Révolution sur l’e-Campus

Cette année, le major de promo d’une grande école d’ingénieurs fait la Une des sites d’information. Pourquoi
ce jeune étudiant, qui répond aux interviews exclusivement en visio, défraie-t-il la chronique ? Parce qu’il n’a jamais mis les pieds dans un amphi et a fait l’essentiel de son cursus sans quitter sa petite ville au cœur du Continent africain !
Il est emblématique mais il n’est pas un cas isolé. C’est le résultat d’une dizaine d’années d’ouverture des universités et des écoles aux nouveaux modèles d’enseignements numériques. Des centaines de milliers de jeunes suivent désormais à distance des cours de haut niveau, auparavant réservés à des effectifs bien plus réduits. En sortant de ses murs, l’université a fait un pas de plus vers la démocratisation multiséculaire du savoir. L’histoire technique du e-learning commence, comme souvent, après une longue période de gestation. L’un de tous premiers test fut le fait, au début des années 60, d’une équipe de professeurs en psychologie de l’université de Stanford qui expérimenta un enseignement des maths et de la lecture assisté par ordinateur pour des enfants
en classe élémentaire de Palo Alto.

« La destruction créatrice du Net s’attaque cette fois
– après la musique, la presse, le cinéma, le livre et la télévision – à une citadelle réputée imprenable : le savoir ».

Docteur Live contre Mister Replay

En cette fin d’après-midi de juillet, tout le monde marque le pas pour regarder sur un écran l’alunissage d’une capsule spatiale et de son équipage. Un événement interplanétaire qui se déroule en direct, en full HD et en 3D. La Lune comme si on y était ! On est bien loin de cette retransmission qui nous ont émus en ce 21 juillet 1969, et qui, sur fond d’images tremblantes en noir et blanc, marqua pour toujours notre imaginaire. Un demi-siècle plus tard, l’homme est de retour sur la Lune, propulsé par une fusée chinoise, et servie par une superproduction digne d’Hollywood ! Le direct n’est donc pas mort, pas plus qu’il n’a déserté complètement les écrans de télévision. Mais la part réservée au live, dominante aux origines de la télévision, s’est peu à peu repliée jusqu’à ne concerner, par ordre d’importance, que les sports les plus populaires, les informations, quelques talk-shows
et, parfois, certaines représentations culturelles, comme des concerts, du théâtre ou
de l’opéra. Priorité était donnée durant ces dernières décennies aux programmes clés
en mains et aux émissions post-produites, télé réalité comprise (même si ce nom est trompeur). Cette part congrue a encore été réduite par les facilités offertes par le replay qui permet aux téléspectateurs et/ou internautes de s’affranchir de la dictature du direct. Ce fut bien sûr la chance de certaines émissions que de pouvoir être vues en différé sur le bon vieux poste de télé, mais aussi et surtout sur tous les écrans de toutes tailles. Une occasion, aussi, de se constituer un nouveau vivier de spectateurs et de prolonger la vie des programmes au-delà de la première retransmission.

« C’est Twitter TV qui a obtenu l’exclusivité
de la retransmission mondiale – en direct –
du retour de l’homme sur la Lune ! »

Les cookies sont-ils mortels ?

L’actualité bruisse à nouveau de vives discussions sur le statut des cookies, ces fichiers textes de faible taille (4 Ko environ) transmis par les serveurs pour être mémorisés par le navigateur de l’internaute. Des abus auraient été signalés faisant état d’une nouvelle génération de cookies visant à les détourner de leur fonction initiale. Comme en 2011, année où apparurent des « bittersweet cookies » (cookies doux-amers), il s’agit pour leurs développeurs de proposer, plus ou moins furtivement, des cookies permettant d’identifier l’utilisateur de manière persistante. Des cookies de plus en plus dévoreurs de données, cela pose en effet la question de leur nature même et plus largement du droit des internautes à contrôler la diffusion et la conservation de leurs traces sur le Net. Les cookies sont aussi vieux que l’Internet : ils étaient déjà utilisés
en informatique, sous le terme de « magic cookies », avant que deux ingénieurs de Netscape n’aient l’idée de les intégrer, dès 1994, dans le pionnier des navigateurs.
A l’époque, les cookies visaient très simplement à savoir si les visiteurs de Netscape étaient déjà venus auparavant. Puis, cette modeste innovation fut promise à un grand destin. A la base de services en ligne indispensables, les cookies sont de plus en plus souvent vécus comme intrusifs. Or nous nous passerions difficilement de ces discrets serviteurs, lesquels simplifient notre vie sur la Toile. Pour la gestion de nos sessions,
il est en effet bien plus rapide de ne pas avoir à s’identifier à chaque retour sur les mêmes sites. Ce petit « mouchard » enregistre également nos préférences et la configuration de notre ordinateur. Les services apportés en termes de personnalisation sont en revanche plus ambiguës, telles les publicités vues, pour lesquelles la présence du cookie permet de ne pas proposer indéfiniment la même bannière à l’internaute.

