En prenant X en grippe, Thierry Breton crée un malaise au sein de la Commission européenne

Dix mois après sa première lettre du 10 octobre 2023 à Elon Musk pour lui rappeler les obligations de X (ex-Twitter) au regard du Digital Services Act (DSA), Thierry Breton lui a envoyé une seconde lettre le 12 août 2024. A force d’insister, le commissaire européen créé un malaise à Bruxelles.

Thierry Breton (photo) outrepasse-t-il ses fonctions de commissaire européen en charge du Marché intérieur ? C’est à se demander, tant le Français – que le président de la République française Emmanuel Macron souhaite voir reconduit dans ses fonctions pour le prochain mandat de la Commission européenne – se distingue en prenant parfois des initiatives sans se concerter avec ses collègues à Bruxelles. Il en va ainsi avec le second courrier en dix mois adressé le 12 août 2024 à Elon Musk pour rappeler à ce dernier les obligations du réseau social X (ex- Twitter) en Europe.

Thierry Breton désavoué face à Elon Musk
« Le timing et la formulation de la lettre n’ont été ni coordonnés ni convenus avec la présidente [Ursula von der Leyen] ou le collège [des commissaires européens] », a déclaré Arianna Podestà, porte-parole en cheffe-adjointe de la Commission européenne, selon sa déclaration faite au journal Le Monde. Et d’assurer : « La lettre [de Thierry Breton] ne voulait en aucun cas interférer avec les élections américaines. L’UE n’interfère pas dans des élections » (1). Pourtant, le courrier à Elon Musk daté du 12 août et signé par le commissaire européen au Marché intérieur fait explicitement référence à « la diffusion prévue sur votre plateforme X [en s’adressant à Elon Musk, ndlr] d’une conversation en direct entre un candidat à la présidence américaine et vous-même, qui sera également accessible aux utilisateurs de l’UE ».
Et Thierry Breton d’enfoncer le clou en mettant en garde le propriétaire de la plateforme X : « Nous surveillons les risques potentiels dans l’UE associés à la diffusion de contenu pouvant inciter à la violence, à la haine et au racisme en lien avec un événement politique – ou sociétal – majeur à travers le monde, y compris des débats et des interviews dans le contexte d’élections [en l’occurrence ici des élections américaines, ndlr] ». Dans cette lettre que la présidente de la Commission européenne ne cautionne pas, il est fait ainsi clairement référence à l’interview, prévu le lendemain, que Elon Musk fera lui-même de Donald Trump, candidat Républicain à l’élection présidentielle. L’« interférence » du commissaire européen Thierry Breton aurait pu être considérée comme de l’ingérence de la Commission européenne dans les affaires intérieures des Etats-Unis s’il n’y avait pas eu la mise au point de la porte-parole en cheffe-adjointe de l’exécutif européen. Désavoué par les services de la présidente Ursula von der Leyen, laquelle a été réélue le 18 juillet dernier par les eurodéputés pour un nouveau mandat, Thierry Breton a aussi reçu une réplique cinglante de la part du propriétaire de X.

L’ex-secrétaire d’Etat au Numérique Cédric O fait toujours polémique avec son « Mistral gagnant »

Le lobbying dans l’IA de l’ancien secrétaire d’Etat au Numérique, Cédric O, continue de faire polémique sur fond de soupçons de conflits d’intérêts. La Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) avait exprimé des réserves en juin 2022. Et depuis ?

(Le 11 juin 2024, soit le jour suivant la publication de cet article dans le n°323 de Edition Multimédi@, Mistral AI annonçait une levée de fonds de 600 millions d’euros, et, le 17 juillet, la HATVP nous a indiqué qu’elle venait de « procéder au contrôle du respect des réserves » formulées en 2022 et qu’ « aucun élément ne permet de conclure que ces réserves auraient été méconnues », mais aucune communication officielle n’est prévue)

Cédric O, cofondateur et actionnaire de la start-up Mistral AI via sa propre société de conseil Neopunteo, estil juge et partie – voire en conflits d’intérêts – vis-à-vis du gouvernement dont il fut secrétaire d’Etat au Numérique (mars 2019 à mai 2022) ? La question est lancinante mais légitime puisque cela concerne l’ancien secrétaire d’Etat au Numérique. Contactée par Edition Multimédi@, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), présidée par Didier Migaud, nous a assuré qu’elle s’était bien prononcée dans sa délibération du 14 juin 2022 sur la demande que lui avait soumise Cédric O (photo) concernant notamment sa société Neopunteo.

