Le « fédivers », une promesse d’interopérabilité ?

En fait. Le 9 août, La Quadrature du Net (défenseuse des libertés fondamentales) estime que l’interopérabilité proposée par Meta avec Threads (concurrent de Twitter/X) – via un protocole « fédivers » pour communiquer avec d’autres réseaux décentralisés – n’est « pas une bonne nouvelle ».

En clair. « Le fédivers (de l’anglais fediverse, mot-valise de “fédération” et “univers”) est un ensemble de médias sociaux composé d’une multitude de plateformes et de logiciels, où les uns communiquent avec les autres grâce à un protocole commun », explique La Quadrature du Net (LQDN). Le terme « fédivers » – à ne pas confondre avec « métavers » – est utilisé depuis moins de dix ans pour désigner les réseaux sociaux décentralisés, mais fédérés entre eux, afin d’assurer une interopérabilité entre leurs utilisateurs. Et ce, grâce un protocole commun ouvert et décentralisé comme plus répandu : ActivityPub, reconnu par le World Wide Web Consortium (W3C). Plusieurs médias sociaux sont interopérables comme Mastodon (partage de messages), PeerTube (partage de vidéos), Pixelfed (images et photos), Funkwhale (musiques) ou encore GNU social (l’un des plus anciens microbloggages né il y a plus de dix ans sous le nom de StatusNet).
La galaxie « fédivers » s’agrandit progressivement (1), au point de voir arriver un nouvel entrant : Threads, un microblogging lancé le 6 juillet dernier par Meta (maison mère de Facebook et d’Instagram) pour concurrencer Twitter rebaptisé X. La particularité de Threads est d’être décentralisé et bientôt compatible avec ActivityPub justement, donc interopérable à terme avec Mastodon par exemple. Chaque média social devient ainsi une « instance » lorsqu’il interagit avec un autre média social. C’est là que le bât blesse lorsque Threads veut interopérer avec d’autres instances du fédivers. « L’arrivée de Facebook sur le fédivers ressemble à la stratégie de prendre les devants, d’agir tant qu’il n’existe pas encore d’encadrement, afin de cannibaliser le fédivers en profitant de la circonstance de l’effondrement de Twitter », estime LQDN, qui souligne que Threads n’est pas encore interopérable avec le reste du fédivers car « il ne s’agit à ce stade que d’une annonce ».
L’initiative « anti-Meta » a été lancée sous le nom de Fidepact (2) pour bloquer Threads sur le fédivers. Mais LQDN ne l’a pas signée, bien qu’elle partage la crainte de « cannibalisation du fédivers par Meta », car : « Il est possible, et souhaitable, d’avoir Facebook et les autres réseaux sociaux commerciaux sur le fédivers. C’est une condition sine qua non à leur affaiblissement » (3). En attendant une obligation légale d’interopérabilité applicable aux GAFAM. @

Vers une régulation « presse, médias, plateformes »

En fait. Selon nos informations, c’est le 3 octobre que seront enfin lancés les « Etats généraux de l’information » voulus par Emmanuel Macron. Les conclusions sont attendues pour « mai 2024 », a indiqué Bruno Lasserre, président du « comité de pilotage » créé le 13 juillet par l’Elysée. Il a esquissé l’ambition dans Charente Libre le 7 août.

En clair. « Aujourd’hui nous avons une régulation pour chaque type d’entreprise de l’information : la presse, les médias, les plateformes numériques. Nous avons l’ambition d’une régulation qui surplombe et relie tous ces droits particuliers. La France peut innover et inspirer la Commission européenne », a esquissé Bruno Lasserre, président du comité de pilotage des Etats généraux de l’information, dans un entretien à Charente Libre le 7 août (1). La mission, que lui a confiée Emmanuel Macron consiste à « inspirer le législateur, les politiques publiques ».
Quelle sera cette régulation « surplomb[ant]» la presse, les médias et les plateformes ? « La livraison de nos conclusions est prévue pour mai 2024 », indique le retraité du Conseil d’Etat. Alors que les discussions démarrent au Parlement européen sur le projet de règlement sur « la liberté des médias » (EMFA) en vue d’aboutir avant les élections des eurodéputés en juin 2024 (2). En France, où le feuilleton du JDD « interpelle » (dixit Bruno Lasserre), les propositions de loi sur l’indépendance des médias et de leurs rédactions n’ont pas attendu les Etats généraux de l’information : après la proposition « Forteza » déposée l’an dernier par la députée dont le mandat s’est terminé en juin 2022, il y a la proposition « Assouline » déposée par le sénateur le 12 juillet (3) et la proposition « Taillé-Polian » déposée par la députée le 19 juillet (4). Les Etats généraux de l’information arrivent, eux, un an et demi après le rapport – non suivi d’effet – de la commission d’enquête du Sénat sur la concentration dans les médias en France, où des milliardaires s’étaient succédés aux auditions (5).
Le comité de pilotage de Bruno Lasserre va aussi « entendre les acteurs » mais aussi « créer une consultation citoyenne » (jeunes inclus). Parmi les thèmes prévus : l’« éducation aux médias », l’« innovation technologique », le « métier de journaliste », le « statut de tous les nouveaux métiers », les « modèles économiques », le « factchecking », … Et Bruno Lasserre de dire : « Il faudrait pouvoir accéder à un site impartial qui hiérarchise l’information, distingue le vrai du faux, permet aux Français d’exercer leur esprit critique ». Emmanuel Macron, lui, veut y parler de France Médias Monde (RFI et France 24) comme « formidable levier de rayonnement » et « d’influence »… Rédactions indépendantes, avez-vous dit ? @

