Pierre Moscovici, commissaire européen, préfère une « fiscalité globale » à une « fiscalité numérique »

Le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, Fiscalité et Douanes était l’invité le 25 janvier de l’Association des journalistes économiques et financiers (AJEF). Il s’est notamment exprimé sur la ficalité numérique dans le plan anti-optimisations fiscales des multinationales présenté le 28 janvier.

« Il y a une question qui nous agite parfois lorsque l’on parle avec nos collègues Andrus Ansip et Günther Oettinger [respectivement commissaire européen en charge du Marché unique numérique, et commissaire européen à l’Economie et à la Société numériques, ndlr], c’est de savoir si l’on doit avoir un développement spécifique de la fiscalité du numérique ou si l’on doit englober le numérique dans une approche plus large et plus moderne. Je suis plutôt partisan de la deuxième option. Cela fait aussi partie du débat que l’on va avoir sur la TVA [voir encadré ci-dessous] », a répondu Pierre Moscovici, à une question de Edition Multimédi@ sur la fiscalité des géants du Net, devant l’AJEF. Et le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, Fiscalité et Douanes d’ajouter : « Je suis plutôt favorable à une fiscalité globale, une approche globale, qui soit adaptée au monde où nous vivons et à l’économie numérique, au lieu de faire une fiscalité numérique. Je trouve que cela toujours très compliqué et cela risque d’être dépassé assez vite ».

Google, Apple, Amazon, Facebook, …
Pierre Moscovici s’est ainsi exprimé le 25 janvier dernier, soit l’avant veille de l’adoption le 27 janvier par le collège des Vingt-huit de la Commission européenne d’un « Paquet BEPS (1) » de lutte contre l’optimisation fiscale des multinationales tous secteurs confondus, présenté publiquement le lendemain. Ces propositions législatives contre les pratiques d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices de certaines entreprises doivent transposer à toute l’Europe le plan BEPS (2) de l’OCDE (3) dévoilé en octobre 2015 et approuvé dans la foulée par les ministres des Finances des pays
du G20. Le Parlement européen s’est lui aussi prononcé, dans une résolution du 16 décembre dernier, en faveur de ces mesures au nom de la transparence fiscale des entreprises. La Commission européenne a présenté son « Paquet BEPS » (4), en vue de partir en guerre contre l’évasion fiscale déguisée en « optimisation » et de faire oublier le scandale « LuxLeaks » de 2014 provoqué par le favoritisme fiscal du Luxembourg à l’égard de certaines grandes entreprises.
Des multinationales sont déjà dans le collimateur de l’Union européenne, lorsqu’elles ne le sont pas aussi au niveau des Etats membres. Google, qui est en redressement fiscal en France, a annoncé le 23 janvier s’être engagé auprès de la Grande-Bretagne de payer 172 millions d’euros d’arriéré fiscal sur les dix dernières années ; Apple devra de son côté s’acquitter de 318 millions d’euros au fisc italien au titre de l’impôt sur les sociétés entre 2008 et 2013. Amazon, Facebook et d’autres géants du Net sont également sous surveillance ou en redressement fiscal. « J’ai la conviction très profonde que la révolution de la transparence fiscale ne s’arrêtera pas. Vous évoquiez tel ou tel géants du numérique qui s’apprêtaient à payer des arriérés. Il m’est arrivé de rencontrer telle ou telle entreprises de ce secteur et d’autres aussi : ils ont pris conscience qu’aujourd’hui l’évitement des règles et les combats d’arrière-garde ne servent à rien. Pour la transparence, nous irons jusqu’au bout. Non seulement nous avons transposé le plan BEPS, mais maintenant nous allons aller légèrement plus loin que BEPS – un processus qui continuera », a prévenu Pierre Moscovici, devant l’AJEF. Selon une récente étude du Parlement européen, le manque à gagner serait compris entre 50 et 70 milliards d’euros par an. Pour y remédier, la Commission européenne propose une directive de lutte contre l’évasion fiscale et une recommandation sur les conventions fiscales contre les pratiques abusives. @

Charles de Laubier

La concentration des médias s’est accélérée en 2015 ; l’année 2016 garantira-t-elle leur indépendance ?

