Livres numériques piratés : LeakID et Rivendell surveillent le Net

En fait. Le 24 juin, à l’occasion de son assemblée générale, le Syndicat national de l’édition (SNE) a publié son rapport d’activité 2020 assortis de chiffres du marché français. L’édition numérique peine à décoller : 263,6 millions d’euros de chiffre d’affaires (+13,5 %). Les éditeurs se protège contre piratage avec LeakID.

En clair. La frilosité des maisons d’édition perdure vis-à-vis de l’édition numérique qui, avec 263,6 millions d’euros de chiffre d’affaires, ne dépasse toujours pas les 10 % du marché global du secteur en France, alors que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou le Japon sont à des taux d’ »ebookisation » deux à trois fois plus élevés. Cet attentisme français qui se le dispute à la crainte est entretenu par les chiffres présentés comme alarmistes sur le piratage de livres en ligne. Selon le Syndicat national de l’édition (SNE), présidé par Vincent Montagne (photo), et la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (Sofia), qui recensent plus de 17.000 œuvres éditoriales protégées par le droit d’auteur, « plus de 430.000 liens de téléchargement ont été notifiés, dont 85 % ont été fermés » et « plus de 2,2 millions de liens pirates déréférencés auprès de Google couvrant plus de 8.000 sites de phishing et 700 sites (web) pirates ».

Piratage : l’amende de 350 € vraiment écartée ?

En fait. Le 13 juillet, à l’Assemblée nationale, se tiendra la deuxième séance publique sur le projet de loi « Régulation et protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique ». Une commission mixte paritaire présentera son rapport. Le Sénat renoncera-t-il définitivement à l’amende de 350 euros pour piratage ?

En clair. Le 23 juin dernier, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi sur « la régulation et la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique » (1). Ce texte, qui a remplacé en bien plus modeste la grande réforme de l’audiovisuel voulue initialement par Emmanuel Macron pour son quinquennat, fait de la lutte contre le piratage en ligne une priorité. Cependant, les industries culturelles restent sur leur faim car l’une des dispositions adoptées sous leur impulsion par le Sénat – l’amende transactionnelle de 350 euros pour un(e) internaute reconnu(e) coupable de piratage sur Internet (1.050 euros pour une personne morale) – a été retirée par les députés en commission.
Cette « transaction pénale » aurait été proposée à l’auteur de l’infraction et de la « négligence caractérisée » (défaut de sécurisation de son accès Internet dont il est responsable) par la future Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom, alias Hadopi-CSA). Ne croyant plus à l’efficacité de la réponse graduée, les organisations professionnelles des industries culturelles, de l’audiovisuel et de la création (Sacem, SACD, Alpa, Scam, SEVN, Snac, UPC, …) en avaient rêvée (2). La droite sénatoriale, emmenée par le rapporteur du projet de loi Jean-Raymond Hugonet (LR), l’a fait en faisant adopter début mai un amendement (3) introduisant cette « amende transaction-nelle » qui donne la main à l’Arcom au lieu d’en passer par une décision judicaire. Selon ses motifs, « plus de 85 % des saisines du procureur ne donnent lieu à aucune poursuite ». La députée Aurore Bergé (LREM) avait soutenu avec les ayants droits cette disposition en 2020 lorsqu’elle était rapporteure du projet de loi (abandonné) sur la réforme de l’audiovisuel.
Mais le 9 juin, des députés – côté LREM (4) et côté LFI (5) – ont retiré cette transaction pénale de l’arsenal « anti-piratage », donnant satisfaction à la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, qui préfère la réponse graduée à cette amende pénale. Dans la foulée, cette suppression de l’amende transactionnelle coupait l’herbe sous le pieds de députés LR qui, eux, voulaient augmenter la sanction pécuniaire de 350 à 500 euros pour une personne physique, et de 1.050 à 2.500 euros pour une personne morale (6). Mais sortie par la porte, cette disposition peut-elle revenir par la fenêtre d’ici le 13 juillet ? @

Copyright : les limitations à l’article 17 déplaisent

En fait. Le 14 juin, dix-huit organisations des industries créatives – dont l’IFPI (musique), Eurocinema (cinéma), l’ACT (télévisions privées), la Fep (livre) ou encore l’EPC (presse) – ont écrit aux Etats membres pour leur demander de ne pas tenir compte des lignes directrices que la Commission européenne a publiées le 4 juin.

