Les plateformes de vidéos en OTT grignotent inexorablement le marché mondial de la Pay TV

Le temps travaille pour les services vidéo en Over-The-Top (OTT), qu’ils soient par abonnement (SVOD comme Netflix), financées par la pub (AVOD comme Hulu), transactionnels (TVOD (1) comme Amazon) ou en téléchargement définitif (iTunes). Quant à la télé payante (Pay TV comme Canal+), elle décline.

Les plateformes vidéo sur Internet prennent de l’ampleur. Leur chiffre d’affaires cumulé au niveau mondial devrait atteindre 46,5 milliards de dollars en 2017, contre 37 milliards en 2016. C’est un bond en avant de plus de 25 % sur un an. Dans le même temps, les revenus de la télévision payante devraient quasi stagner à 202,3 milliards de dollars cette année, contre 202,1 milliards en 2016. C’est ce qui ressort d’une étude de Digital TV Research, qui chiffre sa prévision à l’horizon 2022 à 83,4 milliards de dollars pour l’OTT Video et à 199,7 milliards pour la Pay TV (voir graphique ci-dessous).

Pay TV : sous les 200 M$ en 2022
Selon Simon Murray (photo), analyste principal de cette société d’études londonienne qui s’est penchée sur ces deux marchés, la télévision payante va entamer un déclin global pour passer tout juste d’ici à cinq ans en-dessous de la barre des 200 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Pendant ce temps, toujours à l’horizon 2022, les plateformes vidéo en OTT devraient, elles, peser près de 30 % du marché total « OTT & Pay TV », soit près d’un tiers des 283,1 milliards de dollars de revenus cumulés dans cinq ans. Autrement dit, l’OTT Video pèsera alors l’équivalent de plus de 40 % des recettes de la Pay TV – alors que ce ratio n’est encore que de 23 % en 2017 (46,5 milliards pour le premier, 202,3 pour le second). « Le chiffre d’affaires de la télévision payante va décliner entre 2017 et 2022, bien que cette tendance baissière sera très lente », temporise Digital TV Research, qui souligne le leadership des chinois China Telecom, BesTV et China Radio & TV dans la Pay TV, loin devant les européens Liberty Global, Sky, Rostelecom ou Canal+. Et entre l’an dernier et l’horizon 2022, la vidéo en OTT aura alors vu ses revenus plus que doubler sur cette période. Ainsi, la SVOD de type Netflix, Amazon Prime Video, Now TV (Sky) ou iQiyi (Baidu), devrait générer à cette échéance plus de 41 milliards de dollars de chiffre d’affaires dans le monde – soit la moitié du total des revenus OTT, toujours en 2022. Elle sera suivie cette année-là par l’AVOD (2) de type Hulu, RTL ou ProSieben à 28,9 milliards de dollars. Et encore, ce segment-là ne prend pas en compte les revenus publicitaires de YouTube (ni de Dailymotion) car, nous précise Simon Murray, « nos prévisions portent seulement sur les programmes, séries et films, mais pas les contenus générés par les utilisateurs,
les UGC (3) ». Arriveront ensuite loin derrière le DTO (4) et EST (5) tels que iTunes, Amazon Prime Video ou encore Google Play à 8 milliards de dollars, et la location à 5,1 milliards de dollars.
En termes d’abonnements cette fois, la SVOD devrait atteindre l’équivalent de la moitié du total des abonnements de la Pay TV d’ici à 2022. La SVOD aura ainsi doublé le nombre de ses abonnements au niveau mondial, à 546 millions d’ici cinq ans, l’Asie-Pacifique dépassant entre temps en 2017 l’Amérique du Nord. Dans cinq ans, Netflix devrait avoir 131 millions d’abonnés (40 % de parts de marché mondial) et Amazon Prime Video 94 millions. Toutes les autres plateformes se partageront les 322 millions d’abonnés restants, c’est-à-dire la plus grosse part émiettée du lion. « La Pay TV n’est pas morte pour autant, puisqu’elle aura encore en 2022 plus de 1 milliard d’abonnés. L’Amérique du Nord perdra des abonnements, tandis que l’Europe stagnera. En revanche, l’Asie-Pacifique augmentera le nombre de ses abonnés Pay TV – la Chine (353 millions en 2022) et l’Inde (179 millions) comptant alors dans cinq ans pour la moitié du total mondial des abonnés à la Pay TV », prévoit Simon Murray. Quant à YouTube, UGC mondial qui n’est pas pris en compte dans les prévisions de Digital TV Research, il est en embuscade. @