« Consentement préalable (opt-in) : l’édifice, encore
fragile, de la pub en ligne – au sommet duquel trône Google – en fut ébranlé, mais la profession s’y résigna ».

Le Q.I. de nos villes

Ce matin, tout en prenant mon petit-déjeuner, je révise mon agenda de la journée et valide les moyens de déplacement que mes applications m’ont automatiquement programmés. Un trajet multimodal, mixant tramway, vélo et bus, optimisé en fonction d’une météo dégagée et d’un pic de pollution rendant très onéreuse l’utilisation de ma voiture. Cette option est désormais possible par la disponibilité, en temps réel, de multiples données nécessaires et d’applications très simples d’utilisation : les vélos disponibles lors des connections sont déjà réservés, et mon budget et mes déplacements optimisés en fonction de mes rendez-vous et des conditions de circulation. Quelle est cette ville qui aurait sans doute stupéfiée un certain Jules Vernes qui écrivait, en 1863, l’un de ses tous premiers romans : « Paris au XXe siècle », publié en 1994 après avoir été retrouvé au fond d’un coffre ? Une formidable vision où Paris est désormais un port relié à la mer par un immense canal dont les rues, règne de la fée électricité, sont sillonnées par des métros aériens et des voitures silencieuses. Une ville bien réelle, comme elle l’est depuis toujours. Le père de l’anticipation ne pouvait imaginer l’émergence, au-delà de cette ville réelle, d’une ville virtuelle façonnée par les technologies de l’information. Cette combinaison a ainsi donné naissance à ce que Norbert Streitz a appelé la ville hybride, associant la réalité concrète aux données qu’elle génère en permanence.

« Ce concept de “Smart City”, au-delà de
l’argument de marketing territorial de ses débuts,
apparaît aujourd’hui comme réellement fédérateur. »

OFNI contre OFPI

Vous êtes déjà en 2020, PAR JEAN-DOMINIQUE SéVAL*

Le domaine de la lutte plus ou moins larvée que se livrent depuis plus de vingt ans les opérateurs télécoms et les géants de l’Internet n’en finit pas de s’étendre. Tout a commencé par une guerre des portails et des nouveaux services de communication : messageries instantanées,
e-mail, voix sur IP fixe ou mobile, réseaux sociaux, …
Les opérateurs tentent encore de trouver des domaines réservés et des services avancés. Les géants du Net,
eux, cherchent à capter une nouvelle part de la valeur en descendant vers les infrastructures : même de manière limitée, comme ce fut le cas pour Google avec ses projets restreints dans la fibre et le spectre, ou de façon plus structurelle, comme l’investissement de tous dans des réseaux planétaires de data centers. Mais l’engagement se joue sur tous les fronts. C’est, par exemple, le cas dans les brevets comme en 2012 : British Telecom attaque Google pour des violations de droits d’auteurs. Mais l’un des plus intéressants combats se déroula entre 2011 et 2015, lorsque les pays européens, sous la pression de la crise de leurs dettes publiques, souhaitèrent réviser la contribution fiscale des acteurs de cette nouvelle économie numérique.

« Les opérateurs télécoms se plaignent d’être des OFPI, ‘’objets fiscaux particulièrement identifiables’’, les GAFA étant de véritables OFNI, ‘’objets fiscaux non identifiés’’ ».