Musique en ligne et rémunération des artistes : l’été sera chaud pour le médiateur Schwartz

Le conseiller maître à la Cour des comptes Marc Schwartz ne sera pas vraiment en vacances cet été. Il doit rendre mi-juillet, à la ministre Fleur Pellerin, son pré-rapport sur le partage de la valeur dans la musique en ligne. Et sa version finale d’ici fin septembre. Pas de consensus en vue, pour l’instant.

Marc Schwartz n’est pas au bout de ses peines.
Il doit soumettre à la ministre de la Culture et de la Communication des propositions sur la répartition de
la valeur créée par l’exploitation de la musique en ligne,
en prévision de la loi « Liberté de création, architecture
et patrimoine » qui devrait commencer à être débattu au Parlement après l’été. Deux ans après le rapport Phéline, qui préconisait une gestion collective obligatoire pour le streaming, le médiateur Schwartz – missionné le 21 mai dernier par Fleur Pellerin – doit tenter l’impossible.

Gestion collective : point de blocage
Le conseiller maître à la Cour des comptes, ancien directeur financier de France Télévisions, n’a plus que quelques semaines pour mettre d’accord les représentants des artistes-interprètes, les producteurs de musique et les plateformes de musique en ligne, ainsi que les sociétés de perception et de répartition des droits. Cela semble à ce stade mission impossible. « Il y a absence de consensus partagé sur l’état des lieux et le diagnostic. Aujourd’hui, sur un contrat stream, quelle est la part revenant à l’artiste, à l’artiste interprète, sur les droits voisins… Il y a beaucoup d’avis divergents », a encore dit la ministre lors de la 49e édition du Midem (1) qui s’est tenu début juin à Cannes. Quelque peu pessimiste, Fleur Pellerin a alors laissé entendre qu’elle « prendrai[t] ses responsabilités à défaut d’accord ». Comprenez : s’il n’y a pas d’accord interprofessionnel, la ministre prévient qu’elle en passera par la loi. Ce que redoute l’ensemble de la filière musicale : c’est le seul sujet de consensus ! Il faut dire que les rapports sur la musique en ligne se sont succédés sans résultat depuis 2010 : à l’instar du rapport Zelnik (EM@5, p. 2), de la mission Hoog (EM@28, p. 4), du rapport Lescure (EM@80, p. 3), et du rapport Phéline (EM@93, p. 5), le prochain rapport Schwartz penchera-t-il lui aussi pour la gestion collective des droits de la musique en streaming ? Si ce mode de rémunération existe déjà avec la SCPP (2) et la SPPF (3) pour les producteurs, avec la Sacem (4) pour les musiciens, avec l’Adami et la Spedidam pour les artistes-interprètes, les producteurs de musique sont, eux, vent debout contre la perspective d’une gestion collective obligatoire au détriment des contrats individuels qu’ils signent avec les artistes-interprètes et les distributeurs. C’est la pierre d’achoppement la plus sérieuse entre les professionnels de la musique enregistrée. Bien que la lettre de mission – signée le 21 mai par Fleur Pellerin et adressée à Marc Schwartz – se garde bien de mettre de l’huile sur le feu, elle fait quant même clairement référence au rapport Phéline, « notamment l’instauration d’un système de gestion collective obligatoire pour le streaming, qui fait débat parmi les acteurs ». L’Adami, société de gestion collective des droits des artistes et musiciens interprètes, qui a fêté ses 60 ans cette année, prône la gestion collective obligatoire. « Le rapport Phéline a validé l’analyse et les propositions de l’Adami. (…) Après cinq rapports successifs, il est temps de légiférer », avait déclaré son directeur général, Bruno Boutleux, dans Edition Multimédi@ (5). Selon une rumeur, l’Adami serait prête à renoncer à être le gestionnaire pour que la gestion collective puisse être acceptée…

A l’autre bout de la table des négociations, le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) dénonce depuis cinq ans – depuis le rapport Zelnik – la menace du « collectivisme » et de « kolkhoze » pour l’industrie musicale. Entre ces deux positions opposées, le médiateur pourrait tenter de proposer une rémunération garantie pour les artistes-interprètes. Il y a ceux qui souhaitent que des engagements soient pris et un code de bonne conduite mis en place selon le principe d’une auto-régulation. C’est le cas par exemple du syndicat des éditeurs de services de musique en ligne (ESML). De son côté, l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI) souhaite depuis 2010 une taxe sur les acteurs du Net (6). Quant aux plateformes numériques, telles que Spotify, Deezer ou encore iTunes d’Apple (en plein lancement d’Apple Music), elles estiment qu’elles reversent suffisamment de revenus aux ayants droits.