Le numérique accélère la concentration des médias en France entre les mains
– ce qui est unique au monde – d’industriels et de milliardaires. Cela n’émeut pas vraiment le gouvernement, pourtant garant de l’indépendance et du pluralisme des médias. La question de légiférer ou de réglementer se pose.

Vincent Bolloré, Patrick Drahi, Bernard Arnault, Serge Dassault, Pierre Berger, Xavier Niel, Matthieu Pigasse, Arnaud Lagardère, François-Henri Pinault, Bernard Tapie, … Le point commun entre tous ces milliardaires et industriels français réside dans leur mainmise sur la majeure partie des grands médias français.

 

Situation unique au monde
L’emprise des industriels « papivores » sur les médias français s’est accentuée en 2015 sous l’effet de mouvements de concentration où l’on a vu Vincent Bolloré s’emparer de Canal+ via Vivendi, Patrick Drahi de Libération, de L’Express et de NextRadioTV (BFM TV, RMC, …) pour les regrouper au sein du groupe Altice Media, Bernard Arnault du quotidien Le Parisien (alors qu’il est déjà propriétaire des Echos), Serge Dassault de l’éditeur de médias en ligne CCM-Benchmark pour l’intégrer à son groupe Le Figaro, … Et cette valse de fusions et acquisitions dans les médias français devrait se poursuivre en 2016.
Ce contrôle capitalistique sur la presse, la télévision, la radio et leurs déclinaisons numériques est unique au monde. Ce problème, qui ne date pas d’hier, met en doute l’indépendance éditoriale des médias et devient sensible à un peu plus d’un an de la campagne présidentielle très médiatique de 2017. Il y a trois mois, la ministre de la Culture et de la Communication Fleur Pellerin (photo) a laissé entendre, à l’issue d’un conseil des ministres, qu’elle menait une « réflexion sur des mesures réglementaires
ou législatives » pour garantir l’indépendance et le pluralisme de la presse (écrite et audiovisuelle), notamment sur un éventuel élargissement des compétences du CSA (1). « C’est un sujet très important, on doit assurer cette garantie de liberté. [Fleur Pellerin] ouvre ce débat, je ne sais pas quelles en seront les conclusions », avait déclaré Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement, lors du compte rendu du conseil
des ministres du 14 octobre dernier (2), abondant dans le sens de Fleur Pellerin.
Cette dernière ne semble toutefois pas disposée à limiter l’emprise capitalistique des industriels dans les médias français. « Sur le plan économique, la France a besoin
de groupes multimédias solides et dynamiques, des fleurons capables d’affronter la compétition internationale », avait d’ailleurs dit la ministre le 3 octobre dans Le Figaro. Cette déclaration ressemble à un blanc-seing donné aux puissants propriétaires de médias français, dans le sens où il ne remet nullement en question le mouvement de concentration en cours. Toutes mesures anti-concentration qui seraient « anti-Bolloré » (dixit Patrick Bloche (3)), « anti- Drahi » ou encore « anti-Arnault » sont d’office écartées par le gouvernement de Manuel Valls. La marge de manoeuvre est donc étroite pour une réflexion en France sur l’indépendance des rédactions et le pluralisme des médias. L’une des nouvelles mesures qui serait étudiées consisterait à introduire dans les conventions signées entre le CSA et les médias des engagements d’indépendance des rédactions : indépendance des journalistes par rapport aux intérêts économiques des actionnaires et des annonceurs, chartes déontologiques, comités d’éthique (comme le fait Canal+ (4)), protection des journalistes dénonçant les manquements, etc. Si la démarche pourra apparaître comme complémentaire aux obligations existantes de l’audiovisuel hertzien, il en ira plus difficilement pour la
presse écrite où l’autorégulation domine tant bien que mal.
Dans l’audiovisuel, il existe déjà des gardes fou fixés par la loi « Liberté de communication » du 30 septembre 1986 (5) : la part qu’une même personne peut détenir dans le capital d’un service national de télévision, dont l’audience moyenne annuelle dépasse 8 % de l’audience totale des services de télévision, est limitée à 49 % (contre 25 % avant 1994). Cette limitation est même de 20 % pour les participations
« extracommunautaires » (6). Le CSA est chargé de veiller au respect de ce dispositif anti-concentration, tout en veillant lors de l’attribution des fréquences terrestres au respect du pluralisme.

