La « liste noire » des sites pirates très attendue

En fait. Le 9 avril, la Société civile des auteurs multimédias (Scam) et la société Auteurs-réalisateurs-producteurs (l’ARP) ont chacune « salu[é] » le projet de loi pour « la régulation et la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique ». Dans l’arsenal contre le piratage en ligne, la « liste noire » est très attendue.

En clair. « Les mesures de protection contre le piratage des œuvres (…) via la publication de “listes noires” et la lutte contre les sites miroirs sont des dispositifs de bon sens », déclare la Société civile des auteurs multimédias (Scam) à propos de ce pouvoir de la future Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Celle-ci « peut rendre publique l’inscription sur une liste du nom et des agissements » de sites web qui « port[ent] atteinte, de manière grave et répétée, aux droits d’auteur ou aux droits voisins ». De son côté, la société Auteurs-réalisateurs-producteurs (l’ARP) salue en premier les « moyens renforcés afin (…) de lutter contre le piratage ».
Par ailleurs, l’ARP et deux autres organismes du cinéma français (1), le Blic et le Bloc, ont rappelé le 7 avril que, selon eux, « la mise en œuvre par le gouvernement de mesures d’ampleur de lutte contre le piratage constitue un préalable indispensable à toute réforme de la chronologie des médias » (2). Le 8 avril, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) s’est dite, elle, satisfaite de voir que « la lutte contre les sites spécialisés dans la contrefaçon sur Internet comme celle contre les sites miroirs [soient] ainsi des objectifs essentiels poursuivis par la nouvelle autorité ». C’est dire que la « liste noire » est attendue de pied ferme par le 7e Art et, bien que plus discrète sur ce projet de loi, l’industrie musicale. Ce texte, que le gouvernement a déposé le 8 avril au Sénat, sera discuté en séance publique les 18 et 19 mai. Les ayants droit pourront invoquer cette « liste noire » devant le juge pour ordonner aux opérateurs Internet (FAI) le blocage des sites pirates incriminés. Or l’Arcep prévient, dans son avis du 30 mars, qu’obliger un FAI à les bloquer sur la base des contenus piratés portés à la connaissance de ce dernier « apparaît en pratique techniquement irréaliste et sa proportionnalité soulève donc de fortes interrogations ».
Le Conseil d’Etat, lui, a proposé le 1er avril que « la procédure » d’« inscription sur une liste noire, qui présente le caractère de sanction », soit confiée à un « rapporteur indépendant » et non pas à un « membre du collège chargé de la réponse graduée ». Quant aux acteurs du e-paiement et de la publicité en ligne, ils devront eux aussi – follow the money oblige – cesser tout lien avec les sites blacklistés. @

Pour la première fois, la TV sur ADSL est dépassée

En fait. Le 9 avril, l’Arcep a publié son observatoire des marchés des télécoms en France au quatrième trimestre 2020. Selon les constatations de Edition Multimédi@, le nombre d’abonnements donnant accès à la télévision par l’ADSL (prise téléphonique) est pour la première fois dépassé par les autres accès TV (FTTH, câble, satellite, …).

En clair. C’est une première historique : la France ne compte plus, au 31 décembre 2020, que 11.048.000 abonnements triple play incluant l’accès à la télévision par l’ADSL, ou, par extension, « xDSL » comprenant le très haut débit VDSL2. Cet accès TV couplé à l’abonnement Internet sur la paire de cuivre téléphonique, et le plus souvent doté de la fonction téléphone, vient d’être dépassé – à la fin du quatrième trimestre de l’an dernier – par le nombre d’abonnements donnant accès à la télévision mais via cette fois la fibre optique (FTTH), le câble ou encore le satellite : soit 11.146.000 dans ce cas.
Bien que cela se joue à une courte tête, la tendance est irréversible puisque les abonnements « TV/ADSL » continuent leur déclin (-12,3 % en un an) tandis que les autres abonnements « TV/autres accès » affichent, eux, une croissance annuelle à deux chiffres (+ 29,3 % l’an dernier). La technologie numérique ADSL (Asymmetric Digital Subscriber Line), créée dans les années 1980 par deux Américains – Joseph Lechleider pour le « A » et John Cioffi pour la partie « DSL » (1) (*) (**) –, reste cependant encore l’accès majoritaire des Français au haut débit : 15.303.000 abonnements à fin 2020, ce qui fait un taux encore aujourd’hui de 72,2 % d’entre eux à recevoir aussi les chaînes de télévision par leur « box » connectée à leur bon vieux fil téléphonique. Plébiscité par la plupart des Français pour son haut débit de qualité et le prix du triple play à 30 euros par mois popularisé en premier par Free (2) en novembre 2003, l’ADSL a rendu – et continue de rendre – de fiers services à Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free, ainsi qu’aux éditeurs de chaînes distribuées sur les « box » en mode IPTV (3). La télévision sur ADSL a atteint son apogée en 2017 avec 14.263.285 abonnements incluant la réception de chaînes, contre seulement 5.874.122 accès couplés via les autres technologies : le FTTH alors encore émergent (fin 2020 le nombre d’abonnés à la fibre à domicile a dépassé pour la première fois la barre des 10 millions (10.361.000 abonnés), et le câble ou le satellite peu ou pas couplés.
Au global, tous types d’accès confondus, le taux des Français qui reçoivent la télé via leur « box » poursuit sa progression pour atteindre 72,5 % au 31 décembre 2020 – soit un gain de 1,2 point en un an. Ce taux n’a jamais été aussi élevé, illustrant par ailleurs l’érosion de la diffusion hertzienne de la TNT. @

