Xiaomi fête ses 10 ans d’existence en devenant 3e fabricant mondial de smartphones, devant Huawei !

Le « X » de BATX – désignant les géants chinois du Net, rivaux des GAFA – se sentait pousser des ailes, jusqu’aux turbulences planétaires du coronavirus. Xiaomi, cofondé le 6 avril 2010 par Jun Lei, a profité ces derniers mois des déboires de son compatriote Huawei. Au point de lui disputer sa place de numéro trois mondial des smartphones.

Xiaomi devant Huawei… C’est le site web chinois Sina qui l’a révélé le 19 mars dernier, chiffres inédits du cabinet d’études américain Strategy Analytics à l’appui. Ils montrent que Xiaomi est devenu, pour la première fois, le numéro trois mondial des ventes de smartphones sur le mois février. Son compatriote chinois Huawei, victime d’ostracisme de la part des Etats-Unis et d’autres pays « alignés » sur des prétextes de « sécurité nationale », s’est vu relégué à la quatrième place – après que la firme de Shenzhen ait caracolé sur l’année 2019 en deuxième position mondiale, derrière Samsung et… devant Apple. Ainsi, sous l’effet conjugué de la campagne anti-Huawei et de la pandémie du covid-19, Xiaomi a pu gagner une place en vendant sur le seul mois de février 6 millions de ses smartphones (reculant tout de même de 40 % en volume par rapport au mois précédent), contre seulement 5,5 millions pour Huawei (chutant, lui, de 55 % sur la même période). Devant Xiaomi, et toujours d’un mois à l’autre, Apple a fait 36 % de ventes en moins à 10,2 millions d’iPhone en février et Samsung 9 % en résistant le mieux en tant que numéro un mondial incontesté des smartphones (voir ici le tableau).

Xiaomi se retrouve juste derrière… Apple
Contacté par Edition Multimédi@, Neil Mawston, directeur exécutif chez Strategy Analytics, nous confirme que les chiffres révélés par Sina proviennent bien de sa dernière étude de marché, mais que celle-ci n’a jamais été rendue publique. Seule une vue globale a été divulguée, qui fait état de l’effondrement spectaculaire des ventes mondiales de mobiles en février, de 38 % sur un an, « la plus grande chute de l’histoire du marché mondial des smartphones ». Au regard de la volatilité du marché, il se veut néanmoins prudent : « La concurrence pour les cinq premières places dans les ventes mondiales de smartphones reste féroce. Les marques de smartphones peuvent souvent changer de position d’un mois à l’autre, ou d’un trimestre à l’autre. Le classement des smartphones ne reste jamais immobile ! ». La publication du Top 5 mondial des téléphones mobiles n’a donc jamais été aussi sensible, tant les rivalités entre les marques-monde s’exacerbent, sur fond de guerre des prix et de promotions à tout-va.

Chute brutale des ventes de smartphones
Deux autres cabinets d’études américains, IDC et Gartner, constatent eux-aussi ce coup de frein brutal, sans précédent dans les smartphones, conséquence directe du repli massif de la demande en Asie, notamment en Chine où le coronavirus a commencé à se propager à grande échelle et obligé les consommateurs au confinement et à la quarantaine. Février fut aussi marqué par l’annulation de la grand-messe internationale du mobile à Barcelone (4). A la fin du mois de mars, le nombre de personnes dans ce cas sur la planète a même dépassé la barre des 3 milliards (au moment où l’on déplorait 28.000 morts dans le monde, les 40.000 morts ayant été dépassés au 31-03-20). Pas besoin d’être grand clerc pour s’attendre à ce que les mois de mars et d’avril soient aussi désastreux, voire pires, pour non seulement les fabricants de téléphones mobiles mais aussi bien d’autres secteurs de l’économie partout dans le monde.
L’année 2020 – frappée par cette crise sanitaire historique – pourrait rebattre les parts de marché du mobile, et pourquoi pas au profit de « l’Apple chinois », Xiaomi, qui fête le 6 avril son dixième anniversaire. C’est en effet ce jour-là précisément que sept Chinois (5) ont cofondé cette start-up à Pékin, parmi lesquels son PDG Jun Lei (photo). Aujourd’hui, le groupe au « millet » ou « petit riz » (signification chinoise de Xiaomi, également composé de « Xiao » voulant dire grain de riz prometteur dans le Bouddhisme et de « Mi » pour Internet mobile), est coté depuis juillet 2018 à la Bourse de Hong Kong où il est valorisé 249,5 milliards de dollars hongkongais – 32,3 milliards d’euros (au 02-04-20). Ses résultats 2019, publiés le 31 mars, font état d’un chiffre d’affaires en yuans équivalent à 26,6 milliards d’euros (+ 17 % sur un an) pour un résultat net de 1,3 milliard d’euros (-25 %). Xiaomi, qui est présent dans plus de 90 pays et régions du monde avec 16.700 employés, a réalisé l’an dernier près de la moitié de ses revenus à l’international et écoulé 124,8 millions de smartphones. Le groupe chinois, présent dans plus de 90 pays et régions du monde avec 16.700 employés, a prévenu que son année 2020 sera impactée par le virus.
Et faute de pouvoir célébrer ses dix ans en invitant dans différents lieux tous ses « fans » (son slogan commercial étant « Juste pour les fans »), la firme pékinoise – basée dans le district de Haidian – est contrainte d’organiser ses festivités en ligne. « Au vu de la situation actuelle, nous avons dû annuler tous les événements physiques ; on le fait sur le Web à partir du 7 avril », nous confirme Yan Liu, directeur général France de Xiaomi, filiale basée à Boulogne-Billancourt depuis un an. Le « Mi Fan Festival » se tiendra en ligne, tout en restant fidèle à ses traditionnelles promotions auxquelles s’ajoutent 50 euros reversés à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (APHP) pour chaque smartphone Mi 10 acheté, et des milliers de masques offerts, en plus de ceux destinés à l’Institut Pasteur. Cette date d’anniversaire donnera aussi le coup d’envoi commercial des nouveaux modèles de la gamme de smartphone Mi (Mi 10 Pro, Mi 10 et Mi 10 Lite 5G), chacun d’eux étant « automatiquement compatible avec la 5G ». Cerise sur le gâteau, « Xiaomi offre également un remplacement d’écran gratuit pendant deux ans (à compter de la date d’achat) ». L’écosystème Mi comprend aussi des routeurs Wifi avec antenne dite AIoT (pour Artificial Intelligence of Things), des écouteurs sans fil, des purificateurs d’air et même des écrans TV de home cinema. Xiaomi se revendique comme étant « la plus grande plateforme IoT grand public mondiale, avec plus de 213 millions d’objets intelligents (à l’exclusion des smartphones et ordinateurs portables) connectés à celle-ci ».

