Ephéméride

13 mai
• NTT Docomo enregistre une hausse de 3,5 % de son bénéfice net (4,45 milliards d’euros, pour un CA de 89,6 milliards) pour son exercice 2010/11 grâce aux mobiles multimédias.

4G et fibre : dix ans après le dégroupage ADSL, les concurrents encore vivants s’inquiètent

Free, Bouygues Telecom et SFR, les trois principaux concurrents France Télécom, rêvent de reproduire, avec le très haut débit, le succès qu’ils rencontrent depuis dix ans dans le haut débit grâce au dégroupage ADSL.
Leur avenir dépend à nouveau du gouvernement et du régulateur.

« On constate un succès de la régulation sur le marché du fixe en France. Cette régulation a commencé avec l’émergence du dégroupage il y presque dix ans, grâce
à des décisions courageuses du président Jean-Michel Hubert [ancien président de l’Arcep, à l’époque l’ART, ndlr] qui ont permis d’ouvrir réellement ce marché et de faire naître une concurrence réelle sur le haut débit et l’émergence d’innovations. Cela a permis l’émergence du triple play et d’offres marketing différentes fortes au bénéfice du consommateur », s’est félicité Xavier Niel, vice-président et directeur général délégué
à la stratégie d’Iliad-Free, lors du colloque de l’Arcep le 4 mai (1). Dix ans après la décision du dégroupage ADSL (2), le fondateur de Free en appelle aux pouvoirs publics : « Nous pensons qu’il faut faire de nouveau ce choix de la concurrence et de l’innovation dans les réseaux fixe et mobile pour la prochaine décennie au bénéfice des consommateurs ». C’est en effet fin mai que l’appel à candidature pour l’attribution des fréquences de quatrième génération de mobile (4G) sera lancé par le gouvernement, tandis que le régulateur met en place les règles du jeu pour le déploiement des réseaux
de fibre optique.

A propos du mobile 4G.
Le recours aux enchères pose problème à certains concurrents de l’opérateur historique. « Malheureusement, il semble que le gouvernement ait un projet qui vise à maximiser les recettes budgétaires à court terme. Et donne une prééminence au critère financier et organise la préemption du dividende numérique par un ou deux opérateurs. (…) Parallèlement, dans un marché où les offres quadruple play se développent, la restriction de concurrence sur le mobile peut en outre avoir des effets sur le marché
fixe », s’est inquiété Xavier Niel. Free Mobile, qui a été retenu en 2009 pour être le quatrième opérateur 3G, doit lancer son offre quadruple play à partir de janvier 2012. Même crainte chez Bouygues Télécom, exprimée par Martin Bouygues, sur le mécanisme d’attribution des licences 4G (bandes des 2.600 Mhz et des 800 Mhz) :
« Dire qu’il doit y avoir des enchères parce que la ressource est rare, cela n’a pas
de sens. D’abord parce que cela conduit nécessairement à faire gagner le plus riche [France Télécom, voire Vivendi/SFR, ndlr]. Pour les 2.600 Mhz, il demande à ce que tout candidat recevable ait au moins 15 Mhz, avec un maximum de 25 Mhz pour « le plus riche » (3). Pour les « fréquences en or » du dividende numérique en 800 Mhz,
il souhaite la « mutualisation de la bande » pour répondre aux besoins des territoires ruraux. Mais la mutualisation des réseaux 4G n’est pas du goût de Jean-Bernard Lévy, président de Vivendi : « Ces mutualisations forcées ne sont pas pertinentes car elles empêcheront les opérateurs de se différencier techniquement, ce qui sapera leurs efforts en matière d’innovation. C’est le nivellement par le bas ».