L’année 2016 sera-t-elle décisive ?
Liés aux fréquences hertziennes, ces plafonds n’existent pas dans la presse écrite. Néanmoins, la loi « Liberté de communication » prévoit des restrictions dans les opérations de concentration dans le secteur de la presse : seuil maximal de 30 % de
la diffusion totale en France des quotidiens d’information politique et générale (IPG), différents plafonds de diffusion non cumulatifs (7), plafond capitalistique des 20%
pour les extracommunautaires. Quelles que les soient les mesures réglementaires
ou législatives qui pourraient être présentées au cours de cette nouvelle année 2016
– par amendements dans le projet de loi « Création » ? –, elles ne verraient le jour qu’après arbitrage du président de la République François Hollande et de son Premier ministre. Si cela arrive un jour… @

Charles de Laubier

Dernière ligne droite pour le projet de loi « République numérique » avant le Parlement

Alors que le règlement et la directive européens « Protection des données »
ont fait l’objet d’un compromis le 16 décembre en vue d’être adoptés en 2016,
le projet de loi français « République numérique » prend, lui, les devants avec
le contrôle et portabilité des données, et la « loyauté des plateformes ».

Dernière ligne droite pour Axelle Lemaire (photo), secrétaire d’État au Numérique, pour peaufiner le projet
de loi numérique (« loi pour une république numérique »), qui a fait l’objet d’une consultation publique à l’automne dernier. Le texte, dont certaines dispositions de l’avant-projet de loi ont été notifiées dès novembre à la Commission européenne, a été présenté en conseil des ministres le 10 décembre (1), puis examiné le 15 décembre à l’Assemblée nationale par les commissions des affaires culturelles et européennes, puis le sera par les commissions des affaires économiques et affaires sociales le 12 janvier 2016, puis par la commission des lois le 13 janvier.

Trois volets : les données du problème
L’examen en première lecture en séance publique à l’Assemblée nationale est, lui, programmé pour le 19 janvier. Et fin mars-début avril prochains, le texte sera examiné par le Sénat. Le projet de loi comprend trois volets.
La première partie traite de la circulation des données et du savoir : économie de la donnée, ouverture des données publiques, création d’un service public de la donnée, création de la catégorie « données d’intérêt général », …
La seconde partie définit un cadre légal protecteur des droits des citoyens dans la société numérique : neutralité de l’accès à Internet, loyauté des plateformes, portabilité des données, protection de la vie privée en ligne, gestion des données en cas de décès (« mort numérique »), confidentialité des correspondances privées, …
La troisième partie est consacrée à l’accès de tous au numérique : accélération du développement du très haut débit, couverture mobile, développement de nouveaux usages tels que le recommandé électronique ou le paiement par SMS, accès des personnes handicapées aux services téléphoniques et aux sites web, droit au maintien de la connexion, …

Dans le second volet, les mesures pour de contrôle de ses données personnelles suggérées par les contributeurs citoyens prévoient notamment le « droit à l’auto-hébergement » : l’article 20 du texte stipule en effet qu’« aucune limitation technique
ou contractuelle ne peut être apportée à un service d’accès à l’Internet [une adresse IP dynamique ou une limitation dans l’usage des ports Internet d’une box par un FAI, ndlr], qui aurait pour objet ou effet d’interdire à un utilisateur de ce service qui en fait la demande (…) d’accéder, depuis un point d’accès à l’Internet, à des données enregistrées sur un équipement connecté à l’Internet, viale service d’accès auquel
il a souscrit (…) ou de donner à des tiers accès à ces données ». Or, justifie le gouvernement, un utilisateur final doit avoir la liberté d’héberger par ses propres moyens, les informations qu’il traite, en particulier celles à caractère personnel (e-mails, calendriers, contacts, messagerie instantanée…).