Un écosystème Mi et des objets connectés
Le groupe de Jun Lei vend aussi des trottinettes électriques Mi, des bracelets connectés, des casques de réalité virtuelle, des mini box multimédias, des enceintes connectées avec écran, et même des balances pour se peser intelligemment et des brosses à dents connectées. En France, plus de 1 million de smartphones se sont vendus l’an dernier (Mi, Mi Note et Redmi Note) via le e-commerce, sur Mi.com, chez des distributeurs (Fnac, Darty, Cdiscount, Boulanger, …), des opérateurs mobile (SFR, Bouygues Telecom, …) et dans sept Mi Stores en Ile-de-France. @

Charles de Laubier

Après avoir changé de « Bob » en février, la Walt Disney Company entre de plain-pied dans l’ère du streaming

Avec un nouveau PDG à sa tête depuis le 25 février – Bob Chapek, successeur de Bob Iger –, la major historique d’Hollywood lance le 24 mars son service de streaming – Disney+ – dans sept autres pays en Europe (mais pas en France, seul Etat à avoir exigé un report au 7 avril). Le mythique conglomérat du divertissement s’achemine vers son centenaire, en espérant échapper d’ici-là au Covid-19.

(Au moment où nous avons publié le n°230 de Edition Multimédi@, le gouvernement français a obtenu de Disney le report au 7 avril de sa nouvelle plateforme de SVOD)

La plateforme de streaming Disney+, lancée le 12 novembre 2019 aux Etats-Unis, au Canada et dans un premier pays européen, les Pays-Bas, puis quelques jours après en Australie, en Nouvelle-Zélande et à Porto Rico (une île des Caraïbes), a rencontré très rapidement un large succès : elle totalise aujourd’hui près de 30 millions d’abonnés dans ces six premiers pays-là en quatre mois d’existence (1). Le 24 mars 2020 devrait être aussi un jour marqué d’une pierre blanche. Disney+ sera alors disponible dans sept pays supplémentaires, uniquement sur le Vieux Continent cette fois : Royaume-Uni, Irlande, Allemagne, Espagne, Italie, Autriche et Suisse. En France, le gouvernement a obtenu de Disney le report au 7 avril… Fin mars, ce sera au tour de l’Inde. Disney+ pourrait rencontrer un succès comparable sur ces nouveaux territoires, susceptibles de lui permettre de doubler voire de tripler d’ici la fin de l’été prochain le parc total de ses abonnés, constitué d’un public très familial. En fin d’année, l’Europe de l’Est et quelques premiers pays d’Asie-Pacifique suivront. En 2021, Disney+ desservira l’Amérique Latine et d’autres pays. Lors du tout premier lancement de Disney+, le groupe avait indiqué qu’il comptait engranger dans le monde jusqu’à 90 millions d’abonnés d’ici 2024.

La France, le pays le moins facile pour Disney+
La France ne sera pas le marché le plus facile à séduire, en raison de la sacro-sainte chronologie des médias qui impose à la major d’Hollywood d’attendre dix-sept mois après la sortie de ses nouveaux films dans les salles de cinéma de l’Hexagone avant de les proposer aux Français sur Disney+. Et encore faut-il que ses nouveautés ne relèvent pas d’accords d’exclusivité passés antérieurement avec des chaînes de télévision de l’Hexagone (TF1, M6, Canal+, …). Ces restrictions, notamment sur des blockbusters, risquent de générer en plus de la frustration, mais la plateforme Disney+ compte sur le fait qu’elle peut puiser dans la richesse des catalogues de Disney, Pixar, Marvel, Star Wars ou encore de National Geographic, ce qui correspond à plus de 1.000 films, séries et des « Originals ». De quoi espérer obtenir un plébiscite des foyers français, au nombre de quelque 28 millions aujourd’hui. Un joli potentiel. C’est dans ce contexte d’expansion mondiale de Disney+ que Robert Chapek (photo) – « Bob » pour les intimes – doit incarner la mutation digitale de la firme presque centenaire, en tant que tout nouveau PDG de la Walt Disney Company, en fonction depuis un mois.

