Netflix, Amazon, Yahoo, Microsoft, … : guerre des séries

En fait. Le 28 avril, Microsoft et Yahoo ont annoncé respectivement deux séries originales et des proprammes de télévision pour la Xbox. Le 23 avril, Amazon annonçait une exclusivité avec HBO pour des séries en streaming. AOL, Sony
et Disney investissent aussi, comme Netflix avec « House of Cards ».

En clair. Le marché des séries originales pour Internet a le vent en poupe. Depuis que
le leader américain des séries en streaming Netflix investit dans des films – comme
la célèbre série politique « House of Cards » ou la tragi-comédie « Orange is the New Black » – avec un budget global d’acquisition des droits proche des 3 milliards de dollars, les autres acteurs du Net eux aussi sur des oeuvres audiovisuelles. Les séries originales permettent aux grands sites de VOD et aux grands portails du Net de se différencier
sur le marché hyper concurrentiel de la vidéo en ligne, en fidélisant une audience et en captant de ce fait une part croissante des recettes publicitaires jusqu’alors dévolue aux chaînes de télévision classiques. Mais les séries exclusives coûtent cher à produire, même si les candidats à l’acquisition des droits ne divulguent aucun chiffre. Selon le Wall Street Journal, Yahoo investirait entre 0,7 et 1 million de dollar par épisode.

Pourquoi M6 et TF1 échouent avec la chaîne TF6

En fait. Le 5 mai, le groupe Métropole Télévision – plus connu sous le nom de sa chaîne phare, M6 – a tenu son assemblée générale annuelle. Fin avril, il annonçait l’arrêt le 31 décembre prochain de la chaîne payante TF6 lancée 15 ans plus tôt et détenue à parts égales avec TF1. C’est un échec révélateur.

En clair. La génération des 15-34 ans, à qui s’adressait TF6 en tant que chaîne généraliste destinée à un « public de jeunes adultes » et diffusée sur la TNT (mais aussi en exclusivité sur CanalSat et Numericable), a de nouvelles pratiques de consommation en ligne de vidéos qui ne correspondent plus à certaines offres audiovisuelles traditionnelles. Qui plus est, linéaire et payante. Lancée il y a 15 ans, juste avant l’envolée du haut débit sur Internet et par la suite de la dé-linéarisation des programmes, TF6 proposait des programmes originaux, des séries inédites, des fictions et des films.
Mais, malgré une couverture mensuelle de 8 millions de téléspectateurs, cette «mini-généraliste » n’a jamais dépassé – au mieux – les 1,1 % de part d’audience (selon Médiamétrie), retombant même à 0,9 % fin 2013. Cet échec de M6 et TF1 (1) à vouloir
en faire « la première chaîne de divertissement dans l’univers du payant » pourrait un premier signe annonciateur de bouleversements à prévoir dans le paysage audiovisuel français (PAF) à l’ère du numérique. Officiellement, TF6 doit s’arrêter car le format a été
« fortement concurrencé par les chaînes de la TNT gratuite » et le recul des recettes publicitaires n’a pas été compensé par « les redevances des distributeurs de télévision payante » (CanalSat, Numericable). Mais les raisons sont sans doute plus profondes et
la conséquence des nouveaux comportements de la génération du « tout-gratuit » et du
« tout-Internet ». M6 et TF1 auraient pu demander au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) de transférer leur chaîne commune vers la TNT gratuit, comme ils l’ont déjà fait pour respectivement Paris Première (M6) et LCI (TF1) ou comme songerait à le demander Canal+ pour Planète. Mais la concurrence sur la TNT gratuite est déjà telle que le jeu n’en valait pas la chandelle.

Neutralité du Net : un règlement européen suffisant ?

En fait. Le 7 avril, le Groupement des éditeurs de contenus et services en ligne (Geste) s’est « réjouit des orientations adoptées par le Parlement européen en faveur d’un Internet libre et ouvert », après le vote en première lecture du projet
de règlement Marché unique européen des télécoms.

