Pourquoi le livre audio a encore du mal à se faire entendre (sinon écouter) en France

Le succès des livres audio tarde sur l’Hexagone, alors que dans d’autres pays comme aux Etats-Unis les « lecteurs » les ont adoptés. Les jeunes Français s’y mettent, le plus souvent sur leur smartphone. La génération Millénium pourraient convaincre leurs aînés et bousculer les maisons d’édition.

Il y a la notoriété et il y a l’usage. Si les livres audio sont connus en France par presque tous les jeunes – 93 % d’entre eux en ont entendu parler –, ils ne sont encore que 21 % a en avoir déjà écoutés. Pour ces derniers, ils écoutent encore essentiellement des livres audio sur CD (80 % ont écouté sur ce support). Tandis que 28 % d’entre eux ont déjà écouté un livre audio dématérialisé, à savoir sur la forme d’un fichier téléchargé, d’une application mobile ou sur un site web de streaming par exemple (voir graphique ci-dessous). Ils sont même 55 % à opter pour le livre audio dématérialisé lorsqu’ils sont au lycée ou ailleurs (post collège).

Sur smartphone, en voiture, en transport
Ce sondage que l’institut Ipsos a mené l’an dernier pour le compte du Centre national du livre (CNL) démontre que la génération Millénium est le meilleur atout pour le développement en France de ces livres lus à haute voix mais encore très peu écoutés. « Comme pour le livre numérique, l’intérêt pour les livres audio varie fortement selon que le jeune ait déjà testé ou non ce mode de lecture », constate l’étude. Plus que les
« Internet Native » des générations X et Y, les jeunes des années 2000 sont tous dotés d’un smartphone. Les lecteurs de livres audio les écoutent autant pendant les vacances (35 %) que le soir avant de se coucher (33 %). Ils les écoutent principalement chez eux (83 %), dans leur chambre (66 %) ou hors de leur domicile, essentiellement en mobilité (18 % dans les transports). Le smartphone généralisé et transgénérationnel ouvre en grand le marché à ces livres audio dématérialisés destinés à écouter des histoires. D’autant que les transports et la voiture constituent des endroits privilégiés pour que
les adultes écoutent eux aussi des histoires.
Ce sont surtout les téléphones mobiles multimédias qui sont les mieux adaptés pour s’adonner aux livres audio, tout en poursuivant ce que l’on a à faire (activités, travaux, tâches ménagères, joggings, conduites en voiture, vélo, transports en commun, etc). L’audiolivre permet en outre aux yeux de se reposer lorsque son utilisateur a passé
tout ou partie de la journée à travailler devant un écran d’ordinateur… Or, force est de constater que les maisons d’édition françaises restent encore peu enclines à faire la promotion de ce type de lecture peut-être considéré comme « moins noble » que l’écrit et/ou susceptible de cannibaliser les livres imprimés. Alors que les ventes de livres numériques progressent, elles, déjà trop lentement en France (1), celles des livres audio dépassent à peine les 1 % du chiffre d’affaires cumulé des maisons d’édition. Aux Etats-Unis, au contraire, le marché de l’audiobook n’a pas de mal à se faire entendre (écouter) : selon l’Audio Publishers Association (APA), le chiffre d’affaires total de ces ouvrages audio sur le marché américain a atteint 1,77 milliard de dollars, en hausse de 20 % sur un an grâce à 35.574 références qui ont été publiées en 2015 (soit huit fois plus qu’en 2010). Ainsi, l’audiobook pèse environ 10 % des ventes outre-Atlantique. Selon l’APA, les livres audio écrits à la première personne et lus par leurs auteurs – Bruce Springsteen, Bernie Sanders ou encore Carrie Fisher – ont tous rencontré un succès, de même que ceux où des célébrités – Johnny Depp, Kate Winslet ou Meryl Streep – ont prêté leur voix à des ouvrages qui n’étaient pas les leurs. Le smarphone
et la tablette ont donné un nouvel élan – décisif celui-là – à ce marché né dans les années 1970 et 1980 avec respectivement les K7 et les CD. Amazon, qui s’était emparé de la société Audible en 2008, est le numéro un des ventes avec près de 120.000 audiobooks écoulés en un an. En Europe, gageons que l’accord du 5 janvier dernier entre Apple (iTunes) et Amazon (Audible), selon lequel ils mettent fin à leurs exclusivités dans la commercialisation des livres audio téléchargeables, aura des répercutions positives sur le marché. @

Charles de Laubier

La Commission européenne est décidée à favoriser, tout en l’encadrant, l’économie de la data

Dans une communication publiée le 10 janvier 2017, la Commission européenne prévoit de favoriser – tout en l’encadrant – le commerce des données numériques. Cette régulation de la data suppose notamment de réviser dès
cette année la directive de 1996 sur la protection des bases de données.

