Pourquoi l’Arcep doit devenir un “super-régulateur”

En fait. Le 28 juin, l’Arcep a publié une étude – qu’elle avait confiée au cabinet d’avocats Hogan Lovells (associé au cabinet d’études Analysys Mason) – sur
« le périmètre de la notion d’opérateur de communications électroniques ». Télécoms et Internet : la mission du régulateur ne peut plus être « cantonnée ».

En clair. Créée il y a exactement quinze ans maintenant par la loi du 26 juillet 1996 sous le nom de l’ART (Autorité de régulation des télécommunications), l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) s’interroge aujourd’hui sur les « opérateurs » qu’elle doit réguler. Car, avec la multiplication des fournisseurs de services sur Internet, des opérateurs de réseaux de distribution de contenus Internet ou CDN (1), des acteurs de cloud computing(lire p. 7), des opérateurs mobiles virtuels ou MVNO (2), des plates-formes d’échanges ou de partages sur le Web (3), ou encore les fabricants de terminaux interactifs (smartphones, tablettes, TV connectée), il y aurait pour l’Arcep de quoi en perdre son latin ! Dans cette étude, la seconde du genre en Europe (après la Suède), le cabinet Hogan Lovells estime que les CDN, comme Akamai, pourraient être qualifiés d’« opérateurs des communications électroniques et fournisseurs » (4) par l’Arcep. Il en va de même pour les prestataires de voix sur IP comme Skype.
En revanche, ne sont pas « opérateurs » les acteurs du cloud computing comme Amazon ou Microsoft, ainsi que les plates-formes vidéo, comme Dailymotion ou YouTube. Ne sont pas non plus « opérateurs » les éditeurs de presse en ligne commeLes Echos, pas plus que les éditeurs de livres numériques comme l’iPad d’Apple. Pour être fixée, l’Arcep doit procéder à des tests dits « de proportionnalité ». La disparition des frontières, sous l’effet de la convergence, entre les « opérateurs »
et les acteurs du Web lui complique la tâche : les deux peuvent offrir le même service.
« Si le périmètre de l’action de l’Arcep restait cantonné aux opérateurs de communications électroniques tels que définis traditionnellement, il pourrait s’avérer difficile pour [elle] d’atteindre l’ensemble des objectifs qui lui sont confiés par le législateur national et communautaire », prévient l’étude. Surtout que le tout-IP « aurait pour effet de restreindre le champ d’application de la réglementation ». L’avenir s’annonce donc complexe pour l’Arcep, tant la notion d’« opérateur » est devenue
à géométrie variable. Dès que le gouvernement aura transposé par ordonnance le Paquet télécom, soulignent les experts, « la compétence de l’Arcep se trouvera élargie et pourra s’étendre à des personnes qui ne sont ni fournisseur de services de communications électroniques, ni opérateur de réseaux ».
Le régulateur devra même faire respecter la neutralité du Net au profit des internautes
et des mobinautes (5). Un super-régulateur en somme. @

Pandora : au-delà des Etats-Unis et… de la musique

En fait. Le 15 juin, la smartradio américaine Pandora – qui permet à 90 millions d’inscrits de personnaliser des playlists en streaming – est entrée à la Bourse
de New York à 16 dollars l’action, avant de chuter en dessous de son cours d’introduction mais au-dessus des 7 à 9 dollars prévus initialement.

En clair. Pandora Media, fondé en 2000 par Tim Westergren (sous le nom de Savage Beast), est condamné à trouver des relais de croissance en dehors des Etats-Unis,
où les coûts de droits d’auteurs s’alourdissent et la concurrence augmente face à notamment Last.fm, Slacker Personal Radio, RDIO, Rhapsody, voire iTunes. Sans parler des contenus en streaming de Hulu, Vevo ou YouTube et de l’arrivée prochaine du suédois Spotify. Amazon, Facebook ou encore Google pourraient eux aussi accroître la pression sur le pionnier de la radio personnalisable en ligne. Pandora Media, qui est une société californienne basée à Oakland, a dû payer pour 2010 des royalties aux ayants droits de 69,4 millions de dollars (contre 32,9 millions l’année précédente) sur un chiffre d’affaires de 137,8 millions et une perte nette de 1,8 million de dollars (1). Et encore, cela ne lui donne des droits de diffusion que sur les Etats-Unis. Avec une cotation à la Bourse de New York (Nyse), la start-up entend non seulement se donner de la visibilité internationale mais surtout accélérer son développement sur deux axes. Le premier consistera à lancer Pandora sur d’autres marchés dans le monde, malgré les difficultés en perspective.
« Offrir notre service en dehors des Etats-Unis comporte de nombreux risques et défis. Le plus important est qu’il n’y pas de régimes de licence équivalents ailleurs [mais] notre objectif à long terme est de diffuser Pandora aux auditeurs au niveau mondial », affirme la direction dans son prospectus d’introduction en Bourse. Aux Etats-Unis,
le « Digital Performance Right in Sound Recordings Act » et le « Digital Millenium Copyright Act » prévoient en effet une licence pour l’écoute en streaming. Contactée par Edition Multimédi@, la vice-présidente de Pandora Media, Deborah Roth, nous a indiqué que la direction ne souhaitait pas s’exprimer pour le moment. Le deuxième axe va être de diversifier les formats de diffusion. « Beaucoup d’auditeurs radiophoniques sont attirés par la comédie, le sport, les débats, les actualités et d’autres contenus au-delà de la musique », constate Pandora, qui a commencé en mai 2011 à proposer
des radios d’humour (comedy stations) personnalisables selon les goûts de chaque auditeur. « Et à long terme, nous pensons qu’il y a une opportunité à offrir d’autres types de contenus en plus de la musique et de la comédie », est-il précisé. Selon Arbitron, un institut américain de mesure d’audience et d’études des médias, les contenus non musicaux représentent environ 20 % du total des contenus radio en 2009. @

