Frédéric Mitterrand refuse de diaboliser Google

En fait. Le 22 septembre, le ministre de la Culture et de la Communication a déclaré qu’il voulait créer une véritable « filière numérique culturelle ». Le 9 septembre, le PDG de Google, Eric Schmidt, a annoncé – après avoir été reçu
par Nicolas Sarkozy – la création en France d’un institut culturel européen.

En clair. Tous les types de contenus culturels sont a priori concernés par le volet
« services, usages et contenus » du grand emprunt national : « L’écrit – presse et
imprimé –, la musique, le cinéma, l’audiovisuel, la photographie, mais aussi la
création et le jeu video », a énoncé Frédéric Mitterrand au vue de « la diversité des
141 contributions » apportées à la consultation publique (dont les contributions devaient être publiées fin septembre). Présente à ses côtés, Nathalie Kosciusko-Morizet –
A l’origine de la consultation avec René Ricol, commissaire général à l’investissement –
a quand même exprimé « quelques regrets ». A savoir : « Qu’il y ait eu peu de projets provenant de la musique, des jeux vidéos et de la muséographie ». Cela explique-t-il que seulement 100 millions d’euros d’ « investissements d’avenir » sur les 2,25 milliards aient été identifiés depuis le début de l’année au travers de quatre grands projets, dont deux de vidéo à la demande, une de livres numériques et une autre de kiosque numérique pour la presse ? « Au-delà du développement de l’offre légale, il s’agit de servir la création et l’offre culturelle, à travers la mise en place d’une véritable filière numérique culturelle. (…) Toutes les initiatives et tous les projets d’entreprise sont et seront les bienvenus », a tenu à préciser Frédéric Mitterrand, qui a donné rendez-vous « dans quelques mois » pour présenter d’autres projets. Interrogé par Edition Multimédi@ sur le rôle qu’il entendait faire jouer à Google, il a indiqué qu’il « souhaite que Google puisse participer à titre de partenaire et ami. Son institut culturel européen (1) défendra une exception française et européenne, ainsi que les droits d’auteurs ».
Et d’ajouter : « Nous avons des terrains d’entente en commun et j’ai toujours évité de diaboliser Google. (…) Nous avons établi un rapport différent pour continuer à discuter sereinement dans plusieurs domaines ».
Au lancement de l’appel à manifestations d’intérêt prévu à la fin de l’année, le géant du
Net devrait répondre présent, notamment pour la numérisation des livres avec la BNF présidée par Bruno Racine – favorable à Google (2). Et il ne faut pas oublier que le numéro 1 mondial des moteurs de recherche sur le Web est aussi interlocuteur de
la presse avec Google News, bientôt de la musique et de la télévision. @

Contenus : 2,25 milliards « sur trois ou quatre ans »

En fait. Le 22 septembre, Frédéric Mitterrand (Culture) et Nathalie Kosciusko-Morizet (Economie numérique) ont dressé un point d’étape sur les premiers
« usages, services et contenus innovants », qui mobilisent déjà 100 millions d’euros sur les 2,25 milliards alloués sur le grand emprunt lancé par l’Etat.

En clair. Le chemin sera long avant que ne soient investis les 2,25 milliards que l’Etat français a prévu d’investir dans les contenus et services numériques usages, dans le cadre du grand emprunt. En marge du point d’étape présenté au ministère de la Culture
et de la Communication, Frédéric Mitterrand a indiqué à Edition Multimédi@ « qu’il faudra entre trois et quatre ans pour que soient investis les 2,25 milliards d’euros ».
Et d’ajouter : « Cela prendra du temps ; nous nous incrivons sur le long terme ». Côté calendrier, NKM a précisé « qu’un appel à manifestations d’intérêt sera lancé d’ici fin décembre ».
Depuis les arbitrages du président de la République en décembre 2009 sur le grand emprunt, il est d’ores et déjà acquis que 750 millions iront à la « numérisation des contenus culturels, éducatifs et scientifiques », via le développement d’une offre légale, des services innovants et la valorisation du patrimoine culturel ou de contenus éditoriaux. Pour l’heure, « NKM » et lui ont présenté « quatre grands chantiers » qui
ont avancé avec le Commissariat général à l’investissement (CGI), nécessitant dans l’immédiat « 100 millions d’euros » d’investissements.
« L’Etat, qui interviendra à travers des subventions, des prises de participation via la
CDC (1) ou des prêts financiers, attend 1 à 2 euros d’investissement privé pour 1 euro d’aide publique », explique Benoît Loutrel, « directeur Economie numérique » du CGI (2). La ventilation de cette première enveloppe est en discussion. Pour le cinéma, il s’agit de la « création d’une plateforme de plus de 3.000 longs métrages en format VOD [vidéo à la demande] ». Pour le livre, un autre projet consiste à « numériser les livres indisponibles du XXe siècle sous droits, à partir d’un consortium ». Ce dernier associera la BNF (3), les auteurs et les éditeurs, afin de numériser à terme 400.000 livres. En vidéo, il est prévu avec l’INA (4) la création d’un portail d’offre de VOD audiovisuelle et cinématographique. Cette plateforme va « répertorier l’offre gratuite et payante – télévision de rattrapage, VOD » et « ne sera pas un concurrent des offres existantes ». La presse écrite, elle, aura son kiosque numérique que vont créer plusieurs éditeurs nationaux (de quotidiens ou de magazines) réunis dans un groupement d’intérêt économique (GIE) baptisé E-presse Premium. Plus de 40 sites web de journaux sont concernés. @

