Vincent Montagne, président du SNE : « L’hégémonie de quelques acteurs sur Internet n’est pas une fatalité »

A l’occasion du 33e Salon du livre de Paris, le président du Syndicat national
de l’édition (SNE), qui est aussi le PDG de Média-Participations, nous explique comment le marché du livre s’organise en France pour « favoriser les offres
légales numériques » et « garantir la rémunération de la création ».

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Que pèse le marché français du livre en 2012, après avoir totalisé 4,27 milliards d’euros en 2011 ? Et les ventes de livres numériques ont-elles décollé en 2012 et dépassent-elles les 2 % des revenus de 2011 (56,8 millions d’euros) ?
Entretiens de Royaumont 2010Vincent Montagne : Le chiffre d’affaires du livre est de 4,13 milliards en ventes de détail (TTC) pour la France métropolitaine – y compris le numérique. Dans un environnement en mutation, le livre reste donc stable et très attractif : il représente 53 % du marché des biens culturels. L’institut d’études GfK a calculé une hausse de 80 % des ventes d’ebooks entre 2011 et 2012.
Le SNE publie ses statistiques en juin, mais nous savons déjà que
le marché, s’il progresse, n’a pas bouleversé la répartition du chiffre d’affaires des éditeurs. Le baromètre Sofia-SNE-SGDL sur les usages du livre numérique montre, lui, que même chez les lecteurs de livres numériques, l’imprimé reste très attractif.
Le marché européen se développe plus tardivement qu’aux Etats-Unis où le Kindle est arrivé dès 2007. En France, les liseuses ne sont réellement apparues qu’à la fin 2011,
soit deux ans après la sortie de l’iPad.

Maurice Botbol, président du Spiil : « Ce sont les sites de presse innovants qui méritent d’être aidés en premier lieu »

Président du Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil) depuis 2009 et directeur fondateur de Indigo Publications, Maurice Botbol nous explique les propositions que lui et Edwy Plenel – reçus à l’Elysée le 28 février – ont faites en faveur de la presse numérique.

Propos recueillis par Charles de Laubier

MB

Edition Multimédi@ : Le Spiil s’est insurgé une nouvelle fois contre le taux de TVA à 19,6 % imposé à la presse en ligne, alors que la presse imprimée, elle, bénéficie du super taux réduit de 2,10 %. François Hollande a-t-il répondu à votre lettre ouverte du 26 février ?
Maurice Botbol : Non, le président de la République n’a pas encore répondu à notre courrier. Mais, avec Edwy Plenel, secrétaire général du Spiil, nous avons été longuement reçus le 28 février à l’Elysée par David Kessler, conseiller pour la culture et la communication. Nous lui avons notamment remis un mémoire juridique expliquant pourquoi la presse numérique estime être dans son droit en lui appliquant le même taux
de TVA que la presse papier (1). Il s’est montré très attentif à notre argumentation et nous a assuré de son soutien. Nous lui avons expliqué, et il en a convenu, qu’il était difficile de défendre le principe de neutralité fiscale pour le livre numérique, et pas pour la presse. Cette situation est d’autant plus paradoxale que les ministres Fleur Pellerin et Aurélie Filippetti (2) ont annoncé le 22 février qu’elles s’appuieraient sur le principe de neutralité fiscale pour défendre le taux réduit de TVA pour le livre numérique devant la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE). Nous avons annoncé, pour notre part que si les redressements fiscaux que subissent nos adhérents qui appliquent la TVA à 2,10 %
(Arrêt sur images et Dijonscope) étaient maintenus, nous poursuivrions l’Etat français devant la CJUE. Et nous utiliserions alors contre lui les mêmes arguments qui lui servent à défendre sa position sur le livre numérique !

Christophe Pingard, Solocal Group : « Nous devenons un groupe de communication locale 100 % digital »