Moins payé en streaming
Mais les musiciens et artistes-interprètes affirment qu’ils sont moins bien rémunérés en streaming qu’en téléchargement. En France, selon le Snep sur 2014, le streaming a généré 72,5 millions d’euros de chiffre d’affaires (en hausse de 34,3 % sur un an), contre 53,8 millions d’euros pour le téléchargement (en chute de 14,2 %). Et au niveau mondial, En 2014, selon l’IFPI (7), les ventes mondiales de musique numérique ont égalé les ventes physiques. @

Charles de Laubier

Discovery avance ses pions dans la vidéo en ligne en Europe, en attendant Apple et les autres

Le marché mondial de la vidéo et de la télé en ligne s’organise avec le lancement de grands acteurs américains tels que Discovery, HBO, Apple, … A l’instar de Netflix, ces services transfrontaliers commencent à déferler en Europe. Les chaînes traditionnelles, comme Canal+ en France, ont du souci à se faire.

Le groupe américain de télévision payante Discovery Communications va lancer dans toute l’Europe, en 2015, un service de vidéo en ligne : Dplay. Déjà présent en Europe au travers de sa filiale Eurosport, après avoir racheté début 2014 les parts de TF1 (1), il opère un premier service de service en ligne de la chaîne sportive baptisé Eurosport Player.

Dplay, HBO Now, Sling TV, PS Vue, …
Dplay va d’abord être étendu de la Norvège au Danemark, à l’Italie et à la Suède,
tout en entrant en concurrence frontale avec Netflix qui a une longueur d’avance en Europe et Now TV de Sky. «Nous possédons la totalité de nos contenus, ce qui est
un avantage énorme. Nous les possédons tous et dans 52 langues, ce qui nous différencie. Et maintenant, nous sommes en train de migrer vers une entreprise s’adressant directement au consommateur (direct-to-consumer company). L’Europe est pour nous le prochain marché émergent », s’est félicité David Zaslav (photo), directeur général de Discovery, de passage à Paris le 4 juin pour le tournoi de Roland Garros d’où Eurosport rediffusait la rencontre sportive. Le groupe indique avoir dépensé l’an dernier plus de 2milliards de dollars dans les contenus. « Nous enregistrons une croissance à deux chiffres en Europe et nous avons été aidé par la baisse de l’euro, ce qui signifie pour nous que les coûts de production en Europe sont à la baisse », a-t-il encore expliqué, selon des propos rapportés par l’agence Bloomberg. Et ce n’est pas un hasard si Jean-Briac Perrette, francophone, est depuis janvier 2014 président de Discovery Networks International, après avoir été directeur général du numérique pour le groupe.
Le groupe, basé à Silver Spring dans le Maryland (Etats- Unis), compte parmi ses investisseurs le milliardaire John Malone, lequel est par ailleurs aussi président de Liberty Media (holding propriétaire de DirecTV entre autres nombreuses participations). Discovery n’est pas le seul à miser sur la délinéarisation de l’audiovisuel sur tous les écrans, qu’ils soient smartphones, tablettes ou téléviseurs connectés, afin de séduire parmi les internautes ceux qui se détournent – en optant notamment pour le cord-cutting (2) – des offres payantes de télévision traditionnelle. De son côté, Apple s’apprête à lancer à l’automne prochain un service de télévision en ligne, selon les premières révélations du Wall Street Journal en mars dernier. Ce bouquet de chaînes en streaming proposera en ligne un abonnement (30 à 40 dollars par mois) aux programmes des networks américains ABC (Disney), CBS, Fox ou NBC. L’annoncé devait être faite début juin lors de la grand-messe des développeurs d’Apple, la Worldwide Developers Conference (WWDC), mais il n’en a rien été. Selon le site américain Re/code, la marque à la pomme aurait pris du retard dans la négociation des droits de diffusion, au point que le lancement du service serait repoussé à fin 2015 ou début 2016. Les programmes devraient être alors accessibles non seulement par le boîtier Apple TV mais aussi par les smartphones et les tablettes vendues par la marque à la pomme et fonctionnant sous son système d’exploitation iOS. HBO, la chaîne payante du groupe Time Warner, s’est alliée, elle, avec Apple pour être diffusée sur
ses plateformes et propose HBO Now depuis avril dernier pour 14,99 dollars par mois. Une autre chaîne payante américaine, Showtime, du groupe CBS, va aussi lancer un service de vidéo en ligne qui proposera de façon illimité des programmes à la demande ou en direct, en mode streaming et par abonnement (10,99 dollars par mois). La chaîne CBS a déjà lancé son propre service de vidéo en ligne. Le groupe Viacom, lui, va lancer un service en ligne pour sa chaîne Nickelodeon pour enfants (3). L’opérateur de télévision par satellite américain Dish Network a lui aussi lancé Sling TV, son offre de vidéo en ligne. En France, Canal+ a lancé le 9 juin dernier une version OTT (Over-The-Top) de son set-top-box « Le Cube » donnant accès à Internet. C’est en janvier 2014 que le groupe Canal+ a créé une division « Canal OTT » intégrant CanalPlay. Quant au groupe Sony, il vient de lancer « PlayStation Vue », un service de télévision en ligne sur ses consoles de jeux vidéo.

