Le piratage de films sur BitTorrent tend à stagner

En fait. Le 2 janvier, Ernesto Van Der Sar, pseudonyme du Danois Lennart Renkema, fondateur en 2005 du site d’information en ligne TorrentFreak spécialisé dans l’analyse des téléchargements sur les réseaux d’échanges
de type BitTorrent, nous indique une stagnation du piratage peer-to-peer.

En clair. « Si le piratage sur les réseaux peer-to-peer de type BitTorrent a augmenté
au cours des dernières décennies, cette croissance a été plus modeste, voire nulle,
au cours des années récentes », nous précise Lennart Renkema alias Ernesto Van
Der Sar. Fondateur du site d’information en ligne TorrentFreak, il mesure le nombre
de téléchargements effectués au niveau mondial sur les réseaux peer-to-peer de type BitTorrent (1) grâce à des traqueurs qui alimentent ses bases de données. « Les
autres plates-formes peer-to-peer [eDonkey, Gnutella, G2, Kaaza, ndlr] sont plus dures
à suivre », poursuit-il. TorrentFreak est aujourd’hui devenu l’une des sources les plus reprises par les médias lorsqu’il s’agit de parler des échanges pair à pair de fichiers musicaux ou cinématographiques piratés ou non. « Nous ne pouvons pas voir si un
titre est protégé par le droit d’auteur ou non. Mais les études que j’ai lues estiment que plus de 90 % des téléchargements sont ‘piratés’ », indique Lennart Renkema. Il se dit
« contre le piratage » (2). Cela n’empêche pas TorrentFreak d’avoir parmi ses éditorialistes un dénommé Rick Falkvinge, fondateur en Suède du Pirate Party regroupant les partis politiques hostiles à toute restriction d’Internet au nom de la propriété intellectuelle.

Ciné : la polémique fait l’impasse sur le numérique

En fait. Le 28 décembre dernier, la parution dans Le Monde de la tribune de Vincent Maraval intitulée « Les acteurs français sont trop payés ! », a jeté un pavé dans la mare du cinéma français. Les Assises du cinéma, le 23 janvier prochain, élargiront-elles le débat au numérique ?

En clair. Ce qui frappe dans la polémique déclenchée par la prise de position du fondateur de la société de distribution de films Wild Bunch (1), c’est l’absence de toute référence à la révolution numérique à laquelle est confrontée toute l’industrie du cinéma. Comme si les salaires bien « trop » élevés pour bon nombre d’acteurs étaient le premier problème du 7e Art français. Comme si son « économie de plus en plus subventionnée » résumait à elle seule les travers de cette filière culturelle. Comme si
le « miracle du système du financement du cinéma français (…) qui protège l’exception culturelle » et « ne profite qu’à une minorité de parvenus » se limitait à « la subvention directe dont jouit le cinéma français (chaînes publiques, avances sur recettes, aides régionales) », d’une part, et à « la subvention indirecte (l’obligation d’investissement des chaînes privées) », d’autre part.
Pas un mot non plus sur le numérique dans les nombreuses réponses à ce pavé dans
la mare, tout juste le président de l’Association des producteurs de cinéma (APC),
Marc Missonnier, a-t-il évoqué l’« intégration des acteurs du numérique ». Pourtant,
le numérique remet en questions tout l’écosystème du cinéma. Cela commence dans les salles de cinéma de l’Hexagone, qui seront d’ailleurs toutes en 2013 équipées
d’une projection numérique. Elles sont plus de 5.000 en France : record mondial. La chronologie des médias leur accorde toujours une exclusivité de diffusion pour tous
les nouveaux films durant quatre mois. La VOD, laquelle ne demande qu’à décoller, continue ainsi d’être privée comme le DVD et le Bluray du lancement des films. La Commission européenne en est consciente, qui s’apprête à présenter un recommandation « Cinéma en ligne » incitant les Etats membres à expérimenter la (quasi) simultanéité de diffusion des films en salle et en VOD (2). En outre, la pauvreté des catalogues de films français en ligne (moins de 10.000 titres malgré la promesse
du CNC (3)) encourage le piratage sur Internet : les déboires de la musique n’ont pas servi. Quant aux sources « numériques » de financement du cinéma français (taxe VOD, taxe des opérateurs télécoms/FAI, demain les fabricants de terminaux et de téléviseurs), ils sont aussi passés sous silence. Tout comme le souhait des auteurs d’être rémunérés, en plus, lors de l’exploitation en ligne de leurs films (4). @

La réforme IPRED remise aux calendes grecques ?

