De la photo à la webographie

En cette fin d’été, à ce moment particulier où nos pensées sont encore imprégnées par nos voyages et retrouvailles familiales, je retrouve sur le Net les images de ceux qui ont vécu les mêmes instants que moi, mais avec leurs regards, à travers leurs innombrables photos. Pour moi, qui ne suis pas photographe, c’est une chance que de pouvoir me faire un album grâce aux centaines de clics de mon réseau. Quand je souligne que je ne fais pas de photo, ce n’est plus tout à fait vrai. Sans vraiment le vouloir, je me suis trouvé progressivement à la tête de terminaux mobiles intégrant, pour la plupart d’entre eux,
une fonction de capture d’images. Il m’arrive donc d’en prendre, le plus souvent avec
mon smartphone qui ne me quitte jamais, mais sans rivaliser avec la frénésie qui semble tenir la plupart de mes contemporains ! Je suis donc, comme beaucoup, emporté par
cette vague de fond qui fait du XXIe siècle celui de l’image reine. Le siècle précédent,
qui fut celui des grands noms du métier et des grandes agences qui donnèrent leurs lettres de noblesse à la photographie, ferait presque pâle figure face à ce déferlement.
Car il s’agit bien d’un changement d’échelle depuis l’année 2001 où l’activité photographique mondiale argentique était encore mesurable : quelque 2,7 milliards de
films furent consommés, pour un total de plus de 80 milliards de photos. Dix ans plus tard, avec l’essor du numérique, le nombre de photos prises dans le monde pouvait atteindre les 800 milliards, dont plus de 100 milliards mises en ligne sur le seul Facebook – au rythme trépidant de 6 milliards de clichés par mois !

« Mes lunettes ne font-elles pas un excellent appareil ? Immersives, les images sont de plus en plus réalisées en très haute définition, en vision 180° ou en 3D ».

Babel numérique

J’attendais avec impatience ce retour à Shangaï. Et pas seulement pour cette étrange ivresse que provoque cette plongée dans une ville unique, nimbée de l’aura que lui confère son statut de cité parmi les plus puissantes de l’économie monde e. Cette fois-ci, je débarque de l’avion bardé de nouveaux outils de traduction automatique que j’ai hâte de tester ici. Une occasion unique pour décrypter mon environnement et même communiquer sans intermédiaire. La rue est mon premier terrain d’expérimentation. Armé de mon smartphone, une application avancée de réalité augmentée – intégrant les fonctions d’un outil de type Word Lens de Quest Visual – me permet de lire tous les panneaux ou autre indication écrite. Je me retrouve comme un enfant, qui, sachant enfin lire, comprend enfin sa ville. Timidement, je teste une autre application de traduction simultanée, toujours avec l’aide de mon mobile. J’énonce une question dans ma langue que traduit aussitôt une application du type Talk to me par Flaviuapps.

« Une application avancée de réalité augmentée me permet de “comprendre” la ville, une autre – de traduction simultanée – mes interlocuteurs ».

M-Monnaie pour M-Wallet

Pendant un instant, j’ai eu un sentiment de vide. Vous savez, cette impression fugace qui vous saisit au moment de passer une porte et qui vous pousse à tapoter vos poches. D’abord mécaniquement, puis frénétiquement, au fur et à mesure que la certitude s’installe, la certitude de la perte irrémédiable
d’un portefeuille, laissant une poche vide, lestée du poids de l’habitude. Mais, cette fois-ci, ma poche est pleine. Bien à sa place, il y a mon mobile. Rassuré, je continue ma route. J’ai abandonné le portefeuille depuis quelques années ; il ne me manque pas. Il était toujours trop lourd et mal rangé, même si j’ai encore la nostalgie du premier jour : quand on découvre ces différents recoins lors du transfert du contenu de l’ancien vers le nouveau, l’occasion d’un tri drastique, jamais renouvelé. Aujourd’hui, mon smartphone a fait le vide et pris la place des pièces de monnaies, des billets, de ma carte bancaire, de nombreuses cartes de fidélité, d’un bloc-notes, de ma carte d’identité, de mon permis de conduire, des tickets de tram ou de péage, d’un plan de métro, de mes clés de voiture … De plus, ce nouveau portefeuille m’alerte sur l’état de mon compte et me rend mille autres petits services.

« Notre portefeuille fut au cœur d’une révolution monétaire, symbolisée par l’abandon progressif de la carte bancaire au profit du mobile »

Fracture universelle ?

Il en va des fractures dans le monde numérique comme
de la tectonique des plaques dans le monde réel : on sait qu’elles existent et qu’elles dessinent des structures profondes, mais qu’elles sont difficiles à identifier avec précision ; elles sont sans cesse mouvantes et peuvent
se réactiver après de longues périodes de silence. Une première fracture, analogique celle-ci, fut réduite afin de permettre à la plus grande partie de la population de bénéficier sur tout le territoire
de services de téléphonie et de télévision. Dans la France des années 70, les investissements massifs dans les réseaux mis en oeuvre par des services publics offensifs ont marqué profondément cette grande période de démocratisation des moyens de communication. Depuis la libéralisation des médias audiovisuels en 1982
et des lignes téléphoniques en 1998, on s’était habitué à ces nouvelles facilités d’accès en oubliant les efforts consentis pour les obtenir. Mais, au tournant des années 2000, s’est fait jour une nouvelle fracture, numérique celle-ci.

« L’Europe a réussi, tant bien que mal, à définir une notion commune de service universel de l’accès haut débit fixe et mobile ».

A vos Tablettes !

A l’occasion d’une visite à la dernière grande exposition organisée par les antiquités orientales du musée du Louvre, j’ai été le témoin d’une scène troublante. Face à la statue du scribe Dudu, grand maître des tablettes d’argile qui exerçait son métier en Mésopotamie au milieu du IIIe millénaire avant J.-C., se tenait un jeune étudiant des beaux-arts le dessinant du bout des doigts sur sa tablette numérique : véritable mise en abîme de deux pratiques parallèles séparées par 5.000 ans ! Cette réinvention, ouvrant un nouvel âge d’or des tablettes quelques millénaires plus tard, nous a même surpris lorsqu’Apple lança en 2010 son iPad avec le succès que l’on sait. Ce n’était pourtant pas la première du genre, loin s’en faut. Sans parler des apparitions dans la série Star Trek, la première tablette numérique, Dynabook, fut imaginée par Alan Kay dès 1968 avec quasiment tous les attributs qui ont fait leur succès : un ordinateur sans fil de type notepad doté d’un écran tactile, disposant de capacités de stockage propres et à la portée des enfants, afin de contribuer à leur apprentissage.

« Tablette du futur : matériau redimensionnable, écran holographique avec toucher par ultrason, coque alliant nanomatériaux et photovoltaïque, scanner et caméra. Et visiophone 3D ? »