Une transition sur fond de Covid-19
Disney+ est devenu le nouveau fer de lance de la major d’Hollywood sur le marché mondial de la SVOD déjà bien occupé par Netflix (168 millions d’abonnés) et par Amazon Prime Video (plus de 100 millions d’abonnés), eux-mêmes suivis – de loin – par le service de moindre envergure Apple+ lancé le 1er novembre dernier, en attendant les autres challengers. Certes, son prédécesseur Robert Iger – lui aussi surnommé « Bob » et désormais président exécutif et président du conseil d’administration – lui a largement préparé le terrain. Au cours de ses quinze ans à la tête du groupe, la capitalisation boursière de Disney a quintuplé, pour atteindre un pic de 273 milliards de dollars le 26 novembre 2019. Mais pour un conglomérat historique du divertissement et des médias, pas de quoi s’endormir sur ses lauriers face à un Netflix « monoproduit » valorisé, lui, plus de 145 milliards de dollars – boosté par le confinement ! Amazon Prime Video monte aussi en puissance, tandis qu’Apple TV+, Peacock (NBCUniversal/Comcast) et HBO Max (WarnerMedia/ AT&T) font augmenter la pression. Bob Iger (69 ans) a amorcé le changement ; Bob Chapek (60 ans) va tenter de le poursuivre.
Mais le conglomérat de Burbank – du nom de cette petite ville proche de Los Angeles (Californie), surnommée « capitale mondiale des médias » (2), où la Walt Disney Company a son siège social et des studios de cinéma – est comme un paquebot. Difficilement manœuvrable. Et la nouvelle plateforme Disney+ fait figure de petit remorqueur tout neuf. Mission de ce dernier : tirer et guider la maison mère dans le monde digital. Certes, Bob Iger sera toujours là – du moins jusqu’à la fin de son contrat le 31 décembre 2021 – pour superviser la « transition » pour qu’elle soit « harmonieuse et réussie », selon le communiqué surprise du 25 février (3). Bob Chapek, lui, a trois ans d’antériorité au sein de Disney (où il est entré en 1993) par rapport à son prédécesseur (arrivé en 1996). Le nouveau PDG de la Walt Disney Company était auparavant le patron des parcs d’attraction – aujourd’hui tous fermés pour cause de coronavirus – et des produits dérivés du groupe légendaire. Ce changement de tête sur fond de nouveau cap digital n’a toutefois pas plu aux investisseurs : entre l’annonce de la passation de pouvoir et le 12 mars, l’action Disney a plongé de 80 % et sa capitalisation boursière a diminué à 172 milliards de dollars, avant de reprendre légèrement du poil de la bête. Bob Chapek saura-t-il convaincre qu’il est l’homme de la situation pour que le centenaire de ce groupe de légende se passe sans encombre dans trois ans ? Le Covid-19 joue les trouble-fête, contraignant la major du cinéma à reporter « Black Widow » et deux autres films dont les sorties en salles étaient prévues en mai. C’est en 1923 que le jeune Walt Disney (20 ans) crée à Hollywood, avec son neveux Roy, Disney Brothers Cartoon Studio juste après la faillite de Laugh-O-Gram Studio (à Kansas City dans le Missouri), son tout premier studio de cinéma. La société prendra le nom de Walt Disney Studio en 1926. Ce sera en 1939 que le producteur implantera ses studios à Burbank, où il décèdera le 15 décembre 1966 à l’âge de 65 ans. C’est là que la Walt Disney Company, renommée ainsi en 1984, a construit sa légende. Aujourd’hui, dans le monde, le groupe Disney emploie 223 .000 personnes et a généré près de 70 milliards de dollars de chiffre d’affaires (69,570 milliards précisément en hausse de 17 %) au titre de son dernier exercice annuel décalé qui s’est achevé le 28 septembre 2019, pour un bénéfice net bien supérieur à 10 milliards de dollars (11,584 milliards exactement).
Bob Chapek devra détourner son regard de ses habituels parcs d’attraction pour se polariser sur le poste « directto- consumer » (DTC) qui comprend non seulement Disney+ mais aussi les autres services de streaming de la compagnie : ESPN+ (plateforme sportive (4)), Hotstar (un service de SVOD indien lancé février 2015 par Fox avant son rachat par Disney), et Hulu (la plateforme vidéo dont Disney a pris le contrôle en mars 2019 en rachetant la participation de Fox). ESPN+ compte 7,6 millions d’abonnés (étant cantonné aux Etats-Unis et confronté actuellement aux annulations sportives à cause du Covid- 19), Hotstar 150 millions grâce à l’Inde mais aussi les Etats-Unis, le Canada et la Grande-Bretagne, tandis que Hulu revendique 30,4 millions d’abonnés en attendant son expansion internationale prévue à partir de 2021.