En fait. Le 5 décembre, la Commission européenne a dévoilé un nouveau calendrier « pour moderniser [adapter] le droit d’auteur dans l’économie du numérique » et relancé pour 2013 un dialogue sous la houlette de trois commissaires : Michel Barnier, Neelie Kroes et Androulla Vassiliou. Décisions en… 2014.

En clair. La directive Respect des droits de propriété intellectuelle, dite IPRED (Intellectual Property Rights Enforcement Directive) et datant de 2004 (1), ne sera
pas révisée avant 2014, voire 2015. Surtout que le mandat de l’actuelle Commission européenne de José Manuel Barroso se termine en… octobre 2014. Bruxelles a en
effet prévu de « décider en 2014 de l’opportunité de présenter ou non des propositions
de réforme législative ». Autrement dit : un pas en avant, deux pas en arrière ! Malgré l’explosion de la musique en ligne depuis dix ans et les bouleversements que le numérique engendre dans cette industrie culturelle, suivie aujourd’hui par le cinéma notamment, la Commission européenne a décidé de se hâter lentement. Alors qu’initialement des propositions législatives devaient être présentées au printemps 2011 (2) (*) (**), elles ont été repoussées ensuite au printemps 2012 comme le commissaire européen Michel Barnier nous l’avait indiqué (cf. son interview en juin 2011 dans EM@37 p. 1 et 2). Puis, mi-2012, on apprenait que la Commission européenne ne fera pas d’emblée des propositions législatives au Conseil et au Parlement européens mais lancera une consultation publique auprès des parties prenantes (auteurs, artistes, producteurs, éditeurs, sociétés de droits d’auteur, plateformes numériques, etc) et une étude de marché et analyse d’impact. Rapidement, le calendrier glissait à fin 2012, les lobbies étant à l’oeuvre.
Nous y sommes ! Or la réforme est renvoyées aux calendes grecques : le président
de la Commission européenne, José Manuel Barroso, vient de demander à trois de ses commissaires – Michel Barnier (Marché intérieur), Neelie Kroes (Agenda numérique) et Androulla Vassiliou (Education et culture) – de poursuivre la réflexion baptisée Licencing Europe. Certes, la Commission a transmis le 12 juillet au Parlement européen et au Conseil de l’Union son projet de directive sur la gestion collective des droits d’auteurs et des droits voisins, ainsi que sur les licences multi-territoriales pour les plates-formes de musique en ligne (3). Mais le plus dur reste à venir avec la révision de la directive IPRED, notamment des notions d’exceptions au droit d’auteur et de copie privée. C’est sur ce sujet sensible que le médiateur António Vitorino doit remettre dans les toutes prochaines semaines ses recommandations. @

La 4G pourra être substituable à la fibre optique

En fait. Le 29 novembre, SFR a été le premier opérateur mobile à lancer commercialement en France la 4G – à Lyon, après une avant-première au
DigiWorld Summit à Montpellier où le jour J est le 18 décembre. Marseille, Strasbourg, Lille et Toulouse suivront début 2013. La 4G est-elle substituable
à la fibre ?

