Rendez-vous de Bercy le 22 janvier et lors du Forum de Davos le 24 janvier – à « la réinvention du capitalisme », en enfonçant le clou concernant les GAFA : « Le capitalisme auquel nous croyons taxe la valeur là où elle se crée. Il n’accepte pas que des PME qui ont des taux de marges très faibles payent 14 points d’impôts de plus que les géants du numérique. Et nous continuerons à livrer cette bataille pour la juste taxation des géants du numérique, tout simplement parce qu’il est juste de taxer la valeur là où elle se trouve ». Taxer les GAFA est une des promesses du candidat Emmanuel Macron depuis la campagne présidentielle. Son programme de 2017 prévoit de « rétablir une concurrence équitable avec les grands acteurs numériques pour qu’ils payent leurs impôts comme tous les autres acteurs économiques et qu’ils soient soumis aux mêmes obligations, dans les pays où les œuvres sont diffusées » (6). Toujours en marge de ses vœux à Bercy, Bruno Le Maire a répondu à Edition Multimédi@ qu’au-delà de la taxe nationale, « la France compte bien convaincre jusqu’à fin mars tous ses partenaires européens pour que soit instaurer une taxe européenne sur les géants du numérique, alors qu’à ce stade vingt-trois pays y sont favorables et quatre bloquent ». L’Espagne est depuis le 18 janvier le premier pays européen à avoir adopté une telle taxe (3 %). L’Irlande, la Suède et le Danemark sont hostiles à une telle « taxe GAFA » européenne, tandis que l’Allemagne – pourtant le premier partenaire historique de la France – hésite sérieusement car elle craint des mesures de rétorsion de la part des Etats-Unis à l’encontre de son industrie automobile. Si le partenaire de l’axe francoallemand disait non à une telle taxe, ce serait un revers pour Bruno Le Maire qui espère depuis longtemps trouver une proposition commune (7) – d’abord en 2017 avec son ancien homologue allemand Sigmar Gabriel et depuis mars 2018 avec l’actuel Olaf Scholz (vicechancelier et ministre fédéral des Finances). Parallèlement, le locataire de Bercy nous a assuré « [œuvrer] au niveau européen pour que la règle du vote à l’unanimité
en matière fiscale soit remplacée par la règle de la majorité qualifiée ».
Cette contrainte de l’unanimité avait justement empêché que le projet de directive européenne – présenté en 2018 par le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici – n’aboutisse. En vue de lever le verrou, ce dernier
a présenté le 15 janvier à Strasbourg une communication sur le passage progressif à une majorité qualifiée dans les domaines de la fiscalité qui relèvent de la compétence européenne. « Il sera difficile d’approuver à l’unanimité d’ici mars la taxe sur les géants du numérique », a-t-il prévenu lors de ses vœux à la presse à Paris le même jour que Bruno Le Maire.

G7 : lutter contre l’évasion fiscale
La France, qui préside d’ailleurs pour cette année 2019 le G7, groupe des sept grandes puissances économiques du monde (Etats-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Canada, mais sans la Russie exclue depuis 2014), entend aussi peser de tout son poids pour pousser à une réforme de la fiscalité tenant compte des géants
du Net. « Avec la même détermination, croyez-moi, durant ce G7, nous lutterons aussi pour mettre en place une imposition minimale pour mettre fin à l’évasion fiscale qui scandalise – à juste titre – nos compatriotes et nos concitoyens européens », a encore promis Bruno Le Maire lors de ses vœux. @

Charles de Laubier