L’échec de la carte musique devrait inquiéter la filière

En fait. Le 25 novembre, la « carte musique » – lancée il y a un an par le gouvernement pour favoriser les plateformes légales au détriment du piratage –
est rendue disponible au format d’une carte physique, faute d’avoir séduit en ligne les 12 à 25 ans : « plus de 50.000 cartes » ont été vendues.

En clair. Le gouvernement est très loin de son potentiel initial d’atteindre le million d’utilisateurs par an, comme l’avait fixé le décret du 25 octobre 2010, après l’obtention
du feu vert de la Commission européenne quelques jours plus tôt. Le ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand, a indiqué fin novembre que les ventes s’établissaient à « à peine plus de 50.000 cartes musiques » sur Lacartemusique.fr depuis son lancement, pour quelque 50 millions d’euros de recettes (1). « Son ergonomie était trop compliquée », avait reconnu Frédéric Mitterrand le 20 mai dernier dans
Le Figaro, avant d’en simplifier le dispositif « en trois clics ». Après l’échec du début d’année, c’est aujourd’hui la déception. L’absence de budget de promotion y a grandement contribué.
Paradoxe : le gouvernement tente aujourd’hui de relancer cette carte musique de vente
de musique dématérialisée, en la commercialisant dans un format physique dans des points de vente (2). A 10 ou 25 euros, le jeune internaute pourra acheter 20 ou 50 euros de musique en ligne. Sans préjuger du résultat de la prochaine campagne de publicité confiée à Euro RSCG, la « carte musique jeune » gouvernementale fera-t-elle le poids face aux cartes iTunes – matérialisée elles aussi ? La plateforme de musique en ligne d’Apple est en position dominante sur le marché français et dispose du catalogue le plus étoffé de la place avec 20 millions de titres ! Et en proposant de gérer aux internautes de gérer leur discothèque personnelle avec iTunes Match dans le « cloud », Apple devrait s’imposer encore plus face à ses rivaux internationaux que sont Amazon (17 millions de titres), Spotify (15 millions) ou Deezer/Orange (7 millions).
La carte musique part en plus avec un handicap budgétaire : le 15 novembre, les député ont adopté un amendement dans le projet de loi de finance 2012. Il empêche le gouvernement de reporter sur 2012 les crédits de paiement disponibles en 2011. Pour la carte musique, 10,9 millions d’euros sont ainsi supprimés sur 20 millions – soit la moitié du budget. « [La carte musique] n’a pas produit les effets escomptés puisque, sur 25 millions d’euros de dépenses prévues pour 2011, les deux tiers n’ont pas été consommés faute d’attirer suffisamment les jeunes internautes », justifient les députés, lesquels reprochent en outre à la carte musique de ne pas soutenir la création. @

La bataille entre “jardins clos” et “mondes ouverts”

En fait. Les 16 et 17 novembre, à Montpellier, a eu lieu le 33e DigiWorld Summit
de l’Idate sur le thème interrogatif : « Les terminaux seront-ils les rois ? »
(Will the device be king?). Les foyers multiplient les écrans connectés
(ordinateur, smartphone, console, téléviseur, …) et les usages multimédias.

