Le secrétariat d’Etat au Numérique s’en va de Bercy

En fait. Le 21 septembre, Clara Chappaz a été nommée « secrétaire d’Etat chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique », dont la fonction passe pour la première fois du ministère de l’Economie au ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. C’est le signe que l’innovation passe devant le business.

En clair. Depuis plus de quinze ans qu’il y a des « secrétaires d’Etat au Numérique » dans les gouvernements français successifs, les deux premiers – Eric Besson (mars 2008-janvier 2009) et Nathalie Kosciusko-Morizet (janvier 2009-novembre 2010) – l’ont été auprès du Premier ministre de l’époque. Mais il n’en a pas été de même pour les quatre « secrétaires d’Etat au Numérique » suivants – Eric Besson encore (novembre 2010- mai 2012), Fleur Pellerin (mai 2012-mars 2014), Axelle Lemaire (avril 2014-février 2017) et Christophe Sirugue (février 2017-mai 2017) – qui se sont retrouvés placés sous la houlette du ministère de l’Economie (Bercy).
Le « secrétaire d’Etat au Numérique » suivant, Mounir Mahjoubi (1), a rompu cette série « Bercy » en étant nommé à cette fonction mais replacée dans les services du Premier ministre (Matignon). Mais cela ne durera pas plus de dix-sept mois (mai 2017-octobre 2018) puisqu’à l’issue d’un remaniement, sa fonction rendra à nouveau compte à Bercy (octobre 2018-mars 2019). Les trois successeurs resteront rattachés à Bercy : Cédric O (mars 2019-juillet 2020 (2), excepté juillet 2020-mai 2022 sous la coupe du ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales), Jean-Noël Barrot (juillet 2022-janvier 2024), Marina Ferrari (février 2024-septembre 2024 (3)). A noter que durant près de deux mois (mai 2022-juillet 2022), soit entre l’élection présidentielle et les élections législatives, le poste est resté vacant.

Le rapport Draghi accable l’Europe sur son digital

En fait. Le 9 septembre, la Commission européenne a publié le rapport de Mario Draghi sur « l’avenir de la compétitivité globale de l’UE » que lui avait demandé il y a un an Ursula von der Leyen. L’ancien président de la Banque centrale européenne est très sévère sur la stratégie numérique des Vingt-sept.

En clair. « L’Europe a largement manqué la révolution numérique menée par Internet et les gains de productivité qu’elle a apportés : en fait, l’écart de productivité entre l’UE et les Etats-Unis s’explique en grande partie par le secteur des technologies », affirme d’emblée Mario Draghi dans l’avant-propos de son rapport (1) remis le 9 septembre à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen (« UVDL »), reconduite dans ses fonctions pour 2024-2029. « Nous sommes également très dépendants des importations de technologie numérique. Pour la production de puces, 75 à 90 % de la capacité mondiale de fabrication de plaquettes se trouve en Asie », ajoute l’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), poussé par certains pour être le prochain président du Conseil européen (2).
Autre constat accablant pour le marché unique numérique : « Nous prétendons favoriser l’innovation, mais nous continuons à alourdir les charges réglementaires des entreprises européennes, qui sont particulièrement coûteuses pour les PME et inutiles pour celles du secteur numérique ». Le diagnostic de Mario Draghi n’est pas nouveau. Le premier rapport sur « l’état d’avancement de la décennie numérique », publié par la Commission européenne le 27 septembre 2023, faisait déjà un constat sévère : « lacunes », « retard », « insuffisance », « écart d’investissement », … (3).

Les deepfakes audio inquiètent l’industrie musicale

En fait. Le 10 septembre, la Fédération internationale de l’industrie phonographique (IFPI) a publié son premier rapport sur « la musique dans l’UE ». Au-delà des inquiétudes sur la croissance musicale dans les Vingt-sept, une nouvelle pratique préoccupe : les deepfakes audio. Les détecteurs s’organisent.

