La nouvelle Commission européenne veut présenter en mai 2015 une stratégie numérique « équilibrée »

Andrus Ansip, vice-président de la Commission européenne en charge du Marché unique numérique, et Günther Oettinger, commissaire à l’Economie numérique et à la Société, ont six mois pour trouver un « équilibre » entre les intérêts des consommateurs et ceux des opérateurs télécoms.

Andrus Ansip

Les consommateurs européens et les opérateurs télécoms ont des intérêts divergents. Les premiers veulent garder des prix bas d’accès
aux réseaux fixe et mobile auprès d’un grand nombre d’opérateurs télécoms en concurrence, avec la garantie de la neutralité du Net.
Tandis que les seconds demandent à être moins nombreux sur un marché consolidé et à pouvoir proposer des services aux tarifs différenciés, dont certains plus élevés en fonction d’une meilleure qualité de la bande passante.

L’Europe, trop « consumériste » ?
Ce sont ces deux approches opposées qui se sont notamment retrouvées au coeur des débats de deux conférences sur le monde numérique organisées en même temps les 19 et 20 novembre derniers : le DigiWorld Summit de l’Idate à Montpellier et la TMT Conference de Morgan Stanley à Barcelone.
Ces deux événements ont permis aux opérateurs télécoms de faire passer leur message auprès de la nouvelle Commission européenne – dont Andrus Ansip (photo), son vice-président en charge du Marché unique numérique – et avant le Conseil de l’Union européenne réuni à Bruxelles le 27 novembre. Les ministres des Vingt-huit en charge des télécoms (1) ont en effet examiné ce jour-là le projet de cadre réglementaire « Continent connecté » (2).

Bien que leurs revenus se soient en moyenne stabilisés (après une baisse de 15 % depuis 2008), avec une reprise espérée l’an prochain grâce à la 4G, et que leurs marges restent encore confortables (15 % à 30 %), les opérateurs télécoms européens (Orange, Deutsche Telekom, Telefonica, Vodafone, …) se plaignent toujours de leur sort auprès de la Commission européenne dont ils jugent la politique « trop consumériste ». Selon les opérateurs historiques européens, réunis depuis vingt ans au sein de l’organisation de lobbying ETNO (3) basée à Bruxelles, il y a trop d’opérateurs télécoms (y compris en France depuis, selon eux, l’arrivée de Free Mobile en 2012), trop de baisses de prix imposés (par la concurrence elle-même, par l’Europe sur les frais d’itinérance mobile, par la régulation des coûts de terminaison d’appel, …), et trop de mesures en faveur des consommateurs (bataille des prix, principe de neutralité du Net, …). Et à l’instar de l’ETNO, la Fédération française des télécoms (FFTélécoms)
en appelle à la régulation des GAFAM – les Google, Apple, Facebook, Amazon et autres Microsoft – qui, selon son étude confiée à Arthur D. Little, capteraient « 50 %
de la valeur numérique en Europe ». A Montpellier, Michel Combes, le DG de l’équipementier télécoms franco-américain Alcatel-Lucent, s’est fait le porte-parole
des opérateurs télécoms dont bon nombre sont ses clients : il a appelé à un
« aggiornamento » des règles de concurrence en Europe pour permettre aux opérateurs fixe et mobile d’investir dans les nouvelles fréquences mobile (4) et les réseaux nouvelle génération, dont la 5G. Car, selon lui, « l’Europe est à la traîne (…), ce qui nous met en danger ». Présent physiquement à Barcelone mais virtuellement
à Montpellier, Stéphane Richard, PDG du groupe Orange, a tenu le même discours :
il faut, selon lui, passer de quatre à trois opérateurs télécoms sur un marché comme
en France, compte tenu des investissement élevés à faire dans le fixe et le mobile.
Au DigiWorld Summit, un échange entre Yves Gassot, DG de l’Idate, et Jean-Ludovic Silicani, président de l’Arcep (5), a montré – comme l’an dernier (6) – une divergence de vue entre les opérateurs télécoms et le régulateur français. Ce dernier estime au contraire que si la concurrence à quatre opérateurs mobile a permis de baisser « le prix standard de base », cela n’empêche de « monter en gamme » en termes de tarifs et de services. « Je suis plus optimiste… », a contredit Jean-Ludovic Silicani, rappelant que la quatrième licence mobile avait été attribuée à Free Mobile cinq ans après une amende record de 534 millions d’euros infligée à Orange, SFR et Bouygues Télécom pour «entente illicite » (7).

