VOD et catch up TV : les obligations pour 2011

En fait. Le 15 juin, le CNC a confié, à Sylvie Hubac, une mission jusqu’à fin 2010
sur les services de médias audiovisuels à la demande (SMAd). Le 14 juin, le CSA
a annoncé le lancement d’une consultation publique – jusqu’au 28 juin – sur un projet de délibération portant sur diverses obligations des SMAd.

En clair. Le projet de délibération que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a
adopté en séance plénière, le 1er juin dernier, est le pendant du projet de décret sur
les obligations des services de médias audiovisuels à la demande (SMAd) – vidéo
à la demande et télévision de rattrapage en tête. Alors que le décret à venir va les obliger à investir dans la production cinématographique ou audiovisuelle française
et européenne, la future délibération porte cette fois sur des obligations liées à la déontologie, la protection du jeune public et l’accessibilité des programmes (aux personnes sourdes, malentendantes, aveugles ou malvoyantes). Pour l’heure, le décret SMAd se fait attendre. « L’adoption de ce texte a pris un peu de retard, notamment
du fait de la concertation approfondie qui a présidé à son élaboration », a reconnu le ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand, lors du colloque NPA-Le Figaro, le 10 juin. Et d’ajouter : « Je souhaite que ce dispositif entre en vigueur au 1er janvier 2011.
Nous entendons le publier d’ici la rentrée 2010, en prenant évidemment en compte les différents organismes dont l’avis est requis : le CSA, le Conseil d’Etat et la Commission européenne ». Cependant, la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) a dû revoir sa copie à la lumière des critiques formulées par les entreprises de la vidéo, du cinéma, du Web et des télécoms (1) (*) (**) (***) (****).
L’une d’elles est le risque de « distorsion de concurrence » entre éditeurs de SMAd de différents pays européens. « Seule cette large adhésion permettra d’éviter les risques qui pèsent aujourd’hui sur la régulation des [SMAd] : la délocalisation et la concurrence déloyale d’opérateurs non régulés », a indiqué Frédéric Mitterrand. Le distinguo VOD par abonnement-VOD à l’acte et le principe de seuil de chiffre d’affaires au-delà duquel des obligations de production s’appliqueront sont entérinés. De son côté, le Centre national du cinéma et de l’image animée a indiqué le 15 juin dernier qu’il confiait à Sylvie Hubac une mission sur « certains aspects complémentaires de la régulation » des SMAd et « leur impact sur la création », notamment sur « la mise en oeuvre concrète du principe de rémunération minimale garantie (…) pour l’exploitation de films de cinéma, ainsi que du principe d’accès non discriminatoire des services de [VOD] aux réseaux de distribution ». Conclusions : fin 2010 @

Contenus : Orange devient « agrégateur intelligent »

En fait. Le 16 juin, Xavier Couture, directeur des contenus d’Orange, a esquissé devant l’Association des journalistes médias (AJM) quelques grandes lignes du plan stratégique que Stéphane Richard, patron de France Télécom, présentera
en interne le 1er juillet et le 5 juillet au médias.

En clair. France Télécom renonce à sa diversification dans la production de contenus pour se recentrer sur son métier d’« éditeur de réseaux » ou, comme aime à le dire son patron Stéphane Richard, d’« agrégateur intelligent » de contenus. Après avoir investi
203 millions d’euros (1) rien que dans les droits 2008-2012 de la Ligue 1 de football et après avoir lancé ses propres chaînes payantes (Orange Cinéma Séries et Orange Sport), France Télécom va désormais « privilégier les partenariats » dans la télévision,
la musique, les jeux vidéo et, même la presse (lire ci-dessous). Et vis-à-vis des acteurs du Web (Google, Microsoft, …) et des fabricants de terminaux interactifs (Apple, Samsung, …) « qui cherchent à utiliser [son] réseau », Xavier Couture indique qu’Orange doit « [se] positionner de manière claire (…) comme opérateur de réseau, dont l’intelligence a un coût ». Le directeur des contenus d’Orange cite par exemple
« Dailymotion qui y contribue à la marge ». Orange, qui investit environ 400 millions d’euros par an dans des contenus, tire un trait sur sa politique d’exclusivités très critiquée par la Justice, l’Autorité de la concurrence et le rapport Hagelsteen (lire EM@7 p. 8 et 9). « Remettre en cause nos exclusivités serait une très mauvaise nouvelle », avait pourtant prévenu Xavier Couture dans une interview accordée à Edition Multimédi@ (n°4). Aujourd’hui, il explique que ces exclusivités étaient une
« défense de la part d’Orange contre un Canal+ prédominant sur le marché de la télévision payante et présentant alors une menace sur le triple play ». Xavier Couture compte maintenant sur le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour obliger les distributeurs de contenus – chaînes thématiques, vidéo à la demande ou encore télévision de rattrapage – à les proposer (« must offer ») aux autres opérateurs de réseaux (2).
Ainsi, Orange pourrait distribuer à ses abonnés des chaînes payantes comme celle de la Ligue de football envisagée par son président Frédéric Thiriez. A l’inverse, France Télécom serait tenu d’accepter que des Free, SFR et autres Numericable redistribuent ses propres chaînes. Reste à savoir ce qu’il adviendra d’Orange dans le cinéma français, audelà des « 80 millions d’euros minimum » de pré-achats de films qu’Orange Cinéma Séries s’est engagé à investir jusqu’en 2012.
Quant à la filiale de coproduction de films Studio 37, elle devrait se limiter l’innovation cinématographique comme la 3D. @