Comment France Télévisions va rattraper son retard

En fait. Le 23 juillet, est paru au « J.O. » le décret présidentiel officialisant la nomination à la tête du groupe France Télévisions de Rémy Pfimlin, lequel avait
été nommé en Conseil des ministres le 21 juillet. Désigné pour cinq ans par
Nicolas Sarkozy, il remplacera Patrick de Carolis le 22 août.

En clair. Le remplaçant de Patrick de Carolis a déclaré vouloir faire du numérique
« la colonne vertébrale » du groupe de télévisions publiques. « France Télévisions doit rattraper son retard, notamment dans les échanges vidéo pratiqués sur les réseaux sociaux et dans la télévision de rattrapage : le portail de télévision de rattrapage de France Télévisions n’a été ouvert que le 2 juillet [Pluzz, lire EM@17 p. 4, ndlr], alors que plus de 10 millions de personnes consomment déjà régulièrement la télévision de rattrapage », a lancé Rémy Pfimlin (1) lors de son audition parlementaire le 12 juillet (jour même où le CSA a donné son aval). Est-ce une critique négative adressée à celui qui est directeur général de France Télévision Interactive depuis huit ans maintenant ? Ancien fondateur du portail Voila.fr chez Wanadoo après avoir été directeur du projet TV numérique câble et satellite de France Télécom (2), Laurent Souloumiac a été nommé en avril 2002.
Cet X-Télécom (48 ans) a été l’artisan de la télévision publique sur ADSL et de la vidéo à la demande (VOD) de France Télévisions à partir de 2004. Trois ans plus tard, il noue un partenariat exclusif avec Orange pour un service de télévision de rattrapage appelé Rewind TV, puis rebaptisé « 24/24 TV » à la demande du CSA. Mais l’exclusivité Orange-France Télévisions est contestée par la concurrence et le rapport Hagelsteen de février dernier (lire EM@7 p. 8 et 9), retardant du même coup la montée en charge du service de catch up TV.
Pour rattraper le retard, Rémy Pfimlin a indiqué qu’il allait confier la responsabilité du numérique « à un collaborateur, qui, à mes côtés, déterminera les objectifs en termes d’investissements, de développement d’offres et d’initiatives ». Il s’agit de notamment de l’éditorialisation des contenus pour qu’ils soient – « dès la conception des programmes » – conçus pour être diffusés « sur l’ensemble des supports ». Parmi
les défis que souhaite relever Rémy Pfimlin, il y a celui des réseaux sociaux et des
sites de partage de vidéos : « En donnant aux internautes la possibilité de “réagréger” des programmes, afin de se constituer leur propre offre – ce dernier point est crucial, s’agissant d’attirer les plus jeunes vers le service public », précisait-il. Cependant,
« la webTV ne pourra pas remplacer l’antenne mais la compléter », a-t-il prévenu.
La télévision mobile personnelle (TMP) sera en outre développée. @

Le quotidien Les Echos accroît le payant en ligne

En fait. Le 9 septembre, le quotidien économique et financier Les Echos paraît
sous sa « nouvelle formule » papier mais aussi renforce son offre payante sur Internet, les tablettes et les mobiles. Le journal et son site web ne font plus
qu’un pour « produire de l’information en continu ».

