La France veut aboutir en 2020 à la signature d’un « contrat de filière commun» aux industries culturelles

Avec des « Etats généraux des industries culturelles et créatives » qui se déroulent de décembre 2019 à mars 2020, le président de la République, Emmanuel Macron, veut faire de l’« exception culturelle » française une filière industrielle à part entière avec la création d’un « comité stratégique de filière ».

La musique, le cinéma, le livre, l’audiovisuel, le jeu vidéo, les créations numériques, les arts visuels, le spectacle vivant, la presse, la radio, l’architecture, … L’objectif du chef de l’Etat est de « structurer les différents secteurs en une véritable filière » (1). Pourquoi ? Parce que tous ces secteurs des industries culturelles et créatives (ICC) sont confrontés à des défis communs, parmi lesquels la révolution numérique, la blockchain (chaîne de blocs) et l’intelligence artificielle (IA). Se posent aussi pour toutes les questions de financement de la création, d’exportation des oeuvres à l’international ou encore de formation.

Faire face à la révolution numérique
« Les secteurs qu’elles représentent en France pèsent 640.000 emplois et 91 milliards d’euros de chiffre d’affaires. C’est pour leur faire bénéficier pleinement de ce potentiel économique que nous lançons, les Etats généraux des industries culturelles et créatives (ICC) », a déclaré Franck Riester, ministre de la Culture, le 28 novembre dernier, en présence de Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, et Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances. D’après le 3e Panorama des ICC, réalisé par le cabinet EY (ex-Ernst & Young), publié le jour même (2), la valeur ajoutée des ICC est de 47,5 milliards d’euros, soit 2,3 % de l’économie nationale – « un poids économique comparable à celui de l’industrie agroalimentaire et 1,9 fois plus important que celui de l’industrie automobile » (dixit EY).
A ceci près que le « chiffres d’affaires » de cette étude commanditée par le lobby des industries culturelles elles-mêmes – France Créative (3), qui dénonce depuis sa création en 2012 un « transfert de valeur » au profit des plateformes numériques (4) – mélange revenus directs et subventions publiques. Ces aides de l’Etat et des collectivités territoriales pèsent tout de même 16,6 milliards d’euros dans le « chiffre d’affaires » des ICC sur l’année 2018. Et encore, cette subvention globale dont bénéficient les industries culturelles ne prennent pas en compte les crédits d’impôts dont elles bénéficient chaque année (5). Par exemple, le crédit d’impôt du jeu vidéo (CIJV) instauré en 2017 fait que près d’un tiers des dépenses de production de ce secteur sont aujourd’hui défiscalisées. Ne sont pas non plus comptées les avances annuelles à l’audiovisuel public (environ 3,9 milliards d’euros via la redevance audiovisuelle) ni les dépenses fiscales en matière de culture et de communication (autour de 1,5 milliard d’euros). Ce montant de 16,6 milliards de subventions publiques exclut également les allocations octroyées dans le cadre du régime des intermittents du spectacle. Dès lors, la comparaison avec d’autres secteurs de l’économie française est sujette à caution.
Mais revenons aux motivations des Etats généraux des ICC, lesquels doivent aboutir à « l’installation d’un comité stratégique de filière en avril 2020 et à la signature d’un contrat stratégique de filière des industries culturelles et créatives [CSF ICC, ndlr] d’ici fin 2020 », sous l’égide d’Emmanuel Macron (photo). Pour préparer cette échéance, le gouvernement a lancé une consultation préalable en ligne (6), à laquelle les professionnels des secteurs culturels concernés ont jusqu’au 31 décembre prochain pour y répondre. La synthèse des contributions sera remise en mars 2020 au président de la République, qui installera le mois suivant le bureau du CSF ICC (bureau composé de 10 à 15 membres représentants du secteur privé, de l’Etat et des organisations syndicales), afin de parvenir à la définition et à la signature du contrat de filière en novembre 2020.
La mise en œuvre du contrat de filière des industries culturelles s’étalera alors jusqu’en novembre 2023. « Les industries culturelles et créatives (…) sont devenues un enjeu majeur pour la compétitivité, l’attractivité et le développement de notre économie. La révolution numérique a largement contribué à l’accélération de ce phénomène et à la profonde mutation du secteur. (…) Dans le même temps, l’ouverture et l’intensification de la concurrence internationale qui en découlent rendent indispensables l’élaboration d’une stratégie nationale concertée », justifie le gouvernement dans sa note explicative (7).