Internet global : la régulation nationale adaptée ?

En fait. Le 25 mars, Mark Zuckerberg, Sundar Pichai et Jack Dorsey ont été auditionnés par une commission du Congrès des Etats-Unis sur « l’extrémisme et la désinformation » véhiculés par Facebook, Google et Twitter. La régulation de l’Internet global risque de tourner en patchwork réglementaire.

En clair. La pression monte aux Etats-Unis pour que soit réformée la section 230 du « Communications Decency Act » de 1996, lequel accorde une « immunité » judiciaire aux plateformes numériques – au premier rang desquelles Facebook, Google et Twitter – quant aux contenus mis en ligne par leurs utilisateurs. Ce « bouclier » du CDA, qui ressemble à la responsabilité limitée garantie aux hébergeurs en Europe par la directive « Ecommerce » de 2000, est plus que jamais contesté jusqu’à Washington. Car les médias sociaux ne sont plus seulement hébergeurs mais aussi des modérateurs, lorsqu’ils ne sont pas eux-mêmes éditeurs. Joe Biden a déjà fait savoir (1) qu’il allait réviser cette section 230. Ni Mark Zuckerberg, ni Sundar Pichai, ni Jack Dorsey – respectivement PDG de Facebook, Google et Twitter – ne s’opposent à une nouvelle régulation du Net.
Mais le paradoxe est que ces patrons de plateformes numériques mondiales – sans frontières – raisonnent devant la commission de l’énergie et du commerce du Congrès des Etats- Unis (2) comme s’ils n’étaient présents qu’aux Etats-Unis. Ce paradoxe sous-tend le fait que les régulateurs nationaux – américains, européens (français inclus) et d’ailleurs – cherchent à encadrer des médias sociaux dont l’emprise n’est pas nationale mais mondiale. Lorsque Mark Zuckerberg appelle, dans une déposition écrite (3) la veille de son audition, à plus de responsabilité des plateformes numériques, il s’adresse aux législateurs américains, pas à leurs homologues européens, pas plus qu’aux législateurs du reste du monde. De son côté, l’Union européenne (UE) est en train de revoir la responsabilité de ces géants du Net, d’envergure internationale donc, avec deux textes législatives – le DSA (4) et le DMA (5) – en cours d’examen au sein du Conseil de l’UE et des instance préparatoires.
Etant entendu que ce futur cadre du marché unique numérique ne s’appliquera qu’aux Vingt-sept, mais pas au-delà. Il en va de même de la directive européenne de 2018 sur les services de médias audiovisuels, dite SMA (6). Censée être transposée par les Etats membres de l’UE à septembre 2020, elle étend la régulation audiovisuelle aux plateformes de streaming (médias sociaux compris). Chaque région du monde, voire chaque pays, entend réguler les géants du Net – à l’instar de la future Arcom en France –, au risque de se retrouver avec un patchwork réglementaire inefficace face à ces acteurs globaux. @

Future Arcom : audiovisuel, Internet et anti-piratage

En fait. Le 7 avril, le projet de loi (donc du gouvernement) pour « la protection de l’accès du public aux œuvres culturelles à l’ère numérique » devrait être présenté en conseil des ministres. Il prévoit notamment de fusionner le CSA et l’Hadopi pour donner naissance à l’Arcom aux pouvoirs très élargis.