Rentabiliser l’OTT, le grand défi de Bob
Mais la ligne comptable « Direct-to-Consumer & International » de Disney fait apparaître dans les derniers résultats annuels (5) une perte opérationnelle de près de 2 milliards de dollars (1,814 milliard précisément). En raison des lancements de plateformes sur Internet, dont Disney+ en cours, c’est le seul segment qui perd de l’argent, les autres activités (« Media Networks », « Parks, Experiences and Products » et « Studio Entertainment ») étant chacune très rentables. C’est là que réside le plus gros défi que doit relever le nouveau Bob de Disney : rendre rentable le virage Over-the-Top (OTT) de la compagnie pour qu’elle ne vacille pas à terme. @

Charles de Laubier

La GSMA accuse le « coût » de l’annulation de son Mobile World Congress 2020, mais son lobbying continue

Née il y a 25 ans en tant que GSM MoU Association pour promouvoir la norme européenne mobile GSM, devenue mondiale avec succès, la GSMA – que préside Stéphane Richard, PDG d’Orange – est aujourd’hui un puissant lobby des télécoms. Son méga-salon de Barcelone, annulé cette année pour cause de coronavirus, lui rapporte gros.

Au cours de son mandat de deux ans en tant que président de la GSM Association (GSMA), basée à Londres (désormais hors de l’Union européenne), et de son bras armé commercial GSMA Ltd (société basée à Atlanta aux Etats-Unis), Stéphane Richard (photo) n’aura finalement participé qu’à une seule édition de la grand-messe annuelle de l’industrie mobile. Celle-ci se tient depuis 2006 à Barcelone (en Espagne). L’annulation cette année d’un tel événement, qui était prêt à accueillir du 24 au 27 février dans la capitale de la Catalogne plus de 110.000 visiteurs professionnels venus du monde entier, est un coup dur pour les quelque 1.150 membres de la puissante association : 750 opérateurs mobile – dont plus de 200 européens – et près de 400 sociétés œuvrant pour l’écosystème mobile. Face à l’épidémie, c’était « la seule option » pour le président de la GSMA, PDG d’Orange, et pour les deux directeurs généraux qui l’entourent : John Hoffman, directeur général depuis 2007 de la société GSMA Ltd, organisatrice du Mobile World Congress (MWC) de Barcelone et de ses déclinaisons de moindre ampleur à Los Angeles et à Shanghai (1), et Mats Granryd, directeur général de l’association GSMA depuis 2016. Ce rendez-vous international devait donner le vrai coup d’envoi commercial de la 5G, laquelle est déjà chahutée par le bras de fer engagé depuis l’an dernier par les Etats-Unis avec la Chine autour du numéro un mondial des équipementiers de réseaux 5G, Huawei (2).

Le « MCW Barcelona », cash machine de la GSMA
Venu lui aussi de l’Empire du Milieu, mais autrement plus menaçant que n’est supposée l’être la firme de Shenzhen, le coronavirus (Covid- 19) a eu raison du « MWC Barcelona ». Or ce grand raout annuel des télécoms mobiles génère une manne financière considérable pour la GSMA, qui se refuse cependant à divulguer son chiffre d’affaires et les profits qu’elle dégage. Selon les estimations de Edition Multimédi@, en extrapolant plusieurs sources, la société GSMA aurait généré l’an dernier environ 200 millions de dollars de chiffre d’affaires, pour un bénéfice net de quelque 40 millions de dollars. Le MWC de Barcelone – véritable cash machine – représenterait 80 % de cette manne. A raison de 799 euros le pass visiteur de base, lorsque ce n’est pas 1.699 euros le ticket orienté soit « 5G », soit « Internet des objets », voire jusqu’à 4.999 euros le pass « Platinum » (3), les 110.000 entrées devaient rapporter une bonne partie des recettes. L’édition 2020 tablait aussi sur 2.800 exposants répartis sur plus de 120.000m2 de surface à la Fira Gran Via, à raison d’environ 1.000 euros le mètre carré loué, sachant que les plus gros stands coûtent à leurs occupants des dizaines de millions d’euros chacun, aménagement et services compris !

