Le CSA et l’Hadopi vont s’effacer devant l’Arcom

En fait. Le 25 septembre, le ministre de la Culture Franck Riester a dévoilé dans Le Figaro le volet « service public » du projet de loi de réforme de l’audiovisuel. Outre le nom de la holding de l’audiovisuel public qui sera France Médias, il a révélé le nom du futur régulateur « CSA-Hadopi » : Arcom.

En clair. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), qui ont fêté cette année respectivement leurs 30 et 10 ans, sont solubles dans l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). A l’évocation d’un autre sigle – « Arcan » – lors du déjeuner du 3 septembre de l’Association des journalistes médias (AJM) dont il était l’invité, le ministre de la Culture Franck Riester avait répondu sans enthousiasme : « C’est une idée parmi tant d’autres… ». Finalement, Arcom a été préféré à Arcan, dont la consonnance avec le mot « arcane » renvoyait trop à quelque chose de… mystérieux, secret et difficilement explicable. Bien que « audiovisuelle et numérique » restent muets dans le sigle Arcom, il répond bien à celui de l’Arcep – les deux régulateurs étant appelés à coopérer étroitement (1), à défaut de fusionner… « pour l’instant ». Notre confrère NextInpact, lui, a relevé que le CSA avait déposé ce même 25 septembre le nom de domaine Ar-com.fr (2). « Le régulateur sera à la fois régulateur des communications audiovisuelles et des communications numériques. Concernant le piratage, on supprimerait la commission de protection des droits [la CPD, actuellement le bras armé de l’Hadopi, ndlr] pour confier les missions liées à la réponse graduée à un membre du collège de cette nouvelle autorité », avait annoncé Franck Riester devant l’AJM. La future Arcom aura des moyens plus importants de conciliation étendus à tous les professionnels, de pouvoir d’enquête et d’obtention d’informations via des agents assermentés, de lutte contre les infox et les propos haineux, de protection des publics mineurs, de contrôle du financement de la création, et de responsabilisation des plateformes. « Il s’agit aussi de réaffirmer la volonté de lutter contre piratage qui est un fléau, en faisant en sorte – les parquets [judiciaires] y seront sensibilisés – que les peines soient plus nombreuses et plus sévères s’il n’y pas de changement de comportement des titulaires des accès à Internet malgré la réponse graduée », a prévenu celui qui fut le rapporteur des deux loi Hadopi il y a dix ans (3). L’Arcom dressera la liste noire des sites pirates (4) qu’elle publiera, et la loi instaurera un référé pour prévenir le piratage des diffusions live d’événements (IPTV illicite) – sportifs notamment. @

Les « box » sont de plus en plus court-circuitées

En fait. Le 10 septembre, le cabinet d’études NPA Conseil a tenu sa conférence
de rentrée au « Club 13 » de Claude Lelouch à Paris pour y présenter les grandes tendances de l’audiovisuel en France. Parmi elles, les « box » de Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free ne sont plus des passages obligés.

En clair. « Des éditeurs de chaînes thématiques cherchent l’autonomie en se rendent accessibles eux-mêmes via leur site web ou leur application mobile. Elles sont dans ce cas 179 chaînes sur le total des 300 chaînes diffusées en France, soit près de deux chaînes sur trois. Ces chaînes, autonomes par rapport aux fournisseurs d’accès, ont des thématiques premium très fortes telles que “cinéma-séries” ou “sports” », a expliqué Philippe Bailly, président fondateur de NPA Conseil. Parallèlement, les fournisseurs d’accès (FAI) que sont Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free ont, eux, entamé « une sorte de “bascule” entre les chaînes thématiques traditionnelles et les nouveaux services ». Résultat : entre début 2018 et mi-2019, il y a eu une vingtaine de chaînes thématiques en moins en moyenne sur les « box ». Cette tendance baissière va continuer. A l’inverse, il y aura sur les « box » davantage de services de SVOD qui sont au nombre de 22 à fin juin – comme TFou Max, Alchimie (ex-Cellfish), Filmo TV (Filmoline), Gulli Max, INA Premium. « Surtout, il y a Netflix qui est distribué par tous les opérateurs télécoms et “bundlé” avec deux d’entre eux (Bouygues Telecom et Free), ainsi que Amazon Prime Video déjà accessible via Videofutur et bientôt sur SFR comme annoncé par Altice Europe le 26 août », a souligné Philippe Bailly. Le quadriumvirat des « box » historiques en France n’est plus un passage obligé pour des marques à forte notoriété telles que les nouveaux services AppleTV+, Disney+, HBO Max ou même le projet français Salto. La future plateforme SVOD de France Télévisions, TF1 et M6 a annoncé le 5 septembre (1) que son lancement en 2020 se fera en OTT, « en tout cas dans un premier temps, accessible directement aux consommateurs, sans passer par les “box” » (2).
Les FAI – notamment Free qui avait fait part de ses inquiétudes à l’Autorité de la concurrence, d’après Le Monde du 24 juillet – ne voient pas d’un bon œil l’arrivée de Salto distribuant les mêmes chaînes que celles qu’ils diffusent sur leur « box » moyennant paiement… L’indépendance par rapport aux FAI est aussi recherchée par les « méta-agrégateurs » MyCanal, Molotov, Apple TV, Amazon Channels, Bis TV Online ou encore Alchimie ne passe pas par une « box » mais par des environnements Smart TV, console de jeux, ou dongles de type Roku, Amazon Fire TV Stick, Nvidia Shield, Apple TV ou Chromecast. @