Services pan-européens versus nationaux
A terme, c’est tout le paysage audiovisuel européen qui pourrait s’en trouver chamboulé. Car, contrairement aux chaînes traditionnelles, gratuites ou payantes, les services de vidéo ou de télé en ligne par Internet ont vocation à être transfrontaliers.
La Commission européenne entend favoriser ces services pan-européens au regard
du droit d’auteur, sur le marché unique numérique. Tandis qu’en France, un appel d’offre est en cours jusqu’au 16 juin 2015 pour une étude (4) sur les services de VOD transeuropéens. @

Charles de Laubier

Radio numérique terrestre (RNT) : la France osera-t-elle suivre l’exemple de la Norvège ?

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) va lancer une consultation publique pour recueillir les prises de position en vue des prochains appels à candidatures – prévus en septembre – pour l’extension de la RNT dans vingt villes – au-delà de Paris, Marseille et Nice déjà desservies depuis un an.

Après Paris, Marseille et Nice, la radio numérique terrestre (RNT) pourrait être étendue à vingt autres villes que sont Nantes, Lyon, Strasbourg et Lille, Béthune-Douai-Lens, Mulhouse, Metz, Valenciennes, Nancy, Bayonne, Le Havre, Grenoble, Brest, Bordeaux, Toulouse, Rennes, Clermont- Ferrand, Montpellier, Rouen et Toulon. Si l’appel à candidatures était bien lancé à partir de septembre prochain, les émissions pourraient démarrer alors en octobre 2016, selon le calendrier avancé par le CSA, le temps que les sociétés candidates sélectionnées s’installent sur leur multiplexe pour être diffusées.