Charles de Laubier

 

L’e-sport aux 100 millions de joueurs dans le monde franchira 1 milliard de dollars de recettes en 2018

Fifa, League of Legends, Clash Royale, Overwatch, Hearthstone, FDJ Masters League, … Les compétitions de sports électroniques suscitent un engouement sans précédent. Joueurs, médias, annonceurs, téléspectateurs et internautes sont au cœur d’une nouvelle bataille du divertissement.

La finale européenne de « League of Legends » à Paris-Bercy, qui s’est déroulée début septembre, a marqué les esprits et fait entrer un peu plus le esport dans le monde des divertissements grand public. Pas moins de 17.000 personnes avaient assisté dans la salle à cette finale, dans une ambiance survoltée, sans compter les millions d’internautes qui ont suivi en live l’événement retransmis en ligne. Les deux finalistes – les équipes « G2 eSports » et « Misfits », la première tenant du titre l’a remporté sur la seconde – se sont qualifiés pour le Championnat du monde de League of Legends qui se tiendra en Chine du 23 septembre au 4 novembre prochains.

Une discipline sportive des J.O. ?
C’est justement dans l’Empire du Milieu que le e-sport va être consacré puisqu’il sera accueilli aux Jeux Asiatiques de 2022 prévus dans la ville chinoise de Hangzhou, capitale de la province du Zhejiang, dans l’Est de la Chine. Les Jeux Asiatiques ont
les mêmes épreuves sportives que les Jeux Olympiques, si tant est que le e-sport devienne aussi discipline officielle de ces derniers. Dans une interview publiée par l’agence Associated Press (AP) le 8 août dernier, le co-président du comité Paris 2024 de candidature de la capitale à l’organisation des J.O. de 2024 – finalement retenue le 14 septembre – s’est dit ouvert à cette perspective : « Les jeunes, oui ils s’intéressent à l’e-sport et à ce genre de chose. Regardons cela, rencontrons-les, essayons de voir si nous pouvons trouver des liens. Je ne dis pas non d’emblée. Je pense qu’il est intéressant d’en discuter avec le Comité international olympique (CIO) et avec le monde du e-sport », a expliqué Tony Estanguet (photo). Il devait en être question lors de la 130e session du CIO qui s’est tenue à Lima, capitale du Pérou, du 13 au 17 septembre dernier. Intégrer l’e-sport dans les Jeux Olympiques de 2024 devrait être ensuite étudié de façon approfondie dès 2019 et la décision finale n’est pas à attendre avant la fin des Jeux de Tokyo de 2020. Dans l’attente d’être pleinement reconnue discipline olympique, l’e-sport devient une industrie du divertissement, voire une industrie culturelle, en pleine effervescence. Les recettes générées par le sport électronique devraient franchir pour la première fois en 2018 le seuil de 1 milliard de dollars au niveau mondial. C’est tout du moins le chiffre avancé en juin dernier lors du dernier salon E3 (Electronic Entertainment Expo), la grand-messe internationale des jeux vidéo qui se tient chaque année à Los Angeles. Selon une estimation du cabinet d’étude Deloitte, l’e-sport a pesé l’an dernier (2016) plus de 470 millions d’euros de chiffres d’affaires. Ce marché mondial est en plein boom grâce à l’engouement des jeunes « Millennials », à savoir les 15-35 ans qui constituent les générations dites Y et Z. Et la notoriété de l’e-sport ne cesse de grandir chez les moins jeunes.
Selon l’institut de mesure d’audiences Médiamétrie, près d’un internaute sur deux a déjà entendu parler du sport électronique. En effet, le sondage mené en avril auprès
de 1.000 personnes âgées de 15 ans et plus montre en effet qu’elles sont près de 47 % dans ce cas (contre 45,2 % en 2016). Sur les adultes de catégorie socio-professionnelle élevée (CSP+), la notoriété atteint 54,9 %. Et uniquement sur la tranche d’âge 15-34 ans, ils sont 62,8 % à avoir entendu parler de l’e-sport.
Pour ce qui est cette fois de regarder une compétition de sport électronique (Fifa, League of Legends, Clash Royale, Overwatch, Hearthstone, FDJ Masters League, …), l’étude montre que 33 % des internautes interrogés en ont déjà « consommé » (contre 26,3 % en 2016). Les principales raisons d’être spectateur de e-sport sont avant tout la détente (53 %), la découverte de nouveaux jeux (45 %), une meilleure compréhension des stratégies de jeux (44 %), l’adrénaline (32 %) et l’émotion (27 %). Les contenus de e-sport suscitent l’intérêt des internautes, que cela soit – selon le nombre de citations – des jeux de stratégie, de sport, de tir à la 1ère personne, de combat, de rôle en ligne ou encore d’arène de bataille.