L’année 2017 sera placée sous le signe de la data. La Commission européenne veut encadrer l’exploitation des données dans une économie de plus en plus numérique.
La communication qu’elle a publiée le 10 janvier, sous le titre
« Construire une économie européenne de la donnée » (1), devait être rendue publique en novembre. Finalement, elle
l’a été avec deux mois de retard et fait l’objet d’une vaste consultation publique – jusqu’au 26 avril prochain.

Une loi européenne d’ici juin 2017 ?
Ces nouvelles règles sur la data utilisée à des fins commerciales doivent mieux encadrer la manière dont les entreprises s’échangent des données numériques entre elles pour développer leur chiffre d’affaires et générer des pro f i t s . I l s’agit d’év i ter que les consommateurs – internautes et mobinautes – soient pris au piège d’accords d’utilisation qu’ils ne pourraient pas refuser, donnant ainsi implicitement à d’autres entreprises que leur fournisseur numérique l’accès à leurs données personnelles. Toutes les entreprises sont potentiellement concernées. Si la communication n’a pas de caractère contraignant, la Commission européenne se réserve la possibilité de légiférer si les entreprises n’appliquaient pas ses suggestions sur le partage de données. Andrus Ansip (photo), viceprésident de la Commissaire européen en charge du Marché unique numérique et – depuis le 1er janvier 2017 – de l’Economie et de la Société numériques (2), a déjà laissé entendre qu’un texte législatif sur la propriété des données et l’accès à ces données pourrait être proposé d’ici juin 2017.
Tous les secteurs de l’économie – industries, services, e-commerce, … – sont en ligne de mire. Déplorant l’absence d’étude d’impact, un cabinet d’avocats (Osborne Clarke)
a recommandé à la Commission européenne de ne pas se précipiter à édicter une nouvelle loi. De nombreux secteurs économiques craignent cette régulation de la data et la perçoivent comme un frein à leur développement. Par exemple, dans l’industrie automobile, l’Association européenne des constructeurs d’automobiles (3) a fait savoir lors d’une conférence à Bruxelles le 1er décembre dernier sur le thème de
« Smart cars: Driven by data » que les données des conducteurs appartenaient aux constructeurs, lesquels pouvaient les vendre à d’autres entreprises. Au moment où la voiture connectée et/ou autonome démarre sur les chapeaux de roue, les industriels
de l’automobile entendent garder la maîtrise des données collectées et leur exploitation comme bon leur semble. Or la Commission européenne souhaite au contraire ne pas laisser faire sans un minimum de règles communes et en appelle à des expérimentations comme dans le cadre du programme CAD (Connected and Autonomous Driving). Les autres secteurs ne sont pas en reste. Cela concerne aussi
le marché de l’énergie (comme les compteurs intelligents), le domaine de la maison connectée, la santé ou encore les technologies financières. En outre, le potentiel de l’Internet des objets (des thermostats aux lunettes connectées), des usines du futur ainsi que de la robotique connectée est sans limite et le flux de données en croissance exponentielle.
Alors que la data constitue plus que jamais le pétrole du XXIe siècle, tant en termes d’économie de marché, de création d’emplois et de progrès social, elle est devenue centrale. L’économie de la donnée est créatrice de valeur pour l’Europe, avec 272 milliards d’euros de chiffre d’affaires généré en 2015 – soit 1,87 % du PIB européen.
Ce montant pourrait, selon les chiffres fournis par la Commission européenne, pourrait atteindre 643 millions d’euros d’ici 2020, soit 3,17 % du PIB européen (4).

Encadrer sans freiner l’innovation
La communication « Construire une économie européenne de la donnée » veut donner une impulsion à l’utilisation des données à des fins lucratives, tout en l’encadrant, sans attendre l’entrée en vigueur à partir du 25 mai 2018 de la nouvelle réglementation européenne sur la protection des données (5). Mais la Commission européenne ne veut pas non plus freiner les Vingt-huit dans le développement de l’économie de la donnée et creuser un peu plus l’écart avec les Etats- Unis. Aussi, voit-elle dans la régulation de la data une manière de contribuer au développement du marché unique numérique en donnant un accès le plus large aux bases de données – au Big Data – et en empêchant les barrières à l’entrée au détriment des nouveaux entrants et de l’innovation. Objectif : favoriser la libre circulation des données au sein de l’Union européenne, ainsi que la libre localisation de ces données dans des data centers, sans que ces échanges et ces stockages se fassent au détriment des consommateurs et de leur libre arbitre. Il s’agit aussi d’éviter la fragmentation du marché unique numérique par des réglementations nationales différentes selon les pays européens. La data se retrouve au cœur du marché unique numérique, que cela soit en termes de flux libres, d’accès, de transfert, de responsabilité, de sécurité, de portabilité, d’interopérabilité et de standardisation.

