Le Blockchain Gaming devient rival du Cloud Gaming

En fait. Le 10 janvier, l’une des majors du jeux vidéo, Take-Two Interactive, a annoncé un accord en vue de racheter l’éditeur de jeux sociaux mobile Zynga pour 12,7 milliards de dollars. Le 21 décembre, ce dernier s’est allié avec Forte pour développer le Blockchain Gaming. Comme du Cloud Gaming, mais décentralisé.

En clair. Si l’on conçoit que le Blockchain Gaming fonctionne sur un réseau de chaîne de blocs (blockchain) décentralisé sur les ordinateurs de ses utilisateurs (gamers), cette nouvelle architecture pourrait à terme faire de l’ombre au Cloud Gaming, qui, lui, tourne sur des centres informatiques (data centers).
C’est un peu le Web 3.0 qui vient marcher sur les plates-bandes du Web 2.0. Quelques jours avant l’annonce de l’accord trouvé avec Take-Two Interactive – éditeur du célèbre GTA (1) – pour être racheté 12,7 milliards de dollars, le « bouledogue » des jeux mobiles et sociaux Zynga (2) avait annoncé une alliance dans le Blockchain Gaming avec un spécialiste des chaînes de blocs pour jeux vidéo, Forte. Objectif : saisir les opportunités de croissance de la blockchain et des jetons non-fongibles (NFT) sur le marché du jeu vidéo (3). La start-up américaine Forte – alias Forte Labs (4) – venait justement de lever en novembre dernier 725 millions de dollars, notamment auprès de Andreessen Horowitz (a16z), Warner Music et Solana Ventures. Grâce à sa plateforme blockchain, Forte – composé d’anciens de Riot Games, d’Electronic Arts, de Sony ou encore de Rockstar Games – croit à l’« économie communautaire » du Blockchain Gaming. Bien que le « jeu blockchain » ou « jeu Web3 » en soit à ses débuts, il pourrait se développer à vitesse grand-V. CryptoKitties est considéré comme le premier jeu blockchain à avoir été lancé, en 2017 par Axiom Zen, utilisant des NFT et la cryptomonnaie Ethereum. Le jeu The Sandbox, racheté par Animoca Brands en 2018, a, lui, été redéveloppé à son tour pour la blockchain. Cette même année est sorti Axie Infinity, un jeu play-to-earn basé sur Ethereum et développé par le studio vietnamien Sky Mavis. Depuis de grands éditeurs de jeux vidéo tels que Ubisoft (5), Electronic Arts, Epic Games (Fortnite) ou Square Enix s’intéressent au Blockchain Gaming, tout comme la start-up Ultra.
Take-Two Interactive fait d’une pierre deux coups en rachetant Zynga et ses jalons posés dans le Web 3.0 avec Forte. En revanche, à l’automne dernier, Valve a dit qu’il refusait d’héberger sur sa plateforme Steam les jeux blockchain, cryptomonnaies et NFT compris. Les grands acteurs du Cloud Gaming, comme Stadia (Google), PS Now (Sony), Geforce Now (Nvidia) ou encore Luna (Amazon) pourraient perdre des parts de marché dans la futur bataille entre Blockchain Gaming et Cloud Gaming. @

10 ans du Digital News Report : le shopping en plus

En fait. Le 10 janvier, le Reuters Institute (for the Study of Journalism), de l’Université d’Oxford, a publié son rapport annuel « Digital News Report » – qui a 10 ans – sur les tendances et prévisions du journalisme, des médias et de la technologie pour 2022. L’information et le e-commerce vont se mélanger.