La « taxe Google » est morte, vive la eTVA en Europe ?

En fait. Le 22 juin, le Sénat a renoncé à la taxe sur la publicité sur Internet, ou
« taxe Google » de 1 %, qu’il avait pourtant introduite sept mois plus tôt (1) dans le « PLFR » 2011 ! Elle devait s’appliquer à partir du 1er juillet. L’Assemblée nationale avait aussi voté sa suppression le 10 juin.

En clair. Le Parlement a volé in extremis au secours des plateformes du Web vivant
de la publicité en ligne, en supprimant la taxe Google lors des débats sur le projet de
loi de finances rectificatif (PLFR) de 2011. L’Asic (2), le Spiil (3) et le CNN (4) s’en sont aussitôt « réjoui ». C’est la sénatrice Catherine Morin- Desailly (Union centriste) qui a réussi à obtenir de Philippe Marini (UMP) la suppression définitive. Dix jours plus tôt, pas moins de sept députés – dont six UMP (Laure de La Raudière, Olivier Carré, Louis Giscard d’Estaing, Patrice Martin-Lalande, Lionel Tardy, Bernard Gérard) et un Nouveau centre (Philippe Vigier) – ont été les auteurs de l’amendement « n°1 » qui a été introduit dans la soirée du 10 juin à l’Assemblée nationale. Considérant cette taxe d’« erreur » commise par les sénateurs, ils ont ainsi supprimé la « taxe Google » en abrogeant l’article 302 bis KI du code général des impôts qui avait été adopté par le Parlement – en commission mixte paritaire (CMP) – le 13 décembre 2010. « Cette taxe est une fausse bonne idée. (…) Il s’agit non seulement d’un mauvais signal donné aux acteurs du numérique – secteur qui est source de 25 % de la croissance en France (…) – mais surtout d’un mauvais calcul financier car au final, les pertes seront rapidement plus importantes que les recettes. En effet, cette taxe abusivement baptisée “Taxe Google”, alors qu’elle ne taxera jamais Google, est due par tout preneur de services
de publicité en ligne, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et établi en France », expliquaient les députés rejoints par les sénateurs. « Aussi, poursuivent-ils, il est évident que bon nombre de preneurs exerceront l’acte d’achat de services de publicité en ligne depuis l’étranger, afin de ne pas avoir à payer cette taxe. Cette délocalisation d’achat/vente entraînera inévitablement la perte de la perception de la TVA pour l’État français, et donc la perte de recettes [estimée à 49 millions d’euros en 2011, ndlr] plus importantes que ce que va rapporter [25 millions d’euros, ndlr] la taxe sur la publicité en ligne ». Lors de la séance du 10 juin, la député Laure de La Raudière a expliqué qu’il fallait la supprimer et étudier à la place « une fiscalité sur les lieux de consommation ». Elle a convaincu le ministre du Budget François Baroin de s’en remettre aux travaux du Conseil national du numérique (CNN) sur cette question. Le gouvernement s’est engagé au Sénat à définir « une norme européenne » en matière fiscale. @

Le CFC s’apprête à lancer sa plateforme numérique

En fait. Le 7 juin, le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) a présenté aux éditeurs de presse son bilan 2010 : la barre des 10 millions d’euros
de perception de droits numérique d’articles est dépassée, soit une hausse de
33 % sur un an. Sa plateforme numérique « NLA » sera lancée fin juin.