Pour la libre circulation des données
Dans sa communication « Construire une économie européenne de la donnée », dont un draft était disponible en ligne depuis décembre dernier, Bruxelles réaffirme la libre circulation des données (free flow of data) au sein de l’Union européenne et s’oppose aux barrières réglementaires numériques telles que l’obligation de localiser les données dans le pays concerné (6). Dans le prolongement de sa communication, la Commission européenne discutera avec les Etats membres sur les justifications et la proportionnalité des mesures réglementaires de localisation des données, ainsi que de leurs impacts sur notamment les petites entreprises et les start-up. Bruxelles est prêt à durcir le ton en cas de localisation abusive des données.
Partant du principe que les données peuvent être personnelles ou non personnelles, il est rappelé que la réglementation de 2016 sur la protection des données personnelle (en vigueur à partir de fin mai 2018), s’applique aux premières. Et quand un appareil connecté génère de la donnée qui permet d’identifier une personne, cette donnée est considérée comme étant à caractère personnel jusqu’à ce qu’elle soit anonymisée.
Or, constate la Commission européenne, l’accès aux données au sein des Vingt-huit est limité. La plupart des entreprises utilisant une grande quantité de données le font en interne. La réutilisation des données par des tiers ne se fait pas souvent, les entreprises préférant les garder pour elles-mêmes. De plus, beaucoup d’entreprises n’utilisent pas les possibilités des API (Application Programming Interfaces) qui permettent à différents services d’interagir avec d’autres en utilisant les données extérieures ou en partageant les siennes. Peu d’entreprises sont en outre équipées d’outils ou dotées de compétences pour quantifier la valeur économique de leurs données.
Quant au cadre réglementaire, au niveau européen ou à l’échelon national, il ne les incite pas à valoriser leur capital data. S’il y a bien le nouveau règlement sur la protection des données personnelle, les données brutes impersonnelles produites
par les machines échappent à l’actuel droit sur la propriété intellectuelle faute d’être
« intelligentes ». Tandis que la directive européenne du 11 mars 1996 sur la protection juridique des bases de données permet, elle, aux auteurs de bases de données le droit d’empêcher l’extraction et/ou la réutilisation de tout ou partie de leurs bases de donnés. Sans parler de la nouvelle directive européenne sur le secret des affaires, à transposer par les Etats membres d’ici juin 2018, qui limite l’accès à certaines informations capitales pour l’entreprise. Difficile de s’y retrouver dans ce dédale de textes législatifs. Un cadre réglementaire plus lisible et compréhensible est donc nécessaire, aux yeux de la Commission européenne, pour les données générées par les machines et les objets connectés, sur leur exploitation et leur traçabilité. Faute de quoi, l’économie de la data continuera de relever le plus souvent de relations contractuelles. Or, Bruxelles estime que cela ne suffit pas et qu’il faut un cadre adapté pour les nouveaux entrants et éviter les marchés verrouillés. Ceux que la Commission européenne appelle les propriétaires de facto de données que leurs écosystème génère ont un avantage compétitif sur leur marché, surtout en l’absence de réglementation ou de cadre juridique appropriés.

Afin que les réglementations nationales différentes ne s’imposent au détriment d’une harmonisation communautaire et des services de données transfrontaliers, une législation sur l’accès aux données pourrait voir le jour en Europe afin : d’encadrer le commerce de données générées par les appareils connectés, de faciliter et d’inciter
au partage de telles données, de protéger les investissements et les actifs, d’éviter la divulgation de données sensibles ou confidentielles, et de minimiser les effets de blocage (lockin) dans l’accès aux données.
La Commission européenne prévoit notamment : de réviser en 2017 la directive
« Bases de données » de 1996, de favoriser le développement les API pour faciliter
la création d’écosystèmes numériques, d’édicter des contrats-type portant sur l’exploitation de données, de contrôler les relations contractuelles B2B (7) et d’invalider des clauses abusives, de donner accès aux données d’intérêt général ou issues des services publics (8), d’instaurer un droit des producteurs de données à accorder des licences d’utilisation de ces données, et, enfin, de donner accès à la data contre rémunération.

