Souveraineté numérique : l’Europe en quête de fonds

En fait. Les 21 et 22 juin, s’est tenue l’Assemblée numérique (Digital Assembly) qui est organisée chaque année – depuis juin 2011 – par la Commission européenne et la présidence de l’Union européenne. Cette année, sous présidence française (1er semestre 2022), ce rendez-vous s’est déroulé à Toulouse et en ligne. Et après ?

En clair. C’est la première fois que Bruno le Maire intervenait publiquement (en vidéo préenregistrée cependant) en tant que ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique (sa nouvelle dénomination depuis le 20 mai). C’est aussi la dernière fois que le locataire de Bercy depuis plus de cinq ans prononçait un discours sous la présidence française de l’Union européenne qui s’achève le 30 juin pour passer le relais semestriel à la Tchéquie. « Chers représentant de l’écosystème numérique européen… », a-t-il commencé en guise d’ouverture de l’Assemblée numérique (Digital Assembly) qui s’est tenue les 21 et 22 juin.
Ce rendez-vous annuel, organisé depuis plus de dix ans maintenant (1) (la première édition a eu lieu en juin 2011) par la Commission européenne et la présidence de l’Union européenne (UE), fut, selon lui, « l’occasion de poser la question de l’avenir numérique de notre Continent » car « la souveraineté numérique de l’Europe est stratégique (…) et doit reposer sur quatre grands principes : l’innovation, la régulation, la protection et la résilience ». Face aux GAFAM américains que les Vingt-sept ont tendance depuis des années à accuser de les avoir « colonisés » (2) et les BATX chinois en embuscades malgré les contraintes imposées par Pékin, l’Europe entend notamment « faire grandir [ses] champions » : « Il ne peut pas y avoir de souveraineté numérique sans entreprises de technologie européennes, puissantes de rang mondial », prévient le locataire de Bercy. Cela suppose, a-t-il rappelé, de « financer la croissance de [ces] entreprises », notamment par le biais du plan « Scale-up Europe » lancé en mars 2021 par Emmanuel Macron en lien avec la Commission européenne et les autres Etats membres. Objectif : « Créer plus de dix géants technologiques valorisés à plus de 100 milliards d’euros au sein de l’Union européenne avant 2030 » (3). L’Europe manquant de fonds de taille suffisante pour financer des start-up en phase de croissance et les investisseurs institutionnels étant plus frileux vis-à-vis d’elles, l’idée est, a expliqué Bruno le Maire, de « faire émerger dix à vingt fonds de plus de 1 milliard d’euros [chacun, ndlr] capables de rivaliser avec nos concurrents américains ou asiatiques ». Et d’annoncer devant l’écosystème numérique européen de la Digital Assembly : « Le financement, c’est la clé. Ce projet a déjà reçu le soutien de 22 Etats membres ». @

Nafstars veut devenir le « Sorare » de la musique

En fait. Le 17 juin, a été lancée la plateforme Nafstars, permettant de gagner des cartes ou des jetons en jouant selon le principe du « play-to-earn ». A l’instar de la plateforme Sorare dédiée aux fans de foot et de ses joueurs, Nafstars propose aux fans de musiciens de « gérer leur propre label avec de véritables artistes sous forme de NFT ».

En clair. Malgré l’effondrement du marché mondial des NFT ces derniers mois (1), les industries culturelles restent attirées par l’écosystème de ces jetons non-fongibles gérés et authentifiés par la blockchain. La musique n’y échappe pas. Après Audius, Bolero Music, Limewire, Pianity ou encore Tamago qui sont les pionniers de la « NFTéisation » de l’industrie musicale (2), voici un nouvel entrant : Nafstars, société niçoise cofondée par Romain Delnaud, ancien directeur de label chez Universal Music où il fut auparavant directeur des opérations internationales, Cyril Braun, producteur d’artistes à succès (Aldam Production), et Jean-David Pautet qui préside l’entreprise dont il est l’un des coactionnaires.
Ce dernier est par ailleurs coactionnaire de Sorare, plateforme française lancée en 2019 et cofinancée par Softbank pour collectionner des cartes et des jetons NFT autour de footballeurs préférés des fans. Nafstars s’en inspire pour se développer dans le domaine de la musique avec ses tokens « $Nstars » et ses cartes NFT. Attendue depuis le début de l’année, la plateforme basée sur la blockchain Polygon a été lancée officiellement le 17 juin lors d’une rencontre organisée sur la croisette à Cannes, une semaine après le Midem – Marché international du disque et de l’édition musicale – qui s’y tenait. Il s’agit d’un jeu dit « play-to-earn » (P2E), catégorie qui monte en puissance dans le Dixième art (3), « qui permet aux joueurs de gérer leur propre label avec de véritables artistes sous la forme de NFT ». Le joueur peut notamment collectionner des cartes NFT sous licence exclusive afin de constituer son propre label. Plusieurs artistes ont signé avec Nafstars (d’Eva Queen à Jacky Brown en passant par Bolemvn, Blaya et Calema), qui compte parmi ses partenaires NRJ (groupe de Jean-Paul Baudecroux), Fun Radio (groupe M6), Trace (Modern Times Group) et Universal Music (spin-off de Vivendi).
La première des majors mondiales « du disque » permet la vente de cartes physiques avec code lors des tournées des artistes. La start-up Nafstars a obtenu le soutien de la banque d’investissement publique Bpifrance, notamment pour « le paiement des minimums garantis demandés par certains ayants droits internationaux », et a annoncé en avril dernier avoir levé 1,7 million de dollars. L’ambition de la plateforme est de s’imposer dans le secteur du divertissement. @