En clair. Nicolas Beytout, PDG du groupe Les Echos (filiale du géant du luxe LVMH depuis 2007), est condamné à réussir la fusion web-papier s’il ne veut pas que son quotidien décline au rythme de l’érosion de la diffusion et de la chute des recettes publicitaires. La situation inquiétante de La Tribune, son concurrent en quête de 15 millions d’euros pour ne pas être en cessation de paiement l’été prochain, est révélatrice de la crise historique de la presse. Les Echos n’y échappent pas : baisse de la diffusion au premier semestre et pertes en 2009 non publiées mais pouvant atteindre 10 millions d’euros. Cette année n’augure rien de bon. « La hausse de la diffusion numérique devrait compenser à terme le recul du papier », espère-t-il (1). Objectif d’ici fin 2010 : 50.000 abonnés numériques. Mais la concurrent de l’information en contenu fait rage : « Nous subissons aussi la montée en puissance des médias numériques » (2). Cela fait neuf mois que la direction et les syndicats de journalistes ont signé un accord – le premier du genre depuis le promulgation en 2009 de la loi Hadopi – sur les droits d’auteurs et sur l’organisation web-papier des rédactions (Les Echos, Enjeux, Lesechos.fr, …). En février, la quasi-totalité des 200 journalistes du groupe ont signé individuellement un avenant à leur contrat de travail pour entériner cet accord. « [Les Echos sont] pionniers et pour l’instant les seuls en France à avoir rassemblé en une seule rédaction les journalistes qui travaillent sur le quotidien et sur le Web », affirment Nicolas Beytout et Henri Gibier dans leur édito du 9 septembre. Des postes d’« éditeurs web » ont été créés au sein des services « papier » pour amener les journalistes à produire cinq éditions par jour (7h à 22h) sur Internet et les mobiles (3). Le modèle fermé et monétisable de l’iPad, adopté par Les Echos (4) dès la sortie dans l’Hexagone en mai de la tablette d’Apple, illustre bien la volonté du groupe de faire payer de plus en plus de contenus en ligne. « L’information produite pour un journal par une rédaction professionnelle doit être payante », déclarait Nicolas Beytout dans Les Echos du 28 mai. Le PDG espère aussi un regain de la publicité grâce aux nouveaux supports online, même s’il constate que les recettes publicitaires ne sont pas « [pas] suffisantes pour financer les journaux sur le Web ».
Il témoignera de cette « mutation des médias » à Issy-les- Moulineaux le 29 septembre
à l’Hôtel de Ville… @

La rentrée littéraire sous le signe de l’e-book

En fait. Le 8 septembre, lors du Conseil des ministres, Frédéric Mitterrand, a dressé un point sur la rentrée littéraire. Alors que 701 romans sont publiés,
il constate que « certains éditeurs font le pari de publier simultanément une version numérique et une version papier de leurs romans de rentrée ».

En clair. La rentrée 2010-2011 du marché français de l’édition est censée donner le coup d’envoi du livre numérique en France, alors que se profile à l’horizon le projet
de loi sur l’adaptation de la loi Lang au monde digital. « La rentrée 2010 témoigne
du dynamisme et de la diversité de l’édition française, avec un total de 701 romans français et étrangers, soit une augmentation de 6% par rapport à 2009 (…). Certains éditeurs font le pari de publier simultanément une version numérique et une version papier de leurs romans de rentrée », a expliqué Frédéric Mitterrand en Conseil des ministres. Hachette Livre (1), Gallimard, Albin Michel, Eyrolles, … Les éditeurs français n’auraient jamais mis autant de livres numériques à disposition du public. La dématérialisation permet d’obtenir une réduction pouvant aller jusqu’à 30 % pour le client. Si “La carte et le territoire” de Michel Houellebecq chez Flamarion n’a pas son édition numérique, “Une forme de vie” d’Amélie Nothomb chez Albin Michel est par exemple proposée à 11,99 euros en version numérique, contre 15,11 euros en imprimé. Mais selon Livres Hebdo, l’offre numérique s’avère « très limitée et proposée à dose homéopathique ». Le MOTif (2) a prévu d’assurer une veille sur le téléchargement d’e-books qui permettra d’y voir plus clair. Selon Marie-Pierre Sangouard, directrice du livre à la Fnac, « le marché est vraiment à un moment de bascule. Sur les 700 romans publiés à l’occasion de la rentrée littéraire 2010, entre 20 % et 25 % d’entre eux sont disponibles en numérique. L’an dernier, cette fourchette ne dépassait pas 5 % à 7 % » (3). Les uns ont opté pour iBooks sur l’App Store d’Apple dans le sillage de l’iPad (Hachette Livre) ; les autres ont préféré ne pas être prisonniers de la grille tarifaire de la marque à la pomme (Gallimard). Reste à savoir si l’édition enregistrera cette année une meilleure croissance que les 2% de 2009. Tout dépendra aussi de l’évolution du cadre législatif. Le député Hervé Gaymard a déposé en fin de semaine dernière une proposition de loi pour abaisser le taux de TVA à 5,5 % pour les livres numériques qui sera ainsi aligné sur le papier. La semaine précédente, les sénateurs Catherine Dumas et Jacques Legendre ont déposé un autre texte de loi en vue de « fixer un cadre souple de régulation du prix du livre numérique, à mi-chemin entre l’organisation du marché par le contrat et l’encadrement trop strict d’un marché naissant ». @