Neopunteo, société de conseil au bras long
« Cédric O a créé le 11 juillet 2022 Neopunteo, qui a notamment pour objet social la prise de participation, directe ou indirecte, dans toutes opérations financières, immobilières ou mobilières ou entreprises commerciales ou industrielles pouvant se rattacher à l’objet social, notamment par voie de création de sociétés nouvelles, le tout directement ou indirectement, pour son compte ou pour le compte de tiers », nous a précisé un porte-parole de la HATVP. Et celui-ci de nous confirmer en outre : « C’est la société Neopunteo qui a souscrit des parts au capital de la société Mistral AI ». C’est ainsi que l’ancien secrétaire d’Etat au Numérique a pu affirmer auprès de l’AFP en décembre dernier qu’« [il] respect[ait] toutes les obligations demandées par la HATVP ». Cédric O a investi dans la start-up Mistral AI, créée le 28 avril 2023, dont il est coactionnaire et « conseiller-cofondateur » via sa société Nopeunteo qui était encore à l’état de projet au moment du rendu de l’avis contraignant du gendarme de la transparence de la vie publique.
Comme Cédric O a occupé ses fonctions ministérielles du 31 mars 2019 au 20 mai 2022, il avait en effet l’obligation – dans les trois ans suivant la cessation de ses fonctions à Bercy, soit jusqu’en mai 2025 – de saisir la HATVP avant de s’engager professionnellement. La haute autorité se prononce sur la compatibilité ou pas de l’exercice d’une activité rémunérée au sein d’une entreprise avec les fonctions de membre du gouvernement exercées au cours des trois années précédant le début de l’activité. Objectif : éviter le risque de prise illégale d’intérêts, laquelle relève d’une infraction pénale passible de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 200.000 euros. Il s’agit aussi de lutter contre tout conflit d’intérêt et d’édicter éventuellement des mesures à respecter pour prévenir les risques déontologiques. Depuis que Cédric O a quitté Bercy, la HATVP a publié quatre délibérations le concernant. La première délibération est celle datée de juin 2022 et concerne France Asie et Sista, ainsi que le projet de « créer une entreprise afin de réaliser des prestations de conseil » (1), Nopeunteo. Dans ses « réserves », la haute autorité a demandé à Cédric O de « respecter les règles déontologiques », de ne pas « faire usage ou de divulguer des documents ou renseignements non publics dont il aurait eu connaissance », et lui « suggère » de la saisir « avant de prendre pour client un organisme ou de prendre une participation dans une entreprise appartenant au secteur du numérique ».

Smartphones subventionnés par Bouygues, Orange et SFR : « concurrence déloyale » envers Free ?