TikTok diversifie la monétisation des productions

En fait. Le 2 juin, le média américain The Hollywood Reporter a révélé que TikTok lançait ce mois-ci une série payante intitulée « Finding Jericho » : 4,99 dollars pour les huit épisodes de 30 minutes chaque (dont les deux premiers gratuits). Une première pour le réseau social du groupe chinois ByteDance.

En clair. C’est une première tentative de production payante lancée sur la plateforme « Live Events » de TikTok avec un paiement à l’acte. Il a fallu les révélations de The Hollywood Reporter le 2 juin (1), suivies de celles de TechCrunch le lendemain (2), pour avoir connaissance de cette initiative de monétisation – sans précédent sur le réseau social du chinois ByteDance – d’une production diffusée en exclusivité.
Créée par la société Pearpop, cette comédie satirique utilise la plateforme Live Events que TikTok a lancée il y a près d’un an. Elle permet aux créateurs l’accès à des filtres, à des effets et au contrôle de la caméra. Les créateurs n’ont pas – contrairement à TikTok normal – de limites de temps lorsqu’ils sont en direct. Mais pour la première fois, les fonctions de Live Events ont été utilisées pour diffuser une production préenregistrée, une série. Les outils permettent aux créateurs de mieux planifier leurs prochaines sessions, pour sortir des docu-séries comiques comme « Finding Jericho », en en planifiant et en promouvant leurs événements à l’avance pour susciter l’adhésion de leur communauté. Les fans peuvent découvrir, s’inscrire et recevoir des notifications et des rappels lorsque le « live » est sur le point de commencer. Reste à savoir si TikTok ne sera pas tenté de produire ou coproduire des séries originales à la « Netflix » pour les proposer à son milliard d’utilisateurs dans le monde. Ce qui fait de la filiale de ByteDance un rival potentiel. « Pensez à Live comme une émission de télévision », suggère TikTok (3).
Le réseau social musical – ex-Musical.ly (4) – cherche ainsi à proposer aux créateurs et aux producteurs des outils pour gérer leurs publics et être rémunérés pour leur créativité et leurs productions. Fin mai, TikTok a lancé auprès de certains créateurs (5) la fonction « Live Subscription », afin de leur permettre de proposer un abonnement mensuel pour les fans qui acceptent de soutenir financièrement leurs créateurs préférés. Les fans abonnés payants reçoivent une insigne « abonné » et ont accès à des émoticônes personnalisées et exclusives, ou encore bénéficient d’un « chat » en tant que téléspectateur abonné payant permettant d’échanger directement avec le créateur. Fans et créateurs doivent cependant être âgés d’au moins 18 ans pour souscrire un abonnement payant, et le créateur avoir un minimum de 1.000 abonnés. @

Le feu vert à Starlink en France inquiète certains

En fait. Le 2 juin, l’Arcep a annoncé avoir attribué – par décision du 25 mai 2022 – des fréquences à la société Starlink appartenant au milliardaire Elon Musk pour le service Internet fixe par satellite qu’il va lancer en France en recourant à sa constellation déjà en orbite. Ce nouveau concurrent tombé du ciel inquiète.

