…mais résistance des pro-Net Neutrality

En fait. Le 16 août, le député PS de la Nièvre, Christian Paul, annonçait une proposition de loi qu’il transmettait ces jours-ci à l’Assemblée nationale pour
« affirmer le principe de neutralité de l’Internet, et son contenu ». De son côté, l’Arcep rend ses recommandations en septembre.

En clair. La question n’est plus (ne l’a-t-elle jamais été ?) de savoir s’il faut préserver
en l’état la neutralité du Net, mais plutôt de la façon d’entériner par la loi la fin d’un
principe général né avec l’Internet. Cette règle non écrite de la neutralité des réseaux
va être d’autant plus facile à abolir qu’elle n’a jamais été gravée dans le marbre de la
« netiquette ». A l’occasion de la prochaine transposition du Paquet télécom européen
à l’automne, le législateur français va donc devoir officialiser un Internet non pas à deux mais à plusieurs vitesses. Cela supposera, conformément aux nouvelles directives européennes que les internautes soient clairement informés (obligation de transparence) et systématiquement protégé (qualité minimale de service), l’Arcep étant appelée à régler les éventuels différends. Dans l’immédiat, le régulateur des communications électroniques publie ce mois-ci ses recommandations portant notamment sur les « bonnes pratiques » dans la gestion de trafic et la « transparence » des offres d’accès à Internet.
Sans attendre le débat sur la transposition du Paquet télécom, la neutralité du Net va s’inviter à l’ouverture de la session parlementaire cette semaine : le député de la Nièvre, Christian Paul, doit remettre au président du groupe PS à l’Assemblée nationale Jean-Marc Ayrault le texte de sa proposition de loi garantissant (article 1) « le principe de neutralité de l’Internet, et son contenu », à savoir « l’interdiction de discriminations liées aux contenus, aux tarifications, aux émetteurs ou aux destinataires des échanges numériques de données ». Autrement dit (article 2) : « Les personnes dont l’activité
est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne ne peuvent restreindre ou interdire l’accès à un service que sur décision d’une autorité judiciaire indépendante ». Le député a en outre publié le 16 août sur Numerama une tribune pour expliquer son « cauchemar » si la Net Neutrality disparaissait. Et d’ajouter : « A la laïcité garantissant la liberté de conscience et le libre exercice des cultes doit correspondre dans l’espace numérique une ‘laïcité informationnelle’ garantissant nos libertés de choix, d’initiative et d’expression » ! Plus radicale est la réaction de Benjamin Bayart, président du fournisseur d’accès associatif FDN, à la lecture du rapport gouvernemental : « Ce qui saute aux yeux, c’est l’incompétence »… @

Fin annoncée de l’égalité d’accès à Internet…

En fait. Le 13 août, Libération a publié le rapport du gouvernement au Parlement intitulé : « La neutralité de l’Internet. Un atout pour le développement de l’économie numérique ». Prévu par la loi de 2009 sur « la lutte contre la fracture numérique », ce rapport crée… une fracture.

En clair. Avant même que la France ait répondu à la consultation publique de la Commission européenne jusqu’au 30 septembre, le gouvernement et le régulateur préparent déjà les esprits à la fin du principe de neutralité des réseaux. Dans la torpeur
de l’été, le rapport du gouvernement au Parlement – émanant du secrétariat à l’Economie numérique et daté du 16 juillet – a été mis en ligne mi-août (1). « La préservation d’un Internet ouvert n’interdit pas la mise en place de mesures techniques, notamment de gestion du trafic », y affirme le gouvernement. Et ce, après avoir expliqué en long et en large que les opérateur télécoms et les fournisseurs d’accès pratiquent déjà sur le Net : la « gestion du réseau », la « régulation du trafic », le
« traitement différencié de certains flux (2) » , le « blocage de certains contenus »,
la « garantie de la qualité de service offerte à certaines applications », les « services gérés de bout en bout », les « services garantis de certains flux », les « technologies d’analyse de trafic dites DPI (3) », le« filtrage de certains services » ou encore les
« limitations ». Et en toute légalité ! La loi de 2004 sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN) a ouvert la voie au filtrage ou aux restrictions d’accès. Les deux lois Hadopi de 2009, avec la mise en place de radars TMG sur le Net, et la loi sur les jeux d’argent en ligne adoptée cette année ont instauré le blocage de sites web. Quant à la loi sur la sécurité intérieure, la fameuse Loppsi 2 qui fait son retour au Sénat à partir du 7 septembre en session extraordinaire, elle étend le principe du blocage aux sites web pédopornographiques (4) (*) (**). Sur le terrain, des brèches ont déjà été ouvertes dans la Net Neutrality : blocage en France de Dailymotion par Neuf-SFR durant l’été 2007 en est une ; plafonnements de débit par Numericable ; limitations de flux en zones non dégroupées ; des restrictions de « peering » ; blocages de forfaits mobiles (Orange/M6, Bouygues Telecom/Universal Mobile, …) ; limitations territoriales dues aux droits d’auteur, comme pour Hulu (lire EM@8 p. 4). Sans parler des réseaux mobiles qui empêchent streaming, peer-to-peer ou encore visiophonie de type Skype. Autre exemple : Free propose un « accès prioritaire » payant à son service de télévision de rattrapage TVReplay, parallèlement gratuit en qualité standard. Quant à Google et Verizon, ils ont déclenché en août de vives protestations après s’être déclarés pour
des « services différenciés » sur le Net… @