A propos de la fibre optique
Xavier Niel critique ouvertement la politique du très haut débit menée en France : « En France, contrairement aux autres pays européens, vous avez de multiples acteurs qui (…) déploient des réseaux de fibre optique les uns à côté des autres. C’est quelque chose qui doit représenter 500 millions d’euros gaspillés par an en France », déplore-t-il. Résultat : « Chacun des réseaux peut accueillir l’ensemble des besoins nécessaires à la fois aux consommateurs et aux opérateurs. On a jeté collectivement environ 500 millions d’euros par an à co-déployer des réseaux les uns à côté des autres ». Pour le dirigeant d’Iliad-Free, il faut des contraintes fortes sur les opérateurs dominants, sinon
« la mutualisation de la fibre optique en zones mois denses ne fonctionne pas ».
Martin Bouygues, qui ne veut pas investir immédiatement dans la fibre et s’appuie sur SFR (zones denses) et Numericable (4) (zones rurales), est sur la même longueur
d’onde : « On peut s’interroger sur la pertinence de construire plusieurs réseaux de fibre optique parallèles, alors qu’une seule et même fibre ne peut être saturée. (…) Bouygues Telecom propose le déploiement d’une infrastructure passive unique, en réservant la concurrence aux infrastructures actives qui seules déterminent les niveaux de qualité de service ». Et contrairement à France Télécom et à Vivendi-SFR, Xavier Niel ne veut pas que l’Arcep baisse la garde : « Il y a un fort lobbying des opérateurs historiques sur leur marché (…) pour une vacance réglementaire. Si l’on prend l’exemple du fixe, (…) on a le tarif du dégroupage qui n’a pas baissé depuis trois ans maintenant. Cela veut dire qu’il y a 1 milliard d’euros que l’on aurait pu rendre aux consommateurs, d’une manière ou d’une autre, soit au travers de l’investissement en déployant des réseaux de fibre optique, soit autrement ». @

Charles de Laubier

Convergence télécoms-audiovisuel et financement des oeuvres : vers une nouvelle régulation

Ancien député UMP du Maine-et-Loire, conseiller régional des Pays de la Loire et membre de la Cnil, Dominique Richard – auteur du rapport « Audiovisuel 2015 » remis en avril – a été nommé par le CSA Médiateur pour la circulation des œuvres. Et une mission « TV connectée » vient d’être lancée.

Dominique Richard devient le nouvel homme fort du paysage audiovisuel français en pleine mutation. S’il ne fait pas partie
de la mission TV connectée lancée le 28 avril par Frédéric Mitterrand lors du colloque du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) sur le sujet, il en est l’instigateur. Confiée à Marc Tessier (1), Philippe Levrier (2), Takis Candilis (3), Martin Rogard (4) et Jérémie Manigne (5), cette mission – dont les conclusions sont attendues pour septembre – s’inscrit en effet dans le prolongement du rapport sur les perspectives de l’audiovisuel en France d’ici 2015 que Dominique Richard a remis le 4 avril au ministre de la Culture et de la Communication lors du dernier MipTV à Cannes (6). Ce consultant, conseiller régional des Pays de la Loire et membre de la Cnil, vient en outre d’être nommé par le CSA Médiateur pour la circulation des œuvres. Il s’agit notamment de « fluidifier » un marché encore dominé par un oligopole constitué par les chaînes historiques. La TNT, l’IPTV, le Web, la VOD, la catch up TV et plus encore la TV connectée – en attendant la télévision mobile personnelle (TMP) – sont en passe de déstabiliser le marché français des programmes audiovisuels et cinématographiques.

Un rapport, un médiateur et une mission
Se posent alors les questions épineuses de la libre circulation des œuvres sur les nouveaux réseaux numériques de diffusion, ainsi que de leur financement via le fonds Cosip (7). « Les opérateurs de réseaux de télécommunication pourraient ainsi se voir autorisés à facturer l’hyperconsommation de bande passante aux nouveaux acteurs,
quel que soit leur lieu d’implantation, pour financer les investissements et soumettre le chiffre d’affaires supplémentaire ainsi généré à la contribution Cosip, plutôt que de créer une nouvelle taxe spécifique », suggère Dominique Richard dans son rapport final.
Les ambitions audiovisuelles affichées des Google, Apple et autres géants du Net,
sans parler de l’arrivée prochaine de plateformes télévisées et vidéo telles que Netflix ou Hulu, accroissent la pression. De plus, les fabricants de téléviseurs (Samsung, Panasonic, LG Electronics, …) s’invitent dans la chaîne de valeur. La fragmentation de l’offre de contenus audiovisuels, sur fond de bataille des exclusivités, apparaît aux yeux de Frédéric Mitterrand « préjudiciable ».