En clair. « Nous demandons aux Etats membres de continuer à se laisser guider par le texte de la directive [sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, ou directive Copyright, ndlr] tel qu’adopté (…) et d’assurer une mise en œuvre fidèle qui garantirait l’équilibre nécessaire entre tous les droits fondamentaux et les intérêts légitimes en jeu [droits d’auteur et droits voisins, d’une part, et liberté d’expression et de création, d’autre part, ndlr]. Il est impératif que le droit fondamental des ayants droit à la propriété reste protégé et qu’ils puissent obtenir un juste retour pour leurs efforts, afin de continuer à contribuer à la riche diversité culturelle qui définit l’Union européenne », ont déclaré une vingtaine d’organisations de la culture et des médias dans une lettre datée du 14 juin, adressée aux Etats membres (1). Cette missive est une réaction hostile aux lignes directrices (2) publiées dix jours plus tôt par la Commission européenne pour donner des orientations non-contraignantes sur la manière d’interpréter le fameux article 17 toujours controversé de la directive Copyright. Celui-ci renforce la responsabilité des fournisseurs de contenus en ligne dans la lutte contre le piratage, mais sans les pousser à faire du filtrage et du blocage généralisés au détriment de l’« utilisation légitime » (legitimate use) de contenus relevant des « exceptions et limitations » aux droits d’auteur. Par exemple, prévient la Commission européenne, « les utilisateurs légitimes [legitimate users] doivent être respectés, (…) notamment si les “nouveaux” fournisseurs de services utilisent des outils automatisés de reconnaissance de contenu ». C’est cette utilisation légitime, ressemblant au « faire use » américain, qui effraie les industries culturelles et créatives.
Pour la Commission européenne, qui vise à une harmonisation de la directive Copyright (censée être transposée par les Vingt-sept depuis le 7 juin 2021), il s’agit de ne pas sacrifier la liberté d’expression, de création et d’information (dont font partie la citation, la critique, la revue, la caricature, la parodie ou le pastiche) sur l’autel du droit de propriété intellectuelle (3). Bloquer des contenus, oui, mais seulement en cas de contrefaçon certaine, tout en permettant à chaque utilisateur – dans le cadre d’un «mécanisme de recours » – de contester le blocage d’un contenu qu’il estimerait, lui, légitime. @

La France s’apprête à mettre le Wifi 6E sur 6 Ghz

En fait. Le 20 juin se tient la journée mondiale du Wifi – World Wifi Day – organisé par la Wireless Broadband Alliance (WBA), dont font partie AT&T, Cisco, Google, BT, Comcast, Orange et bien d’autres. La France s’apprête à approuver la norme Wifi 6E et son utilisation dans la bande 6 Ghz. Complément de la 5G.

En clair. Un lobbying intense s’exerce actuellement sur les pouvoirs publics et les régulateurs des télécoms dans le monde pour que la bande de fréquences des 6 Ghz (entre 5.945 et 6.425 Mhz en Europe) soit allouée aux réseaux sans fil et ne nécessitant pas d’attribution de licence. Déjà présent dans les bandes 2,4 Ghz et 5 Ghz, le Wifi – dont l’utilisation fut cruciale en ces temps de pandémie et confinements (télétravail, enseignement à distance, téléconsultation, …) – veut offrir encore plus de débit aux particuliers et aux hotspots. Pour les opérateurs télécoms, cela leur fera faire des économies sur le déploiement de la 5G. Et pour les utilisateurs, des économies sur leur consommation de données Internet. Encore faudrait-il que la nouvelle norme Wifi 6E, version étendue de la sixième génération de Wifi actuelle, utilise la bande des 6 Ghz. Au niveau européen, l’harmonisation de la bande des 6 Ghz pour le Wifi a été actée en novembre 2020 par décision (1) – assorti de son rapport (2) – de la CEPT (3). Il ne reste plus qu’à la Commission européenne d’entériner cette avancée par une « décision d’exécution ». Deux utilisations sont acceptées dans les 6 Ghz : les Low Power Indoor (LPI) que sont les points d’accès Wifi et les box des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ; les Very Low Power (VLP) que sont les objets connectés comme les smartphones, les montres et lunettes. En France, un arrêté du Premier ministre daté du 4 mai 2021 et publié au J.O. a adopté le nouveau tableau national de répartition des bandes de fréquences (TNRBF) proposé par l’Agence nationale des fréquences (ANFr). Il donne la main à l’Arcep sur la bande 6 Ghz pour des services mobiles et octroie 480 Mhz de spectre supplémentaire pour les réseaux Wifi (Was/RLan) dans cette bande 5945-6425 Mhz.
La balle est donc dans le camp de l’Arcep, pour que soit ouvert ces nouvelles fréquences au Wifi 6E. C’est du moins ce qu’attendent les membres de la Wireless Broadband Alliance (WBA), dont est membre Orange – Cédric Gonin, dirigeant chez Orange Internationnal Carriers, étant lui-même trésorier de la WBA. De son côté, la «Wi-Fi Alliance » milite aussi pour Wifi 6E sur 6 Ghz. Elle a publié une étude de 497 pages (4) sur la valeur économique mondiale du Wifi de 2021 (3.300 milliards de dollars, dont 62,5 milliards en France) à 2025 (5.000 milliards de dollars, dont 104 milliards en France). @