5 millions de supporteurs en France
En termes d’audience du e-sport en France, et toujours d’après Médiamétrie, il y a en environ 5 millions de visiteurs uniques par mois et encore une marge de progression. Ils regardent d’abord les sports électroniques à la télévision (55 %), lorsque ce n’est pas sur ordinateur (33 %), tablette (9 %) ou bien smartphone (3 %). Les chaînes de télévision – chaînes de jeux vidéos/manga, chaînes de e-sport, chaîne de sport ou chaîne généraliste – arrivent en premier dans les médias de diffusion de l’e-sport (47 %), suivies des sites web (40 %) et des applications mobiles (12 %). Le live arrive en tête des modes de consommation de l’e-sport pour 66 % des personnes interrogées, surtout lorsqu’il s’agit de compétition (75 %) et dans une moindre mesure pour les interviews des joueurs et autres e-sportifs (17 %), les bonus (15 %) ou encore les autres types de contenus (14 %).

Live et retransmission de compétitions
Les retransmissions en direct de ces compétitions de jeux vidéo en ligne multi-joueurs sont au cœur des stratégies des acteurs de ce marché en pleine croissance. Twitch,
la plateforme spécialisée dans la diffusion de parties de jeux vidéo en ligne, a été rachetée en août 2014 par Amazon pour 970 millions de dollars. Pour le concurrencer, Google a lancé en 2015 YouTube Gaming. Et en octobre de cette même année, Microsoft a inauguré en France sa propre compétition baptisée « Xbox Elite Series ». Depuis lors, les grandes manœuvres se poursuivent de plus belle. Yahoo a lancé en mars 2016 une plateforme en ligne dédiée, Yahoo Esports, mais elle a été arrêtée en juin dernier en raison de la nouvelle stratégie de la société Oath, créée au sein du groupe Verizon pour regrouper Yahoo, AOL, The Huffington Post, Tumblr, Makers, Build Studios et les portails Sport, Finance et Mail de Yahoo (lire p.5). En France, TF1 a retransmis en ligne en mars 2016 la finale de la Fifa Interactive World Cup sur sa chaîne digitale MyTF1 Xtra. La société française Oxent et filiale du groupe Webedia, organise, elle, au moins une fois par an à Paris le ESWC (Electronic Sports World Cup), la coupe du monde des jeux vidéo.
La plateforme vidéo Dailymotion n’est pas en reste et a commencé en 2016 à diffuser en direct des ecompétitions telles que la « Fifa 17 Ultimate Team Championship Series Qualifier France » qui a eu lieu à Paris à la fin de l’année dernière. Vivendi, la maison mère de Dailymotion, s’est en outre alliée avec l’Electronic Sports League (ESL) – jusqu’alors en partenariat avec Yahoo Esports – pour créer ses propres événements
de ligues d’e-sport en France qui seront retransmises sur Canal+ et sur la plateforme vidéo. Le bataille des tournois vidéo-ludiques en direct est engagée. Désormais reconnu par les pouvoirs publics en France, l’e-sport désigne l’ensemble des pratiques compétitives ayant pour moyen de confrontation, de performance et de dépassement de soi un support numérique, et en l’occurrence un jeu vidéo. Cette pratique vidéoludique, qui dépasse aujourd’hui la sphère du gaming, entre dans les stades, se montre à la télévision et forge des cyberathlètes – véritables idoles de la génération numérique.
