Itinérance 2G/3G Free-Orange : l’Arcep va consulter

En fait. Le 30 août, Iliad a publié ses résultats semestriels en hausse : 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et 639 millions d’euros de résultat net. Pour son réseau mobile – lancé il y a dix ans – Free bénéficie toujours d’un accord d’itinérance 2G/3G avec Orange. Doit-il être encore prolongé ?

En clair. « L’Arcep a reçu le 27 juillet 2022 un nouvel avenant au contrat d’itinérance conclu entre Free Mobile et Orange. Elle doit désormais l’analyser. Un appel à commentaires du secteur sera lancé dans les prochains jours », indique à Edition Multimédi@ une porte-parole du régulateur des télécoms. Le 3 mars 2011, France Télécom et Free Mobile signaient un accord d’itinérance nationale sur les réseaux 2G et 3G de l’opérateur historique pour y faire transiter le trafic Internet, voix et SMS/MMS du nouvel entrant.
Plus de dix ans après, cet accord – que Bouygues Telecom et SFR n’ont eu de cesse de contester, en vain – est toujours en vigueur. Le deal ne devait pas aller au-delà de 2018, ce que l’Autorité de la concurrence avait considéré en mars 2013 comme « une échéance raisonnable » (1). Autant au lancement en 2012 de Free Mobile, dépourvu à l’époque d’antenne réseau sur le territoire, cette itinérance était justifiée, autant aujourd’hui elle apparaît aux yeux de Bouygues Telecom et de SFR comme un avantage concurrentiel. Or, déjà renouvelé une première fois, cet accord d’itinérance élaboré par Nicolas Guérin – alors directeur juridique d’Orange – a été une seconde fois prorogé par un avenant de février 2020, soit jusqu’à fin 2022. Bien que désormais « déraisonnable », ce report avait quand même obtenu le feu vert de l’Arcep qui avait plafonné les débits de crête montants et descendants à 384 Kbits/s pour les clients en itinérance (au lieu de 1 Mbit/s en 2017). « L’Arcep n’a pas à ce jour jugé nécessaire de modifier les contrats de mutualisation et d’itinérance des opérateurs, y compris suite à cette prolongation », rappelle encore aujourd’hui Free. SFR et Bouygues Telecom avait aussitôt saisi le Conseil d’Etat pour demander l’annulation de cette décision, mais ils ont été déboutés le 15 décembre 2021. Au risque d’ulcérer à nouveau Bouygues Telecom et SFR, l’opérateur de Xavier Niel a obtenu d’Orange la prolongation de ce roaming national jusqu’en 2025. « En phase d’extinction progressive, la charge financière du contrat d’itinérance n’est désormais plus déterminante dans l’économie générale du groupe », temporise Iliad.
En Europe, Iliad voit aussi ses accords d’itinérance mobile 2G/3G/4G arriver bientôt à échéance eux aussi (2) : avec Orange Polska en Pologne en faveur de sa filiale Play (3) jusqu’en 2025, et avec Wind Te en Italie jusqu’en 2026. @

Fin de la redevance : sonne-t-elle le glas de la TV ?

En fait. Le 19 juillet, le ministre délégué des Comptes publics, Gabriel Attal, a indiqué sur France info « regarder [la] piste » de parlementaires proposant l’affectation d’une partie de la TVA à l’audiovisuel public pour remplacer la redevance. La suppression de celle-ci illustre surtout le recul de la télé.