Responsabilité et assurance
La responsabilité juridique liée à l’exploitation de toutes ces données devra aussi être clarifiée – quitte à envisager la révision de la directive européenne de 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux (9) – pour prendre en compte les nouveaux écosystèmes tels que l’Internet des objets ou encore la voiture autonome, sans parler des implications au niveau des assurances. @

Charles de Laubier

Collecte des droits d’auteur dans le monde : la Cisac se plaint du « faible » revenu numérique

La collecte des royalties des droits d’auteur dans les mondes du numérique et
du multimédia s’achemine à rythme soutenu vers 1 milliard d’euros, barre qui pourrait être franchie en 2017 si ce n’est l’année suivante. Mais pour l’organisation mondiale des sociétés de gestion collective, ce n’est pas assez.

La Confédération internationale des droits d’auteurs et compositeurs (Cisac), qui réunit 239 sociétés de gestion collective telles que, pour la France, la Sacem, la SACD, la Scam, ou encore la SGDL, n’est toujours pas satisfaite de la collecte des droits d’auteur dans le monde numérique. « La part des revenus du numérique sur l’ensemble des droits collectés par nos membres reste faible à seulement 7,2 %. Ceci est principalement lié à des lacunes juridiques et des lois obsolètes empêchant nos membres d’obtenir une rémunération juste, équitable et proportionnelle de la part des plateformes numériques dans de nombreux pays », a déploré Gadi Oron (photo), directeur général de la Cisac, lors de la publication de son rapport annuel le 23 novembre dernier.

Digital & Multimédia : 622,2 M€
Pourtant, sur le total des 8,6 milliards d’euros collectés en 2015 – un nouveau record – par les « Sacem » à travers le monde, les droits d’auteur provenant de ce que la Cisac regroupe dans le poste « Digital & Multimédia » représentent 622,2 millions d’euros. Cela inclut les licences provenant des œuvres disponibles sur les plateformes numériques telles que Spotify, YouTube, Apple Music ou encore Deezer, mais aussi des créations proposées sur des supports d’enregistrement numérique comme les images sur CDRom par exemple. Sur un an, la progression de ces royalties provenant du numérique est de 21,4 %. Mais l’essentiel de ces revenus, dont bénéficient plus de 4 millions de créateurs dans le monde, provient des droits musicaux qui pèsent 86,8 % du total collecté – suivie par les droits audiovisuels pour 6,6 %, les droits littéraires pour 2,3 %, les arts dramatiques pour 2,2 % et les arts visuels pour 2,1 % (voir graphiques). Bon an mal an, la croissance annuelle des droits d’auteur issus du monde numérique et multimédia oscille de 20 % à 30 %. Aussi, en prenant l’hypothèse haute de cette fourchette, la barre du 1 milliard d’euros devait être franchie au cours de l’année prochaine comme nous l’avons estimé l’an dernier (1) – si ce n’est en 2018. D’autant que, selon le directeur général de la Cisac, « les sociétés collectives de gestion ont massivement amélioré leurs opérations au cours des dernières années, plus particulièrement dans le traitement du volume des transactions du monde numérique ». Mais les sommes « digitales » collectées ne sont toujours pas à la hauteur de ce que souhaiterait l’organisation internationale qui fête ses 90 ans cette année et qui est installée en France à Neuilly-sur-Seine, à côté de la Sacem. Présidée par le compositeur et pionnier français de la musique électronique Jean-Michel Jarre,
la Cisac dénonce une nouvelle fois ce qu’elle estime être un « transfert de valeur dans l’économie numérique » au détriment, selon elle, des créateurs.
« Beaucoup de valeur est capturée par les intermédiaires en ligne qui exploitent les œuvres créatives. Mais ces intermédiaires numériques refusent de partager avec les créateurs », a encore affirmer Gadi Oron. De son côté, Jean- Michel Jarre voit dans le record des 8,6 milliards un signe « que le monde économique peut avoir franchi une étape et que des secteurs comme la musique, lequel fut dévasté par le piratage en ligne, a commencé à reprendre de la vitesse grâce à la croissance en cours du streaming ». Mais d’ajouter tout de même : « Nous avons besoin de systèmes qui tiennent compte de la valeur de nos œuvres et qui exigent de ceux qui les exploitent
de les payer équitablement. (…) Des acteurs géants se sont construits en utilisant les œuvres créatives sans compenser les auteurs comme ils devraient l’être. C’est simplement injuste ». En juin dernier, lors de son assemblée générale à Paris, le président de la Cisac avait même lancé à propos des GAFA : « Nous sommes des actionnaires virtuels de ces entreprises ! » (2). @