En clair. C’est le consommateur qui est « roi » ! Mais en multipliant ses équipements connectés et en exigeant plus de contenus, il a déclenché sans le savoir – surtout
en France où le triple play ADSL est dominant – une guerre de tranchée entre deux écosystèmes. D’un côté, les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) qui opèrent des réseaux dits « managés » comme l’IPTV (1) via une « box », et, de l’autre, les fournisseurs de services et de contenus qui proposent leurs offres vidéo dans un environnement ouvert sur Internet sans être opérateur télécoms. Ces derniers, appelés OTT, pour Over- The-Top, sont en général de nouveaux entrants venant du Web, des terminaux interactifs ou encore de la VOD. Mais, à Montpellier, les FAI de l’IPTV ou les câblo-opérateurs ont tenté de défendre leur position face à la pression qu’exerce un peu plus la TV connectée sur leur « walled garden ». « La moitié des foyers français ont déjà la TV connectée puisqu’ils sont 11 millions à être équipés d’une box qui leur offre une qualité de service », a expliqué Jérémie Manigne, vice-président chez SFR. Le marché français est donc à ses yeux « spécifique » avec ses boxes « subventionnées » par les FAI et ses offres audiovisuelles variées (TV, catch up TV, VOD, SVOD, …). Il ne veut
pas pour autant être fermé aux OTT. « Entre FAI locaux et acteurs plus globaux, nous sommes pour la “coopétition” comme nous le faisons avec Picasa [Google, ndlr], Dailymotion ou d’autres », a poursuivi Jérémie Manigne, tout en craignant une « distorsion de concurrence réglementaire et fiscal » avec les OTT implantés ailleurs. Intervenant à ses côtés, Terry Denson, vice-président chez Verizon, a lui aussi défendu le modèle de l’IPTV comme étant « le cœur de la consommation multi-service et multi-plateforme », ainsi que la coopétition. « C’est le combat de l’intelligence des réseaux qu’il nous faut mener pour ne pas être réduits à un dump pipe [réseau passif, ndlr]. Cela passe par
une stratégie offensive sur le marché de l’OTT, quitte à nouer des accords de partenariat avec d’anciens concurrents ! », a-t-il dit.
Quant à Alun Webber, directeur général chez BSkyB, il est allé plus loin en vantant les mérites de « la box hybride IP qui permet d’offrir au client davantage de choix OTT ».
Mais à trop vouloir ouvrir la box, n’est-ce pas pour les FAI prendre le risque d’ouvrir
« la boîte de Pandore » (2) ? @

Google TV et YouTube : vers un “GooTube” audiovisuel

En fait. Le 3 novembre, le Wall Street Journal a indiqué que Google pourrait proposer des services payants de télévision sur Google TV lancé il y a un an aux Etats-Unis. Son lancement en 2012 se fera sur une version simplifiée dévoilée fin octobre, elle intégre les chaînes de YouTube.

En clair. La firme de Mountain View avance sur deux fronts sur le marché mondial de la télévision avec ce que Edition Multimédi@ propose d’appeler « GooTube » ! D’un côté, Google TV – lancé il y a un an aux Etats-Unis sur les téléviseurs Sony et les décodeurs numériques Logitech – cherche à nouer des partenariats avec de grandes chaînes de télévision, comme celles de Walt Disney ou de Time Warner pour les diffuser et les proposer en catch up TV, ainsi qu’avec des distributeurs de VOD comme Netflix ou Amazon. De l’autre, YouTube – racheté par Google en 2006 pour 1,65 milliard de dollars – multiplie les chaînes de télévision thématiques à travers des accords de partenariats comme avec Disney, qui mettra en ligne début 2012 des vidéos à caractère familial, ou encore avec Madonna, sans parler des retransmissions en direct d’événements (ouverture du Bolchoï, pèlerinage de La Mecque, mariage de Kate et William, concert de U2, …). Si la première version de Google TV n’a pas rencontré outre-Atlantique (1) le succès escompté, en raison du prix trop élevé et de la complexité de la plate-forme, YouTube Channels – des dizaines de chaînes déjà proposées – draîne déjà plusieurs millions de téléspectateurs (2). « GooTube » espère ainsi séduire les chaînes sur Google TV et les fournisseurs de vidéos en ligne sur YouTube en leur offrant une opportunité d’éviter l’érosion de leur audience pour les uns (comme Disney Interactive) ou l’accroître pour les autres. Google reverse jusqu’à 55 % des revenus publicitaires à ses partenaires, après s’être remboursé les avances comme lors de co-productions (3).
« GooTube » ambitionne de réussir là où Steve Jobs a échoué avec Apple TV. Le numéro un mondial des moteurs de recherche sur Web veut en fait devenir à terme incontournable dans la recherche de programmes de télévision et de vidéos à la demande. Et ce, que cela soit sur le poste de TV connecté mais également sur tablettes, ordinateurs, mobiles et consoles de jeux. En voulant racheter Motorola Mobility 12,5 milliards de dollars (EM@41, p. 3), Google entend se donner les moyens d’introduire « GooTube » dans ses propres mobiles et ses propres décodeurs qui fonctionnement sous son système d’exploitation Android. « GooTube » pourrait remporter la guerre de la télécommande s’il parvient à s’imposer comme le point d’entrée dans l’audiovisuel. @

La presse écrite disparaîtra si elle ne change pas

En fait. Le 14 octobre, le propriétaire de France Soir, le Russe Alexandre Pougatchev, a annoncé sa décision d’abandonner l’édition imprimée
– à partir de décembre prochain – pour basculer sur le Web avec un effectif rédactionnel réduit à 32 journalistes au lieu des 87 journalistes actuels.