Free Mobile a été le quatrième et dernier opérateur mobile à s’être lancé, en 2012, sur le marché français. Depuis il n’a cessé d’attaquer ses trois rivaux sur leurs pratiques de subvention de smartphones avec des forfaits de 12 ou 24 mois. Bouygues Telecom est le dernier à en faire les frais. « Nous avons fait appel devant la Cour d’appel de Paris le soir même de la décision, le jeudi soir 9 février », indique à Edition Multimédi@ le groupe Bouygues Telecom, qui a été condamné ce jour-là par le tribunal de commerce de Paris à payer 308 millions d’euros de dommages et intérêts à Free Mobile pour « concurrence déloyale ». Edition Multimédi@ s’est procuré le jugement (1). En cause : la subvention de smartphones – offerts à prix réduit – dans le cadre d’un forfait avec l’engagement du client pour une durée de 24 mois. Subvention ou crédit à la consommation ? « Le tribunal de commerce de Paris a rendu un jugement qui s’inscrit dans une série de contentieux lancés par Free Mobile à l’encontre de ses concurrents [non seulement Bouygues Telecom mais aussi Orange et SFR, ndlr], et de leurs offres groupant smartphones et forfaits mobiles, dites “avec subvention” », rappelle Bouygues Telecom qui « conteste ce jugement avec la plus grande vigueur et considère que ses offres groupées sont légales ». La filiale télécoms du groupe Bouygues conteste le fait qu’il doive verser à Free Mobile 308 millions d’euros de dommages et intérêts et que « l’exécution provisoire [soit] de droit » – c’est-à-dire que Bouygues Telecom doit immédiatement payer la somme à Free Mobile sans attendre le verdict en appel. Bouygues Telecom estime d’ailleurs que ce jugement à exécution provisoire est « inexact s’agissant d’une procédure introduite avant le 1er janvier 2020 ». Sur ce point juridique, un décret daté du 11 décembre 2019 prévoit que l’exécution provisoire d’un jugement est de droit : le créancier peut recourir à l’exécution immédiate de la décision rendue. Cette nouvelle règle est énoncée à l’article 514 du code de procédure civile, mais il est précisé qu’elle ne s’applique que pour les instances introduites à compter du 1er janvier 2020. Or, dans cette affaire, c’est en octobre 2019 que Free Mobile a assigné Bouygues Telecom devant le tribunal de commerce de Paris. La filiale télécoms du groupe Iliad, présidé par Xavier Niel (photo) et premier actionnaire, a attaqué Bouygues Telecom sur le fondement de la « concurrence déloyale » en affirmant que « certaines de ses offres de téléphonie mobile associant un forfait téléphonique et l’acquisition d’un téléphone mobile constitueraient des opérations de crédit à la consommation et des pratiques trompeuses ». Free Mobile, qui est entré sur le marché français il y a onze ans en se démarquant de ses concurrents avec des offres sans engagement mais avec crédit à la consommation possible pour financer le smartphone, estime avoir subi un préjudice que le quatrième opérateur mobile a d’abord évalué à 612 millions d’euros. Bouygues Telecom précise dans son dernier rapport d’activité – le document d’enregistrement universel portant sur 2021 et publié fin mars 2022 – avait contesté la recevabilité ainsi que le bien-fondé de l’action de Free Mobile en formant « une demande reconven- tionnelle en dommages-intérêts à l’encontre de Free Mobile sur le fondement, d’une part, de l’abus de droit et, d’autre part, du dénigrement de ses offres, pour un montant de 1.576.000 euros ». Dans des conclusions déposées le 5 février 2021, Free Mobile avait actualisé ses demandes de dommages et intérêt, et porté celles-ci à 722 millions d’euros. Le jugement du 9 février n’a pas entièrement suivi la demande de Free Mobile sur ce point, puisque la condamnation de Bouygues Telecom porte sur moins de la moitié de la somme exigée. Le tribunal a jugé que « les offres de Bouygues Telecom avaient pour objectif de lui conférer un avantage concurrentiel dans des conditions de concurrence déloyale ». Cette affaire concerne d’anciennes offres de Bouygues Telecom qui se dit sûr de son bon droit, à tel point qu’« aucun montant n’a été provisionné dans les derniers comptes arrêtés par Bouygues Telecom » (2). Ces offres groupées – smartphone à prix cassé en échange d’un engagement sur 24 mois – ont été commercialisées entre 2014 et 2021. La filiale télécoms de Bouygues a justifié devant le tribunal le prix plus élevé de ses forfaits de 24 mois intégrant un smartphone par l’accès à des services supplémentaires comme le kiosque presse ou la télévision. « Bouygues Telecom a commis une faute » Mais les juges ne l’ont pas entendu de cette oreille, estimant que « la décomposition du prix réellement payé sur 24 mois n’est pas portée à la connaissance des consommateurs qui ne sont pas mis en capacité, comme ils devraient l’être, de pouvoir apprécier ce qui leur est facturé au titre de l’abonnement ». Résultat : le tribunal a considéré que cette subvention de smartphone relevait plutôt d’une facilité de paiement qui peut être assimilée à la fourniture d’un crédit au sens de l’article L.311-1 du code de la consommation. Celui-ci considère comme une « opération de crédit (…) un contrat en vertu duquel un prêteur consent