Un gros manque à gagner sans précédent
A part Apple qui brille par son absence habituelle à Barcelone, avaient répondu présents à l’appel de la GSMA – pour ce show de début de décennie – de nombreuses Big Tech de la mobilité, de grands groupes de médias et du divertissement, ainsi que la plupart des GAFAM, sans compter des milliers de start-up et des dizaines de licornes. Certains exposants étaient en plus sponsors : Huawei, Nvidia, Salesforce, ViacomCBS, Wipro, Wiko, ZTE, Android/Google, Red Hat/IBM, SES ou encore Deloitte. Mais au fur et à mesure que le virus Covid-19 se propageait à l’international en faisant de nombreux morts – plus de 1.100 décès au moment de l’annulation du MWC annoncée le 12 février (4), à seulement une douzaine de jours de l’ouverture – de nombreuses entreprises officialisaient leur désistement. Parmi plus d’une trentaine d’annulations, l’on comptait de grands noms des télécoms, de la high-tech et des médias : AT&T, Deutsche Telekom, Nokia, Vodafone, Intel, Facebook, Cisco, Amazon Vivo, LG, Ericsson, Sony, Rakuten, BT, NTT DoCoMo, pour ne citer qu’eux.
Selon une source citée par l’agence Reuters le 12 février, Stéphane Richard songeait à annuler la participation du groupe Orange (5). Mais si l’initiative était venue de celui qui est aussi président de la GSMA depuis le 1er janvier 2019, cela aurait donné l’impression d’un coup de grâce donné par Orange à cette manifestation. Devaient aussi être présents Alibaba, HTC, Lenovo, Ooredoo, Oracle, Qualcomm, SAP, SK Telecom, Verizon ou encore l’opérateur télécoms historique du pays d’accueil, Telefónica. Les constructeurs automobile BMW, Mercedes-Benz et Seat étaient aussi en route pour Barcelone. Quoi qu’il en soit, le principe de précaution qui l’a emporté se le dispute à la psychose face à un nouveau « péril jaune ». Sur plus de 110.000 visiteurs attendus à Barcelone, la GSMA devait accueillir 5.000 Chinois. En revanche, outre le sud-coréen Samsung (numéro un mondial des smartphones) ou l’américain Microsoft, le géant chinois Huawei (numéro uun mondial des équipementiers mobile et numéro deux mondial des smartphones) avait, lui, maintenu sa présence sur ses habituels 1.600m2, tout comme ses compatriotes ZTE et Xiaomi. Décidément, la Chine était déjà suspectée de soi-disant cyber-espionnage via notamment les équipements 5G de Huawei, la voici en plus mise en quarantaine par la communauté internationale – alors qu’au 21 février le nombre de cas mortels en Chine est de 2.236 et celui des personnes infectées de 75.465. En plus de tirer un trait sur les nombreuses opportunités d’affaires qu’auraient offertes cette édition 2020 à toute la filière télécoms, cette annulation va non seulement coûter très cher à la GSMA mais aussi à la région barcelonaise. L’organisateur du méga-salon mobile avait estimé que les retombées pour l’économie locales en Catalogne aurait atteint près de 500 millions d’euros, et induit plus de 14.000 emplois. Pour le lobbying des télécoms organisateur et les exposants, faute d’avoir suscrit une assurance annulation couvrant ce type d’épidémie imprévisible identifiée le 8 janvier dernier par l’OMS et partie de la grande métropole de Wuhan (centre de la Chine), la note sera salée. « Ce n’est pas une bonne nouvelle pour l’industrie. (…) J’en appelle ici à la responsabilité de tous les participants, de tous les acteurs de l’industrie, qu’ils soient d’ailleurs opérateurs ou partenaires ; on ne peut pas faire supporter à l’institution GSMA la facture de cette annulation qui est à l’évidence une décision inéluctable », a prévenu Stéphane Richard, le lendemain matin de l’annulation, sur BFMTV.
Malgré ce cas de force majeur, le puissant lobbying de la GSMA – dont les membres paient de 13.000 à 124,000 dollars d’adhésion par an en fonction de leur chiffre d’affaires – continue auprès des pouvoirs publics et des législateurs dans le monde, notamment en Europe. Le 19 février, la directrice Europe, Russie et Eurasie de la GSMA, Afke Schaart, a « applaudi » la stratégie numérique présentée le jour même par la Commission européenne (lire p. 3). Le lobby des télécoms lui a rappelé au passage son souhait d’avoir plus de fréquences pour la 5G, d’adapter la règlementation en faveur des opérateurs de réseaux face aux « géants du numérique dominants et capturant une part disproportionnée de tout l’écosystème ». En prévision de l’édition 2020 du MWC, l’organisation avait rendu public une étude (6) dans le but de convaincre l’Europe de limiter la concurrence à trois opérateurs mobile par pays afin d’éviter, selon elle, une bataille tarifaire au détriment de l’investissement dans les réseaux. Il y a un an, la GSMA avait profité du MWC 2019 pour lancer son « Manifeste de l’industrie mobile pour l’Europe » (7). L’organisation plaide pour une régulation plus favorable aux opérateurs mobile : « Nous devons lever les obstacles qui freinent l’industrie mobile en Europe par le biais d’une réglementation progressive. Le défi consiste à savoir comment respecter les obligations du gouvernement en matière de couverture, même lorsqu’il n’y a pas de justification commerciale à cela. On estime que le coût de déploiement de la 5G en Europe sera nettement plus élevé que celui de la 4G, soit entre 300 et 500 milliards d’euros ».

Tous azimuts, de la 5G à la voiture connectée
Par ailleurs, la GSMA a critiqué le choix annoncé le 13 mars 2019 par la Commission européenne de retenir pour les véhicules connectés en Europe la technologie Wifi que le lobby des opérateurs mobile a jugée « obsolète », tout en exhortant Bruxelles d’adopter au contraire la solution mobile C-V2X. Autres chevaux de bataille de l’association : garder le contrôle des cartes SIM virtuelles (eSIM), jusque sur les montres et les voitures connectées, ou encore promouvoir le RCS pour remplacer les SMS/MMS face aux messageries de GAFAM. @

Charles de Laubier

Déjà copropriétaire du Monde et de L’Obs, Xavier Niel s’empare de Nice-Matin, tout en se renforçant dans Iliad

Le milliardaire Xavier Niel (21e fortune française) devient patron de presse régionale, nouveau propriétaire exclusif du groupe Nice-Matin. La Provence sera-t-elle la prochaine à passer sous son contrôle ? Par ailleurs, fin janvier, le fondateur de Free est monté de 52 % à environ 70 % dans le capital d’Iliad.