Patrice Gélinet (CSA) y croit
Mais les oppositions sont nombreuses, à commencer par les grandes radios privées – RTL, Europe1/Lagardère Active, NRJ, BFM/ NextradioTV – qui ne croient pas du tout
à la RNT, lui préférant la radio sur IP (webradio). Réunis dans Le Bureau de la Radio, elles sont vent debout contre cette nouvelle technique numérique de radiodiffusion car, selon elles, non seulement les auditeurs ne seraient pas prêts à investir dans de nouveaux récepteurs, mais surtout la RNT n’aurait pas trouvé son modèle économique (1). « Surtout ne faisons rien ! Surtout ne modifions pas les équilibres financiers »,
a lancé Denis Olivennes, président du directoire de Lagardère Active, qui possède Europe 1, RFM et Virgin Radio, lors d’une table ronde organisée le 13 mai dernier
par la commission de la Culture, de l’Education et de la Communication du Sénat.
Et l’ancien haut fonctionnaire d’ajouter : « Patrice Gélinet se trompe complètement. Pourquoi, diable, se lancer dans ce projet ? Un produit numérique qui au bout de 20 ans a si peu de pénétration… Il faut s’interroger. N’ajoutons pas d’investissements inutiles. Nous commettrions une erreur sur cette technologie dépassée ». Car s’il y a bien quelqu’un au CSA qui croit dur comme fer à la RNT, c’est bien Patrice Gélinet (photo). Membre du collège du régulateur de l’audiovisuel depuis janvier 2011, ce dernier est un ardent défenseur de radio numérique par voie hertzienne : « Il n’est pas question de nier le succès d’Internet. Mais ce n’est qu’un moyen parmi d’autres pour écouter la radio. Si l’auditeur n’écoute pas la RNT, c’est tout simplement qu’elle existe seulement à Paris, Marseille et Nice. Et puis, il ignore jusqu’à l’existence même de la RNT », a-til regretté lors de la même table-ronde. Selon un sondage exclusif OpinionWay pour Raje, réseau de radios locales associatives, 45 % des Français ont entendu parler de la RNT et nombreux sont ceux qui comprennent son intérêt. Ce nouveau moyen de diffusion mériterait d’être promue par le gouvernement, ce qu’il ne fait pas, et de concerner aussi Radio France, ce qui n’est pas le cas (2). D’autant que le coût de diffusion en RNT est bien moindre que celui des grandes ondes et de la FM : 10.000 euros par an et par zone. Patrice Gélinet admet qu’elle progresse lentement en Europe, mais assure qu’elle commence à s’imposer. Ainsi, la Norvège vient de décider de basculer de l’analogique à la RNT en 2017. Le gouvernement norvégien a été convaincu par la qualité sonore, les coûts de transmission moins élevés et les nouvelles fonctionnalités du DAB+. D’ici deux ans, tous les Norvégiens auditeurs devront avoir changé de récepteur radio – au nombre de 8 millions, dont plus de la moitié sont déjà
à la norme DAB (Digital Audio Broadcasting). Ce sera une première en Europe (3). D’autres pays en Europe et dans le reste du monde pourraient suivre la Norvège sur laquelle tous les regards radiophoniques se portent. Le Royaume-Uni, qui a lui aussi lancé la RNT il y a 20 ans et où près des deux tiers des véhicules neufs intègrent le DAB+ en standard, pourrait à son tour renoncer à la bande FM. Cela pourrait aussi être le cas du Danemark (où 26 % de l’écoute radio est déjà numérique), de la Suède, de la Suisse ou encore de la Corée du Sud. Et pourquoi pas la France ?

Voie de retour en vue
Le WorldDMB, organisation qui fait la promotion au niveau mondial de la RNT, en vante la technologie et l’écosystème jusque dans l’automobile. Surtout que la technologie DAB devrait s’enrichir d’ici à cinq ans d’une voie de retour pour permettre l’interactivité par voie hertzienne en mode IP. De quoi être à terme une sérieuse alternative à la radio sur Internet. « Il ne faut pas jouer les apprentis sorciers en disant qu’en deux ans ou cinq ans, la France va faire comme la Norvège, alors que cela lui a pris vingt ans pour en arriver là », nuance Xavier Filliol, co-organisateur des Rencontres Radio 2.0 consacrées à l’avenir de ce média. Raison de plus pour ne pas tarder… @

Charles de Laubier

Wearables encore perçus comme gadgets, les montres connectées commencent à décevoir

Huit ans et cinq ans après les lancements de respectivement l’iPhone et l’iPad, Apple lance le 9 mars l’« iWatch ». Mais le design de la marque à la pomme suffira-t-il à faire décoller le marché encore hésitant de la montre connectée ? Pour l’heure, le gadget se le dispute à l’innovation.

« Les Français ne s’intéressent pas aux wearables ». C’est le constat que fait l’institut d’études et de marketing Kantar, filiale du groupe britannique WPP (numéro un mondial de la publicité), sur la base d’un sondage portant sur les montres, bracelets, lunettes et vêtements connectés (1). De quoi jouer les rabat-joie, alors que le prêt-à-porter électronique tenait la vedette début mars au Mobile World Congress de Barcelone.
En France, ils sont 64 % à déclarer ne pas avoir l’intention d’acquérir une montre connectée dans les douze prochains mois (59 % de ceux qui portent une montre traditionnelle). « Le chiffre est implacable. Autre chiffre cruel : seulement 1,2 % des Français possèdent actuellement une montre ou un bracelet connectés », commente Romain Brani, directeur adjoint chez Kantar.