Le directeur général délégué de Solocal Group nous explique pourquoi le groupe Pages-Jaunes a ainsi changé de nom et comment l’éditeur d’annuaires est devenu un géant de l’Internet de proximité, en « coopétition » avec Google, Microsoft, Facebook et Yahoo. Le mobile tire sa croissance.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Rebaptiser Pages Jaunes en Solocal, n’est-ce pas sonner le glas des annuaires papier au profit du Net ? Des départements n’ont
déjà plus d’annuaires Pages-Blanches. Arrêterez-vous d’imprimer ?
Christophe Pingard :
Aujourd’hui, notre groupe est le numéro 1 de la communication locale, que ce soit sur Internet, mobile ou imprimé. Notre axe de croissance
repose sur nos activités digitales qui représentent déjà
plus de 58 % de notre chiffre d’affaires (1) et devraient atteindre 75 % en 2015. Nous sommes véritablement la success story d’Internet en France ! Et cette transformation en un groupe 100 % digital se fait sans renier les annuaires imprimés (2). Nous adaptons leurs productions et diffusions selon les besoins : après Paris en 2011, les annuaires Pages-Blanches ont été arrêtés depuis 2012 dans les grandes villes comme Nice, Marseille ou encore Lyon, mais les Pages-Jaunes sont encore distribués sur toute la France. Plus de 72 % des personnes que nous avons interrogées en novembre 2012 nous ont répondu qu’elles souhaitaient recevoir nos annuaires imprimés. Solocal exprime de manière plus directe notre atout différenciateur par excellence qu’est le local, et de traduire de façon plus concrète notre métier : mettre en relation les professionnels et les consommateurs grâce aux contenus, solutions publicitaires et services transactionnels de nos 17 marques (Pages-Jaunes, Mappy, Keltravo, etc.).
A noter que filiale Pages-Jaunes garde bien son nom et reste l’un de nos actifs clés !

Jean-Paul Cottet, France Télécom : « Désormais, le digital est notre principal levier de création de valeur »

Directeur des nouvelles activités de croissance (NAC) d’Orange depuis un an,
Jean-Paul Cottet – directeur exécutif, marketing et innovation de France Télécom – explique en exclusivité à EM@ comment les activités de contenus, « réunies sous
le même management », participent à la croissance de l’opérateur de réseau.

Propos recueillis par Charles de Laubier

JPCEdition Multimédi@ : Cela fait un an (au 1er février) que vous avez pris en charge les Nouvelles activités de croissance (NAC) de France Télécom-Orange. Que recouvrent précisément ces activités et pour quelle croissance en 2012 ?
Jean-Paul Cottet :
Les Nouvelles activités de croissance rassemblent nos activités dans le domaine du divertissement et
de l’audience. Elles comprennent la télévision, la vidéo, la musique, les jeux, les portails Internet et les régies publicitaires. Nous ne communiquons pas de chiffre d’affaires sur ces activités. Elles sont en croissance,
et même forte pour certaines. Par exemple, notre nombre d’abonnés TV d’Orange en France et à l’international est passé de 4,8 millions en septembre 2011 à 5,7 millions en septembre 2012. Notre nombre d’abonnés à OCS [nouveau nom d’Orange Cinéma Séries depuis septembre, ndlr] a quant à lui plus que doublé, de 400.000 à plus de 800.000 entre fin 2011 et fin 2012.

Isabelle Falque-Pierrotin, Cnil : « Il faut un New Deal mondial de la protection des données »

La présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) s’exprime en détail dans Edition Multimédi@ sur la position du Parlement européen, présentée le 10 janvier, sur la réforme de la protection des données personnelles. En outre, elle dit pour la première fois ce qu’elle pense de la proposition en France d’une « taxe sur les données personnelles ».

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Que pensez-vous de la proposition du rapport Collin & Colin, publié le 18 janvier, d’une fiscalité nationale assise sur la détention des données personnelles ?
IFPIsabelle Falque-Pierrotin : L’idée de travailler fiscalement sur
les données personnelles semble a priori naturelle au regard
de la réalité de l’économie numérique. La Cnil a été la première
à souligner l’importance des données personnelles, leur rôle
de carburant et de moteur de l’innovation. Mais il faut rester extrêmement prudent : d’une part, la fiscalité ne doit pas
envoyer des signaux contradictoires par rapport à nos principes de protection des données auxquels nos concitoyens sont fort attachés. L’outil fiscal doit donc encourager les comportements vertueux.
La protection des données personnelles se caractérise par des droits (accès, rectification, etc.) qui ne sont pas à vendre. Il conviendra donc, si une telle fiscalité est mise en place, de veiller à la cohérence des pratiques fiscalement valorisées avec la protection des données personnelles telle que garantie par la loi de 1978.
D’autre part, il ne faudrait pas assimiler les entreprises, dont le business model repose tout entier sur le traitement de nos informations, à celles qui sont appelées à en user de manière accessoire. La dernière difficulté que je vois est l’international, mais les deux rapporteurs ont bien relevé la nécessité d’une telle approche commune de la question.