Le Salon du livre de Francfort se met au cross-media

En fait. Le 14 juillet, l’association allemande des éditeurs et des libraires, organisatrice du Frankfurt Book Fair du 6 au 10 octobre, a annoncé élargir son
« Film & Media Forum », lancé en 2003, à d’autres industries de contenus comme les jeux vidéo, la musique ou le Web.

En clair. Le plus grand salon mondial du livre (1) ne fait plus seulement dans l’édition.
Il s’ouvre de plus en plus aux autres médias et contenus de divertissement. Sous le slogan StoryDrive, les organisateurs misent sur le cross-media. « Le “Films & Media Forum” existe depuis 2003 avec les industries du cinéma et de l’édition. Cette année, nous l’élargissons à d’autres industries créatives comme le jeu et la musique », explique Britta Friedrich, directrice du Films & Media Forum, à Edition Multimédi@.
Cela revient à créer une place de marché crossindustry pour les professionnels des contenus, du livre aux loisirs (entertainment). Des conférences sur deux jours y seront organisées sur le thème du « copyright 2.0 » et des nouveaux modèles économiques.
« Les mondes des médias et des loisirs sont constitués de professionnels très hétérogènes. Or ce que veulent faire les éditeurs de livres, producteurs de films, musiciens ou les développeurs de jeux, c’est de raconter de belles histoires. La numérisation et la fusion des différents médias ont complètement changé la façon de raconter des histoires (storytelling).
Les nouvelles technologies facilitent les nouveaux contenus », explique Britta Friedrich.
Le Salon du livre de Francfort entend ainsi « casser » les inhibitions et favoriser les partenariats, ainsi que les opportunités de coopérations « multi et cross-media ».
Un centre « Film & Media Rights » sera dédié aux accords de droits et aux réseaux.
« Un livre peut-être subitement et simultanément un film, un jeu ou une musique.
Celui qui avait encore un rôle mineur dans un films aujourd’hui peut déjà devenir le personnage principal dans un jeu sur ordinateur. Les scénarios sont de plus en plus transmis et racontés dans des formats cross-media », expliquait-elle dans une récente interview (2). Du script au film, en passant par le livre ou le jeu, toutes les idées sont les bienvenues pour contribuer à des « contenus hybrids » ou des « contenus fluides » (hybrids or liquid content). Le Forum Films & Media permettra aux habituels représentants de l’industrie de rencontrer des auteurs et des utilisateurs. « Avec des solutions de self-publication sur Internet (comme epubli en Allemagne) ou des portails comme MySpace, les auteurs entrent en contact directement avec leur public, voire financent leurs projets via des sites web comme Kickstarter », remarque Britta Friedrich. Les auteurs et les créateurs commencent à s’émanciper… @

Le marché de la télévision de rattrapage s’organise

En fait. Le 5 juillet, France Télévisions a lancé Pluzz, son service gratuit de télévision de rattrapage commun à l’ensemble des chaînes publiques. Il s’agit
d’un « player » unique. Selon TV-Replay, 64 % des programmes des principales chaînes françaises sont déjà proposés en catch up TV.