Charles de Laubier

En France, les contenus culturels génèreraient près de 1,3 milliard d’euros pour les acteurs du Net

Directement et indirectement, les contenus culturels participeraient jusqu’à 61 % des revenus des intermédiaires du numérique (moteurs de recherche, médias sociaux, bibliothèques personnelles, plateformes vidéo ou audio, agrégateurs
de contenus). Manque à gagner pour les industries culturelles ?

Le Groupement européen des sociétés d’auteurs et compositeurs (Gesac) – dont sont membres 32 sociétés d’auteurs européennes, parmi lesquelles la Sacem (musique), la Scam (multimédia) ou encore l’Agagp
(arts graphiques) en France, pour un total de 1 million d’auteurs et de créateurs représentés – a cherché à évaluer le « transfert de valeur » entre les industries culturelles et les acteurs du Net.

Impacts directs et indirects
Dans l’étude qu’elle a commanditée au cabinet Roland Berger et rendue publique
fin septembre, il ressort que les contenus culturels (musiques, films, livres, jeux vidéo, journaux, programmes télé, radios, arts visuels, …) contriburaient directement et indirectement à hauteur de 61 % du chiffre d’affaires global annuel (1) réalisés en France par les acteurs du Net (moteurs de recherche, médias sociaux, bibliothèques personnelles, plateformes vidéo ou audio, agrégateurs de contenus, …).
Cela représente sur l’année considérée près de 1,3 milliard d’euros, dont 23 % obtenus
« directement » et 38 % « indirectement » (voir tableau ci-dessous). L’impact direct désigne les revenus générés grâce à la monétisation ou le commerce en ligne des contenus culturels (B2C) ou aux revenus publicitaires générés par l’inventaire (les espace publicitaires disponibles) lié aux contenus culturels (B2B). Par exemple, selon Roland Berger, YouTube en profite directement dans la mesure où 66 % des vues vidéo en Europe (19 % pour la France) ont des contenus culturels, lesquels génèrent des revenus publicitaires. Pour Facebook, ce sont 51 % des contenus publiés ou partagés sur Facebook en Europe (39 % en France) qui sont liés aux contenus culturels. L’impact indirect, lui, correspond au rôle additionnel joué par les contenus culturels dans le modèle économique de l’intermédiaire de l’Internet (par exemple a d h é rence p o u r le s u t i l i s a teurs , développement de l’utilisation, …). Au niveau européen,
la proportion est quasiment la même – 62 % (23 % directement et 40 % indirectement) – mais porte cette fois sur un chiffre d’affaire global annuel de 21,9 milliards d’euros.

Le Gesac, présidé par Christophe Depreter (photo), directeur général de la Sabam
(la « Sacem » belge) et doté de trois vice-présidents parmi lesquels Jean-Noël Tronc (directeur général de la Sacem), a fait du « transfert de valeur » sont cheval de bataille – et de lobbying – auprès de la Commission européenne, laquelle a finalement fait un pas vers les industries culturelles en présentant le 14 septembre dernier un projet de réforme du droit d’auteur susceptible de remédier à ce value gap – ou perte de valeur – pour les ayants droits (2) (*) (**). « Contrairement aux fournisseurs d’accès, les plateformes en ligne ne rémunèrent pas ou très peu les créateurs pour l’exploitation
de leurs œuvres. (…) Ces plateformes revendiquent le statut de simples intermédiaires techniques (3) n’ayant aucune obligation de rémunérer les créateurs », affirme le Gesac. Dans son lobbying intensif à Bruxelles, elle-même basée à Bruxelles, cette organisation professionnelle exige que cette situation cesse. @

Charles de Laubier

Futur code européen des télécoms : les consommateurs risquent de le payer cher

Les opérateurs télécoms – historiques en tête – et les géants du Net – GAFA
en tête – pourraient être les premiers à bénéficier du nouveau « code des communications électroniques » présenté par la Commission européenne le
14 septembre. En revanche, pas sûr que les consommateurs s’y retrouvent.