En clair. Le numérique aura eu raison de la redevance audiovisuelle. Son assiette est assise pour sa quasi-totalité sur les foyers détenteurs d’au moins un téléviseur, tandis que des professionnels la paient mais dans une proportion infinitésimale. Sur l’année 2022, la dernière a priori où elle sera appliquée, la contribution à l’audiovisuel public (CAP) rapportera quelque 3,2 milliards d’euros : 96,4 % réglés par les particuliers (à raison de 138 euros par foyers) et 3,6 % par des professionnels.
La prise en compte du seul téléviseur – déclaré par son détenteur – pour déclencher son assujettissement relevait déjà d’une anomalie historique, puisque cette CAP financement non seulement la télévision public (France Télévisions pour une grosse part, Arte France, France Médias Monde et TV5 Monde), mais aussi Radio France et l’Ina (1) qui n’éditent pas de chaînes de télévision. De plus, les ressources de la redevance audiovisuelle voient leur assiette s’éroder en raison de la diminution du taux d’équipement des ménages en téléviseur : ce taux est passé d’environ 98 % il y a quelques années à 90,9 % fin 2021, selon Médiamétrie pour l’Arcom (2). Ce taux est à comparer à celui des ordinateurs (relativement stable à 85,8 %) et aux smartphones (en croissance à 79,7 %), bien loin des tablettes (en recul à 46,3 %). Ces autres équipements que le téléviseur ont, au fil des années, rendu obsolète la règle du téléviseur pour le calcul de la redevance audiovisuelle. Etendre son assiette aux ordinateurs, smartphones et tablettes a fait l’objet de débats récurrents depuis douze ans (3).
Quant au téléviseur lui-même, il est regardé de plus en plus mais pour d’autres contenus audiovisuels que les chaînes de télévision, et a fortiori que les chaînes publiques financées par la CAP. En effet, la télévision ne sert plus seulement à regarder la télévision : sur l’année 2021, les chaînes n’occupent plus que 75 % du petit écran, le quart restant étant consacré à 16 % à de la vidéo sur Internet comme sur YouTube (4) et à 9% à de la vidéo à la demande par abonnement ou SVOD (Netflix, Amazon Prime Video, Disney+, etc.). En conséquence, même si les Français regardent plus de 4h30 par jour leur écran TV, ils y regardent de moins en moins les chaînes – tant publiques que privées. Continuer à faire payer la redevance pour des chaînes publiques que les foyers regardent de moins en moins, cela devenait difficile à justifier pour un gouvernement. @

Amazon, Microsoft, Google : gros nuages sur le cloud

En fait. Le 13 juillet, l’Autorité de la concurrence a ouvert jusqu’au 19 septembre prochain, une consultation publique sur le marché du cloud – dans le cadre de son enquête sectorielle sur l’informatique en nuage lancée en janvier dernier. Elle a déjà auditionné les trois hyperscalers du cloud en France.

En clair. Selon le cabinet d’études Markess by exægis, le marché français du cloud devrait passer de 16 milliards d’euros en 2021 à 27 milliards d’euros en 2025, au rythme de 14 % de croissance par an. Mais les hébergeurs dits « à très grande échelle » (les hyperscalers) en ont la part du lion : les américains Amazon Web Services (AWS), Microsoft Azure et Google Cloud détiennent en France 71 % de parts de marché en 2021. A lui seul, le géant AWS s’arroge pas loin de la moitié (46 %) du gâteau nuagique (voir graphique). C’est dans ce contexte de quasi-triopole que l’Autorité de la concurrence (ADLC) s’est autosaisie en début d’année pour enquêter sur le secteur français de l’informatique en nuage. La consultation publique (1), ouverte depuis le 13 juillet et jusqu’au 19 septembre 2022, va permettra à l’autorité antitrust d’évaluer si Amazon, Microsoft et Google abusent de leur position dominante sur le marché français du cloud ? Face à ce Big Three, OVH, IBM, Oracle, Orange (OBS), Scaleway (Iliad), T-Systems, 3D Outscale (Dassault Systèmes) ou encore Atos, Neurones, Capgemini, Kyndril (ex-IBM GTS) se partagent les 29 % restants du marché du cloud français (2).
L’ADLC veut identifier « les freins à la migration des clients et au recours à plusieurs fournisseurs de services cloud », ainsi que d’autres verrous (barrières à l’entrée, pouvoir de marché, intégration verticale, effets congloméraux, ententes, protection des données, souveraineté numérique, …). La bataille du cloud est même portée devant la Commission européenne depuis les plaintes (3) du français OVH et de l’allemand Nextcloud déposées en 2021. @

Deezer chute en Bourse mais Orange est toujours là

En fait. Le 5 juillet, l’action Deezer – plateforme française de streaming musical – a dévissé de 35 % lors de son introduction en Bourse à Paris. I2PO, sa « coquille vide » boursière (« Spac ») créée en avril pour l’occasion, n’a pas produit l’effet escompté. Heureusement, son partenaire Orange est toujours là.