Films et programmes : bataille des contenus
Qu’ils se nomment Samsung, Yahoo, Dailymotion ou Microsoft, tous les nouveaux diffuseurs audiovisuels vont être appelés à financer la création en France. Fragmentation, financement et répartition de la valeur seront donc au coeur de cette mission « TV connectée ». Surtout, la bataille des contenus va s’intensifier entre diffuseurs, distributeurs et services en ligne. D’autant que les chaînes hertziennes historiques – TF1, France Télévisions, M6 et Canal+ – n’ont plus le monopole de la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles, ni les seules supposées cofinancer des œuvres pour en avoir l’exclusivité initiale en tant que « primo-diffuseurs ». Les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), les éditeurs de services de VOD ou encore les nouvelles chaînes de télévision numérique terrestre (TNT) – voire les fabricants de terminaux interactifs – veulent pouvoir remplir leurs catalogues de programmes dans
des conditions tarifaires raisonnables, de façon non discriminatoire et dans le respect
de la concurrence. Ce sera le rôle central du Médiateur pour la circulation des œuvres. Dans sa lettre de mission datée du 28 mars 2011, Dominique Richard a deux ans pour démontrer l’efficacité de son action de conciliation, d’arbitrage et de règlement de litiges entre les tuyaux et les contenus. Il sera à la circulation des œuvres sur les réseaux numériques ce que le Médiateur du cinéma (Roch-Olivier Maistre) – institué en 1982
dans le sillage du CNC (8) – est à la chronologie des médias (de la salle aux autres fenêtres de diffusion). Des freins sont identifiés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) depuis 2006. L’accès aux programmes et aux films récents par les nouveaux supports et les services de médias audiovisuels à la demande – les fameux SMAd (VOD, Catch up TV, …) – devient un enjeu crucial. Les chaînes historiques ont commencé à être concurrencées à partir de 2000 par le câble, le satellite et la TNT, lesquels ont aussi été appelées comme leurs aînées à des quotas de diffusion d’oeuvres audiovisuelles et à des obligations de contribution financière à la production d’oeuvres. En 2007, Dominique Richard s’était déjà penché avec David Kessler sur les relations entre les diffuseurs et les producteurs (décrets Tasca) : cette première mission a abouti à trois décrets sur les régime de la contribution à la production audiovisuelle des différents éditeurs de services de télévision. Et pourtant. Bien que le « gel de droits » n’ait pas été démontré, le CSA a néanmoins constaté que « la circulation des oeuvres s’effectue principalement entre chaînes d’un même groupe » grâce notamment à une clause dite de « droit de premier et dernier refus » ou « clauses de rétrocession », lesquelles reviendraient à un gel de droits, autrement dit « à restreindre ou à fausser le jeu de la concurrence » (9). Ce qui ne va pas sans poser des problèmes pour les autres chaînes de la TNT et pour les SMAd. Ces derniers sont en effet soumis, par décret du 12 novembre 2010 applicable depuis le 1er janvier 2011, à des obligations de financement de films et de programmes. Mais s’ils ne peuvent accéder aux programmes et films, leurs obligations sont inatteignables et leur pérennité compromise faute d’œuvres attractives à leur catalogue.
Avec leur charte TV connectée rendue publique le 23 novembre, les chaînes françaises veulent en plus garder le contrôle du téléviseur. Dans son rapport d’étape remis fin novembre, Dominique Richard estime que les TF1 et M6 pourraient refuser de donner accès à leur programme à Google TV par exemple, en prétextant des régimes d’obligation différents. Il met en garde contre une « situation de blocage », bien que les fabricants de téléviseurs soient en « position de force » dans la mesure où la charte
« [ne les] engage pas »). Les Google TV, Apple TV et autres plateformes de VOD pourraient être de redoutables concurrents. « (…) L’enjeu général pour Google et l’ensemble des acteurs concernés est donc de capter une part des 3 h 33 quotidiennes de “temps de cerveau disponible“ (10), ainsi que les recettes publicitaires associées », explique Dominique Richard dans son rapport final. Alors que sa lettre de mission de Médiateur ne le prévoit pas explicitement, ce dernier pourrait aussi être saisi de conflits entre plateformes VOD et FAI. La conseillère d’Etat Sylvie Hubac avait bien identifié – dans son rapport remis début janvier au CNC – le manque d’ouverture des FAI, plus soucieux de favoriser leur propre service de VOD que d’ouvrir leurs réseaux IPTV à des bouquets de VOD concurrents.

VOD et chronologie des médias
Se pose aussi la question de la chronologie des médias : elle a proposé de réduire le délai de diffusion des films en VOD par abonnement (actuellement de 36 mois après la sortie en salle). La réforme de la chronologie des médias, y compris les 4 mois de la VOD à l’acte, semble inéluctable comme le suggère Marc Tessier. Autant dire que la convergence numérique-audiovisuel va plus que jamais bousculer la réglementaire
et la régulation de deux mondes qui se regardent en chiens de faïence. Le rapport
« Audiovisuel 2015 » prône un « rapprochement » entre le CSA et l’Arcep. @

Charles de Laubier

Ephéméride

25 mars
• Le CNC publie son étude sur le marché français de la vidéo en 2010, dont la VOD.
• Canal+, craignant la TV connectée, lancera en novembre 2011 une chaîne généraliste gratuite « de qualité » (Le Figaro).