En clair. Les télévisions se déchaînent et les téléspectateurs s’affranchissent de la grille. La catch up TV, qui permet de (re)voir une émission, un « JT », un épisode d’une série, un documentaire ou encore un film après qu’ils aient été diffusés à l’antenne, s’impose aux chaînes. Pluzz rejoint ainsi M6 Replay, Canal+ à la demande, Arte+7 et TF1 Player/MyTF1/WatTV sur le marché prometteur de la télévision de rattrapage. D’autant qu’au-delà de quelques jours après l’antenne, sept pour Pluzz, le visionnage devient payant. Sans compter les recettes publicitaires des spots placés en début et milieu de vidéo, dont les tarifs sont jusqu’à dix fois plus chers que de simples bannières. France Télévisions passe ainsi à la vitesse supérieure après avoir fait ses premiers pas avec Orange, dans le cadre d’un accord exclusif de deux ans. Contesté jusque devant l’Autorité de la concurrence (1) (*) (**) et par le rapport Hagelsteen remis au Premier ministre en janvier dernier (EM@5 p. 3), cet accord décrié avait finalement été toléré mais limité dans le temps. L’exclusivité France Télévisions- France Télécom autour d’un service baptisé « 24/24 TV » (ex- Rewind TV) s’est en effet terminée le 21 avril. Mais cela n’empêche pas Xavier Couture, le patron des contenus d’Orange, de continuer à négocier le groupe audiovisuel public, pour proposer Pluzz aux 3 millions d’abonnés télévision via l’ADSL.
« Nous négocions avec France Télévision un accord [non exclusif cette fois, ndlr] de catch up TV, qui pourrait porter sur trois ans », avait-il répondu mi-juin à Edition Multimédi@, lors d’un déjeuner de l’Association des journalistes médias (AJM). Maintenant que Pluzz permet de centraliser les différés des chaînes France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO, France Télévisions est mieux à même de nouer des partenariats tous azimuts. Au-delà des fournisseurs d’accès à Internet, comme Free qui proposera Pluzz dès septembre, des accords peuvent être noués avec des « guides »
de télévision de rattrapage comme TV-Replay (ex- TVàrevoir). Créé en 2007 sur le site web Totalvod, TV-Replay a fait l’objet le 18 juin d’un jugement favorable à la suite d’une plainte de M6 l’accusant de concurrence déloyale et de « parasitisme ». La concurrence rend fébrile. Il y a un an, M6 avait négocié avec TF1 et Canal+ la création d’une plateforme commune de catch up TV pour parer à l’arrivée prochaine en Europe de l’américain Hulu, pionnier en la matière. Les chaînes historiques craignent cette nouvelle concurrence. @

Orange va investir aussi dans le livre numérique

En fait. Le 5 juillet, Stéphane Richard, directeur général de France Télécom,
a présenté son plan « Conquêtes 2015 » et clarifié ses ambitions dans les contenus, dont Orange ne sera plus producteur. Des partenariats « avec prises de participation minoritaire » sont envisagés, jusque dans le livre numérique.

En clair. S’il y a bien un domaine qui reste à investir pour France Télécom, c’est bien
le marché de l’e-book et des liseuses. Interrogé en marge de la présentation de son
plan à cinq ans, Stéphane Richard a précisé à Edition Multimédi@ être intéressé à se développer dans le livre dématérialisé : « Nous allons aller dans le livre numérique,
nous regardons des opportunités de partenariat », a-t-il indiqué. Et la présence de l’ancienne ministre de la Culture et de la communication Christine Albanel, directrice de
la communication et du mécénat d’Orange depuis avril, en charge de la stratégie dans
les contenus (1) (*) (**), pourrait l’aider à trouver un partenaire dans le monde du livre. D’autant que cette dernière est l’auteur du rapport intitulé « Pour un livre numérique créateur de valeurs » et remis au Premier ministre en avril dernier.
Conformément à sa nouvelle stratégie de partenariat dans les contenus et si l’occasion
se présente, Orange pourrait prendre une participation minoritaire « à dimension technologique ». Le marché du livre numérique est un marché à fort potentiel, déjà occupé par Amazon (Kindle), Apple (iPad) et Sony (eReader). Stéphane Richard avait déjà indiqué que les boutiques Orange pourraient commencer à commercialiser à l’automne prochain la tablette multimédia de la marque à la pomme. C’est dire qu’un partenariat dans le livre numérique avant ce lancement serait le bienvenu. Deux forfaits bloqués 3G pour l’iPad sont déjà prêts. Mais France Télécom a aussi sa propre tablette qui, lancée fin 2009, est moins connue : le Tabbee. Celle-ci fait un peu pâle figure comparée à l’iPad, mais présente des fonctionnalités similaires (connexion, baladeur,
1 Go, …). Cependant, bien que Tabbee soit multi-usage (Internet, radio, télévision presse ou cadre-photo), force est de constater que le livre numérique y est absent. Pour l’heure, France Télécom est plus parrain du livre qu’investisseur dans l’e-book.
En juin dernier, a été remis le Prix Orange du Livre 2010 par Christine Albanel, dans
le cadre de la seconde édition annuelle de cette sélection (2). Par ailleurs, Orange a donné à Bourg-en-Bresse (Cap3B) un coup de pouce à une « première bande dessinée multimédia interactive », conçue par Zanimôme. Des flashcodes peuvent y être scannés par les smartphones pour accéder à des vidéos touristiques. L’hyperlivre a aussi son mot à dire avec Orange. @