En outre, l’article 22 prévoit, lui, une définition des opérateurs de plateformes en ligne et leur impose une « obligation de loyauté » vis à vis des consommateurs sur leurs conditions générales d’utilisation (CGU) et à leurs modalités de référencement, de classement et de déréférencement des offres mises en ligne (2). Quant à la neutralité du Net, elle est inscrite à l’article 19 et son respect s’impose aux opérateurs télécoms, fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et plateformes numériques. « La mise en oeuvre par les opérateurs [télécoms et Internet, ndlr] des règles de gestion de trafic prévues par le règlement [européen] permettra de garantir un Internet libre et ouvert, sans pour autant brider les capacités d’innovation de l’ensemble des acteurs du numérique, opérateurs compris », assure-t-on dans les motifs du projet de loi. L’Arcep est chargée de faire respecter la neutralité du Net, quitte à mettre en demeure les FAI contrevenants. L’article 21, lui, instaure la « portabilité des données » stockées en ligne, obligeant tout acteur du numérique de proposer aux consommateurs une fonctionnalité de récupération des fichiers mis en ligne par le consommateur et des données associées à son compte.

Le texte ne fait pas l’unanimité
Mais contrairement aux apparences, ce projet de texte ne fait pas l’unanimité. L’Afdel (3) s’inquiète des conséquences sur certains acteurs du numérique de la portabilité des données, d’une part, et de la confidentialité des correspondances privées, d’autre part. La FFTélécoms (4), elle, s’était opposée à l’article 45 qui prévoit le maintien temporaire du service Internet en cas de non-paiement des factures par les personnes les plus démunies. Le CNNum (5) avait de son côté proposé, en vain, un « domaine commun informationnel » visant à éviter les abus du droit d’auteur au regard du domaine public. @

Charles de Laubier

Réforme du droit d’auteur : pourquoi l’eurodéputée Julia Reda est déçue par la Commission européenne

La commission juridique du Parlement européen a adopté le 16 juin le rapport
de l’eurodéputée Julia Reda sur la réforme du droit d’auteur. Prochaine étape :
le vote final les 8 et 9 juillet. Mais la membre du Parti Pirate regrette que la Commission européenne n’ait pas été assez loin.

« Les propositions sur le droit d’auteur et le géoblocage sont trop frileuses. Le fait de pouvoir regarder du contenu payant tel que des vidéos à la demande pendant ses vacances ne mettra pas
fin au système gênant du géoblocage. Souvent, ce système affecte les fournisseurs de services ou les plateformes financées par la pub comme YouTube, qui ne sont même pas intégrés dans les propositions de la Commission européen », a déploré l’eurodéputée Julia Reda (photo) dans une interview à Euractiv.com le 9 juin dernier.