En France, le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisir (Sell) a été moteur dans la reconnaissance de cette discipline sportive depuis deux ans, dans le cadre de la loi
« Pour une République numérique », en proposant dès septembre 2015 un amendement visant à assurer au sport électronique un cadre légal favorable au développement du secteur. Une mission parlementaire sur l’e-sport avait même été confiée début 2016 – au sénateur PS Jérôme Durain et à Rudy Salles alors député UDI – pour aboutir à la reconnaissance officielle de l’e-sport et des joueurs professionnels : vote au Sénat en mai 2016 de cette disposition, qui deviendra officielle avec la promulgation de la loi « République numérique » le 7 octobre suivant.
Parallèlement, l’association « France eSports » a été créée fin avril 2016, avec
dix membres fondateurs, parmi lesquels l’on retrouve le Sell, le Syndicat national
du jeu vidéo (SNJV) ou encore Webedia du groupe Fimalac (1). Cette association
est présentée comme « un premier acte vers une Fédération des professionnels et amateurs des sports électroniques » (dixit le Sell).
Dans leur rapport final sur le e-sport (2) remis à Axelle Lemaire, alors secrétaire
d’Etat au Numérique, lors de la Paris Games Week le 26 octobre 2016, les deux parlementaires ont préconisé la création d’une commission spécialisée portant sur le jeu vidéo compétitif, laquelle sera placée au sein du Comité national olympique du sport français (CNOSF) pour « réguler et développer » le e-sport (3). C’est cette commission spécialisée qui sera transformée en « une véritable fédération délégataire ».

Potentiels publicitaire et médiatique
Les annonceurs et sponsors, qu’ils soient éditeurs de jeux vidéo ou fabricants high-tech voire producteurs de boissons énergisantes, sont à l’affût des compétitions-événements, des e-sportifs (dont certains peuvent être rémunérés plusieurs milliers d’euros) et des équipes championnes. Cela va du logo sur le t-shirt jusqu’à la visibilité lors de la diffusion TV et Internet de l’événement. Les compétitions de jeux-vidéo sont
a priori interdites de loteries (4), ce qui constituerait « une barrière légale » selon le cabinet d’avocats De Gaulle Fleurance & Associés (DGFLA) (5). A terme, le e-sport
a les armes pour détrôner le foot de son trop coûteux piédestal. @

Charles de Laubier

Les réseaux de chaînes de vidéo en ligne (MCN) génèreraient 50 % de l’audience de YouTube

Fortes de leurs milliards de vidéos vues chaque mois, les Multi-Channel Networks (MCN) aux audiences massives profitent à YouTube. Mais des groupes audiovisuels historiques – tels que TF1, Mediaset, ProsiebenSat.1, RTL Group, Verizon, Disney, … – veulent aussi avoir une part du gâteau publicitaire.

Les Multi-Channel Network (MCN), ces réseaux de chaînes vidéo en ligne, généreraient maintenant la moitié de l’audience sur YouTube – si l’on extrapole une étude de
la société britannique Ampere qui estimait à 42 % en 2015 le poids sur YouTube des 100 premiers MCN mondiaux
en termes de vidéos vues. En Europe, les audiences massives de ces nouveaux networks sur Internet attisent les convoitises aussi bien des médias que des annonceurs.