Le projet législatif examiné le 27 novembre est composé d’une communication sur le marché unique des télécoms et une recommandation sur des obligations de non discrimination (Internet ouvert) et de promotion de la concurrence – avec le souci d’encourager l’investissement dans le (très) haut débit. Il s’agit de trouver « un juste équilibre » entre la neutralité de l’Internet en faveur des consommateurs et la gestion raisonnable du trafic par les opérateurs télécoms.

Risque de hausse des tarifs
Mais tant que les définitions des expressions « services d’accès à Internet », « services spécialisés » et « niveau de qualité de service » ne seront pas clairement définis, le risque est d’aboutir à un dialogue de sourds entre pro-consommateurs et pro-opérateurs – avec une hausse des tarifs mal venue en temps de crise. @

Charles de Laubier

La simultanéité salles-VOD reste taboue en France, malgré les expériences day-and-date en Europe

La Fédération nationale des cinémas français (FNCF) bloque toute idée d’expérimentation de simultanéité salles-VOD en France, malgré les expérimentations prometteuses menées ailleurs en Europe – notamment par l’ARP qui a tenté de relancer le débat lors des 24e Rencontres cinématographiques de Dijon.

Sortie simultanée salles-VOD de films : vers une recommandation européenne pour aller plus loin

Initiées par le Parlement européen, les expérimentations de « Circulation des films européens à l’ère du numérique » sont décevantes. Elles n’ont porté que sur 9 films dans 15 pays et seulement 39 sorties simultanées en salles et VOD.
La France, elle, est réticente au day-and-date – voire opposée.

Les premières expérimentations en Europe de sorties simultanées de films en salles et en vidéo à demande (VOD) touchent à leur fin, puisque les trois projets soutenus depuis 2012 par la Commission européenne via son programme Media – Speed Bunch du français Wild Bunch, Tide de l’ARP et Edad du britannique Artificial Eye – prennent fin en juin.

Les réticences des ayants droit
Alors qu’une deuxième vague d’expérimentations de ce que les Anglo-Saxons
appellent le day-and-date (D&D) est déjà en route avec trois nouveaux projets
européens sélectionnés (1), le premier bilan montre la grande frilosité et les « réticences importantes » des ayants droits du cinéma dans plusieurs pays européens – France en tête. La future recommandation « Film à l’ère numérique » qu’envisage la Commission européenne depuis 2012 pour « plus de flexibilité dans la chronologie des médias » (2) permettra-t-elle de débloquer la situation ?
Pour l’heure, le conservatisme a dominé durant cette première phase expérimentale.
« De réelles difficultés à trouver des films sont apparues, principalement parce que les ayants droits voyaient pour la plupart la sortie D&D comme une double prise de risque : une prise de risque économique (perte de recettes), et une prise de risque politique (crainte de réactions de certains exploitants ou circuits, comme le boycott des films) », constate Thomas Paris (photo), auteur d’un rapport présenté lors du Festival de Cannes le 16 mai, et faisant le bilan de ces premières expérimentations (3). Pourtant, il est désormais démontré que la « double disponibilité » salles-VOD peut accroître la visibilité de films ayant un accès restreint aux salles et augmente l’audience de ces films. « Cet accroissement va de quelques points à un doublement voire un triplement dans certains cas », affirme le rapport qui parle de « plusieurs dizaines de millions de spectateurs supplémentaires potentiels » pour un film (4). Bref, « une bouffée d’oxygène », qui plus est « au détriment d’une offre illégale ». Pourtant, le Septième Art en Europe ne voit pas d’un très bon œil ces initiatives de simultanéités salles-VOD. « Les ayants droits, réalisateurs et producteurs, font preuve d’une certaine réticence tenant au risque financier qu’ils pensent prendre et au sentiment qu’une sortie direct-to-VOD ou day-and-date représente une forme de déclassement de leur film par rapport à une sortie exclusive en salles », souligne Thomas Paris (5).
Résultat : alors que la Commission européenne espérait, lors du lancement du premier appel à projets « Circulation des films à l’ère numérique », voir sortir 80 à 100 films de façon simultanée en salles et VOD, se sont finalement 9 films seulement qui ont ainsi participé aux trois projets pour un total de 86 sorties dans une quinzaine de pays, dont seulement 39 sorties réalisées en day-and-date ou en quasi-simultanéité. La chronologie des médias réglementée apparaît comme le principal obstacle au day-anddate en Europe. Sur dix ans (2003-2013), 438 expériences de « sorties hors chronologie des médias classique » ont bien été recensées mais essentiellement aux États-Unis (77 %) et au Royaume-Uni (10 %). La France apparaît la plus conservatrice puisque la sortie simultanée est interdite. Et rien n’a changé depuis la sortie quasi-simultanée VOD-salles du « Film Socialisme » de Jean-Luc Godard il y a quatre ans (6). Pour ne pas être hors-la-loi vis-à-vis de l’arrêté du 9 juillet 2009, Wild Bunch (Speed Bunch), l’ARP (Tide) ou Rezo Films (Edad) ont dû sortir leurs films en France en « avant-première VOD », c’est-à-dire avant la salle, pour ensuite interrompre leur mise en ligne la veille de l’exploitation en salles pour quatre mois… « L’une des principales réticences aux expérimentations de D&D porte sur la mise en péril de l’économie générale du cinéma, par la mise en danger de la salle. Elle s’est traduite par des oppositions multiples dans la mise en oeuvre des expérimentations », relève le rapport.