En clair. « L’industrie musicale est préoccupée par la capacité des systèmes d’IA de générer du contenu “deepfake” qui s’approprie sans autorisation la voix, l’image et la ressemblance distinctives des artistes », alerte la Fédération internationale de l’industrie phonographique (IFPI), dans son rapport sur la musique dans l’Union européenne (UE) publié le 10 septembre. « Cela peut induire les fans en erreur, porter gravement atteinte à la réputation d’un artiste et fausser la concurrence en permettant aux clones générés de concurrencer de manière déloyale les artistes dont la musique et l’image ont été utilisées pour former le modèle d’IA » redoute-t-elle.
Six jours avant, de l’autre côté de l’Atlantique, un dénommé Michael Smith a été arrêté par le FBI et présenté devant juge de Caroline du Nord pour avoir créé des centaines de milliers de chansons avec une intelligence artificielle et utilisé des programmes automatisés (bots) pour diffuser des milliards de fois ces chansons générées par l’IA sur les plateformes de streaming (Amazon Music, Apple Music, Spotify et YouTube Music). Ce stratagème de fake streams (1) a permis à l’accusé de générer frauduleusement plus de 10 millions de dollars de royalties (2). De l’IA générative musicale au deepfake audio, il n’y a qu’un pas : les deux pratiques utilisent des masses de données audio pour générer du contenu fictif mais audible et vraisemblable.

Le sort de France-Soir entre les mains de la justice

En fait. Le 21 août, France-Soir – dont le statut de « site de presse en ligne » n’a pas été renouvelé par la commission mixte paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) – a annoncé se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat. Son éditeur, Shopper Union France, espère ne pas perdre les avantages fiscaux.

En clair. La saga judiciaire de la société Shopper Union France – éditrice du « site de presse en ligne » FranceSoir.fr et détenue par la holding France Soir Groupe, laquelle est présidée par son directeur de la publication Xavier Azalbert – va se poursuivre devant le Conseil d’Etat via un pourvoi en cassation. Objectif pour Diane Protat, l’avocate du journal : annuler les deux ordonnances datées du 16 août du Tribunal administratif de Paris – lequel TAP avait été saisi en référé (1), d’une part, et au fond (2), d’autre part – qui ont rejeté les deux recours déposés le 29 juillet par la société de France-Soir.
Le recours en référé visait à suspendre la décision du 17 juillet 2024 par laquelle la commission mixte paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) a refusé de reconnaître à FranceSoir.fr la qualité de service de presse en ligne. Et ce, « jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ». Le recours au fond, lui, visait à suspendre la précédente décision de la CPPAP datée du 26 juin (3) refusant déjà une première fois de reconnaître à FranceSoir.fr la qualité de service de presse en ligne.

Telegram est coincé entre la France et la Belgique

En fait. Le 28 août, Pavel Dourov, le patron fondateur de la messagerie-réseau social Telegram a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le territoire français. Il est accusé au pénal de « complicité » pour les contenus criminels véhiculés sur sa plateforme mondiale.

En clair. « L’arrestation du président de Telegram sur le territoire français a eu lieu dans le cadre d’une enquête judiciaire en cours. Ce n’est en rien une décision politique. Il revient aux juges de statuer », a tenu à justifier Emmanuel Macron, président de la République, sur X le 26 août (1). Le Franco-Russe Pavel Durov, président fondateur de la messagerie cryptée Telegram – également réseau social aux près de 1 milliard d’utilisateurs dans le monde – a d’ailleurs été naturalisé français par décret du 23 août 2021 (2) – avec l’aval de l’Elysée.
Pourtant, le jeune milliardaire (39 ans), né à Léningrad, vit à Dubaï (Emirats arabes unis) où il dispose du passeport de « riche investisseur étranger », et y a installé le siège de Telegram (3). Paul du Rove – après francisation en 2022 – n’aurait jamais imaginé être, trois ans plus tard, cueilli au Bourget par la police française aux frontières et déféré devant un juge d’instruction du crime organisé pour être mis en examen le 28 août. Son arrestation a pu se faire en raison d’un « mandat de recherche » qui avait déjà été émis contre lui par un service d’enquête de la police nationale chargé de lutter contre les infractions criminelles. La justice française l’accuse de ne pas supprimer sur Telegram des contenus pédocriminels et d’autres illicites (trafic de stupéfiants, blanchiment d’argent, pratique de la violence, apologie du terrorisme, …), ni de suspendre des comptes. C’est donc une procédure au pénal en France, ce qui n’est pas du ressort du Digital Services Act (DSA). Pavel Durov (4) est réputé libertarien, défendeur à tout prix de la liberté individuelle contre toute censure ou restriction. Pénalement, il est considéré comme « complice » des contenus criminels circulant sur sa messagerie cryptée.