Vestager : surprise et mauvaise nouvelle pour Apple

En fait. Le 10 septembre, Margrethe Vestager a été reconduite – à la surprise générale – dans ses fonctions de commissaire européenne en charge de la Concurrence, tout en voyant ses attributions élargies au Numérique. Elle sera aussi vice-présidente exécutive de la prochaine Commission européenne.

En clair. En gardant le portefeuille de la Concurrence, Margrethe Vestager déroge à la règle non écrite selon laquelle un commissaire européen ne peut pas garder deux fois les mêmes attributions d’un mandat à l’autre. Nommée à la Concurrence en 2014 au sein de la Commission « Juncker », la Danoise n’aurait donc pas dû le rester dans la prochaine Commission « von der Leyen » (1) qui se mettra en place le 1er novembre. Mais, faute d’avoir pu elle-même devenir la présidente de la Commission européenne (2), elle n’avait pas caché son souhait de garder la Concurrence tant que les principaux dossiers – notamment ceux concernant les GAFA – n’étaient pas bouclés. La montée en puissance à Bruxelles de l’ex-ministre de l’Economie du Danemark et sociale-libérale n’est pas une bonne nouvelle pour le dernier des GAFA en date qui se retrouve dans le collimateur de l’exécutif européen, à savoir Apple. « Nous nous posons des questions, après la plainte du suédois Spotify – numéro un mondial de l’écoute de musique en ligne – contre la firme américaine Apple pour abus de position dominante », a-t-elle dit à l’AFP le 10 septembre, le jour de sa reconduction à la Concurrence et du renforcement de ses pouvoirs étendus au Numérique. Spotify a déposé plainte en mars dernier contre Apple, dont les tarifs et le partage de la valeur lors d’achats ou d’abonnements dans son écosystème « App Store/iTunes » sont contestés. Surtout que la plateforme suédoise se retrouve en concurrence frontale avec Apple Music, mieux loti. Sans présager du déclenchement prochain d’une enquête formelle et de l’issue de la procédure pour abus de position dominante, la marque à la pomme pourrait se voir imposer une baisse des frais (« app tax ») qu’elle ponctionne sur les contenus et services des tierce-parties. Cette affaire ne concerne donc pas seulement Spotify (lire EM@208, p. 3).
Celle que l’on a déjà surnommée « Margrethe III », en référence à la reine du Danemark Margrethe II, pourrait abolir les privilèges que s’octroie la firme de Cupertino en Europe. Ce n’est pas la première fois que Margrethe Vestager a maille à partir avec Apple, qui, en août 2016, a été épinglé par la Commission européenne pour avoir bénéficié d’avantages fiscaux indus en Irlande, lequel pays a été sommé de récupérer la somme de 13 milliards d’euros d’arriérés. Cette affaire se retrouve actuellement devant la Cour de justice de l’UE. @

Bienvenue Monsieur Dominique Boutonnat au CNC !

En fait. Le 25 juillet, est paru au Journal Officiel le décret de nomination de Dominique Boutonnat à la présidence du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). L’accueil qui lui a été réservé a été plutôt glacial de la part du 7e Art français qui va pourtant devoir se moderniser sans tarder.