Le CNC craint la « cannibalisation » des salles
L’Union internationale des cinémas (Unic), la Confédération internationale des cinémas d’art et d’essai (Cicae) et Europa Cinemas – créé en 1992 à l’initiative de la France via le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) – ont publié le 22 novembre dernier une déclaration commune s’opposant à la simultanéité salles-VOD qui, selon eux, « menace d’affaiblir les salles de façon disproportionnée » et tend à « favoriser la cannibalisation » de la salle par la VOD. Toutes les raisons sont bonnes pour éviter d’expérimenter le day-and-date en Europe, comme le confirme le rapport Paris : cessions sur l’un des territoires couverts par le projet, risque juridique, refus des ayants droits, potentiel international limité, … Au moment où Netflix étend sa toile en Europe (en France à l’automne), c’est pourtant le moment de bouger les lignes. @

Charles de Laubier

Claude Perdriel, cofondateur du Nouvel Obs, ne croit pas au payant sur Internet

Cofondateur du Nouvel Observateur il y a près d’un demi-siècle, Claude Perdriel
(87 ans) a confié qu’Internet l’ « inquiète » et le « désespère ». Alors que l’hebdo,
cédé au trio Niel-Bergé-Pigasse, devrait lancer le 15 avril une édition du soir pour tablette, il dit ne pas croire au payant sur Internet.

Par Charles de Laubier

Claude PerdrielL’une des figures emblématiques de la presse française
ne croit pas vraiment à Internet. Claude Perdriel (photo),
qui est encore pour quelques jours président du conseil de surveillance de la société Le Nouvel Observateur du Monde qu’il a cofondée et qu’il cède à la holding Le Monde Libre
du trio Niel-Bergé-Pigasse (déjà propriétaire du groupe Le Monde), a exprimé de sérieux doutes sur la révolution numérique des journaux.
« Internet m’inquiète et me désespère un peu pour ce qui concerne la presse écrite », a-t-il confié devant l’Association
des journalistes médias (AJM), le 20 mars dernier.

« Internet menace l’univers médiatique »
D’après lui, les recettes ne sont pas au rendez-vous. « Souvent, on vient me trouver pour faire tel ou tel service Internet. Mais je demande s’il y aura des internautes intéressés. On me répond que oui, quelques centaines de milliers. Bon, et je demande quelles seront les recettes de publicité. On me dit ‘’zéro’’, car tant que l’on n’est pas dans les millions d’internautes. Mais il faudra embaucher deux seniors et deux juniors pour couvrir cela. Donc, c’est 400.000 ou 500.000 euros [par an] pour zéro en recettes… », a-t-il regretté avec scepticisme.
Cela ne l’empêche pas de se dire content du site web Sciences & Avenir Santé :
« Je m’en occupe un peu car vraiment ça me passionne. Et on est très content ;
on se félicite : bravo ! Le malheur, c’est que je crois que l’on a zéro pour cent de
recette ! Il n’y a pas de recette car faire un site santé de Sciences & Avenir à 500.000 internautes n’apporte pas une miette de publicité. Comment on va faire pour vivre ou survivre ? », s’est inquiété Claude Perdriel.