En clair. Près de quinze ans après avoir été cofondé (le 22 août 2007) par Jonathan Benassaya (lequel quitte l’entreprise fin 2010), le site de streaming musical Deezer est lancé sur les cendres de son ancêtre Blogmusik (fermé pour cause de piratage). Le succès est immédiat. C’est le 21 juillet 2010 que Deezer annonce qu’il va accueillir dans son capital France Télécom, lequel va intégrer son service Wormee dans une offre : « Deezer Premium », option payante sans publicités.
Depuis douze ans, l’opérateur télécoms historique est actionnaire minoritaire de Deezer via Orange Participations, à hauteur de 11 % du capital de sa holding Odyssey Music Group (1), et propose à ses abonnés « Deezer Premium ». Résultat : le nombre d’abonnés de Deezer explose, de seulement 25.000 en 2010 à plus de 2 millions en 2012, année où le partenariat Orange-Deezer est renouvelé in extremis en juillet pour une durée de trois ans, puis 3 millions franchis en 2013. Deezer conforte ainsi sa place de numéro 1 du marché du streaming en France, qui est alors de 69,1 % de parts de marché, devant les 14,6 % de YouTube et les 5,5 % de Spotify. Deezer devient alors rentable, mais sous perfusion, poussant avec Orange à l’abonnement – tout en étant sous pression des majors de la musique qui lui imposent de réduire la durée d’écoute gratuite de musique à 5 heures par mois (2). Cela passera à 10 heures, avec publicités. Ce « bundle » Deezer-Orange n’est cependant pas du goût des plateformes de streaming musical concurrentes telles que Qobuz, autre plateforme française de musique en ligne lancée moins d’un mois après Deezer. En septembre 2014, le cofondateur de Qobuz, Yves Riesel (président à l’époque), songe à saisir l’Autorité de la concurrence contre cette exclusivité Orange-Deezer censée s’arrêter en juillet 2015. Il dénonce une « distorsion de concurrence » (3). Mais, placé en redressement judiciaire, il en restera là. Qobuz sera repris en décembre 2015 par Xandrie (société de Denis Thébaud).
Aujourd’hui, Deezer compte un peu moins de 10 millions d’abonnés et Orange Participations devait être dilué dans la Spac de 8,13 % à 6,84 % – aux côtés d’Access Industries (Warner Music) du milliardaire russo-américain Len Blavatnik, de l’émirati Rotana Audio, de la holding Artémis de Pinault ou encore de Combat Holding du banquier Matthieu Pigasse. Valorisé 630 millions d’euros (au 07-07-22), Deezer n’est plus une licorne. @

DSA et DMA : deux épées de Damoclès sur les Gafam

En fait. Le 5 juillet, le Parlement européen a procédé au vote final des deux textes législatifs européens sur respectivement les services numériques (DSA) adopté par 539 voix pour (54 contre/30 abstentions) et les marchés numériques (DMA) adopté par 588 voix pour (11 contre/31 abstentions). Ce que risquent les Gafam.

En clair. Maintenant que le Parlement européen, réuni à Strasbourg, a adopté par deux votes finaux le 5 juillet 2022 les deux piliers de la nouvelle régulation d’Internet et de l’économie numérique, il reste encore l’approbation officielle du Conseil de l’Union européenne (UE) qui interviendra courant juillet pour le DMA (Digital Markets Act) et en septembre pour le DSA (Digital Services Act). Pour autant, ces deux textes législatifs n’entreront pleinement en application que bien plus tard : le DSA quinze mois après son entrée en vigueur ou à partir du 1er janvier 2024, la date la plus tardive étant retenue (1) ; le DMA six mois après son entrée en vigueur (2). Ce point de départ de « l’entrée en vigueur » correspond au vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’UE (JOUE).
« Toutefois », précisent les deux règlements, des articles sont applicables dès cette entrée en vigueur : pour le DSA les rapports de transparence incombant aux fournisseurs de plateformes en ligne, et des dispositions concernant les très grandes plateformes en ligne aux « risques systémiques » ; pour le DMA les obligations incombant aux contrôleurs d’accès (gatekeepers) et celles concernant l’interopérabilité des services de messageries sur Internet (3). Les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, les plateformes de e-commerce et les places de marché sont les premiers concernés par ce nouvel arsenal. De par les sanctions qu’ils prévoient en cas d’infraction, ces textes européens – uniques au monde – constituent deux épées de Damoclès au-dessus des têtes des géants du numérique, américains (Gafam) ou asiatique (Alibaba, TikTok et autres Huawei). Si un gatekeeper enfreint le DMA, il encourt une amende pouvant atteindre 10 % de son chiffre d’affaires mondial annuel, voire 20 % en cas de récidive.
Si un « fournisseur de services intermédiaire » se retrouve en infraction avec les obligations du DSA, il peut se voir infliger une amende représentant jusqu’à 6 % de son chiffre d’affaires mondial annuel. Et il risque une sanction pécuniaire jusqu’à 1% de ses revenus ou de son chiffre d’affaires mondial en cas de « fourniture d’informations inexactes, incomplètes ou dénaturées », d’absence de réponse ou encore de « manque-ment à l’obligation de se soumettre à une inspection ». Boîtes noires, algorithmes, intelligence artificielle et autres ciblages publicitaires sont tenus à la transparence. @