Le patron de Free, Xavier Niel (photo), devient plus que jamais papivore : il est déjà copropriétaire à la fois du journal Le Monde depuis novembre 2010 et de L’Obs depuis janvier 2014. Et voilà qu’il va posséder la totalité du capital du groupe Nice- Matin (GNM), lequel comprend les titres de presse quotidienne régionale Nice-Matin, Var-Matin et Monaco-Matin, assortis de leurs différents sites web – Nicematin.com, Varmatin.com et Monacomatin.mc – ainsi que de leurs applications mobiles. Sa holding personnelle NJJ va en prendre le contrôle. Et ce, grâce à un pacte d’actionnaires scellé en mai 2016 entre la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), actuellement détentrice de 66 % du capital du groupe Nice-Matin pour le compte de salariés actionnaires, et le groupe belge Nethys qui possède encore les 34 % restants via sa filiale L’Avenir Développement. En effet, ce pacte d’actionnaires prévoit qu’à partir du 1er février 2020 L’Avenir Développement doit acquérir les 66 % de la SCIC pour près de 1 million d’euros (1). Or Xavier Niel possède déjà 51 % du capital de la société L’Avenir Développement que lui avait cédés l’été dernier Nethys, aussi d’accord pour lui vendre ses 49 % restants. Contacté par Edition Multimédi@ sur le calendrier de l’opération, Xavier Niel nous a renvoyé vers le groupe belge. « Ces parts seront cédées à NJJ dans les prochains mois », nous a répondu Renaud Witmeur, directeur général par intérim de Nethys.

Le groupe belge Nethys cède à NJJ toutes ses parts
Le fondateur de Free, qui sera alors à titre individuel l’unique propriétaire de GNM, devient ainsi patron de presse régionale, dans les Alpes-Maritimes et le Var, en Provence-Alpes-Côte d’Azur (région PACA). L’Autorité de la concurrence, elle, a donné son feu vert à cette prise de contrôle exclusif de NJJ sur GNM – sans conditions ni engagements – par une décision datée du 17 janvier. Après Lagardère (1998-2007), Hersant (2007-2014), et un redressement judiciaire en mai 2014 suivi d’une reprise par les salariés via la SCIC (avec l’aide à l’époque d’un crowdfunding sur Ulule et du soutien de Bernard Tapie), le groupe Nice-Matin change de main. C’est la plus grosse coopérative de presse en France qui va disparaître, au profit d’une société anonyme. Xavier Niel avait prévenu l’été dernier qu’il comptait bien siéger personnellement au conseil d’administration du groupe de presse niçois, aux côtés de nouveaux administrateurs nommés par lui pour remplacer ceux désignés par le belge Nethys.

Après Nice-Matin : La Provence ?
Dans un courrier du 17 juillet 2019 adressé aux représentants du Syndicat national des journalistes (SNJ), au sein du groupe Nice-Matin, le milliardaire (2) des télécoms et des médias avait en outre indiqué qu’il avait « pour seuls objectifs de contribuer à son redressement tout en préservant l’indépendance éditoriale des rédactions ». Si les journalistes lui ont réservé un accueil favorable, il n’en va pas de même pour Jean-Marc Pastorino, le PDG du groupe depuis septembre 2015, président du directoire de GNM, après avoir été directeur général de Nice-Matin. Cet ancien délégué syndical CGT, entré en 1978 à Nice- Matin à l’imprimerie (3), va devoir céder sa place. Il était hostile à l’offre de Xavier Niel, lui préférant – avec une majorité de salariés du groupe – celle du milliardaire franco-libanais Iskandar Safa, lequel est propriétaire depuis 2015 du groupe Valmonde – éditeur de Valeurs Actuelles – qu’il détient via sa holding Privinvest Médias (4). Mais rejeté par les rédactions du groupe Nice- Matin et mis en échec par Xavier Niel, Iskandar Safa a déclaré forfait fin juillet – alors qu’il prévoyait de nommer à la présidence du conseil de surveillance de GNM l’ex- PDG du groupe Les Echos-Le Parisien, Francis Morel. L’assemblée générale du 20 décembre a encore montré la divergence entre les rédactions et les autres salariés du groupe Nice-Matin : les journalistes ont voté à 94 % pour le plan de rachat des 66 % de la SCIC par Xavier Niel (par sa holding personnes NJJ via L’Avenir Développement) pour 5 millions d’euros, soit cinq fois plus que la somme prévue par le pacte d’actionnaires ; les administratifs bien plus nombreux ont, eux, voté contre l’offre de Xavier Niel qui a donc alors été rejetée.
Le coactionnaire du Monde et de L’Obs devrait donc s’en tenir aux conditions initiales (5) prévues par le pacte d’actionnaires de 2016. « Le verdict offre à NJJ une économie de 4 millions » s’est désolé le SNJ, tout en rappelant que le groupe Nice-Matin accuse un passif de 35 millions d’euros. Xavier Niel, qui vient par ailleurs de monter à environ 70 % dans le capital d’Iliad (qu’il contrôlait déjà à 52 % jusqu’alors) à l’issue d’un rachat d’actions suivi d’une augmentation de capital, avait promis de renflouer les journaux du groupe de la Côte d’Azur à hauteur de près de 30 millions d’euros. Et après ? En plus de ses titres nationaux (Le Monde, L’Obs, Télérama, …), le trublion des télécoms et désormais magnat de la presse serait-il épris d’autres titres de presse régionale, surtout à l’approche des élections municipales de mars 2020 ? Le prochain quotidien de la PQR (6) susceptible de tomber dans l’escarcelle de l’homme d’affaires pourrait être La Provence qu’il détient déjà à hauteur de 11 %, depuis le groupe Nethys, encore lui, lui a vendu au printemps 2019 sa participation. L’actionnaire majoritaire depuis près de sept ans de ce quotidien marseillais n’est autre que Bernard Tapie, qui détient aussi Corse-Matin depuis que ce quotidien insulaire lui a été cédé en 2014 par… le groupe Nice-Matin. GBT (Groupe Bernard Tapie), qui risque la liquidation (audience le 4 mars), cèdera-til La Provence à Xavier Niel ? L’avenir nous le dira. Tandis qu’à l’autre bout de l’Hexagone, il y a Paris- Normandie : rien à voir a priori avec le patron d’Iliad, si ce n’est que le producteur audiovisuel Pierre-Antoine Capton (PAC) va devenir l’actionnaire majoritaire de ce quotidien normand. Les deux hommes sont amis et cofondateurs avec Matthieu Pigasse du groupe audiovisuel Mediawan, créé en avril 2016. Depuis cette année-là, ils sont aussi tous les trois parmi les coactionnaires du site web d’information Les Jours (Xavier Niel détenant 4,86 %). PAC est-il le « Troisième OEil » (7) de Niel dans Paris-Normandie ? L’avenir nous le dira aussi. Quant au groupe de presse régionale Ebra, filiale du Crédit Mutuel qui possède Les Dernières nouvelles d’Alsace (DNA), Le Progrès, L’Est républicain ou encore Le Dauphiné libéré, il intéresserait Bernard Arnault (8), le père de Delphine qui vit avec Xavier Niel. Le PDG du groupe LVMH (propriétaire des Echos et du Parisien) partageait d’ailleurs sa passion de la musique classique avec Michel Lucas, l’ancien président du Crédit Mutuel. Ce dernier était le cofondateur d’Ebra et en avait cédé la présidence en septembre 2017 à Philippe Carli (ancien dirigeant du groupe Amaury). Xavier Niel et son beau-père feront-ils un jour cause commune dans la presse régionale ? L’intéressé n’en dit mot.