Le gouvernement se prépare à réguler NFT et tokens

En fait. Le 18 juillet, l’Inspection générale des finances (IGF) – service interministériel de Bercy – a publié son rapport sur les cryptoactifs à vocation commerciale, dont les NFT utilisés dans l’art, les collections, les jeux vidéo ou encore les métavers. Elle conseille au gouvernement d’« adapter le cadre juridique ».

En clair. « Si les pouvoirs publics souhaitent encourager le développement des jetons à vocation commerciale dans l’économie française, plusieurs problématiques doivent être traitées afin d’apporter davantage de sécurité juridique aux acteurs et de maîtriser les risques afférents », conseille l’Inspection générale des finances (IGF). Service interministériel rattaché à Bercy, l’IGF prépare les esprits à une régulation juridique et fiscale en France des jetons numériques (token, NFT, cryptoactifs). « Tout d’abord, la nature des droits associés aux jetons (qui font souvent office de bons donnant droit à un sous-jacent, comme l’accès à un service) doit être clairement établie et rendue publique lors de leur émission, dans un souci de protection des consommateurs », estiment les auteurs du rapport, lequel, avec ses annexes, ne fait pas moins de 336 pages (1).
Alors que le règlement européen sur les marchés de cryptoactifs, dit MiCA (2), est entré en vigueur le 29 juin dernier et applicable entre le 30 juin 2024 et le 30 décembre 2024, tous les jetons ne sont pas concernés. Si les « security token » (jetons équivalents à des titres financiers) doivent faire l’objet d’un prospectus, et les cryptoactif « autres » (que les jetons se référant à un ou des actifs et les jetons de monnaie électronique), comme les jetons utilitaires, d’un libre blanc, certains jetons ne sont pas concernés par le MiCA. C’est le cas des utility tokens présentant certaines caractéristiques, des NFT, ainsi que des jetons qui ne sont pas admis à la négociation sur une place de marché centralisée et dont le volume d’émission est inférieur à 1 million d’euros par an.
« La mission considère qu’un document contractuel explicitant les droits associés doit accompagner l’émission de ces jetons », préconise l’IGF. Ce document contractuel devra définir les droits et obligations incorporés comme sous-jacent dont bénéficie le porteur du jeton. Le rapport propose en outre de créer un statut spécifique pour les plateformes d’échange pair-à-pair comme OpenSea ou Rarible.
D’un point de vue fiscal cette fois, le rapport relève que les jetons à vocation commerciale ne sont pas adaptés au régime conçu pour les actifs numériques par la loi Pacte (3). « Ils devraient être soumis au régime fiscal de leur sous-jacent, c’est-à-dire, la plupart du temps, le régime des biens meubles », suggère-t-il. Rapport à lire à tête reposée. @

Commission européenne : Margrethe Vestager part

En fait. Le 20 juillet, cela a fait un mois que Margrethe Vestager, la commissaire européenne chargée de la concurrence depuis 2014 ainsi que du numérique depuis 2019, a annoncé sa candidature à la présidence de la Banque européenne d’investissement (BEI), laquelle dévoilera les candidats en août.