Le public n’est pas à l’heure
La majorité des sondés ne trouvent pas d’utilité à la montre connectée et le prix est perçu comme « un frein majeur », 76 % n’étant pas prêt à payer plus de 200 euros pour une montre ou un bracelet connectés. L’Apple Watch devrait être vendue à partir de 350 dollars (2) et même très cher pour l’« Apple Watch Edition » dorée à l’or jaune ou rose 18 carats ! Entre les geeks et les millionnaires, l’e-montre doit encore trouver son public. Mais l’autre problème est que le smartphone remplit déjà toutes les fonctions
de ces montres dites « intelligentes » prétendent apporter (3) : notifications, navigation/géolocalisation, passer des appels audio ou vidéo, envoyer des messages instantanés, écouter de la musique, paiement sans contact/NFC, prendre des photos, contrôle vocal, … Quant à la commande vocale de ces minis terminaux accrochés au poignet, fonction déjà peu utilisée sur les smartphones (seulement 2 % des sondés),
« elle agace plus qu’elle n’incite ». Et globalement, près de 20 % des Français interrogés disent clairement : « Je ne comprends pas cette technologie » ! Les fabricants de montres connectées ou « smart watches » – Samsung, Google, Sony, Microsoft, Motorola, LG, HTC, Huawei, Withings, Pebble, Jawbone et maintenant Apple (4) – doivent encore séduire le public. Les smart watches sont en tout cas citées en premier parmi les wearables, devant les accessoires de fitness et de santé, les lunettes connectées et les e-textiles. Pour faire oublier leur côté « gadget », tous les fabricants s’affrontent sur le terrain du design mais avec une tendance à imiter les montres classiques (couronne, cadran métallique rond, bracelet en cuir, …). C’est ce critère qu’est bien sûr attendu aussi la marque à la pomme, dont l’iWatch est présentée le
9 mars (5). « Apple veut clairement faire appel à la partie la plus irrationnelle et viscérale de notre prise de décision, en axant avant tout sa communication sur le design de l’objet [look traditionnel, bien que le cadran soit carré, ndlr].Faire appel au viscéral plutôt qu’au rationnel pourrait être le meilleur moyen d’accroître enfin l’intérêt des consommateurs pour ces nouveaux gadgets », indique Carolina Milanesi, directrice d’étude chez Kantar.
Selon l’Idate, les montres connectées devraient représenter plus de 60 % des 20 millions de produits prêt-à-porter électronique commercialisés dans le monde en 2014
– soit 12 millions de ces « smart watches ». Et ses prévisions tablent sur un total des ventes de ces équipements de 123 millions en 2018 grâce à une croissance exponentielle de 70 % en moyenne par an en volume. Mais l’institut GfK constate un bien moindre engouement sur le terrain : seulement 4 millions de montres connectées vendues en 2014 dans le monde, dont quelque 190.000 en France, et s’en tient à une prévision de plus de 26 millions d’unités cette année. « De nombreux consommateurs ne perçoivent pas encore les avantages que présentent les montres connectées », estime aussi Jan Wassmann, analyste chez GfK. L’institut indique qu’il s’est vendu
plus de bracelets connectés dans le monde (13,5 millions en 2014) que de montres connectées. Ces bracelets mesurent l’activité physique (marche, course, vélo, randonnée, …), le rythme cardiaque, la qualité du sommeil ou encore le nombre
de calories consommées (quantified self).

« iWatch » : Tim Cook joue son avenir
Qu’à cela ne tienne : dans sa course contre la montre, Apple a prévu de vendre 5 à 6 millions de son « iWatch » dès sa commercialisation dans le monde au printemps. Tim Cook, le PDG d’Apple, sera-t-il à l’iWatch ce que Steve Jobs, le défunt fondateur, a été à l’iPhone et à l’iPad ? La firme de Cupertino a en tout cas les moyens financiers pour jouer gros dans cette aventure industrielle. Il lui sera toujours temps de remettre les pendules à l’heure… L’année 2015 sera donc décisive pour les montres « gadgets ». @

Charles de Laubier

Lutte contre piratage et lutte contre le terrorisme : Internet se retrouve entre le marteau et l’enclume

Internet est doublement dans la ligne de mire du gouvernement. Deux projets le concernant se télescopent : la lutte contre le piratage en ligne, et la lutte contre
le cyberterrorisme. Des acteurs du Net s’inquiètent de l’impact de mesures répressives sur les libertés fondamentales.

Il s’agit pour le gouvernement de Manuel Valls (photo), d’une part,
de renforcer la responsabilité de tous les intermédiaires de l’Internet pour qu’ils déréférencent ou « assèchent » les sites présumés pirates d’œuvres protégées par le droit d’auteur, et, d’autre part, d’accroître la surveillance et le blocage de sites web afin de lutter contre le terrorisme et son apologie (1). Après l’attentat dramatique qui a touché de plein fouet le journal satirique Charlie Hebdo, ces deux projets qui n’ont a priori rien à voir entre eux se retrouvent aujourd’hui dans les priorités du gouvernement. Pour le meilleurs et… pour le pire ?