ou s’engage à consentir à l’emprunteur un crédit, relevant du champ d’application du présent titre, sous la forme d’un délai de paiement, d’un prêt, y compris sous forme de découvert ou de toute autre facilité de paiement similaire (…) ». Le jugement du 9 février en conclut que « Bouygues Telecom a commis une faute (…) en méconnaissant la législation applicable aux opérations de crédit ». C’est aussi le manque de transparence vis- à-vis du consommateur qui est épinglée. « Opération de crédit » (Cassation, 2018) Il y a près de cinq ans déjà, dans un arrêt daté du 7 mars 2018, la Cour de cassation a retenu le caractère « opération de crédit » d’un forfait « Carré » de SFR associé à un « prix Eco » où le consommateur pouvait, lors de la souscription de l’abonnement, opter pour l’acquisition à un prix « attractif », associée à un engagement d’abonnement « un peu plus cher chaque mois » jusqu’à son terme de 12 ou 24 mois. Free Mobile, tout juste rentré sur le marché français de la téléphonie mobile, avait attaqué SFR dès 2012. « La Cour d’appel s’est prononcé par un motif radicalement inopérant et impropre à exclure la qualification de crédit à la consommation et a violé les articles 1382 du code civil et L 311-1, L 311-4, L 311-5, L 311-9, L 311-10, et L 311-11 du code de la consommation, interprétés à la lumière de la directive [européenne] 2008/48/CE du 23 avril 2008 », a notamment tranché la Cour de cassation (3). L’association UFC-Que Choisir avait pris acte de cet arrêt de la Cour de cassation qui allait dans le sens de la transparence pour les consommateurs. « Parlant de crédit déguisé, nous avons systématiquement demandé la transpa-rence sur ce type de contrat, notamment pour que soient distinguées, dans le forfait, la partie relevant du paiement du terminal (qu’il fasse ou non apparaître un taux d’intérêt, d’ailleurs), et celle correspondant à la prestation de services (appels, SMS, Internet). Au-delà de la transparence informative, cela aurait en outre une vertu majeure : que le paiement du terminal cesse une fois la période d’engagement passée ! », avait commenté en mars 2018 le président UFC-Que Choisir, Alain Bazot (4). Car l’abonné mobile pouvait se retrouver sans le savoir à payer un surcoût pour son smartphone qui pouvait lui revenir jusqu’à 50 % plus cher. Après le procès de Free Mobile contre SFR en 2012 (tranché par la Cour de cassation en 2018), la filiale mobile du groupe de Xavier Niel a plus récemment – le 14 novembre 2022 – déposé une plainte contre la filiale télécoms du groupe de Patrick Drahi devant le tribunal de commerce de Paris pour contester, là encore, la subvention utilisée dans les offres mobiles de SFR vendues depuis 2017. Free Mobile affirme encore une fois que ces subventions constituaient une forme de crédit à la consommation et, à ce titre, SFR a mis en œuvre des pratiques déloyales non conformes à la réglementation du crédit à la consommation. Dans son dernier état financier au 30 septembre 2022, le groupe Altice – maison mère de SFR – explique qu’« en raison du début du processus, la direction a déterminé qu’il est difficile d’estimer de façon fiable la probabilité de l’issue de cette affaire à ce moment- là et, par conséquent, aucune disposition n’a été reconnue en date du 30 septembre 2022 » (5). Mais avant de relancer les hostilités avec Altice, Free Mobile avait attaqué en référé Orange en juin 2018 devant le tribunal de commerce de Paris – soit trois mois après l’arrêt de la Cour de cassation qui lui était favorable – visant, sur ce front aussi, à faire interdire certaines de ses offres de téléphonie mobile proposant des terminaux mobiles à prix attractifs accompagnés de formule d’abonnement au motif qu’elles seraient constitutives d’offres de crédit à la consommation. Dans son document d’enregistrement universel portant sur 2021 et publié en mai dernier, Orange précise ceci mais son dire s’il provisionne une somme au cas où : « L’instruction du dossier est en cours d’examen par les juges du fond. Le 16 octobre 2020, Iliad a pour la première fois évalué son préjudice à 790 millions d’euros ». Le groupe Iliad estime que « du pouvoir d’achat a été redonné en France suite au lancement de Free Mobile » mais que sa filiale mobile a été victime d’une « concurrence déloyale » par les pratiques de subvention de terminaux par Bouygues Telecom, Orange et SFR. Ces « comportements fautifs » lui aurait fait perdre 3 % de part de marché (6). Free Mobile pratique le crédit depuis 2012 Depuis son lancement commercial le 10 janvier 2012, avec une offre « tout illimité » à 19,99 euros par mois (7) – sans engagement et hors combiné mobile (en espérant alors réitérer le succès du triple play à 29,90 euros lancé en 2002), Free Mobile n’a jamais subventionné les smartphones de ses clients. L’achat du smartphone est séparé du forfait. Le quatrième opérateur mobile propose en revanche d’acquérir le terminal à crédit sur 24 mois ou, depuis juillet 2021, en leasing via une offre dite « Flex » (8) sans taux de crédit. Mais pour être propriétaire du smartphone à l’échéance des 24 mois, l’abonné a le choix entre une « option d’achat », la « location » ou la résiliation. @