En clair. C’est la fin de « l’exception culturelle française » qui était souvent prétexte à ne rien changer dans le petit monde du cinéma français, trop souvent arc-bouté sur des règles de financement des films devenues obsolètes et de chronologie des médias trop figée. La nomination d’un professionnel – producteur et spécialiste du financement de la création cinématographique et audiovisuelle – et non d’un haut fonctionnaire de l’Etat comme ses prédécesseurs est sans doute une chance pour le CNC et le 7e Art français. Et ce, n’en déplaise aux nombreux cinéastes et techniciens du cinéma qui ont été à l’origine de pas moins de trois tribunes assassines publiées courant juillet (notamment dans Le Monde et dans Le Film Français), dont une lettre ouverte au président de la République. Emmanuel Macron avait finalement arbitré en faveur Dominique Boutonnat au lieu de reconduire une Frédérique Bredin pourtant désireuse de faire un troisième mandat (1). Le nouveau président du CNC est sans doute la bonne personne au bon moment – à une période charnière pour toute la filière. Diversifier les sources de financement des films apparaît indispensable face aux « interrogations sur la capacité d’investissement des diffuseurs [les chaînes de télévision en général et le grand pourvoyeur de fonds Canal+ en particulier, ndlr] au moment même de la montée en puissance fulgurante des plateformes numériques [Netflix, Amazon Prime Video et autres services vidéo en OTT, ndlr], qui annonce un tournant majeur pour la production et la distribution de contenus ». C’est ce que soulignait d’emblée Dominique Boutonnat dans son « rapport sur le financement privé de la production et de la distribution cinématographiques et audiovisuelles » (2), daté de décembre 2018 mais rendu public en mai dernier – juste avant le Festival de Cannes. Un pavé dans la marre. Les plateformes de SVOD bousculent le monde des films de cinéma à grand renfort de séries exclusives, deux types de contenus que le CNC devra concilier. « Cette exclusivité est absolue, c’est-à-dire qu’elle déroge aux principes habituels de la chronologie des médias qui veut qu’un film de cinéma connaisse sa première exploitation en salles », souligne Dominique Boutonnat. La transposition de la directive SMA (3) impliquant les plateformes vidéo dans le financement des oeuvres et la future loi audiovisuelle promettent d’être disruptives. @

Au-delà de l’affaire « Altice-Free », le poids des box

En fait. Le 28 août, Alain Weill, le PDG d’Altice France, a considéré comme « une forme de provocation » le fait que Free puisse proposer ses chaînes gratuites – dont BFMTV – en option payante sur la Freebox après les avoir interrompues faute d’accord. Cette affaire souligne le pouvoir des « box » en France.

En clair. Avec leurs « box » ADSL (cuivre) et FTTH (fibre) aux allures d’infrastructure essentielle, les quatre fournisseurs d’accès à Internet (FAI) – Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free – contrôlent la quasi-totalité des accès (très) haut débit. Au 31 mars (derniers chiffres en date de l’Arcep), les quatre opérateurs télécoms détiennent presque la totalité des 29.266.000 abonnements haut débit et très haut débit de l’Hexagone. Cette emprise des Livebox, SFR Box, Bbox et Freebox sur le marché français fait de ces boîtiers triple play (Internet-téléphone-Télévision) un passage obligé pour les foyers français qui doivent s’acquitter d’un abonnement de plus de 30 euros par mois. En France, Free sera le premier FAI à lancer une offre « TV ADSL » – en septembre 2002. Dix-sept ans après, à l’heure où 70 % des abonnements ADSL (90 % en FTTH) incluent la télévision, ce même FAI fondé par Xavier Niel a opposé une fin de non-recevoir à Altice qui souhaite être désormais rémunéré pour ses chaînes de télévision distribuées sur la Freebox. Le TGI de Paris a estimé le 26 juillet que « Free n’a pas le droit de diffuser sans autorisation BFMTV, RMC Découverte et RMC Story sur ses réseaux » et lui a ordonné « de cesser cette diffusion, sous astreinte de 100.000 euros par jour de retard et par chaîne à compter du 27 août ». Ce jour-là, l’opérateur de la Freebox a donc cessé de diffuser les trois chaînes gratuites d’Altice (1), mais en prévoyant de les proposer en option payante. « C’est plutôt une forme de provocation de Free », a fait savoir le PDG d’Altice France, Alain Weill (2). Saisi dès avril dernier (3), le CSA a considéré début août que Free n’avait aucune obligation de diffuser les chaînes pour lesquelles Altice est néanmoins en droit de se faire rémunérer. Le groupe de Patrick Drahi va aussi renégocier avec Orange son accord qui arrive bientôt à échéance. « Il est envisageable de couper également le signal s’il n’y a pas d’accord », a prévenu le 29 août sur France 2 Stéphane Richard, PDG de l’opérateur historique. Entre 2017 et 2018, TF1 – suivi par M6 – a eu du mal à se faire rémunérer par les FAI qui ne veulent payer que pour des « services associés ». Les royalties dues aux chaînes sont indexées sur le nombre d’abonnés : Orange en compte 13,2 millions, Free 6,4 millions, SFR 6,3 millions et Bouygues Telecom 3,4 millions. @