Orange se renforce dans le financement de films

En fait. Le 28 mai, EuropaCorp – la société cotée en Bourse du réalisateur et producteur Luc Besson – et Orange ont lancé un site communautaire baptisé Weareproducteurs.com, qui permet aux internautes de participer à la production d’un film, du choix du synopsis à la sortie de l’oeuvre l’automne 2011.

En clair. Il y avait MyMajorCompany, PeopleForCinema ou encore TousCoProd sur
le marché naissant des sites web participatifs faisant appellent aux cinéphiles pour participer et pré-financer des films de cinéma (1). Il faudra désormais compter avec Weareproducteurs.com, que France Télécom a enregistré comme nom de domaine en février dernier. L’opérateur historique des télécoms est à l’origine de cette plateforme, Orange Cinéma Séries – sa filiale cinématographique (2) – préachetant des films.
Les portails d’Orange feront de leur côté la promotion de cette initiative lancée avec EuropaCorp, et les réseaux sociaux Facebook, Twitter ou encore YouTube seront utilisés pour informer sur le projet. « Il était important qu’artistes et internautes se retrouvent pour créer de la valeur », a lancé Christine Albanel, ancien ministre de la Culture et de la Communication – artisante de la loi Hadopi – devenue depuis le 1er avril dernier directrice de la communication, du mécénat et de la stratégie contenus d’Orange. « Il y a un malaise entre les créateurs et les internautes à cause de la question du piratage. Il faut retisser une relation positive », avait affirmé juste avant elle Luc Besson, le réalisateur et producteur. Le PDG d’EuropaCorp produira les films avec l’aide des internautes appelés à contribuer à hauteur de 10 euros chacun dans la limite des 5.000 euros, la participation des internautes étant limitée à 25 % du budget du films au coût situé entre 5 et 10 millions d’euros. EuropaCorp leur proposera en outre de
« percevoir un intéressement sur une partie des recettes du film », est-il précisé. Sur 1.500 projets de synopsis que reçoit la société de production, cinq ont été sélectionnés et les internautes seront appelés à choisir – par un votre en ligne et sans obligation d’achat (pas besoin de payer 10 euros pour participer) – le scénario début juillet, avant d’être associés aux différentes étapes de la production (scénario, réalisation, casting, bande sonore, etc…). Un « collège d’experts », composé de réalisateurs, d’acteurs ou de scénaristes, viendra épauler les internautes dans leur démarche. La date de sortie du film (3) – prévue à l’automne 2011 – sera également soumise au vote des internautes coproducteurs. Bref, Orange et EuropaCorp se donnent seize mois pour concrétiser la production du film. France Télécom, va investir « 80 millions d’euros minimum » sur trois ans dans des films. @

Nuit des médias : Pascal Rogard apostrophe NKM

En fait. Le 7 juin, s’est tenue la 4e Nuit des médias qui affirme être « à ce jour
la seule à réunir le temps d’une soirée des professionnels de l’audiovisuel,
du cinéma, des télécommunications et des acteurs de l’Internet ». Objectif :
trouver des sources de financement pour la création « multi-écran ».