La culture, une industrie comme les autres
Ainsi, à l’instar de dix-huit autres filières telles que l’automobile, l’agroalimentaire, l’aéronautique, la mode & luxe ou encore la transformation & valorisation des déchets qui ont chacune leur propre comité stratégique de filière (CSF), les industries culturelles et créatives sont, elles aussi, appelées par le gouvernement à se regrouper au sein d’un CSF. Et ce, dans le cadre du Conseil national de l’industrie (CNI), créé en 2010 et placé sous la houlette du Premier ministre et du ministre de l’Economie et des Finances. @

Charles de Laubier

Des interférences politiques, sécuritaires et géostratégiques freinent le lancement de la 5G

En France, le processus d’attribution sera lancé d’ici la fin de cet automne, en vue d’une attribution finale des fréquences 5G « d’ici juin 2020 » – au lieu de début 2020 selon le calendrier initial. Dans d’autres pays, la cinquième génération de mobile est aussi à la peine pour d’autres raisons.

Partout dans le monde, la 5G rencontre des obstacles. La Roumanie vient elle aussi de reporter à 2020 les enchères de ses fréquences 5G. Alors que les raisons en France du report au printemps prochain des enchères relèveraient plus d’un retard pris par le régulateur et le gouvernement pour se mettre d’accord sur les modalités mixtes d’attribution des fréquenses (1), le report roumain est dû, lui, à l’élection présidentielle tout juste achevée et à la constitution d’un nouveau gouvernement censé approuver le budget 2020 et le montant des licences 5G, sur fond d’accord sécuritaire signé avec les Etats-Unis.

La France et la Roumanie repoussent à 2020
Pour autant, la Roumanie a quand même pris de l’avance sur la France, dans la mesure où trois opérateurs mobiles ont lancé cette année leurs premiers services 5G sur des fréquences existantes : Vodafone et Digi se sont lancés en juin dernier, tandis qu’Orange vient de lancer à son tour – début novembre – ses services de cinquième génération. La Roumanie est donc le premier pays en Europe où l’opérateur historique français propose la 5G, soit avec au moins six mois d’avance sur la France ! Orange Romania, qui génère toute de même 2,7 % du chiffre d’affaires 2018 du groupe Orange et qui est numéro un de la téléphonie mobile dans ce pays avec 34,1 % de parts de marché, a pu lancer ses services 5G, dans trois grandes villes roumaines pour commencer, car il possède déjà des fréquences compatibles. Cependant, ce sont ces mêmes fréquences qui doivent à nouveau être mises aux enchères.
Or, Bucarest prévoyait de lancer un appel d’offres 5G au dernier trimestre 2019. Elles étaient attendues pour décembre. Mais le calendrier électoral de la présidentielle roumaine, avec ses deux tours en novembre, est venu perturber celui de la 5G qui a donc été repoussé au premier semestre 2020. Il faut laisser au nouveau gouvernement roumain de se mettre en place, de voter le budget financier de l’an prochain en fixant le montant des licences 5G et des modalités de paiement. A cela s’ajoute le fait que Bucarest a signé le 20 août avec Washington un « memorandum d’accord » qui exclut les équipementiers télécoms de la 5G « sous contrôle d’Etat tiers » – avec notamment le chinois Huawei en ligne de mire car soupçonné à tort ou à raison de travailler avec le gouvernement de Pékin. L’engagement avait été pris à Washington même par le président roumain Klaus Iohannis avec son homologue américain Donald Trump. « Nous cherchons à éviter les risques pour la sécurité qui accompagnent les investissements chinois dans les réseaux de télécommunications 5G », avaient expliqué les deux chefs d’Etat. Cela n’a pas empêché Orange de lancer sa 5G roumaine avec des antennes fournies par Huawei (2), malgré la menace d’exclusion qui pèse sur le chinois. Les Etats-Unis, qui craignent le risque de cyberespionnage présumé de ces équipements chinois au profit de la Chine, ont exclu Huawei de leur 5G et tentent de convaincre leurs alliés occidentaux et européens d’en faire autant (3) (*). En Allemagne, où les enchères ont déjà eu lieu et ont rapporté en juin dernier 6,55 milliards d’euros à l’Etat (au lieu de 3 à 5 milliards escomptés), Angela Merkel n’est pas sur la même longueur d’ondes que la Roumanie et d’autres pays européens à l’égard de Huawei.
Pas plus tard que le 18 novembre dernier, la chancelière allemande a réaffirmé que le fabricant de Shenzhen n’avait pas à être évincé des appels d’offres pour la construction des réseaux 5G en Allemagne. Cette prise de position la met d’ailleurs en porte-à-faux avec son propre parti, la CDU (4), qui souhaite au contraire bannir Huawei. Une motion « anti-Huawei » signée par 500 de ses collègues de parti appelle les fournisseurs télécoms européens à proposer des solutions alternatives. Par ailleurs, selon l’agence Bloomberg le 19 novembre, l’Union européenne va décréter que « les fournisseurs potentiels de 5G seront évalués sur la base des lois de leur pays d’origine »… En France, le report des enchères de la 5G au printemps 2020 n’a rien à voir avec Huawei. D’autant que lors de son déplacement en Chine, Emmanuel Macron, a déclaré le 6 novembre dernier que « [la France est] un pays ouvert à tous les investisseurs ».