Charles de Laubier

Chronologie des médias toujours contestée : Disney continue de faire pression sur la France

Après la réunion du 4 octobre organisée par le CNC sur la chronologie des médias, Disney a finalement décidé de sortir son nouveau film « Black Panther » dans les salles de cinéma en France. Comme Netflix, la major américaine veut une réforme des fenêtres de diffusion dès 2023.

(Depuis sa sortie dans les salles de cinéma en France le 9 novembre, le deuxième « Black Panther » de Disney domine toujours le box-office, comme aux Etats-Unis)

« Les pouvoirs publics [français] ont clairement reconnu la nécessité de moderniser la chronologie des médias et un calendrier précis a été arrêté pour en discuter, The Walt Disney Company a donc décidé de confirmer la sortie au cinéma de “Black Panther : Wakanda Forever”, le nouveau film de Marvel Studios, le 9 novembre prochain », a lancé le 17 octobre sur Twitter Hélène Etzi (photo), la présidente de Disney France. Et ce, au moment où les signataires de la chronologie des médias – dont la dernière mouture est datée du 24 janvier 2022 – ont commencé à se retrouver autour de la table des négociations et de ses bras de fer.

Disney appelle à une « co-exploitation »
« Comme nous l’avons déjà déclaré, la chronologie des médias actuelle n’est pas adaptée aux comportements et attentes des spectateurs ; elle est contre-productive et expose tous les producteurs et artistes à un risque accru de piratage », a-t-elle poursuivi, en déclarant vouloir « continuer de manière constructive aux réflexions et débats lors des prochaines réunions avec tous les acteurs de la filière, organisées sous l’égide du CNC (1), afin de définir dès février 2023 un nouveau cadre que nous souhaitons équitable, flexible et incitatif à la sortie des films en salles de cinéma » (2). Ce que la major presque centenaire du cinéma reproche à cette chronologie des médias à la française, c’est le fait que cette dernière lui impose de retirer un film de Disney+ en France au bout de cinq mois d’exploitation, laquelle intervient en tant que plateforme de SVOD du 17e au 22e mois après la sortie du film en salle de cinéma. Ce retrait intervient pour laisser la place aux chaînes de télévision en clair, dont la fenêtre s’ouvre du 22e au 36e mois après la sortie du film en salle de cinéma.
Pour la Walt Disney Company, cette interruption est inacceptable et demande au contraire qu’elle puisse continuer à exploiter le film en ligne simultanément avec les chaînes gratuites selon un mode de « co-exploitation ». Ce sujet a été au cœur des discussions de la réunion du 4 octobre organisée par le CNC dans le cadre de la renégociation de la chronologie des médias qui doit aboutir d’ici janvier 2023. Disney reproche donc à l’actuelle chronologie des médias de lui imposer le retrait d’un film de sa plateforme au profit des seules chaînes gratuites. C’est la raison pour laquelle la firme de Burbank – où se trouve son siège social, à dix minutes en voiture d’Hollywood – a fait savoir début juin qu’elle ne sortira finalement pas dans les salles de cinéma françaises son long métrage d’animation de Noël 2022, « Avalonia, l’étrange voyage », mais en exclusivité sur Disney+. Une situation unique au monde pour cette grosse production. Ce fut la douche froide pour les salles obscures françaises pour lesquelles un tel blockbuster hollywoodien, en plus déjà programmé par Disney (pour une sortie en France sur les écrans le 30 novembre 2022, maintenant annulée), représente un manque à gagner considérable de fin d’année. « Cette décision est la conséquence de la nouvelle chronologie des médias que The Walt Disney Company juge inéquitable, très contraignante et inadaptée aux attentes du public et à l’évolution des modes de consommation des films », avait justifié la firme américaine. Elle trouve « frustrante » la situation alors qu’elle estime soutenir le cinéma français avec ses sorties en salles, et investir de plus en plus dans la création originale française. La maison mère de Disney avait prévenu avant l’été qu’elle décidera « film par film (…) dans chaque pays ».
Cette déprogrammation d’« Avalonia » avait mis en colère la Fédération nationale des cinémas français (FNCF) qui a accusé Disney de « porter atteinte gravement à l’économie des salles de cinéma [« instrumentalisées »] et du secteur tout entier » (3). Le film « Black Panther : Wakanda Forever » allait-il subir le même sort ? Depuis le 17 octobre, les exploitants de salles adeptes des Disney et des Marvel sont rassurés pour celui-ci. La FNCF n’a rien dit. La major américaine dispose en tout cas d’un fort moyen de pression dans les négociations en cours. Fin juin, devant l’Association des journalistes médias (AJM), Netflix avait aussi tiré à boulets rouges sur la chronologie française que la filiale française avait pourtant signée en janvier (4).