Hésitations pour harmoniser
Membre du Parti Pirate et appartenant au groupe politique des Verts/ALE dont elle est vice-présidente au Parlement européen, où elle est aussi membre de la commission des Affaires juridiques (JURI), elle estime que la Commission européenne n’est pas allée assez loin dans ses propositions du 6 mai dernier. « Même si la stratégie de la Commission indique que certaines exceptions au droit d’auteur seront appliquées dans toute l’Union européenne, seul le secteur scientifique a pour l’instant été cité [dans le rapport adopté le 16 juin, toutes les exceptions au droit d’auteur n’ont pas été rendues obligatoires dans l’UE, ndlr]. Les Etats membres doivent être disposés à légaliser les formes d’utilisation déjà légales dans d’autres pays de l’Union européenne, telles que la modélisation des bâtiments publics, la citation de vidéos ou la création de parodies de contenus protégés par le droit d’auteur. Nombreux sont les gouvernements qui ne sont pas prêts à faire cela », déplore Julia Reda, auteure du rapport sur la mise en oeuvre de la directive européenne sur le droit d’auteur de 2001, dite DADVSI (1).
Autrement dit, l’eurodéputée estime que les propositions avancées par l’exécutif européen ne vont pas assez dans le sens d’une harmonisation beaucoup plus poussée des règles du droit d’auteur pour que les vidéos créées de manière légale ne soient pas illégales dans les pays voisins et pour que de nouveaux services se développent.
« Nous devons casser les silos nationaux (…) dans le droit d’auteur », avait pourtant déclaré Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, dans chacune des lettres de mission datées du 10 septembre 2014 et adressées à respectivement Andrus Ansip, commission en charge du Marché unique numérique, et à Günther Oettinger, à l’Economie numérique (2). Ce dernier espère présenter les propositions
de réforme législative du droit d’auteur en octobre 2015 – ou du moins avant la fin de l’année. Pour l’heure, le rapport de l’eurodéputée Julia Reda a été adopté le 16 juin dernier à une large majorité par la commission juridique du Parlement européen. Le vote final en séance plénière est prévu les 8 et 9 juillet prochains. Malgré cette avancée parlementaire, la membre du Parti Pirate a tenu à exprimer publiquement pourquoi elle regrettait que les propositions que la Commission européenne a faites le 6 mai dernier n’aient pas été assez loin dans la réforme du droit d’auteur. Selon Julia Reda, la Commission européenne a été beaucoup trop hésitante dans l’instauration de règles communes à l’UE. « L’Union européenne s’appuie sur quatre libertés : liberté de circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services. Le contenu digital est présenté comme un service disponible sur Internet mais bien souvent il n’est pas accessible à tous en Europe. Cela contredit les principes de base du marché commun de l’UE et engendre de la discrimination (…) », estime Julia Reda. L’eurodéputée pointe du doigt l’intense lobbying auquel se livrent des entreprises et des organisations pour influencer à son tour le Parlement européen, puis le Conseil de l’UE « où les gouvernements nationaux se battent généralement pour les intérêts de leurs entreprises ». Selon elle, « il n’est donc pas surprenant que les grandes sociétés de télécommunications n’acceptent pas l’idée de neutralité du Net, que les maisons d’édition scientifiques s’opposent à une loi sur le droit d’auteur ou que les détenteurs
du droit d’auteur de grands événements sportifs soient contre la suppression du géoblocage ».

116 lobbies autour de Julia
Sur son site web d’information Juliareda.eu, montrant l’état d’avancement des discussions depuis son pré-rapport du 15 janvier dernier (3), Julia Reda joue la transparence en listant toutes les entreprises et organisations – soit pas moins de 116
à ce jour – qui l’ont sollicitée pour un rendez-vous (http://lc.cx/ LobbyReda). On y trouve par exemple : la SAA (Society of Audiovisual Authors), Google, la Free Software Foundation Europe, Apple, la Sacem, Vivendi, l’IFPI (International Federation of the Phonographic Industry), Canal+, l’EuroISPA (European Internet Services Providers Association), Walt Disney ou encore l’ETNO (European Telecommunications Network Operators’ Association). Un autre site web, Copywrongs.eu, fait état des débats et des amendements.