En clair. Selon nos informations, la plateforme numérique du CFC – unique société
de gestion collective agréée par le ministère de la Culture et de la Communication pour leur reproduction de la presse, du livre et des sites web – devrait être lancée fin juin
(1) pour être véritablement opérationnelle à partir de septembre 2011. Elle vise à standardiser et distribuer les contenus numérisés des journaux ou des sites d’information auprès des entreprises, des administrations et des sociétés spécialisées dans la veille de presse ou de press clippings (Kantar Media, Argus de la presse, Press Index, Up2News, …).
Leur exploitation dans les panoramas de presse représente 91,7 % des reproductions
et des rediffusions. Le CFC assure ainsi la gestion des droits numériques de plus de 1.800 publications et sites Internet français, soit environ 300 éditeurs. S’appuyant sur
la solution développée par l’agence britannique NLA (Newspaper Licensing Agency) qui l’utilise déjà pour sa plateforme numérique eClips (2), le CFC espère accélérer ses ventes numériques. D’autant que les clients – plus friands de revues de presse moins coûteuses que de multiples abonnements – abandonnent progressivement la reproduction papier d’articles de presse au profit de copies numériques. Résultat :
le papier, en recul de 15% sur un an, génère désormais moins d’un quart des redevances perçues par le CFC en 2010, soit seulement 3,22 millions d’euros sur le total de 13,29 millions d’euros. Depuis 2007, le numérique a dépassé le papier pour dépasser l’an dernier la barre des 10 millions d’euros de chiffre d’affaires (10,07 millions précisément). Au titre de l’année 2010, le CFC a reversé aux éditeurs sous mandat 8,9 millions d’euros – somme en hausse de 36 % sur un an – après avoir prélevé 11,01 % de frais de gestion. La plateforme du CFC, qui donnera aussi la possibilité pour les éditeurs de gérer en ligne leurs archives et de les partager au format standard de description de document XML (3) ou en PDF, est testée depuis quelques mois par plusieurs éditeurs (Le Monde, Le Figaro, L’Express, Les Echos, Groupe Moniteur, Aujourd’hui en France, …) et des prestataires comme Kantar Media et Explore. Le
CFC devrait présenter la plateforme au Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste), dont bon nombre de membres sont éditeurs de presse. L’agrément du CFC par le ministère de la Culture et Communication, qui arrive à échéance le 13 juillet prochain, devrait être renouvelé. @

Pourquoi Netflix pourrait être tenté par la France

En fait. Le 1er juin, lors de la conférence « All Things D » en Californie, Reed Hastings, le PDG cofondateur de Netflix – leader américain de la VOD payante
et loueur de DVD/Blu-ray –, a indiqué qu’il prépare l’annonce du lancement « au second semestre » de Netflix dans « un troisième pays » après les Etats-Unis et
le Canada.

En clair. « Netflix se développera dans le reste du monde d’ici la fin de l’année, mais
nous n’avons pas dit exactement où et quand », répond Steve Swasey, vice-président
du groupe californien, en charge de la communication, à Edition Multimédi@. Même si commencer par le Royaume-Uni relèverait d’une logique anglosaxonne, à l’instar de Hulu (1), à moins que cela ne soit l’Amérique du Sud puis l’Espagne comme le disent certains, Netflix pourrait surprendre tout son monde en lançant son dévolu sur… la France. Mais Netflix, dont l’arrivée est redoutée sur la TV connectée, se refuse à tout commentaire. Le patron cofondateur de Netflix, Reed Hastings, est encore resté muet sur ses intentions internationales lors de la conférence « All Things Digital » (WSJ/DowJones/News Corp) organisée du 31 mai au 2 juin : « Cela nous prend un à trois ans pour qu’un pays devienne profitable. Le Canada [lancé en septembre 2010] sera rentable d’ici un an, ce qui est très rapide », s’est-il contenté de dire. Déjà fort de 22,8 millions d’abonnés (7,99 dollars /mois), la société va devoir faire face dès l’an prochain aux Etats- Unis à des échéances de renouvellement de droits de diffusion, qui devraient lui coûter plus chers (2). L’expansion internationale semble vitale. La France pourrait être sa prochaine terre de conquête, car il s’agit du premier pays au monde à avoir créé une instance de lutte contre le piratage sur Internet. L’Hadopi est très observée aux Etats-Unis, comme a pu le constater Frédéric Mitterrand, le ministre de
la Culture et de la Communication, lors de son voyage outre-Atlantique en mars 2011. Ce dernier a d’ailleurs prévenu que s’il venait en France, Netflix devra respecter la chronologie des médias et le financement des œuvres. Aux Etats-Unis, le gouvernement entend alourdir les peines en cas de streaming vidéo illégal. Le Congrès américain vient d’indiquer qu’il pourrait changer la loi sur le Copyright pour sanctionner pénalement cette pratique. Netflix s’en félicite déjà car la lutte contre le piratage favorise ses ventes. Or, en France, l’Hadopi lutte déjà – avec l’Alpa (3) – contre le téléchargement illicite et s’apprête à étendre la « réponse graduée » au streaming
vidéo comme le demande justement l’APC, l’Association des producteurs de cinéma (4). En conséquence, la France apparaît comme un nouveau marché idéal pour le groupe californien et sa plateforme légale – dont les droits ont été négociés avec de grands Networks (CBS, ABC, Fox, …) ou de grands studios comme Miramax. Les DVD de ce dernier sont déjà distribués en France par… Canal+. @