Alliance TF1, Mediaset et ProsiebenSat.1
Le groupe TF1, l’italien Mediaset et l’allemand ProsiebenSat.1 illustrent cet engouement en annonçant le 9 juin dernier la création d’une régie publicitaire commune baptisée European Broadcaster Exchange (EBX) et détenues à parts égales. Objectif : créer une plateforme de commercialisation publicitaire automatisée, dite programmatique, et à dimension pan-européenne. Cette initiative vient dans le prolongement de l’alliance nouée entre les trois groupes en janvier afin de faire bloc sur le marché publicitaire en pleine croissance des MCN, très regardés par la génération millenium.
Cela s’est notamment traduit par une prise de participation du groupe TF1 à hauteur de 6,1 % au capital de Studio71, qui revendique la quatrième place mondiale des MCN et la première place en Europe. D’après les statistiques de Social Blade, Studio71 compte actuellement plus de 13.000 chaînes vidéo membres qui totalisent plus de 5,5 milliards de vidéo vues par mois grâce à plus de 17 millions d’abonnés. Ce qui place Studio71 en sixième position en termes d’audience et d’abonnés. Studio71 est une filiale de ProsiebenSat.1 Media, groupe audiovisuel allemand. L’italien Mediaset, dont Vivendi détient actuellement 29,9 % du capital, est aussi devenu actionnaire minoritaire de Studio71 à hauteur de 5,5 %.
Parallèlement à cette prise de participation, le groupe TF1 est en outre devenu l’opérateur de Studio71 sur la France et les territoires francophones, au travers de la société Finder Studios dans laquelle Studio71 prendra une participation minoritaire. Finder Studios, dont TF1 Publicité commercialise déjà les inventaires de publicité
en ligne, est un MCN français présent sur différentes thématiques (beauté, cuisine, humour, hommes et enfants). Présenté comme le « 1er MCN beauté en France avec 130 millions de vidéos vues par mois », Finder Studios a été créé par le producteur audiovisuel Makever qui en est l’actionnaire avec TF1. A terme, la nouvelle filiale Studio71 France que contrôle TF1 absorbera Finder studios (1). Le groupe luxembourgeois RTL Group (filiale de l’allemand Bertelsmann), détient, lui, depuis 2013, 51 % de BroadbandTV qui est l’un des plus gros MCN mondiaux avec plus de 236.000 chaînes vidéo membres et une audience supérieure à 18,8 milliards de vidéos vues dans le mois. BroadbandTV, fondé au Canada en 2005, compte plus de 70 millions d’abonnés. En début d’année, RTL Group a renoncé à acquérir les 49 % restants dans ce MCN pour « explorer avec les actionnaires minoritaires de BroadbandTV toutes les stratégies alternatives pour la compagnie ».
Une introduction en Bourse n’est pas à exclure, si ce n’est une ouverture du capital à des tiers, voire une cession de l’entreprise. La fondatrice de BroadbandTV, l’Iranienne Shahrzad Rafati (photo), est la deuxième actionnaire après RTL Group. Le groupe luxembourgeois avait par ailleurs acquis en 2014 le MCN StyleHaul aux Etats-Unis (participation de 22,3 % en avril 2013, augmentée à près de 100 % en novembre 2014), tandis que sa filiale française M6 développe ses « MCN M6 » dans l’humour et le lifestyle (2) au sein de M6 Web (Golden Moustache, Rose Carpet, Cover Garden, Vloggist, …). Les grandes manœuvres sur le marché naissant des MCN concernent aussi Verizon qui a pris en avril 2016 une participation de 24,5 % dans AwesomenessTV, une startup californienne contrôlée par DreamWorks Animation depuis 2013 et éditrice de plus de 8.000 chaînes vidéo sur YouTube totalisant 2,5 millions d’abonnés. Cet investissement de Verizon – propriétaire de Yahoo (3) –
s’est accompagné du lancement d’un service de vidéo pour mobile intégré à Go90.