Pas de risque de « vente liée »
Si l’Autorité de la concurrence a estimé le 17 janvier que « l’opération ne donne lieu à aucun chevauchement d’activité dans le secteur de la presse écrite » entre GNM (presse quotidienne régionale) et NJJ (presse quotidienne nationale et magazines), elle trouve qu’« en revanche, l’opération donne lieu à des chevauchements d’activités très limités sur les marchés de l’exploitation de sites éditoriaux en ligne et de la vente d’espaces publicitaires en ligne ». Mais, après analyse, les sages de la rue de L’Echelle ont finalement écarté tout « risque de “vente liée” » et de « couplage » entre les titres régionaux et nationaux. @

Charles de Laubier

Imaginez que Netflix rachète EuropaCorp, la mini-major française de Luc Besson en difficulté

EuropaCorp, la société de production de Luc Besson, baptisée ainsi il y aura 20 ans cette année, va-t-elle survivre ? La procédure de sauvegarde, ouverte l’an dernier par le tribunal de commerce de Bobigny, s’achève le 13 mai. D’ultimes discussions sont en cours pour « une éventuelle prise de participation au capital », voire plus si affinitées.

Il y a deux ans, le 30 janvier 2018, le magazine américain Variety révélait des discussions entre Netflix et EuropaCorp. Le numéro un mondial de la SVOD était non seulement intéressé à ce que Luc Besson (photo) produise des films en exclusivité pour sa plateforme (des « Netflix Originals »), mais aussi par le rachat éventuel de la totalité du catalogue d’EuropaCorp (valorisé à l’époque 150 millions d’euros), voire par une entrée au capital de la minimajor du cinéma français. A l’époque la société de production de Saint-Denis, plombée par les performances décevantes du film à très gros budget « Valérian et la Cité des mille planètes » (sorti en juillet 2017 et ayant coûté 200 millions d’euros), était lourdement endettée de plus de 235 millions d’euros (1). Vingt-quatre mois plus tard, Netflix n’a toujours pas racheté EuropaCorp. Mais l’entreprise de Luc Besson n’a cessé depuis d’être en difficulté financière, malgré une dette nette ramenée à 163,9 millions d’euros au 30 septembre 2019. Au bord de la faillite, elle a obtenu en mai 2019 une procédure de sauvegarde auprès du tribunal de commerce de Bobigny, lequel l’a prolongée à deux reprises – soit jusqu’au 13 mai 2020. EuropaCorp a justifié ce sursis supplémentaire pour lui permettre de « finaliser son plan de sauvegarde » mais aussi « compte tenu de la confiance qu[e le conseil d’administration présidé par Luc Besson] a dans l’issue positive des discussions actuellement en cours, avant l’expiration de la période d’observation ».

« Anna », le film français le plus vu à l’étranger
Dans ses résultats financiers semestriels publiés en décembre, la mini-major française indique en effet que « plusieurs groupes ont marqué leur intérêt pour une éventuelle prise de participation au capital de la société ». Il n’en faut pas plus pour spéculer sur un éventuel regain d’intérêt de Netflix pour EuropaCorp, deux ans après les premiers pourparlers. Imaginez le fleuron du 7e Art français se jetant dans les bras du géant américain de la SVOD, qui est aussi producteur mondial de séries et de films originaux dignes, pour certains, de grands blockbusters hollywoodiens. Même au plus bas, Luc Besson est le numéro un du cinéma français à l’international ! « Le film français le plus vu hors Hexagone en 2019 est “Anna” », révèle le rapport annuel d’UniFrance publié le 16 janvier.