La ministre contre « un bloc de marbre figé »
La SACD (5), qui n’avait pas signé l’accord de janvier 2022 sur la chronologie des médias (6) en raison de sa durée de trois ans (jusqu’en février 2025) jugée trop longue au regard de l’évolution des usages numériques (7), a fustigé le 11 octobre les « effets paradoxaux et contre-productifs » de ces fenêtres de diffusion « premium » et « non-premium ». Pour la Scam (8), qui fait au contraire partie des signataires, il faut « déroger » plus souvent à la chronologie des médias. Quant à la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, elle a fait savoir le 18 octobre que cette chronologie « ne peut pas être un bloc de marbre figé »… @

Charles de Laubier

Après le rejet de trois amendements taxant à 1,5 % le streaming musical pour financer le CNM, place à la mission « Bargeton »

L’UPFI la prône ; le Snep n’en veut pas ; des députés ont tenté de l’introduire en vain par trois amendements rejetés le 6 octobre dernier : la taxe de 1,5 % sur le streaming musical en faveur du Centre national de la musique (CNM) va refaire parler d’elle lors des auditions de la mission confiée au sénateur Julien Bargeton. Une taxe sur le streaming musical de 1,5% sur la valeur ajoutée générée par les plateformes de musique en ligne. Telle était la proposition faite par des députés situés au centre et à gauche de l’échiquier politique, dans le cadre du projet de loi de finances 2023. Mais avant même l’ouverture des débats en séance publique le 10 octobre à l’Assemblée nationale (et jusqu’au 4 novembre), la commission des finances réunie le 6 octobre, a rejeté les trois amendements – un du centre et deux de gauche, déposés respectivement les 29 et 30 septembre. La ministre de la Culture, Rima Abdul Malak (« RAM »), n’a-t-elle pas assuré que le budget du Centre national de la musique (CNM) pour en 2023 est « suffisamment solide » ? Le CNM sera doté l’année prochaine de plus de 50 millions d’euros, grâce à la taxe sur les spectacles de variétés qui, d’après le projet de loi de finances 2023 déposé fin septembre, rapportera l’an prochain 25,7 millions d’euros (contre 35 millions en 2019, soit avant la pandémie). Julien Bargeton missionné par décret d’Elisabeth Borne publié le 25 octobre S’y ajouteront un financement garanti par l’Etat à hauteur de 26 millions d’euros et une contribution des sociétés de gestion collective (1) de quelque 1,5 million d’euros. Pour autant, la question de son financement se posera pour 2024 et les années suivantes. Or la pérennité du budget de cet établissement public à caractère industriel et commercial – placé sous la tutelle du ministre de la Culture – n’est pas assuré. D’où le débat qui divise la filière musicale sur le financement dans la durée du CNM, aux missions multiples depuis sa création le 1er janvier 2020 – et présidé depuis par Jean-Philippe Thiellay. A défaut d’avoir obtenu gain de cause avec ses trois amendements, l’opposition compte maintenant sur le sénateur de la majorité présidentielle Julien Bargeton (photo) qui vient d’être missionné – par décret publié le 25 octobre et signé par la Première ministre Elisabeth Borne – pour trouver d’ici le printemps 2023 un financement pérenne au CNM. L’une des vocations de ce CNM est de soutenir la filière dans sa diversité, un peu comme le fait le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) pour la production cinématographique, audiovisuelle ou multimédia. Mais Continuer la lecture