Territorialité en question
Est-ce sous la pression des lobbies les plus puissants que la Commission européenne a été finalement plus timorée dans ses propositions du 6 mai dernier ? Les questions sensibles, telles que celle du géoblocage (4), n’ont pas été tranchées.
Depuis leurs déclarations de l’automne dernier et la mobilisation de la France particulièrement remontée contre cette réforme, les commissaires européens ont mis de l’eau dans leur vin. Les organismes de gestion collective des droits (SACD, Scam, …) sont également opposés à la réforme, tandis que la Commission européenne a donné son accord le 16 juin au rapprochement entre les « Sacem » britannique (PRSfM), suédoise (STIM) et allemande (GEMA). La territorialité du droit d’auteur pour son financement n’est pas remise en cause, contrairement à ce que craignaient les ayants droits de la musique, du cinéma et du sport. Les exclusivités territoriales dont bénéficient les diffuseurs et distributeurs ne sont pas prêtes de voler en éclats. La Commission européenne a changé de braquet : plutôt que de se focaliser sur le droit d’auteur, elle reporte son attention sur le commerce électronique qui fera l’objet d’une grande enquête afin d’identifier les éventuels obstacles au marché unique numérique. Ainsi, pour le géoblocage portant initialement sur les contenus audiovisuels, les mesures envisagées par la Commission européenne se sont surtout déportées vers le géoblocage de biens et autres services dont la livraison est impossible dans certains pays. « En raison de ce blocage, il peut arriver, par exemple, qu’une location de voiture depuis un État membre donné soit plus chère qu’une location effectuée depuis un autre État membre pour un véhicule identique au même endroit », était-il expliqué le 6 mai. Et d’ajouter ensuite : « La Commission européenne s’efforce en particulier de garantir que les utilisateurs qui achètent des films, de la musique ou des articles chez eux puissent également en profiter lorsqu’ils voyagent à travers l’Europe. [Elle] examinera également le rôle des intermédiaires en ligne en ce qui concerne les œuvres protégées par le droit d’auteur ». Bref, la Commission européenne n’est plus aussi déterminée qu’avant. La ministre française de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, ne s’y est pas trompée, qui a « salué les progrès que marque la réflexion de la Commission sur certains aspects du débat en matière de droit d’auteur, en particulier la volonté de clarifier le statut des intermédiaires techniques et d’améliorer le respect du droit d’auteur ».
Dans une note datée du 23 février 2015, le Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE) refuse de « remettre en cause le principe du cadre territorial dans lequel sont délivrées les licences » et estime qu’il faut se concentrer « sur la portabilité des services et non sur une remise à plat du principe de territorialité qui aurait pour conséquence un appauvrissement de la culture européenne » (5). La réforme du droit d’auteur a donc du plomb dans l’aile. Et l’ancienne commissaire européenne et aujourd’hui eurodéputée Viviane Reding (6) est déjà prête à l’enterrer : « La réforme du droit d’auteur est un sujet mort-né. Il ne pose pas problème, on ne va pas commencer
à en créer pour régler des soucis qui n’existent pas ! », a-t-elle lancé lors d’un débat SACD-Canal+ sur le droit d’auteur et le marché unique du numérique qui s’est déroulé le 16 mai dernier lors du Festival de Cannes. Alors que, selon l’indice numérique que
la Commission européenne a publié le 24 février dernier, les Européens veulent aussi pouvoir accéder aux services en ligne disponibles dans d’autres pays que le leur : ils sont un sur trois à se dire intéressés par la possibilité de regarder un film ou entendre une musique provenant d’un pays étranger ; et ils sont un sur cinq à vouloir regarder ou écouter une oeuvre culturelle dans d’autres pays. Mais, malgré l’émergence de services numériques transfrontaliers, ils en sont empêchés par le blocage géographique (geo-blocking), par l’identification automatique de leur adresse IP (via des prestataires mondiaux tels que Maxmind et sa solution GeoIP) et par des techniques de DRM (Digital Rights Managements), en raison des restrictions liées aux droits d’auteur
ou aux droits d’exploitation.

Etude sur la VOD « transeuropéenne »
En France, la direction générale des Médias et des Industries culturelles (DGMIC)
du ministère de la Culture et de la Communication a publié le 23 mai un appel à candidatures – jusqu’au 16 juin prochain – pour la réalisation d’« une étude portant
sur les offres et les stratégies commerciales des services de VOD et SVOD transeuropéens ». @

Charles de Laubier