Maker Studios, Fullscreen, Base79, 3BlackDot, …
De son côté, Disney est propriétaire depuis 2014 de Maker Studios, acquis à l’époque pour 500 à 950 millions de dollars selon des objectifs de performances. Aujourd’hui, ce géant américain des MCN (4) compte près de 10.000 chaînes vidéo, plus de 12 millions d’abonnés pour plus de 4 milliards de vidéos vues dans le mois. Autres MCN en vue : Fullscreen racheté en 2014 par Otter Media (co-entreprise AT&T-The Chemin Group), Base79 racheté aussi en 2014 par le britannique Rightster. Sans oublier le français Mixicom (Cyprien, Norman, Squeezie, …) racheté en 2015 par Webedia du groupe Fimalac, lequel vient de s’emparer de 3BlackDot. @

Charles de Laubier

La VOD reste désespérément le parent pauvre de la consommation audiovisuelle en France

Les dépenses audiovisuelles des foyers français – cinéma, télévision (redevance comprise), DVD/Blu-ray, vidéo à la demande (VOD, SVOD) et jeux vidéo – s’élèvent à plus de 10,4 milliards d’euros en 2016. Mais le cinéma à la demande peine toujours à décoller. La VOD à l’acte décline.

Le marché français de la vidéo à la demande (VOD) n’a progressé que de 8,3 %
en 2016 à 344,1 millions d’euros. C’est toujours le poste le moins disant dans les dépenses en programmes audiovisuels des foyers français. En effet, ces derniers ont déboursé l’an dernier plus de 10,4 milliards d’euros que cela soit en cinéma, télévision (abonnements télé et redevance audiovisuelle), vidéo (physique et VOD), ou encore jeu vidéo (physique et dématérialisé).

VOD à l’acte, VOD définitive et SVOD
Ce budget global en programmes audiovisuels (hors matériels donc) a progressé d’à peine 0,9 % sur un an, selon les chiffres publiés le 11 mai par le CNC (1). Les dépenses en VOD, lesquelles incluent la VOD à l’acte (location dématérialisée), la VOD par téléchargement définitif (ou EST (2)) et la SVOD (par abonnement), restent toujours
la dernière roue du carrosse audiovisuel. Avec leurs 344,1 millions d’euros en 2016, elles n’arrivent qu’en sixième et dernière place des dépenses audiovisuel des Français. Malgré la chute continue des ventes de vidéo physique (DVD et Blu-ray), lesquelles sont en recul l’an dernier de 15,8 % à 595,5 millions d’euros et avant-dernier du classement, la VOD fait toujours moins bien. La progression du marché de la vidéo à
la demande ne compense toujours pas le recul du marché de la vidéo physique. Les dépenses en vidéo (physique ou dématérialisée) sont largement devancées par celles du cinéma en salles qui progressent de 4,2 % à plus de 1,3 milliard d’euros, elles-mêmes précédées par les recettes de la redevance audiovisuelle dite CAP de plus de 2,2 milliards d’euros (3). Quant aux abonnements télé et les jeux vidéo, ils s’arrogent les deux premières places des dépenses audiovisuelles en 2016 avec respectivement plus de 3,3 milliards d’euros et 2,5 milliards d’euros – les premiers étant en baisse de
5 % et les seconds en hausse de 9 %. Il y a d’ailleurs fort à parier que les dépenses en télévision (abonnements et redevance) représenteront – à l’issue de cette année en cours et pour la première fois – moins de la moitié des dépenses audiovisuelles.
Alors que le Syndicat des éditeurs de vidéo à la demande (Sévad) a organisé du 11
au 14 mai derniers la 2e édition de « La Fête de la VOD » avec le soutien du CNC
(à 2 euros le film loué en ligne sur Arte VOD, Canal VOD, Filmo TV, Fnac Play, Imineo, MyTF1VOD, Nolim, Orange, France.tv, Club Vidéo SFR, UniversCiné et Vidéofutur),
le marché de la VOD n’est, lui, pas vraiment à la fête. La location à l’acte continue de reculer – de 4,4 % en 2016 – et passe pour la première fois sous la barre des 50 %
du marché avec une part de 48,6 %, à 167,23 millions d’euros (voir tableau ci-contre). Tandis que la vente définitive dite EST représente 19,8 % du marché après avoir progressé de 13,3 % l’an dernier. Rappelons que ces deux segments du paiement à l’acte continuent d’arriver quatre mois après la salle dans la chronologie des médias (lire EM@167, p. 6 et 7). Quant à la SVOD, toujours reléguée à trente-six mois après
la salle, elle progresse de 32,1 % entre 2015 et 2016, passant de 26,0 % à 31,7 % du marché. @