Macron ne veut pas ostraciser Huawei
Et le président de la République française d’ajouter à Pékin : « Je suis tout à fait heureux que Huawei, Nokia, Ericsson, ZTE et tous les autres soient des fournisseurs ». Avec un « en même temps » en guide de bémol : « A un moment donné, sur une partie de notre réseau, ce sont des sujets de souveraineté, et donc l’Etat ; les Etats européens, doivent avoir un droit de regard, de la même manière que l’Etat chinois a un regard sur les éléments de technologie » (5). Pour l’heure, en France, le gouvernement et le régulateur ont finalement accordé leurs violons sur les conditions d’attribution des fréquences 5G. Il était temps. @

Charles de Laubier

Libra (Facebook) et Gram (Telegram) : deux projets de cryptomonnaies mondiales dans le collimateur

Les deux projets de monnaies virtuelles mondiales les plus en vue – Libra de Facebook et Gram de Telegram – sont dans le collimateur des régulateurs, notamment des autorités américaines. Leur créateur, Mark Zuckerberg et Pavel Dourov, doivent clarifier leurs intentions et protéger les investisseurs.

L’Américain Mark Zuckerberg (photo de gauche) et le Russe Pavel Dourov (photo de droite), respectivement cofondateur du réseau social Facebook et de la messagerie cryptée Telegram, ont maille à partir avec les Etats-nations qui entendent préserver leur « souveraineté fiduciaire » (battre monnaie). Depuis que ces deux jeunes geeks milliardaires – 35 ans tous les deux – veulent lancer leur cryptomonnaie mondiale, à partir de l’an prochain pour le Libra de Facebook et dès cette année pour le Gram de Telegram, tout est fait pour leur mettre de bâtons dans les roues.