En clair. « Attendez-vous à trouver des actualités mélangées avec plus de shopping en ligne cette année, alors que Instagram, TikTok, et Snap s’appuient sur le commerce électronique », prévient le Digital News Report annuel, qui est publié depuis maintenant dix ans (2012-2022), avec toujours comme auteur principal Nic Newman. Il est chercheur associé au Reuters Institute for the Study of Journalism (RISJ), partie intégrante de l’Université d’Oxford (1). Ce centre de recherche journalistique se présente aussi comme un think tank, financé par la fondation de l’agence de presse mondiale Reuters (2), concurrente de l’Agence France-Presse (AFP), ainsi que par des médias tels que la BBC, Facebook, Google ou encore le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung. Le rapport 2022 du RISJ souligne pour la première fois que « le Social Shopping décolle » et les médias s’engouffrent dans la brèche.
« Qu’il s’agisse de vêtements de sport ou de maquillage, les consommateurs naviguent, découvrent et achètent de plus en plus de produits sur les plateformes de médias sociaux (…). Certains éditeurs cherchent à encaisser [eux aussi], constate le Digital News Report. La grande question est de savoir si cela fonctionnera pour les éditeurs d’actualités. (…) Le commerce électronique est plus adapté aux marques de style de vie [lifestyle], et les informations de dernière minute [breaking news] sont largement banalisées [commoditised]». Vendre sur les réseaux sociaux du contenu journalistique, comme l’on y vend des vêtements ou de l’électroménager, attire de plus en plus d’éditeurs. Articles, podcasts, courtes vidéos ou newsletters électroniques : les « lecteurs » sont invités à acheter pour s’informer tout en faisant leur shopping.
Les recettes issues du « e-commerce » sont d’ailleurs citées par 30 % des éditeurs comme une source de revenu importante pour 2022. Mais le rapport RISJ ne précise pas s’il s’agit d’activités diversifiées de « shopping » (comme au New York Times), d’annonces immobilières ou classées, voire de billetterie en ligne (à l’instar du Figaro), ou bien de vente de contenus éditoriaux en mode « Social Shopping ». Sans doute le « mélange de modèles » dont parle Nic Newman (3). Reste que l’abonnement demeure la principale source de leurs revenus (pour 79 % des éditeurs), suivie de l’affichage publicitaire (73 %), du native advertising (4) et des événements (40 %). @

Le numérique encerclé par l’écologie et… l’Arcep

En fait. Le 14 décembre, l’Arcep a twitté. « Pour un #numériquesoutenable : un nouveau pouvoir de collecte pour l’@Arcep [bras montrant ses biceps] ! Il permettra la collecte de données sur l’empreinte environnementale de l’ensemble de l’écosystème numérique », a lancé le régulateur des télécoms présidé par Laure de La Raudière.

En clair. La proposition de loi visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l’Arcep a été adoptée le 13 décembre à l’unanimité et… avec applaudissements sur les bancs du groupe de la majorité présidentielle (1). Le gendarme des télécoms – et désormais régulateur environnemental du numérique – n’a pas manqué le lendemain sur Twitter de montrer ses muscles : « Pour un #numériquesoutenable : un nouveau pouvoir de collecte pour l’@Arcep [bras gonflant ses biceps] ! Il permettra la collecte de données sur l’empreinte environnementale de l’ensemble de l’écosystème numérique » (2). Ainsi, toute la filière digitale de France devra montrer pattes blanches au regard du digital vert : l’Arcep aura désormais – à partir du 1er janvier 2022 – un pouvoir d’enquête écologique par la collecte de données environnementales.
Sans pouvoir leur opposer le secret des affaires ni la confidentialité, les entreprises concernées seront tenues de fournir aux agents assermentés de l’Arcep les informations et documents demandés en rapport avec « l’empreinte environnementale du secteur des communications électroniques ou des secteurs étroitement liés à celui-ci ». Non seulement les opérateurs télécoms et fournisseurs d’accès à Internet – au premier rang desquels Orange, Bouygues Telecom, Free et SFR – seront obligés de jouer le jeu, mais aussi tous les autres « fournisseurs de services de communication au public en ligne », ainsi que les « opérateurs de centre de données » (cloud), « fabricants d’équipements terminaux », « équipementiers de réseaux » et « fournisseurs de systèmes d’exploitation ».
Objectif : s’assurer que tout ce monde-là respect les principes et obligations qui leur sont imposées par le code des postes et des communications électroniques (3). Le gendarme des télécoms se servira aussi de ses données pour élaborer le « baromètre environnemental du numérique » que prévoit une autre loi : la « Reen », à savoir la loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, laquelle a été promulguée le 16 novembre dernier (4). En cas manquement, les sanctions pécuniaires pourront pleuvoir : jusqu’à 3% du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise en cause, voire 5% en cas de récidive. Pour éviter de se faire épingler, les opérateurs télécoms ont présenté le 15 décembre leur « charte pour un numérique durable » (5). Et ce n’est pas du greenwashing. @