En clair. Jessica Miri-Marcheteau et Rosa Luna-Palma, à l’origine de cette événement annuel, entendent mettre un terme à « un dialogue parfois demeuré de sourds ». Le Web et les mobiles suscitent à la fois crainte et enthousiasme comme l’a encore démontré le débat « Internet, nouvelles ressources pour la création ? », en présence de dirigeants venus de différents horizons : Google, Orange, M6, Blue AM, l’ARP (1) ou encore la SACD (2). Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat à l’Economie numérique, n’a pas manqué de regretter que « Internet provoque un peu de rage chez Pascal Rogard ».
Le directeur général de la SACD, qui a animé le débat de façon partiale, venait en effet
de lancer « une apostrophe un peu rageuse » [dixit l’intéressée] en direction de NKM :
« On parle beaucoup d’Internet, mais pour le financement on attend de voir ! », a-t-il déploré. Réplique de la ministre en partant : « Je prends la salle à témoin, s’il [Pascal Rogard] dit des bêtises, vous me rappelez ! ». Juste avant, NKM avait lancé une pique
en direction du cinéma : « La chronologie des médias est-elle adaptée au monde de l’Internet ? On peut se le demander. Estce que l’on ne peut pas aller plus loin [dans
le rapprochement de la VOD de la salle, ndlr] ? » (3). Quoi qu’il en soit, les œuvres
« multi-écrans » (télévision, Internet, mobile, console de jeux, tablette, …) sont en quête
de reconnaissance, comme l’illustre le « Prix révélation Nuit des médias » qui a été décerné cette année par Alain Chamfort au projet « Chico Chica Boom Bam ». Treize projets multimédias ont été soumis au jury présidé par Pierre Lescure. Ces réalisations nouvelle génération trouvent tant bien que mal des fonds auprès du CNC (4), de Transmedia Lab d’Orange Vallée (les Ateliers de la création) ou encore de la bourse Formats innovants créée par l’Association Beaumarchais-SACD et Orange (lire EM@ 3
p. 7). France Télévisions a organisé, pour sa part, ses premières « Journées de la création » en février dernier. Mais cela ne suffit pas. Pour le directeur général de la SACD, cité par Electron Libre le 2 juin, il faut « réfléchir enfin à une fiscalité de la création numérique ». Encore faut-il que les services du Premier ministre, le ministère de la Culture et de la Communication, celui de l’Economie, de l’Industrie et l’Emploi se réunissent avec le secrétariat d’Etat à l’Economie numérique autour d’une table. @

L’Europe numérique et les industries culturelles

En fait. Le 19 mai, la Commission européenne a publié son « plan d’action » quinquennal pour une « stratégie numérique ». Les deux premières mesures qui arrivent en tête consistent à créer un « marché unique numérique » et à élaborer une « directive-cadre sur la gestion collective des droits [d’auteur] ».

En clair. Après deux consultations publiques sur les « contenus créatifs en ligne »,
l’une en 2006 et l’autre en 2010 (EM@ 1 p. 4), la Commission européenne vient d’arrêter sa « stratégie numérique » d’ici à 2015, voire 2020. Les industries culturelles
– musique, cinéma et autres œuvres (1) – se retrouvent en première ligne de ce que la commissaire européenne Neelie Kroes en charge de la Stratégie numérique appelle
« la révolution numérique ». Ainsi le premier des « sept obstacles les plus importants » identifiés par l’exécutif européen concerne le « cloisonnement des marchés
numériques » – provoqué par une « mosaïque de marchés en ligne nationaux ».
Le second a trait au « manque d’interopérabilité » à cause de « défaillances en matière de normalisation » et du manque de « plateformes ouvertes ». L’industrie de la musique est la première à être épinglée par Bruxelles : « Autant les consommateurs peuvent acheter des CD dans n’importe quelle boutique, autant il leur est souvent impossible d’acheter de la musique sur des plateformes en ligne à travers l’Union européenne parce que les droits sont accordés sur une base nationale ». Résultat : « Il y a quatre fois plus de téléchargements de musique aux Etats-Unis qu’en Europe qui pâtit du manque d’offres légales et du cloisonnement des marchés ». La filière musicale fait figure de « bête noire » depuis cinq ans aux yeux de Neelie Kroes, qui était auparavant commissaire en charge de la Concurrence (2).
Le secteur audiovisuel est lui aussi dans le collimateur et fera l’objet, cette année, d’un
« livre vert » sur notamment « les problèmes posés par la distribution en ligne d’œuvres audiovisuelles ». Concernant le cinéma, une « recommandation sur la promotion de la numérisation du cinéma européen » (et « autres contenus créatifs ») sera publiée
« d’ici à 2011 ». En conséquence, la première « action clé » de la Stratégie numérique
de l’Europe est de « simplifier l’acquittement et la gestion des droits d’auteur et l’octroi de licences transnationales », à commencer par « renforcer le régime et la transparence de la gestion des droits (en ligne) et l’octroi de licences paneuropéennes en proposant une directivecadre sur la gestion collective des droits d’ici à 2010 ». Et d’ici à 2012, Neelie Kroes proposera des mesures pour « la libération du potentiel des industries de la culture et de la création » qui font l’objet d’une consultation jusqu’au 30 juillet 2010. @