Nouvelle monnaie ou transfert d’argent ?
La Securities and Exchange Commission (SEC), gendarme de la Bourse américain, a fait savoir le 11 octobre qu’elle avait obtenu en urgence de la justice américaine (tribunal fédéral de Manhattan) « une ordonnance de restriction temporaire » contre Telegram et sa filiale Ton Issuer qui étaient en train de lever des fonds – 1,7 milliard de dollars déjà atteints au moment du blocage de la SEC – en vue de lancer d’ici le 31 octobre la cryptomonnaie Gram. L’autorité des marchés financiers américaine, qui a confié l’instruction de cette affaire à sa propre « Cyber Unit » et à son bureau régional de New York, reproche à Telegram de ne pas avoir enregistré l’offre de la levée de fonds en cryptomonnaies, opération financière appelée ICO (Initial Coin Offering). « Telegram n’a pas fourni aux investisseurs les informations sur les activités commerciales de Gram et Telegram, sur la situation financière, les facteurs de risque et la gestion que les lois sur les valeurs mobilières exigent », a indiqué Stephanie Avakian, codirectrice à la SEC. Il s’agit de protéger les investisseurs (1). La SEC a justifié l’action judicaire en faisant remarquer que sur les 171 investisseurs ayant déjà acquis à la date de la saisine 2,9 milliards de digital token (jetons numériques) Gram pour 1,7milliard de dollars, 39 sont des acheteurs américains ayant déboursé 424,5 millions de dollars. Le succès de cette ICO (2) a été tellement fulgurant que Telegram a dû demander aux autres investisseurs potentiels d’attendre la fin du mois la disponibilité de Gram pour en acquérir. Le projet de Pavel Dourov avait été dévoilé début 2018 et s’appuie sur la blockchain de la plateforme Telegram Open Network (Ton) qui avait été présentée sous forme de livre blanc de 23 pages (3), après avoir été détaillée techniquement dès décembre 2017 en 132 pages (4). Le potentiel d’utilisation du Gram réside notamment dans le fait que la messagerie sécurisée compterait près de 300 millions d’utilisateurs. L’équipe de développement de Telegram a déménagé fin 2017, de Saint-Pétersbourg en Russie à Dubaï aux Emirats Arabes Unis. Mais la société Telegram Messenger LLP ellemême est enregistrée aux Iles Vierges britanniques. De son côté, Facebook a été auditionné le 23 octobre dernier une commission financière de la Chambre des représentants à Washington sur son projet Libra de monnaie numérique. Son président cofondateur Mark Zuckerberg a assuré que la Libra ne sera pas lancée sans l’aval des régulateurs financiers et qu’il s’agissait « plus d’un système de paiement mondial que de créer une nouvelle monnaie ». Son objectif est de « baisser les coûts des transferts d’argent dans le monde » et de proposer des prêts aux personnes dans le monde actuellement hors du marché des services bancaires : ils sont actuellement 1,7 milliard dans ce cas. Libra, que certains appellent « ZuckBuck » (buck voulant dire dollar), pourrait ne pas être adossé qu’au dollar mais aussi à d’autres devises, ce qui inquiète les régulateurs. Mais le PDG de Facebook est resté flou sur ce point. Facebook semble engagé dans une course contre la montre pour ne pas prendre du retard par rapport à Telegram.
Alors que Gram est conceptualisé dès 2017, Libra ne l’est qu’à partir du printemps 2018 avec la création d’une division « blockchain » chez Facebook et la publication d’un livre blanc de 12 pages pointant vers un extrait de 29 pages du document technique « The Libra blockchain » (5). Le groupe de Mark Zuckerberg s’était déjà lancé il y a dix ans dans une monnaie virtuelle (pas cryptomonnaie à l’époque) baptisée « Facebook Credits » mais, faute d’engouement des utilisateurs, elle a été enterrée en 2013 (6).

Libra : siège suisse et bureaux californiens
Cette fois, avec Libra, Facebook tient sa revanche pour séduire ses 2 milliards d’utilisateurs dans le monde. L’association Libra (7) a officiellement inaugurée son siège social à Genève en Suisse le 14 octobre dernier, cornaquée par finalement 21 membres fondateurs (8), mais ses bureaux sont en Californie. C’est à la Finma, autorité helvétique de surveillance des marchés financiers, qu’elle aura à montrer pattes blanches et des garanties contre le blanchiment d’argent. @

Charles de Laubier

Retour sur le rapport « Les Hackers de la fiscalité » de Mounir Mahjoubi, prêt à déposer un amendement

Après sa note d’analyse sur la fiscalité numérique présentée fin septembre, l’ancien secrétaire d’Etat au numérique Mounir Mahjoubi, député de Paris, veut déposer un amendement pour obliger les GAFAM et autres acteurs du Net étrangers à divulguer leurs vrais résultats en France.

Le député (LREM) Mounir Mahjoubi (photo) s’apprête à déposer un amendement « pour forcer les compagnies à être transparentes » sur leurs revenus réalisés en France, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020 qui est examiné en commission des finances à l’Assemblée nationale depuis le 8 octobre et jusqu’au 14 octobre. « C’est le rôle du Parlement d’aider le gouvernement à améliorer ses lois. Je garde donc ouverte la possibilité de déposer un amendement pour forcer les compagnies à être transparentes en France », a-t-il confié à l’agence Bloomberg le 26 septembre dernier.