Charlie Hebdo et droit d’auteur
Le 12 janvier, soit cinq jours après l’attentat, Fleur Pellerin, ministre de la Culture et
de la Communication, présentait les propositions du gouvernement dans le cadre de la réforme européenne du droit d’auteur. « Je me suis demandé s’il fallait maintenir notre réunion, si parler de droit d’auteur et d’Europe était à l’ordre du jour, alors que nous sommes endeuillés et bouleversés. (…) Oui, bien entendu (…) Le pays de Beaumarchais et de Charlie Hebdo doit donc être plus que jamais à la hauteur de sa mission historique de défense et de promotion du droit d’auteur », a-t-elle justifié. Dans la perspective de la réforme de la directive européenne « Droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information » (DADVSI), qui date de 2001 (2), le gouvernement entend plaider auprès de la Commission européenne pour une plus grande responsabilité des plateformes numériques dans la lutte contre le piratage
« Le rôle prédominant joué par ces acteurs [du Net] dans l’accès aux oeuvres nous incite à réfléchir (…) au réexamen de leur statut juridique. C’est un sujet sur lequel je travaille avec mes collègues du gouvernement », a-t-elle expliqué en s’appuyant sur
les propositions qu’a faites le professeur Pierre Sirinelli dans son rapport remis en novembre au CSPLA (3). Autrement dit, la France veut que l’Europe remette en cause la responsabilité de l’hébergeur qui bénéficie d’une responsabilité limitée – laquelle a pourtant été confortée plusieurs fois par la Cour de cassation et la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). L’Association des services Internet communautaires (Asic), qui représente en France YouTube/Google, Dailymotion/Orange, Facebook, Yahoo, Wikimedia ou encore AOL, est vent debout contre cette perspective : « Toute remise en cause n’aurait alors pour effet que d’imposer un contrôle a priori de tous les contenus diffusés sur Internet et ainsi une censure généralisée des contenus diffusées sur l’Internet », a-t-elle mis en garde le lendemain de l’intervention de Fleur Pellerin. Et l’Asic d’ajouter : « Cette proposition est d’autant plus choquante qu’elle intervient au lendemain d’une mobilisation forte de l’ensemble des Français au profit de la liberté d’expression ». Parallèlement, la ministre se fera la porte-parole à Bruxelles pour faire coopérer les professionnels de la publicité sur Internet à la lutte contre les violations de la propriété intellectuelle. « Il faut impliquer l’ensemble des acteurs de l’écosystème numérique, à l’instar de la mission que j’ai confiée tout récemment à (…) Julien Neutres (4) dans le domaine de la publicité en ligne. (…) Nous ne pourrons accepter que les directives (européennes) soient amendées sans que ce sujet ne soit traité », a-t-elle prévenu. Julien Neutres est missionné depuis début janvier pour « l’élaboration d’une charte, écrite en concertation avec les acteurs de la publicité, afin qu’ils s’engagent dans une démarche volontaire d’éviction des sites ne respectant pas le droit d’auteur et les droits voisins ». Cette fois, le gouvernement s’inspire du rapport de Mireille Imbert-Quaretta (5), remis à Fleur Pellerin en mai dernier (6). La charte sera signée par les régies, les annonceurs et les agences de la publicité numérique pour « assécher les ressources financières » des sites web illicites.

Décret « Blocage administratif »
Dans le domaine autrement plus grave, la lutte contre le terrorisme, le gouvernement veut renforcer la surveillance et le blocage d’Internet après les attentats des jihadistes
– alors même que le projet de décret « Blocage administratif » d’Internet (donc sans passer par le juge), découlant de la loi « militaire » (7), a déjà été notifié à Bruxelles.
Un projet de loi sur le renseignement prévoirait notamment le blocage (toujours sans contrôle judiciaire) de contenus racistes ou antisémites. Au risque d’engendrer censure et violation de droits fondamentaux. « Il ne s’agit pas d’adopter un Patriot Act à la française », a tenté de rassurer Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat au Numérique. Le 21 janvier, Google a demandé au gouvernement français des « politiques claires » pour la suppression de contenus… @

Charles de Laubier