En clair. Le Sénat a d’ores et déjà bloqué dans son ordre du jour une « semaine réservée par priorité au gouvernement », dont les après-midi et soirées des 18 et 19 mai prochains pour examiner le projet de loi du gouvernement sur « la protection de l’accès du public aux œuvres culturelles à l’ère numérique ». Ce texte, issu du ministère de la Culture de Roselyne Bachelot, reprend la plupart des dispositions du titre II « Adaptation de la régulation de la communication audiovisuelle » de l’ancien projet de loi du 5 décembre 2019 « relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique ». Ce dernier fut préparé par son prédécesseur Franck Riester, mais abandonné l’an dernier en raison de l’état d’urgence sanitaire. Ce volet remis sur les rails, il s’agit comme il y a près de deux ans (1) de fusionner le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) au sein de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Et « à renforcer la lutte contre la contrefaçon sur Internet ». Le gouvernement, répond ainsi aux exigences des industries culturelles pour lutter contre le piratage en ligne d’œuvres protégées. Le 22 mars dernier, le CSA a rendu – une douzaine de jours après avoir été saisi par le gouvernement – son « avis favorable assorti d’un certain nombre d’observations » sur le projet de loi.
Au-delà des nombreux pouvoirs que la future Arcom se voit dotée – protection des œuvres jusque sur Internet, sensibilisation du public contre le piratage, promotion de l’offre légale, régulation et veille sur les mesures techniques de protection et d’identification des œuvres protégées, ou encore mission de conciliation entre les acteurs audiovisuels et/ou acteurs du numérique en cas de litige –, l’article 9 du projet de loi lui attribue un pouvoir d’enquête par ses agents assermentés. L’Arcom pourra en outre échanger des informations avec l’Autorité de la concurrence « sans que le secret des affaires puisse y faire obstacle » (article 11). L’Arcom devient aussi « le régulateur des plateformes en ligne » (dixit le CSA), avec notamment des pouvoirs de mise en demeure et de sanction (2), en cas de manquement d’un Netflix ou d’un Amazon Prime Video à ses obligations de financement de la production audiovisuelle et cinématographique. @

La publicité numérique résiste mieux que le reste

En fait. Le 16 mars, l’Institut de recherches et d’études publicitaires (Irep), Kantar et France Pub ont publié leur baromètre du marché publicitaire et de la communication (Bump) pour l’année 2020, laquelle fut victime d’une « crise sans précédent ». Seule la publicité digitale a rattrapé son retard « covid ». Et 2021 ?

En clair. « Les médias numériques, après un premier semestre négatif, ont retrouvé leur dynamisme d’avant la crise qui leur a permis de rester stables sur l’ensemble de l’année. Ils ont pu bénéficier de reports budgétaires en leur faveur par le développement de nouvelles formes d’animation événementielle. Les investissements publicitaires dans les médias numériques atteignent pour la première fois ceux des cinq médias [télé, presse, radio, ciné, pub externe, ndlr] », constatent l’Irep, Kantar Media et France Pub dans leur baromètre publicitaire (Bump) présenté le 16 mars.
Internet pèse pour 6,8 milliards d’euros de recettes publicitaires nettes totales en France sur l’année 2020, en légère progression de 0,5 % sur un an (1). Ce montant inclut les chiffres Internet déjà publiés en février (2), auxquels sont ajoutés ceux des « médias propriétaires numériques » (MPN), à savoir les médias digitaux (sites web, applis mobiles, contenus/brand content, réseaux sociaux/community manager, exploitation de la data/ datamining/retargeting, etc.), dont les budgets sont supportés par les directions de la communication des annonceurs. Ce seul segment des contenus de marque progresse même légèrement (0,6 %, à 3,9 milliards d’euros en 2020). Globalement, les recettes publicitaires générées par Internet et les médias numériques sont ainsi les seules du secteur qui résistent aux conséquences économiques de la crise sanitaire, alors que le marché français total publicitaire atteint 13,37 milliards d’euros, en net recul de 11,4 %. Concernant les prévisions pour cette année 2021, le Bump prévoit que « les cinq médias connaîtront un redémarrage progressif avec un rattrapage de tendance en fin d’année, qui portera la croissance annuelle à près de 9% (-12,5 % par rapport à 2019) », à 7,4 milliards d’euros. Quant aux médias numériques, tenant compte des recettes digitales des médias TV, radio et presse (dédupliquées du total marché), ils ont rattrapé leur niveau de tendance d’avant crise dès la fin d’année 2020 : « Leur progression annuelle 2021 sera de 14,7 %, (+ 15,2 % sur un an) », à 7,8 milliards d’euros. L’ensemble « cinq médias »-« médias numériques » progressera de 11,3 % en 2021, à 15,3 milliards d’euros, et se retrouvera au niveau atteint en 2019. Le Bump table sur une reprise plus marquée au second semestre si les mesures sanitaires pesant sur certains secteurs sont levées. @