Réforme « trop timide » ; « durcir le ton »
Dans sa note d’analyse « Les Hackers de la fiscalité » d’une vingtaine de pages (https://lc.cx/Fisc), l’ancien secrétaire d’Etat chargé du Numérique (mai 2017-mars 2019) et ancien président du Conseil national du numérique (février 2016-janvier 2017) « appelle le Parlement [où il siège comme député de Paris depuis avril 2019, ndlr] à durcir le ton envers ces pratiques et à exiger plus de transparence sur les activités françaises de ces groupes ». Selon lui, la transparence doit venir non seulement des entreprises du numérique – les GAFAM en tête (Google, Amazon, Facebook, Apple et Amazon) – mais également de l’Etat français : « J’encourage l’Etat à transmettre au Parlement les éléments l’ayant conduit à estimer le rendement de la nouvelle taxe sur les services financiers ». Au niveau de l’Union européenne et de l’OCDE, il y a bien un travail collectif qui est mené sur ces questions, mais Mounir Mahjoubi estime que « le processus de réforme est en marche mais demeure trop timide » (1).
Car, en attendant une politique fiscale digne de ce nom à l’heure de l’économie numérique, les chiffres collectés par le député parisien (voir tableaux ci-dessous) démontrent que – rien que pour les GAFAM – le chiffre d’affaires « déclaré » l’an dernier est quatre fois inférieur à celui estimé « réalisé » (14,9 milliards d’euros réalisés en 2018, contre 3,4 milliards d’euros déclarés).


Quant au bénéfice imposable, il serait en réalité près de neuf fois supérieur à ce que ces cinq géants du Net auraient bien voulu faire croire au fisc français (3,4 milliards d’euros avant impôt estimés, contre 398 millions d’euros déclarés). Résultat : les GAFAM ont payé l’an dernier à Bercy près de neuf fois moins d’impôts dont ils auraient dû théoriquement s’acquitter en réalité (seulement 398 millions d’euros au lieu de 1,156 milliard d’euros). « J’approxime le manque à gagner pour l’Etat français à 1 milliard d’euros par an », estime Mounir Mahjoubi. Autant dire que la « taxe GAFA » – de 3 % sur le chiffre d’affaires des entreprises technologiques qui génèrent au moins 750 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel – que la France se vante d’avoir mise en place et applicable à partir du 1er janvier 2019 fait pâle-figure. Car celle-ci devrait rapporter quelque 400 millions d’euros cette année, 450 millions l’an prochain, 550 millions en 2021 et 650 millions en 2022. De plus, cette taxe est provisoire, le temps que l’OCDE aboutissement à faire adopter de règles fiscales communes avec ses pays membres (2).
Mounir Mahjoubi a été élu député le 28 avril dernier de la 16e circonscription de Paris, succédant ainsi à Delphine O – sœur de… son successeur au gouvernement Cédric O – qui était sa suppléante (lire en Une). L’actuel secrétaire d’Etat chargé du Numérique, en fonction depuis le 31 mars, n’a pas fait de commentaire sur le rapport de son prédécesseur. @

Charles de Laubier

Roch-Olivier Maistre est favorable à une fusion CSA-Hadopi, mais pas Arcep-CSA-Hadopi

Depuis qu’Emmanuel Macron l’a appelé au téléphone pour le convaincre de prendre
la présidence du CSA qu’il occupe depuis janvier 2019, Roch-Olivier Maistre est aux avant-postes dans la préparation du projet de loi de réforme audiovisuelle. Son avis sur le futur de la régulation pourrait être décisif.

« C’est au gouvernement et au législateur qu’il appartiendra de décider comment ils souhaitent organiser la régulation. Je me conformerai, en bon serviteur de l’Etat, aux choix qui seront faits en définitif par le Parlement. Ce n’est pas Roch-Olivier Maistre qui fait la loi jusqu’à nouvel ordre ! C’est le Parlement qui décidera. Je dessine seulement ce que cela pourrait être », a dit par précaution Roch-Olivier Maistre (photo) devant l’Association des journalistes médias (AJM), le 10 juillet.