Les recommandations algorithmiques en question

En fait. Le 15 décembre, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) s’est réuni en séance plénière et en visio. Parmi les points à l’ordre du jour : la présentation du rapport « Frachy & Benabou » sur les algorithmes de recommandation des œuvres audiovisuelles et musicales.

En clair. Un an après avoir été missionnées par le CSPLA sur « les dispositifs de recommandation des œuvres auprès des utilisateurs des plateformes en ligne », les professeures Valérie- Laure Benabou et Joëlle Farchy ont présenté leur rapport de 80 pages (1). Elles étaient assistées par Steven Tallec, rapporteur de la mission et par ailleurs chercheur associé au sein de la chaire « PcEn » (Pluralisme culturel & Ethique du numérique) que dirige sa fondatrice Joëlle Farchy à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (2). Cette chaire créée en 2020 est notamment financée par Netflix et Amazon Prime Video. Popularisée par l’iTunes Store à partir de 2003 et surtout par Netflix depuis le lancement de sa plateforme de SVOD en 2007, la recommandation algorithmique est devenue la boîte noire des services de streaming. Les deux auteures tentent de tordre le cou à l’idée répandue d’un enfermement de l’utilisateur induit par les algorithmes de recommandation au détriment de sa « découvrabilité » et donc de la diversité culturelle : « Des travaux menés sur les moteurs de recherche ou les réseaux sociaux font état de biais avérés, sans pour autant accréditer la thèse d’un enfermement généralisé dans une bulle de filtre ». Pourtant, lorsque TikTok ne propose que des vidéos tristes et dépressives à un utilisateur concernés, cela pose problème. Lorsque YouTube, dont l’algorithme de recommandation « Watch Next » décrié, propose à l’internaute la lecture automatique de vidéos « sensationnelles, clivantes ou complotistes » après celle du même genre qu’il vient de visionner, cela soulève la question de l’enfermement et de l’amplification. Mais des chercheurs du CNRS, cités par les deux auteures, relativisent : « Si la recommandation implicite proposée n’a clairement pas un rôle neutre, il reste difficile d’apporter une réponse univoque et définitive à la question de l’enfermement sur YouTube » (3). Quant à la rémunération des auteurs et artistes, elle peut être directement impactée par des algorithmes de recommandation – surtout dans la musique où le « market centric » domine au détriment du « user centric » (4), et où les « Fake Streams » (achats de streams) se le disputent aux « Fake Artists » (faux artistes) ! La dernière version du projet de règlement européen Digital Services Act (DSA), discutée le 25 novembre dernier (5), va dans le sens de plus de transparence de la recommandation. @

Plateforme vidéo : discret, Sony fourbit ses armes

En fait. Le 2 décembre dernier, l’analyste Simon Murray chez Digital TV Research a répondu à Edition Multimédi@ sur la raison de l’absence du groupe japonais Sony dans la course mondiale aux plateformes de SVOD, alors que les autres détenteurs de studios de cinéma ont lancé la leur (Disney+, Paramount+, Peacock, …).

En clair. « Ils [ni Sony Pictures Entertainment, ni Sony Pictures Television, ni Sony Interactive Entertainment, ndlr] n’ont rien déclaré publiquement, mais je pense qu’ils ont pris la décision qu’ils pourraient faire plus d’argent en restant agnostiques en termes de plateformes, plutôt que de lancer leur propre plateforme à partir de zéro (from scratch) », nous répond Simon Murray (photo), l’analyste et fondateur de Digital TV Research. Sony, maison mère d’une des grandes majors mondiales du cinéma avec Sony Pictures (studios Columbia Pictures), est le seul géant d’Hollywood à ne pas avoir sa propre plateforme de SVOD pour répliquer à Netflix, Amazon Prime Video ou encore à Apple TV+.