En clair. Tous les quotidiens papier sont sous la menace du syndrome France Soir, premier quotidien national à quitter l’ère Gutenberg. Malgré les 70 millions d’euros investis dans l’ex-fleuron de la presse française, le fils de l’oligarque russe a échoué. Rien qu’en 2010, France Soir aurait perdu près de 35 millions d’euros et les ventes sont passées – en moyenne quotidienne sur un an – sous la barre des 70.000 exemplaires (1). Lors du lancement de la nouvelle formule, le 17 mars 2010, la direction de France Soir s’était fixée comme objectif 150.000 exemplaires par jour. L’abandon du papier au profit du seul Web pourrait toucher d’autres quotidiens. La Tribune, que le tribunal de Commerce de Paris a placé début octobre « sous haute surveillance » hebdomadaire, sera fixée sur son sort le 5 janvier 2012. Bien que Valérie Decamp, PDG de La Tribune, ait dit le 15 mars 2010 à l’AFP que le quotidien économique pourrait « ne plus être distribué en kiosque d’ici la fin de l’année » (2), elle a affirmé depuis qu’elle n’avait pas l’intention de basculer entièrement sur Internet. Pourtant, durant quinze jours en août dernier, La Tribune n’est pas parue en kiosque pour n’être disponible qu’en version numérique. Résultat : le site web Latribune.fr a vu sa fréquentation augmenter « entre 40 % et 50 % » durant cette période, selon Jacques Rosselin, le directeur de la rédaction, qui a indiqué le renouvellement de l’opération l’an prochain.

Pourquoi François Hollande est contre la Hadopi

En fait. Le 16 octobre, François Hollande a été élu à 56,6 % des suffrages
(2,86 millions de votants) candidat PS à la présidentielle de 2012. Il prône
un « pacte pour la création numérique », une loi et un régulateur « contre
les majors » pour remplacer la Hadopi.

En clair. François Hollande veut « dépénaliser » le téléchargement, comme il l’a expliqué le début octobre devant l’ARP, la société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs.
Ce qui revient à abroger la loi Hadopi et, partant, à supprimer la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, contrairement a ce qu’il avait laissé entendre aux cinéastes (1). Depuis juin dernier, il écrivait sur son site web de campagne présidentielle : « Notre responsabilité en 2012 sera de mettre un terme au plus vite au conflit entre créateurs et internautes en abrogeant le dispositif Hadopi
et en le remplaçant par ce nouveau mécanisme [une faible redevance couplée à la réorientation de la taxe sur les fournisseurs d’accès Internet (FAI), qui permettra de dégager jusqu’à 1 milliard d’euros annuels pour rémunérer les droits d’auteurs] ». Il était ainsi en ligne avec la position de la Sacem, prônant une « contribution compensatoire prélevée sur les FAI ». Mais depuis début octobre, François Hollande a changé d’avis en renonçant à sa « taxe sur les FAI » et en prenant le contre-pied de Martine Aury favorable, elle, à une « licence globale » (2).
Le conseiller en économie numérique du candidat PS, Vincent Feltesse, s’en est expliqué le 11 octobre sur son blog : « Nous ne sommes favorables ni à un big-bang
du droit d’auteur ni à l’instauration d’une taxe sur les ménages (ou sur les FAI, ce qui revient au même) venant financer une “licence globale” ou autre “contribution créative”. (…) En faisant prioritairement porter l’effort sur les ménages, la licence globale commet finalement la même injustice que Hadopi ». Or, le projet 2012 du PS prévoit le contraire à ce sujet : « De nouvelles sources de financement de la création numérique seront dégagées grâce à de nouvelles contributions partagées (opérateurs, FAI, etc.) ». En attendant d’être fixé sur ce point, François Hollande en appelle à un « pacte pour la création numérique » entre artistes et internautes, qui consistera non seulement à supprimer la coupure de l’accès à Internet mais aussi à « créer un régulateur sur les cendres de la Hadopi, doté d’un pouvoir de règlement des litiges et d’une “riposte graduée“ contre les majors allant de l’encadrement des pratiques commerciales – minimums garantis, avances, etc. – à la gestion collective obligatoire ». @