Vine Investment, FF Motion Invest, …
Avouez que cela créerait un électrochoc sans précédent dans le petit monde de « l’exception culturelle française ». Surtout au moment où va se présenter, à partir d’avril prochain devant le Parlement, le projet de loi sur l’audiovisuel – « relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique » – qui va soumettre les plateformes vidéo de type Netflix à une obligation de financer des productions cinématographiques et audiovisuelles françaises. Et ce, à hauteur d’au moins 25 % de leur chiffre d’affaires réalisé en France (3). A cet égard, le catalogue d’EuropaCorp serait un bon parti pour Netflix, dont le patron fondateur Reed Hastings a inauguré le 17 janvier dernier de nouveaux locaux à Paris (quatre ans après en être parti) et présenté de nouveaux projets de productions françaises (« Bigbug », « Sentinelle », …). Il ne manquerait plus qu’à annoncer un accord Netflix- EuropaCorp pour le prochain Festival de Cannes, lequel s’ouvrira le 13 mai – le même jour que l’expiration de la période d’observation à Bobigny…
Une chose est sûre : les membres du conseil d’administration d’EuropaCorp se sont mis d’accord fin 2019 sur « le principe de continuité d’exploitation » de l’entreprise, espérant bien que les « discussions actuellement en cours » aboutissent. Ce n’est pas la première fois que Luc Besson, PDG et premier actionnaire d’EuropaCorp (à 31,5 % via essentiellement sa holding personnelle Front Line), discute avec des investisseurs potentiels. Au printemps dernier, EuropaCorp avait confirmé des négociations avec Pathé, le groupe de Jérôme Seydoux, intéressé par une entrée à son capital (4). Mais cette « marque d’intérêt » s’est heurtée aux créanciers qui imposaient « plusieurs conditions préalables », dont un accord sur la « restructuration des dettes existantes » d’EuropaCorp. Aussitôt, la machine à rumeurs s’est remise en route avec le Journal du Dimanche affirmant le 14 juillet 2019 que Luc Besson s’en remettait finalement au fonds d’investissement américain Vine, l’un de ses créanciers depuis 2014. Le jour-même, la mini-major française de Saint-Denis confirmait cette fois encore l’information en parlant là aussi d’une éventuelle « prise de participation » sans préciser s’il s’agit d’une vente : « L’éventuelle mise en œuvre de cette opération suppose notamment la recherche d’un accord avec les prêteurs séniors et la présentation d’un plan de sauvegarde au tribunal de commerce de Bobigny », précise EuropaCorp à cette occasion (5). Le prochain plan de sauvegarde que compte présenter au tribunal de commerce de Bobigny, avant l’expiration de la période d’observation, consiste à renforcer les capacités financières de l’entreprise par une augmentation de capital. Le chinois Fundamental Films, deuxième actionnaire d’EuropaCorp (aujourd’hui à 27,8 %) depuis l’entrée au capital de sa filiale FF Motion Invest en novembre 2016, pourrait y contribuer aussi. Cette société de production et de distribution de films basée à Shanghai a signé avec EuropaCorp en juillet 2012 un output deal de trois ans, renouvelé depuis jusqu’au 9 juillet 2020. Netflix fera-t-il partie du tour de table en guise de ticket d’entrer pour accéder au catalogue de plus de 110 films produits par Luc Besson (dont 10 des 20 plus grands succès français à l’international) ? En tout cas, Luc Besson voit dans la SVOD – avec ou sans partenariat ou actionnariat avec Netflix – un avenir pour EuropaCorp. « La société estime qu’elle est en position de profiter des opportunités de croissance de la SVOD à moyen et long terme », assure-t-elle dans son rapport financier de l’année fiscale 2018/2019 (au 31 mars), publié en juillet dernier. « De nombreux pays ont vu les pouvoirs publics et les professionnels du secteur mettre progressivement en place un régime mi-conventionnel, miréglementaire (…). Ces régimes sont en pleine évolution aujourd’hui à la suite du succès des plateformes SVOD : autorisation de la PSVOD (Premium SVOD) au France, nouvel accord sur la chronologie des médias en France signé le 21 décembre 2018 », se félicite-t-elle. Mais à court terme, l’effet SVOD est loin d’être un relais de croissance pour la mini-major française : elle s’attend pour la cinquième année consécutive à clôturer le 31 mars prochain un exercice déficitaire, avec une chute de son chiffre d’affaires 2019/2020 (contre 149,9 millions d’euros en 2018/2019).

L’après-2018, annus horribilis
Le recul 2019/2020 d’EuropaCorp a déjà largement été amorcé au cours du premier semestre de cet exercice en cours, avec des revenus moitié moindres (à 40,7millions d’euros) et une perte semestrielle cependant trois fois moins élevée qu’un an auparavant (22,7 millions d’euros). EuropaCorp poursuit son désendettement, après des licenciements en 2018 (22 personnes, dont l’assistante de Luc Besson pour « faute grave », contestée devant la justice) et des cessions telles que la production TV américaine vendue la même année à Mediawan. En Bourse, la mini-major française vaut maintenant à peine plus de 30 millions d’euros. @

Charles de Laubier