L’Arcep et la FFTélécoms : d’accord sur les GAFA

En fait. Le 26 mai, la présidente de l’Arcep, Laure de La Raudière, a annoncé sur BFM Business qu’elle allait suggérer à Thierry Breton de prendre des mesures au niveau européen pour faire payer plus les GAFA pour la bande passante qu’ils utilisent. La mesure divise mais elle est poussée par la FFTélécoms.

En clair. « C’est un vieux débat, selon lequel les GAFA doivent payer plus pour le financement des réseaux s’ils occupent la bande passante. C’est un débat qui doit se passer au niveau européen. C’est un débat que j’avais initié il y a une dizaine d’années, alors que j’étais députée, en me disant qu’il ne serait pas finalement illogique de mettre au niveau européen une “terminaison d’appel data”, c’est-à-dire des échanges de financements à l’interconnexion du réseau Internet », a déclaré Laure de La Raudière (LDLR) le 26 mai sur BFM Business. La présidente de l’Arcep est sur la même longueur d’onde que la Fédération française des télécoms (FFTélécoms), laquelle ne cesse de faire des appels du pied au régulateur pour obliger les géants du numérique à payer pour les réseaux qu’ils utilisent mais qu’ils ne financeraient pas – alors qu’en réalité ils ont des accords, lorsqu’ils n’investissent pas eux-mêmes dans leur propre infrastructure. « Tout une partie de la valeur est captée par les GAFA (…). Or, ils n’investissent pas un euro dans les infrastructures. (…) C’est une situation qui ne peut plus durer. (…) Les GAFA pourraient donc contribuer proportionnellement à leur utilisation du réseau », avait par exemple glissé Arthur Dreyfuss, alors président de la FFTélécoms, dans un entretien à Capital il y a près de deux ans (1). Il se trouve que le secrétaire général d’Altice France/SFR a repris (2) les fonctions de président de la fédération (dont n’est pas membre Free) depuis le 1er juin 2021, pour un mandat d’un an. Si LDLR et Arthur Dreyfuss semblent s’être donnés le mot, l’approche du régulateur est plus européenne. « Je pense que ce n’est pas envisageable au niveau français, a précisé la présidente de l’Arcep, parce qu’il y aurait des effets d’éviction [de contournement, ndlr] extrêmement simple (3). Au niveau européen, je l’ai souhaité (que les GAFAM contribuent pour la bande passante) ; je l’ai porté (ce débat) en son temps et je continuerai à le porter ».
Et d’ajouter : « Pour l’instant, il n’y a pas unanimité sur ce point de vue que j’exposerai à Thierry Breton [commissaire européen au Marché intérieur, ndlr] » (4). Il y a dix ans, alors députée, LDLR – et sa collègue Corinne Ehrel – avait mené « une réflexion sur une “terminaison data” pour financer la congestion des réseaux » dans le cadre d’un rapport sur la neutralité de l’Internet (5). Orange, SFR ou encore Colt militent pour (6). @