En clair. Ce projet de règlement européen, adopté le 3 avril en première lecture par les eurodéputés consacre explicitement – et pour la première fois – la « neutralité d’Internet » dans un texte législatif qui la définit comme « le principe selon lequel l’ensemble du trafic Internet est traité de façon égale, sans discrimination, limitation ni interférence, indépendamment de l’expéditeur, du destinataire, du type, du contenu, de l’appareil,
du service ou de l’application ». Mais le règlement entérine dans le même temps les pratiques des opérateurs télécoms et des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) en termes de « gestion de trafic » en cas de « congestion du réseau » et dans des
« circonstances exceptionnelles » (décision de justice, sûreté du réseau, congestion
de trafic, …), ou de « services spécialisés » tels que la diffusion audiovisuelle de type IPTV (1), les services de vidéoconférence ou les applications de e-santé, voire des communications M2M (2).

Ce que disait Dominique Baudis il y a près de dix ans

En fait. Le 15 avril, ont eu lieu les obsèques de Dominique Baudis décédé le 3 avril. Ancien journaliste (débuts au Liban en 1971 pour l’ORTF) et présentateur du JT sur TF1 puis FR3, il fut – après 18 ans de politique – président du CSA. Alors aux Echos, l’auteur de ces lignes l’avait interviewé en 2005.

En clair. « C’est au législateur de préciser jusqu’où peut aller le CSA (1), notamment
dans le cas de la vidéo à la demande et des contenus sur Internet. Autant le site web d’une chaîne ou d’une radio est soumis aux mêmes obligations de contenu que sa ‘’maison mère’’, autant la capacité d’intervention du CSA n’est pas extensible à tous
les services interactifs ». Ainsi s’exprimait Dominique Baudis, alors président du CSA depuis janvier 2001, dans une interview accordée à Charles de Laubier pour La lettre des Télécommunications du groupe Les Echos parue en octobre 2005. « Entre une liberté totale sur le web (Etats-Unis) et le risque autoritaire de censure du web (Chine), je pense qu’il y a place en Europe pour une régulation mesurée des contenus ».

La fenêtre de Canal+ : un « monopole » en sursis

En fait. Le 26 mars, René Bonnell – producteur et auteur du rapport « Le financement de la production et de la distribution cinématographiques à l’heure
du numérique » – a réitéré devant le Club audiovisuel de Paris la nécessité
d’« arrêter de geler les droits » pendant la « fenêtre » de diffusion de Canal+.

En clair. « La stratégie de Canal+, de monopole à partir du 10e mois jusqu’au 22e interdisant toute exploitation à l’intérieur de sa fenêtre, s’explique par le niveau de ses obligations », a encore expliqué René Bonnell, cofondateur de Canal+ il y a 30 ans et aujourd’hui producteur (Octave Films). Mais ce « monopole » de Canal+ dans la chronologie des médias a vécu, selon lui : « Il faut arrêter de geler les droits pendant la période où une chaîne comme Canal+ a acheté les droits pour sa fenêtre de diffusion, à partir du 10e mois [après la sortie d’un film en salle de cinéma, ndlr] ». Ce gèle des droits au profit de la chaîne cryptée se fait au détriment de la vidéo à la demande (VOD) qui, après avoir ouvert sa fenêtre à 4 mois après la salle, doit obligatoirement la refermer au bout de six mois d’exploitation pour laisser place nette à Canal+.
Et le tunnel des droits exclusifs peut ainsi s’éterniser sur plusieurs années. « Et s’il y a en plus derrière Ciné+, cela peut geler les droits pendant 18 mois. La VOD butte là et ne peut pas se développer », dénonce René Bonnell. Selon GfK, le marché français de la VOD est en baisse de 3 % à 245 millions d’euros en 2013. Ceci explique peut-être cela. « Cette pratique du gel des droits peut même s’étendre jusqu’à 48 mois quand les maisons mères des chaînes historiques en clair regroupent leurs achats avec ceux de leurs filiales de la TNT », avait relevé le rapport Bonnell. Le pire est ce gèle des droits ne touche que la VOD. En effet, la vente des DVD et autres Blu-ray – eux aussi à 4 mois après la salle – peut continuer, de même que le téléchargement définitif où iTunes d’Apple s’arroge 95 % de parts de marché !