En clair. Pour la Commission « von der Leyen », c’est le début de la fin. Son mandat a débuté en décembre 2019, succédant à la Commission « Juncker » (1), et se terminera en novembre 2024. Margrethe Vestager, troisième vice-présidente de la Commission européenne « pour une Europe préparée à l’ère numérique » et en charge de la concurrence depuis novembre 2014, a lancé le compte à rebours.
Cela fait un mois qu’un mercato se prépare à Bruxelles, depuis que la Danoise (55 ans) a annoncé le 20 juin qu’elle se portait candidate à la présidence de la BEI. « Je suis heureuse que le gouvernement danois ait proposé mon nom comme candidate possible au poste de président de la Banque européenne d’investissement », a-t-elle déclaré. Le conseil d’administration de la BEI fera connaître en août la liste des candidats à sa présidence, et Margrethe Vestager devra officiellement quitter ses fonctions et se mettre en congé sans solde, d’après Euractiv. La dame « antitrust » de Bruxelles aura marqué pendant près de dix ans l’exécutif européen en tenant tête aux GAFAM, en infligeant notamment des amendes records. Google a ainsi écopé de trois sanctions financières de la part de la Commission européenne, entre 2017 et 2019 pour un total de plus de 8 milliards d’euros (2). Dernier grief en date envers de la filiale d’Alphabet : le 14 juin dernier, la Commission européenne l’accuse d’abuser, depuis au moins 2014, de ses positions dominantes dans la publicité en ligne (3). Margrethe Vestager a même brandi la menace du démantèlement (4). Apple est aussi dans le collimateur. Amazon et Facebook, eux, ont été épinglés pour violation du RGPD. Margrethe Vestager va passer le flambeau de la puissante direction générale de la concurrence (DG COMP) que dirige Olivier Guersent. D’après des spéculations, le Français Thierry Breton ne serait pas candidat à la succession de Margrethe Vestager mais se verrait bien à la concurrence lors du prochain mandat 2024-2029 de la Commission européenne. Ce jeu de chaises musicales s’annonce au moment où Bruxelles est au coeur d’une polémique autour de la nomination de l’Américaine Fiona Scott Morton comme économiste en chef de la DG COMP justement. Ce devait être à partir du 1er septembre (5).
Margrethe Vestager a été auditionnée au Parlement européen le 18 juillet, annonçant « avec regret » le désistement de la professeure d’économie qui officie à la Yale SOM. @

La lecture en ligne bouscule encore le prix unique

En fait. Le 29 juin, le Syndicat national de l’édition (SNE) a tenu son assemblée générale annuelle. Le chiffre d’affaires 2022 des éditeurs a reculé de 5,4 % sur un an, à 2,9 milliards d’euros, dont seulement 285,2 millions d’euros pour le livre numérique malgré une hausse de 4,4 %. Mais quid de la lecture en ligne ?

En clair. Contacté par Edition Multimédi@, le conseiller d’Etat Jean-Philippe Mochon, Médiateur du livre dont le mandat s’achèvera en octobre (renouvelable), nous indique que « le rapport sur la lecture en ligne et les jetons numériques devrait sortir à l’automne ». Il s’était autosaisi en avril 2022 sur « les nouveaux modèles économiques de la lecture en ligne de mangas, de webtoons et de bandes-dessinées » et sur « la conformité à la loi du 26 mai 2011 [sur le prix du livre numérique, ndlr] des modèles émergents de microtransactions via des systèmes de monétisation par jetons numériques ».
« Scroller » une BD, un webtoon voire un livre numérique sur smartphone prend de l’ampleur, surtout chez les « adolécrans » et jeunes adultes. Le leader mondial des webtoons est le sud-coréen Naver (1). Son modèle économique freemium a popularisé le paiement par des « coins ». Du coup, le Syndicat national de l’édition (SNE) s’interroge lui aussi sur la pratique au regard du prix unique du livre numérique et, d’après le rapport d’activité 2022 du SNE publié à l’occasion de son AG du 29 juin dernier, attend l’avis du Médiateur du livre. Dans son discours ce jour-là, le président du SNE Vincent Montagne – pourtant patron du groupe Média-Participations très présent sur ce marché des webtoons avec sa plateforme Izneo – n’a dit mot sur la lecture en ligne. Pas plus que sur le livre numérique d’ailleurs, à part un elliptique « maîtrise du numérique ». De plus, le syndicat des éditeurs vient de publier l’état de l’édition en France mais sans aucune donnée sur le marché des plateformes de lecture en ligne. « Malheureusement, le nombre insuffisant de réponses reçues ne permet pas de dresser une évaluation de ce marché », indique le rapport du SNE, en appelant les éditeurs à renseigner leurs données « webtoon » lors de la prochaine vague statistique de 2024.
Outre Izneo de Vincent Montagne et Webtoon de Naver, d’autres plateformes françaises surfent aussi sur les webtoons : Piccoma (Kakao), Verytoon (Delcourt), Webtoon Factory (Dupuis), ou encore Glénat Manga Max (Glénat Editions). Dans la lecture en ligne, sont aussi présents Nextory (ex-Youboox), YouScribe, Kindle Unlimited (Amazon), … Sur l’abonnement illimité et le prix unique, un avis du 9 février 2015, de la Médiatrice du livre Laurence Engel, avait établi que « le prix des livres numériques est fixé par les éditeurs » (2). @