L’Hadopi serait absorbée par le CSA
Celui qui a l’oreille du président – tous deux sortis de l’ENA à 24 ans d’intervalle – n’en a pas moins une idée très précise de ce que pourrait être l’avenir du CSA, de l’Arcep et de l’Hadopi, alors que le projet de loi sur l’audiovisuel sera présenté d’ici fin octobre pour être voté en 2020. « Ma conviction est simple : face à ces acteurs très puissants [les GAFAN, ndlr], la collaboration entre les régulateurs est indispensable. Il faut la renforcer. Le Premier ministre a déjà dévoilé, lorsqu’il a clôturé le colloque du 30e anniversaire du CSA le 19 juin, le projet du rapprochement entre le CSA et l’Hadopi. Je considère, et le président de l’Hadopi Denis Rapone partage cette analyse, que cette convergence a du sens », a indiqué Roch- Olivier Maistre (ROM). Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), qui viennent de fêter respectivement leurs 30 et 10 ans, sont à ses yeux dans une logique de régulation de contenus qui les rapproche. « Mettre dans un même ensemble la promotion de l’offre légale, la lutte contre le piratage, et le contrôle que nous faisons depuis toujours du respect des obligations du financement de la création par les acteurs (de l’audiovisuel), je pense que cela a du sens ».
Mais le président du CSA émet tout de même un bémol aux allures de sine qua non :
« Cette fusion fera d’autant plus sens qu’elle s’accompagnera – à l’occasion du projet de loi de réforme de l’audiovisuel – de nouvelles dispositions en matière de lutte contre le piratage. Car c’est une législation [les deux lois Hadopi (1), ndlr] qui a été conçue au départ pour lutter contre le peer-to-peer, alors qu’aujourd’hui tout le monde sait que le débat se déplace sur le terrain des plateformes de streaming. Cette fusion prendra d’autant plus de sens que l’arsenal législatif qui nous serait donné s’en trouvera enrichi ». Roch-Olivier Maistre a expliqué qu’« en étant un régulateur unifié, où les missions de l’Hadopi (2) seraient fondues dans celles du CSA, l’idée serait d’avoir les outils d’intervention et de sanction, avec un collège unique dont un membre chargé plus particulièrement de suivre les problématiques du piratage ». Pour l’heure, ROM a précisé que le directeur général du CSA, Guillaume Blanchot, et la secrétaire générale de l’Hadopi, Pauline Blassel, se parlent déjà. Il en va de même pour les deux présidents.
Concernant l’Arcep, cette fois, il y a deux scénarios sur la table : le scénario sans fusion de collaboration renforcée entre l’Arcep et le CSA, et celui plus lourd d’une fusion pour créer un grand ensemble CSA-Arcep-Hadopi. Roch-Olivier Maistre privilégie le premier scénario :
« Dans la collaboration renforcée, l’on pourrait concevoir qu’un membre du collège du CSA siège au collège de l’Arcep, et qu’un membre du collège de l’Arcep siège au collège du CSA. Cela permettrait d’avoir le réflexe de l’autre institution lorsqu’il y a des sujets d’intérêt communs qui viennent en délibéré. Il pourrait aussi y avoir la création d’un service commun entre les deux institutions, avec un directeur désigné par les deux institutions. Ce dispositif de ce type est concevable pour l’Arcep et le CSA ». C’est un schéma qui existe déjà entre deux autres autorités importantes que sont l’Autorité des marché financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), lesquelles ont créé un service commun (d’accueil et de traitement des demandes du public). « Il pourrait y avoir aussi un dispositif commun de règlement de différends, procédure plus “usitée” par l’Arcep que par le CSA. Il pourrait y avoir un instrument de règlement de différends commun ».

Pas d’« Ofcom » ni de « Big Brother »
« Sur l’autre option, la fusion, j’y suis réservé, a insisté le président du CSA. Lorsque l’Ofcom [le régulateur des télécoms et de l’audiovisuel en Grande-Bretagne, ndlr] a été créée en 2003 avec la fusion de cinq régulateurs, cela a pris plus de quatre ans. Est-ce que le jeu en vaut la chandelle de s’engager dans un chantier administratif ? (…) J’ai peur que le coût soit très lourd, à un moment où les deux régulateurs ont des choses autrement plus importantes à faire » (3). Il entend aussi collaborer étroitement avec la Cnil et le CNC. @

Charles de Laubier