Le nouveau projet de « Paquet télécom » que la Commission européenne a lancé mi-septembre ne peut pas être suspecté d’être « trop consumériste », tant il vise à encourager les opérateurs télécoms et fournisseurs d’accès à Internet (FAI)
à investir – quitte à co-investir – dans le très haut débit, en contrepartie d’une régulation allégée et censée être moins déséquilibrée par rapport aux acteurs de l’Internet et aux utilisateurs abonnés aux réseaux.

Co-investissement versus concurrence ?
Stimuler l’investissement ! Tel est le leitmotiv de Andrus Ansip (photo) et Günther Oettinger, respectivement vice-président de la Commission européenne pour le
Marché unique du numérique et commissaire européen pour l’Economie et la Société numériques. Il faut dire qu’environ 500 milliards d’euros d’investissements seront nécessaires en Europe sur les dix prochaines années pour espérer connecter tous les Européens à grande vitesse. « Ces montants devront largement provenir de sources privées. Toutefois, au vu des tendances actuelles en matière d’investissements, il y aura probablement un déficit d’investissements de 155 milliards d’euros », constatent déjà les deux commissaires. Le futur « code des communications électroniques » (1), qui ne sera pas adopté avant fin 2017 pour une transposition par les Etats membres d’ici 2020, va lâcher du lest en matière de régulation.
Mais cela risque de se faire au détriment des consommateurs, ce qui représente 315 millions d’Européens connectés. « Les actions visant à stimuler les investissements dans la bande passante ne peuvent pas se faire aux dépens des plus petits opérateurs [télécoms]. Aujourd’hui, plus que jamais, les consommateurs ont besoin que les opérateurs soient compétitifs sur le marché pour proposer des services innovants moins chers », a prévenu Monique Goyens, directrice générale du Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc), lequel compte plus d’une quarantaine de membres dont UFC-Que choisir et la CLCV (2) en France. Basé à Bruxelles, le Beuc
« craint que ces nouvelles règles affaiblissent la concurrence entre les fournisseurs de services de télécommunication ». Cela pourrait se traduire par une hausse des prix pour les consommateurs, voire une concentration des opérateurs télécoms, même si
la Commission européenne reste réticente aux passages de quatre à trois opérateurs (comme il en est question en France, par exemple). La Commission européenne cherche en outre à renforcer les droits des consommateurs. Les utilisateurs devraient en effet pouvoir, s’ils le désirent, changer d’opérateur télécoms et/ou de FAI, voire de plateforme numérique telle que WhatsApp (Facebook), Skype (Microsoft) ou encore Viber (Rakuten), selon leur choix et en bénéficiant de la portabilité du numéro. Les contrats triple play et quadrulple play ne pourront excéder deux ans. La Commission européenne a finalement répondu aux exigences des opérateurs télécoms jusqu’alors réticents à investir seuls dans les réseaux de fibre optique qu’empruntent les OTT (Over-The-Top) du Net. « Le code [des communications électroniques] n’appliquera
une réglementation au marché que lorsque l’intérêt de l’utilisateur final l’exige et que
les accords commerciaux entre opérateurs débouchent sur une situation non concurrentielle », tentent de rassurer la Commission européenne. Et de promettre en effet que « le nouveau code réduit nettement le degré de réglementation lorsque des opérateurs concurrents co-investissent dans des réseaux à très grande capacité et facilite la participation des petits acteurs aux projets d’investissement » (3). L’association ETNO (4) réunissant les opérateurs télécoms historiques – anciens monopoles d’Etat de télécommunications Orange (ex-France Télécom), Deutsche Telekom, Telefonica, Belgacom, Swisscom ou encore Telecom Italia – veut s’assurer que la nouvelle législation comportera « des incitations [à investir] pour les principaux investisseurs » et sera « inclusive et entièrement technologiquement neutre, avec le FTTH, le FTTC et le G.Fast [plus performante que le VDSL2 sur les lignes téléphonique, ndlr], contribuant à accélérer le déploiement de la 5G et à desservir le très haut débit aux consommateurs à travers l’Europe ».

Le rôle des régulateurs renforcé
La Commission européenne, elle, table d’ici à 2025 sur des débits d’au moins 100 Mbits/s pour l’ensemble des Européens et d’au moins 1 Gbit/s pour les entreprises,
les écoles ou encore les hôpitaux, ainsi que le déploiement de la 5G dans les zones urbaines. Quant à l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (Orece, ou en anglais Berec (5)), dont le rôle sera renforcé, il organise
le 17 octobre prochain à Bruxelles un forum sur le projet de code des communications électroniques et lancera une consultation publique. @

Charles de Laubier