En clair. Le Conseil d’Etat avait annulé le 5 avril 2022 la première autorisation accordée par l’Arcep à Starlink (1) deux mois plus tôt, car le régulateur avait omis de lancer une consultation publique préalable (2). Cette dernière a finalement eu lieu et nous donne un aperçu de l’état d’esprit avec lequel les opérateurs télécoms ou satellitaires déjà en place accueillent l’arrivée de ce nouvel entrant sur le marché français de l’accès à Internet.
« L’arrivée en France de la société Starlink peut perturber le marché de l’accès à haut débit par satellite existant. (…) Le déploiement massif et avancé de satellites pour la constellation Starlink en orbite basse risque de créer une situation dominante », s’inquiète l’opérateur par satellite Eutelsat, dans sa réponse à l’Arcep, en évoquant des « risques de déstabilisation du marché de la connectivité par satellite » et un « risque de constitution d’un monopole », voire des « risques environnementaux ». Selon l’opérateur français Eutelsat, Starlink est aujourd’hui – « et de très loin » – la constellation la plus avancée en termes de déploiement par le constructeur aérospatial américain SpaceX (fondée aussi par Elon Musk), avec plus de 2.100 satellites en service. Son objectif est d’en déployer plus de 4.400 satellites d’ici 2027 et à (long) terme 42.000 – « ce qui est considérable ». Ses concurrents Kuiper (de société Blue Origin appartenant au milliardaire Jeff Bezos) et OneWeb (groupe indo-britannique détenu à 24 % par Eutelsat) sont bien moins avancés.
De son côté, Orange utilise des capacités spatiales louées à des opérateurs satellitaires tels qu’Eutelsat, Intelsat, SES ou encore Arabsat pour fournir des services VSAT (3) à ses entreprises clientes, sur terre ou en mer. « S’agissant des aspects économiques et concurrentiels, nous [Orange] constatons que les constellations sont en train de se développer de manière importante : Kuiper, Bosch [via Sapcorda Services, avec Mitsubishi Electric et U-blox, ndlr], OneWeb, Télésat [M7 Group alias Canal+ Luxembourg, ndlr], la Commission européenne ont annoncé leur projet […]. Cette concurrence vis-à-vis des réseaux fixes et des offres d’Internet fixe avec satellites géostationnaires déjà présents doit se faire dans les règles […], en particulier […] en zone rurale, ou en zones difficiles d’accès, par exemple les zones de montagne ». @

Pourquoi le fantôme de Snap fait trembler Internet

En fait. Le 23 mai, la société Snap – dirigée par son cofondateur Evan Spiegel – a émis un avertissement sur ses prévisions de résultats pour le second trimestre 2022. Depuis, le cours de Bourse du réseau social au fantôme a chuté de près de 45 % (1). C’est un vrai coup de semonce pour tout l’écosystème publicitaire.

En clair. « Depuis que nous avons publié nos objectifs le 21 avril 2022, l’environnement macroéconomique s’est détérioré davantage et plus rapidement que prévu. Par conséquent, nous pensons qu’il est probable que nous fassions état d’un chiffre d’affaires et d’un EBITDA ajusté inférieurs à l’extrémité inférieure de notre fourchette de prévisions pour le deuxième trimestre 2022 ».
Par cet avertissement enregistré par le gendarme de la Bourse américain, la SEC, et publié le 23 mai (2), l’éditeur de la plateforme Snapchat a jeté un froid et entraîné avec lui à la baisse d’autres entreprises cotées de réseaux sociaux et/ou leur maison mère (Twitter, Pinterest, Meta/Facebook, Alphabet/ YouTube, …), mais aussi des entreprises de publicité également cotées (Publicis, WPP, Omnicom, Interpublic Group, …).
Cette alerte laconique porte sur le chiffre d’affaires et la marge brute d’exploitation du deuxième trimestre en cours, dont les résultats seront publiés courant juillet. Comme l’essentiel des revenus de la société Snap provient pour l’essentiel de la publicité, ces quelques lignes ont sonnées comme coup de semonce pour toutes les plateformes numériques vivant de la publicité sur Internet et pour tous les acteurs de ce marché publicitaire très sensible aux conjonctures économiques. Snap est l’archétype de cette dépendance à la publicité en ligne : rien que sur son premier trimestre 2022, son chiffre d’affaires – essentiellement publicitaire – a franchi pour la première fois la barre du 1 milliard de dollars, soit un bond de 38 % sur un an (contre 769,6 millions de dollars au premier trimestre de l’année précédente).
Deux offres publicitaires principales sont proposées par le réseau social au fantôme, qui revendique 332 millions d’utilisateurs en moyenne par jour dans le monde, dont 75 % de Millennials et de GenZ : Snap Ads (3) et AR Ads (4). La publicité dite AR (Augmented Reality) propose aux annonceurs et partenaires des « filtres » sponsorisés (sponsored filters) et des « lentilles » sponsorisées (sponsored lenses). Mais l’inflation, la hausse des taux d’intérêt et la guerre en Ukraine a fait revenir tout l’écosystème de la virtualité à la réalité. Aux difficultés économiques, s’ajoutent la fin des cookies pour le ciblage chez Apple et Google, d’une part, et le fléau persistant de la fraude publicitaire (5), d’autre part. @