Charles de Laubier

Malgré l’absence de films, les revenus du replay franchissent la barre des 100 millions d’euros en 2016

Le chiffre d’affaires publicitaire du replay a progressé en 2016 de 16,7 % sur un an, à 105 millions d’euros. Cette croissance montre que, outre sa monétisation, la consommation délinéarisée de la télé prend de l’ampleur, au détriment de la grille à l’antenne. Mais les films ne jouent pas le jeu.

En pleine expansion, ce marché de la télévision à la demande (catch up TV ou replay) regroupe l’ensemble des services permettant de voir ou de revoir des programmes audiovisuels après leur diffusion à l’antenne sur une chaîne de télévision, pendant une période déterminée – gratuitement ou sans supplément dans le cadre d’un abonnement.

Des chaînes gratuites comme TF1 font payer les FAI
pour qu’ils puissent reprendre sur les boxes leurs
services de replay.

Marché porté par la pub vidéo
Si les recettes publicitaires constituent l’essentiel des revenus de la TV de rattrapage, c’est que les services correspondants sont en général gratuits et émanent des chaînes gratuites (historiques comme TF1 ou M6, TNT comme NRJ12 ou LCP, et TNT HD comme RMC Découverte ou La Chaîne L’Equipe). Sinon, pour les chaînes payantes (comme Canal+ hormis la partie en clair), le replay est inclus dans l’abonnement. En mars 2017, près de 120 chaînes proposent un tel service. Or, pour la première fois, la barre des 100 millions d’euros de chiffre d’affaires publicitaire a été franchie l’an dernier – à 105 millions d’euros précisément, soit près du double d’il y a trois ans (voir tableau page suivante). Il faut dire que la publicité sur replay est portée par la croissance du marché français de la publicité vidéo, lequel a progressé de 35 % l’an dernier à 417 millions d’euros selon le Syndicat des régies Internet (SRI). « Les recettes publicitaires constituent la principale source de revenus des services de télévision de rattrapage. L’évolution des recettes s’explique par différents facteurs : le nombre d’annonceurs,
le volume de publicité diffusée, le prix de vente de l’espace publicitaire », explique le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), dans son rapport 2016 sur l’économie de la télévision de rattrapage, publié le 22 mars dernier.
La très grande majorité des programmes proposés sont consultables plus de trente jours (72,6 %), suivis de ceux consultables jusqu’à sept jour (20,6 %), lorsqu’ils ne sont pas disponibles de huit à quatorze jours (3,7 %) ou de quinze à trente jours (3 %). L’année 2016 marque aussi le passage en tête des smartphones et des tablettes comme premiers terminaux utilisés pour visionner les vidéos de la TV de rattrapage. Ainsi, sachant que 7,5 milliards de vidéos ont été visionnées en 2016, les mobiles totalisent 38,9 % des vidéos vues (+ 7,3 points), dont 23,6 % pour le téléphone mobile (+ 7,2 points) et 15,3 % pour la tablette (stable). Ils détrônent pour la première fois non seulement le téléviseur mais aussi l’ordinateur, relégués tous les deux à respectivement 31,6 % des vidéos vues (- 3,4 %) et 29,5 % des vidéos vues (- 3,9 %). C’est surtout l’ordinateur, terminal plébiscité ces dernières années pour visionner le replay (voir évolution des supports pages suivantes), qui a perdu le plus de terrain.
Mais il y a un grand absent, ou presque, de la TV de rattrapage : le cinéma. En effet, les films ne représentent que 0,2 % des programmes disponibles pour ce mode de consommation délinéarisé. La part des programmes de flux (divertissement, magazine, information, sport) disponibles en replay est largement plus élevée que celle des programmes de stock (animation, documentaire, fiction, film). Ces programmes de flux accaparent même l’offre de replay puisqu’ils représentent 84,6 % du volume horaire en 2016 (sur les 20.597 heures de programmes disponibles par mois).
Les programmes de stock se partagent donc le reste des 15,4 % du volume horaire, dont 7 % pour la fiction TV, 4,6 % pour le documentaire, 3,5 % pour l’animation et…
0,2 % pour les films cinématographiques. Ainsi, le Septième Art est quasi absent en France de la télévision de rattrapage. Cela paraît d’autant plus surprenant que les chaînes de télévision (Canal+, TF1, France Télévisions, …) contribuent largement au financement des films. De plus, TF1 a été l’an dernier la chaîne la plus regardée en TV de rattrapage avec 62 % du public, suivie de M6 (50,7 %), France 2 (33,7 %), France 3 (24,1 %), Arte (16,8 %), France 5 (14,0 %) et Canal+ (11,2 %).