Pour lui, point de salut en dehors de la gratuité financée par la publicité – à condition d’avoir des millions de visiteurs pour intéresser les annonceurs. « Moi, je ne crois pas au payant en matière d’Internet. En tout cas, absolument pas pour l’information généraliste. L’information est partout et elle est gratuite. Les internautes ne paieront jamais », a-t-il insisté. Même s’il peut admettre que faire payer peut avoir du sens pour une information thématique poussée ou un conseil de boursier : « Peut-être. Mais cela veut dire qu’il faut engager des gens spécialisés (…) deux cracks qui vont vous coûter 300.000 euros et deux community managers à 300.000… Et vous allez avoir quoi comme recettes ? Je ne crois pas au payant ». A tel point qu’il ne croit pas beaucoup aux chances de succès de l’édition quotidienne du soir payante pour tablettes que Le Nouvel Obs devrait sortir le 15 avril. « J’ai laissé (…) faire. En plus, elle est financée
par [le fonds Finp d’aide à la presse de] Google : alors je n’avais rien à dire ! Mais…
Je n’y crois pas beaucoup. Je pense que les gens ne vont pas s’abonner. D’ailleurs la question se pose aussi pour Challenges [qu’il conserve avec Sciences & Avenir, ndlr] puisqu’on va faire un quotidien du soir d’ici deux mois. Mais moi, je voudrais le faire gratuit car je préfère avoir plus d’internautes » (1). Car il ne conçoit pas faire tout ce travail pour quelques milliers d’internautes payant, alors que le site web de Challenges compte plus de 3,5 millions de visites par mois (selon l’OJD).
« Donc, voilà mon problème. (…) J’espère que je pourrai le faire gratuit ! », a-t-il lancé.
Pire : celui qui s’est lancé il y a trente ans avec succès dans les fameuses messageries roses sur Minitel (les 3615 Aline ou 3615 Jane), lesquelles lui ont permis de renflouer Le Nouvel Observateur, estime en revanche qu’Internet met en péril la presse :
« L’univers médiatique que je défends est menacé, y compris par Internet, par lui-même. Parce que l’univers d’Internet va à une vitesse vertigineuse. D’abord, pendant des années, Internet a été de l’écrit. Après, ce fut les photos. Maintenant, ce sont les vidéos qui l’emportent. Et les vidéos créent un univers très lointain du nôtre. (…) D’abord on sait pas faire : ça coûte trop cher ; faut prendre les vidéos des autres et
on ne sait pas où sera la marge. Et ça, c’est un peu inquiétant sur le numérique.
C’est quand même ce qui est en train de se passer ».

Rachat de Rue89 en 2012 : « Un peu cher » Enfin, questionné sur savoir s’il ne regrettait pas d’avoir acheté Rue89 pour 7,5 millions d’euros en janvier 2012, il a répondu : « C’était un peu cher. Mais là je dirais que j’avais une raison : j’aime beaucoup les gens de Rue89, ce sont des amis, des gens formidables ; ils étaient en péril, même gravement ; ils auraient peut-être disparu. Mais on a pas vraiment fait prendre la mayonnaise : on ne les a pas ramené à côté de l’Observateur, ce que Louis Dreyfus va faire [lire p 2]. Et je ne regrette pas de les avoir rachetés (2). Même si c’était un peu cher ». @

Charles de Laubier

Edwy Plenel en appelle à «une grande loi sur la liberté de l’information» pour la presse en pleine crise

Le fondateur du site de presse en ligne Mediapart et ancien directeur de la rédaction du quotidien Le Monde lance un appel aux parlementaires pour
« refonder l’écosystème des médias » dont la crise économique risque à
ses yeux d’accentuer « la double dépendance » (industrielle et étatique).

« Il devrait y avoir aujourd’hui une immense consultation faite par
le Parlement en vue d’une grande loi sur la liberté de l’information,
de même ambition que celle de 1881 (1), qui permette de refonder notre écosystème : le droit de savoir, notre métier, le droit de savoir des citoyens, l’accès aux informations, le droit de dire, la liberté d’expression, le droit des rédactions, leur protection, le droit du public, les sources, les lanceurs d’alertes, la neutralité du numérique, … », a expliqué Edwy Plenel, le 13 mars dernier, à l’occasion de la présentation des résultats annuels du site de presse en ligne Mediapart (2) qu’il a créé il
y a six ans et qu’il souhaiterait voir détenu par un « fonds de dotation » d’ici un an pour pérenniser son indépendance.