En clair. Interrogé par Edition Multimédi@ à la fin de son intervention au DigiWorld
Summit de Montpellier le 15 novembre dernier, Jean-Ludovic Silicani, président de
l’Arcep, a répondu que « dans le très haut débit, la 4G et le FTTH ne sont pas substituables car, contrairement à la fibre optique, les réseaux mobiles ont des débits montants et descendants très dissymétriques ». Mais il nuance son propos en précisant que « dans les zones non denses, la 4G pourrait permettre d’accéder au très haut débit en attendant l’arrivée de la fibre ». Les pouvoirs publics ont en effet accordé à la fibre optique une priorité pour atteindre, selon la volonté de François Hollande, 100 % de
la population couverte en très haut débit d’ici 10 ans – quitte à envisager à terme l’extinction à de la paire de cuivre ADSL (1). Mais cela a un prix : 25 à 30 milliards d’euros pour du FTTB et/ou FTTB (2) dans toute la France, alors que la 4G s’avère
bien moins coûteuse.
De plus, les autorisations 4G prévoit une obligation de couverture que l’on ne retrouve pas dans la fibre optique, à savoir : l’obligation de couvrir une « zone prioritaire » peu dense (18 % de la population mais plus de 60 % de la surface du territoire) aussi vite que les zones urbaines rentables, avec la possibilité de mutualisation des infrastructures 4G. Bref, grâce à l’utilisation de ses fréquences 4G (2,6 Ghz attribuées à Orange, SFR, Bouygues et Free en octobre 2011 et 800 Mhz « en or » à Orange, SFR et Bouygues mais pas Free en décembre 2011), l’Etat a pu imposer des obligations de couverture.
Ce qui n’est pas le cas pour la fibre optique. Résultat : le mobile très haut débit pourrait
se retrouver rapidement avec bien plus d’abonnés que n’en a le très haut débit fixe (3) avec ses 1,49 million d’abonnés (à partir de 30 Mbits/s), dont seulement 270.000 en FTTH. D’autant que SEF à Lyon a vanté les services offerts par la 4G : « Vidéo HD, visionnage de la TV, jeux en ligne, appels vidéo, ou cloud ». Orange, qui a déjà ouvert à Marseille l’été dernier à ses salariés et entreprises clientes, prévoit un lancement grand public en février 2013. Bouygues Telecom, qui a saisi l’Arcep pour pouvoir exploiter la
4G sur ses fréquences 1.800 Mhz, a choisi Lyon cet été comme ville-pilote en vue d’un lancement commercial d’ici début 2013. Free Mobile, qui lorgne aussi sur les 1.800 Mhz, aimerait étendre à la 4G son accord d’itinérance 2G/3G avec Orange. @

L’UIT veut devenir le super-régulateur du Net

En fait. Le 9 novembre, s’est achevée la consultation publique de la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) sur la révision du Règlement des télécommunications internationales (RTI) prévue par l’UIT lors
de la conférence mondiale de Dubaï du 3 au 14 décembre.

En clair. Opérateurs télécoms et Etats veulent dompter Internet, dont l’avenir est désormais entre les mains de l’Union internationale des télécommunications (UIT). Cet organe des Nations-Unies réunit des Etats du monde entier et des opérateurs télécoms pour régler le sort du « réseau des réseaux ». Comment ? En tentant de faire entrer Internet dans le Règlement des télécommunications internationales (RTI), lequel régit depuis 1990 les interconnexions des télécoms entre pays. L’UIT aurait alors un droit
de regard sur le cyberespace, en termes de rémunération des opérateurs de réseaux, d’instauration d’un peering payant international, de lutte contre la cybercriminalité, d’adressage et de routage IP, de collecte de données techniques, voire de blocage,
de filtrage ou de restriction d’accès.
L’UIT deviendrait ainsi le super-régulateur d’Internet, au risque de mettre à mal la neutralité du Net que bon nombre d’opérateurs télécoms veulent voir disparaître au profit de « services gérés ». C’est sur ce terrain-là qu’est attendu le gouvernement français, dont la position tarde à venir : en témoigne la question (1) sans réponse à
ce jour de la députée UMP Laure de La Raudière (2) au Premier ministre Jean-Marc Ayrault. La France est- elle pour ou contre l’élargissement du RTI à l’Internet et à l’extension des compétences de l’UIT ? Jusqu’au bout, elle sera restée dans le non-dit, tandis que l’Association des services Internet communautaires (Asic) ou l’organisation citoyenne La Quadrature du Net (3) se sont déjà farouchement opposées à la mainmise de l’UIT sur le Net (lui préférant une ICANN à réformer).
Pendant ce temps, les opérateurs télécoms historiques européens font depuis plusieurs mois du lobbying auprès de l’UIT – via leur association ETNO – en vue d’inclure dans le traité le principe de « rémunération raisonnable » en leur faveur. Ainsi, la terminaison data ou le peering payant pourraient changer la face du Net et mettre un terme au peering gratuit. Ironie du sort : Dailymotion, qui est membre de l’Asic (au côté de Google, Yahoo, Facebook, Microsoft, …), est détenu à 49 % par France Télécom, lequel est membre de l’ETNO. Cette schizophrénie du couple Dailymotion-Orange
fera-t-elle long feu (lire p.3) ?
« Nous avons réussi à ne pas étouffer (…) Dailymotion », a assuré le 15 novembre Stéphane Richard, PDG de France Télécoms, au DigiWorld Summit… @