Le cinéma, grand absent
Et d’après l’étude sur le cinéma que Médiamétrie a publiée le 30 mars dernier, 64 % des spectateurs de 15- 24 ans allant voir un film en salle de cinéma pratiquent le replay chaque mois, et ils sont 59 % à consulter des contenus en streaming. Le fait que le cinéma soit la dernière roue du carrosse de la catch up TV est à aller chercher du côté des producteurs de cinéma qui ne veulent pas voir leurs oeuvres mis gratuitement sur les services de rattrapage des chaînes. Les organisations du Septième Art français posent leurs conditions, comme la société civile des Auteurs-Réalisateurs- Producteurs (ARP) qui souhaite en contrepartie une coproduction des films concernés. Quant à l’Union des producteurs de cinéma (UPC), elle craint « la dévalorisation des films dans le non-linéaire » assimilé au gratuit. C’est du moins ce qu’avait exprimé Xavier Rigault, son co-président, lors des Rencontres cinématographiques de Dijon (RCD), le 22 octobre 2016. Selon nos informations, pas question pour l’UPC de voir des films en replay sur les chaînes gratuites de France Télévisions « sauf sur un délai très court » (durant 2 jours par exemple). Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions,
avait quant à elle plaidé à ces RCD en déclarant : « Il faut mettre du rattrapage sur le cinéma », en estimant que ne pas avoir de films dans le replay « cela dévalue le cinéma ; il n’existe plus et c’est un vrai problème » (Lire EM@158, p. 2.). La catch up de films est donc, à ses yeux, vitale pour le cinéma. Or les négociations avec les producteurs de cinéma n’ont toujours pas abouti. En revanche, cela ne pose pas de problème avec les chaînes payantes Canal+ et OCS qui assure par leurs abonnements une valorisation des films.

Les FAI paient les chaînes
Mais que l’on ne s’y méprenne pas. Les 105 millions d’euros des revenus publicitaires engrangés par le replay en France, tels qu’ils sont présentés par le CNC, ne constituent pas à eux seuls le chiffre d’affaires total de la TV de rattrapage. En effet, des chaînes gratuites font payer les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) pour qu’ils puissent reprendre sur les boxes leurs services de replay. C’est par exemple ainsi que TF1
– comme nous l’avons vu, la chaîne la plus regardée en catch up TV – percevrait 10 millions d’euros par an pour la reprise de MyTF1.
Ce sont donc plusieurs dizaines de millions d’euros de droits de rediffusion qu’il faudrait ajouter à la centaine de millions d’euros de la publicité pour connaître la réalité de cet écosystème en pleine croissance. Et pour cause : l’usage des services de replay s’intensifie puisque, en 2016 et pour la première fois, ce sont maintenant plus de la moitié des utilisateurs (54,7 %, contre 47,5 % en 2015) qui regardent « au moins une fois par semaine » des programmes en TV de rattrapage. @

Charles de Laubier