Il dénonce l’immobilisme du gouvernement
Alors que la presse française traverse la plus grave crise de son histoire, il monte au créneau : « Nous voudrions lancer un appel aux parlementaires, puisque l’immobilisme
du ministère de la Culture et de la Communication est flagrant, pour qu’ils se mobilisent dans une logique de majorité d’idées – car la liberté de la presse est utile à toutes les familles politiques – afin de créer, de refonder notre écosystème face au risque que la crise économique des médias ne fasse qu’aggraver une double dépendance : dépendance à l’égard d’industriels supposés mécènes qui achètent de l’influence à travers les médias et dépendance à l’égard la puissance étatique qui selon ses opportunités vient au secours de tel ou tel [média]». Par ailleurs secrétaire général du Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil) qu’il a cofondé, Edwy Plenel déplore que depuis l’élection présidentielle de 2012 – à l’exception du vote des parlementaires (à l’Assemblée nationale le 4 février, puis au Sénat le 17 février 2014)
pour la TVA super réduite à 2,10 % – « il n’y a rien »… « Nous voudrions vous faire part de notre inquiétude devant l’immobilisme du gouvernement par rapport à l’immense crise qui traverse les métiers de l’information sur tous supports. La révolution numérique est un défi qui appelle, comme toute révolution industrielle, une réinvention de l’écosystème des médias », déclare l’auteur de « Le devoir de savoir » (Don Quichotte éditions, 2013).
Il combat les différences de traitement entre ce qu’il appelle « la vieille presse » et la presse numérique. Dès 2008, Mediapart a bataillé pour qu’un journal numérique soit reconnu comme de la presse – à une époque où pour la législation un journal c’était du papier. « Grâce à nos démarches, cela a donné le statut de la presse en ligne : désormais, à la CPPAP (3), la presse en ligne est reconnue », se félicite le patron de Mediapart. Puis ce fut le succès en début d’année de la TVA à 2,10 % : « Le vote des parlementaires a montré que c’est l’administration fiscale qui avait une interprétation archaïque, en retard d’une révolution numérique par rapport à la réalité de l’égalité entre presse en ligne et presse papier » (4).

Autre archaïsme : celui des articles 226-1 et 226-2 du Code pénal qui punit d’un an
de prison et de 45.000 euros d’amende le fait de publier des enregistrements. « Ces
deux anciens articles du code pénal, d’avant la révolution numérique, sont l’objet d’une interprétation archaïque et figée de la Cour de cassation qui fait que nous sommes
hors du droit de la presse (5) », regrette Edwy Plenel. Il a indiqué avoir écrit au Canard enchaîné (journal papier) et à Atlantico (site de presse en ligne) ayant essuyé le même type de décision avec les enregistrements Buisson) pour proposer une démarche commune. « C’est une jurisprudence totalement schizophrène (…) Il y a un verrou,
à l’heure du numérique (des photos numériques, des selfies, des enregistreurs, du partage, …) qu’il faut évidemment faire sauter en revenant dans le lit du droit de la
presse », ajoute-t-il. Plus largement, cela fera six ans, le 24 novembre prochain, que
le manifeste de Mediapart a été publié avec Reporters sans frontières (RSF) intitulé
« Combat pour une presse libre ». Edwy Plenel estime qu’il est plus que jamais d’actualité.

Le contrôle des médias par des industriels
« Tant que ce travail transparent public ne se fait pas, la crise galope et elle est l’occasion de manœuvres, d’arrangements, sur fond de conflits d’intérêts, de mélanges des genres. (…) Vous voyez bien que le risque est grand que s’accentue un travers immense du paysage médiatique français : le contrôle des médias par des industriels, (…) qui sont des marchands d’armes, qui sont dans l’aéronautique, dans la banque, dans la téléphonie, dans le luxe, dans le bâtiment et les travaux publics, … et qui, tous, sont dans des relations de clientélisme avec la puissance publique », dénonce-t-il. Sera-t-il entendu ? @

Charles de Laubier