A propos Charles de Laubier

Rédacteur en chef de Edition Multimédi@, directeur de la publication.

Galileo, le «GPS européen» censé être pleinement opérationnel en 2020, s’avère trop coûteux

Face au GPS américain, au Glonass russe et au Beidou chinois, le système mondial de positionnement par satellites Galileo – qui a déjà coûté 10 milliards d’euros à l’Europe – tarde à être intégralement en service. Et son budget 2021-2027 pourrait être raboté.

Le « GPS européen » a déjà coûté aux Européens environ 10 milliards d’euros, soit 20 % plus cher que le budget initial 2014- 2020 (à 7 milliards d’euros), selon certaines sources. Mais pour la période 2021-2027, l’argent risque de manquer à Galileo. En effet, dans le cadre du Conseil de l’Union européenne présidé durant six mois par la Finlande (soit jusqu’au 31 décembre dernier), les Etats membres ont fait une proposition de budget revu sérieusement à la baisse.

Des coupes budgétaires pour 2021-2027
Les fonds européens pour l’Espace pourraient être réduits de 10 % (par rapport aux 16 milliards proposés par la Commission européenne), avec Galileo qui perdrait à lui seul 20 % de son enveloppe budgétaire. Avec la Défense qui verrait ses fonds fondre de moitié, à 7 milliards d’euros au lieu de 13 milliards, autant dire que le projet de budget 2021-2027 concocté par la Finlande (1) fait l’effet d’une douche froide pour le nouveau commissaire européen en charge du Marché intérieur, Thierry Breton(photo). « Je me battrai personnellement pour le budget de l’Espace, avec le Parlement européen et les Etats membres. Parce qu’investir dans l’espace, c’est investir dans la souveraineté technologique. Vous pouvez donc compter sur moi. Mais la balle est dans le camp des Etats membres et du Parlement européen. Nous devons les convaincre collectivement de la valeur ajoutée de l’investissement de l’Union européenne dans l’espace. Et pour cela, je compte sur vous », a-t-il lancé le 22 janvier dernier à Bruxelles, lors de son discours de clôture (2) de la 12e conférence européenne sur l’Espace (organisée par le lobby Business Bridge Europe). Ces restrictions financières, si elles devaient être votées par le Parlement européen, pourraient compromettre l’objectif de rendre pleinement opérationnel Galileo d’ici l’an prochain, à défaut d’y parvenir dès 2020 comme cela était prévu initialement. De plus, ces coupes budgétaires pourraient aussi contrarier les ambitions de la Commission européenne de préparer sans tarder la deuxième génération des satellites de Galileo – prévue pour 2025 si l’on en croit les propos de Paul Verhoef, directeur de la navigation à l’Agence spatiale européenne (ESA). Selon Thierry Breton, l’appel d’offres par lots est en préparation « afin de rester en avance dans la course technologique ». Le commissaire européen chargé du Marché intérieur a profité de son discours à Bruxelles pour annoncer que « la Commission européenne a préréservé quatre autres Ariane 6 [fusée lanceur de satellites, ndlr] pour anticiper les besoins futurs de Galileo ». Arianespace a précisé qu’il s’agira là du troisième lot de satellites Galileo qui seront déployés « à partir de 2022 » (3). Cette baisse des crédits serait aussi malvenue au moment où Thierry Breton veut en outre continuer d’améliorer la précision de Galileo avec un objectif de 20 cm, au lieu d’autour du mètre actuellement. Sans parler du développement du signal chiffré (cryptage) à des fins militaires mais aussi de sécurité civile.
En novembre dernier, avant que la nouvelle Commission « Leyen » ne remplace la Commission « Juncker » le 1er décembre, les trois institutions de l’Union européenne s’étaient mises d’accord sur le budget 2020 de transition et ses priorités, avant le cycle 2021-2027, avec à la clé une enveloppe de 1,2 milliard d’euros pour Galileo (+ 75 % par rapport à 2019) pour continuer à conquérir le monde et atteindre 1,2 milliard d’utilisateurs à la fin de cette l’année (contre 1 milliard fin 2019). En réalité, le nombre d’utilisateurs du « GPS européen » est bien plus important que ces chiffres avancés par la Commission européenne. En effet, cette dernière précise elle-même que « ce seuil du “milliard d’utilisateurs” est calculé sur la base des ventes de smartphones utilisant Galileo à l’échelle mondiale », tout en indiquant qu’« aujourd’hui, 95 % des entreprises produisant des puces pour smartphone pour la radionavigation par satellite fabriquent des puces compatibles avec Galileo ». Selon les relevés de la GSA, l’Agence du système global de navigation par satellite (GNSS) européen, 272 smartphones et tablettes sont « Galileo Inside » et 77 wearables et dispositifs sportifs le sont aussi (4).

Les 1,2 milliard d’utilisateurs déjà dépassés
Mais il faut y ajouter toutes les véhicules déjà compatibles (5), y compris le système eCall de localisation des accidents aux services d’urgence ainsi que les tachygraphes numériques intégrés dans les camions (6). Sont aussi à prendre compte les nombreux appareils de l’Internet des objets (7) et bien d’autres solutions « Galileo » comme repérer en moins de 10 minutes une personne équipée d’une balise de détresse en mer, en montagne ou dans le désert (8). Selon le décompte affiché par la GSA sur son site web UseGalileo.eu, les 1,2 milliard d’utilisateurs sont déjà dépassés. @

Charles de Laubier

Loi audiovisuelle : David Kessler était « sceptique »

En fait. Le 3 février, David Kessler – haut fonctionnaire et, depuis 2014, directeur général d’Orange Content – est décédé à l’âge de 60 ans. Sa dernière intervention publique remonte au 7 novembre 2019, aux 29es Rencontres cinématographiques de Dijon (RCD). Il exprimait des doutes sur la réforme audiovisuelle.

Quid au juste du Brexit numérique et audiovisuel ?

En fait. Le 31 janvier, à minuit, le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne (UE) et ne fait donc plus partie des Etats membres, lesquels sont désormais vingt-sept. Une période transitoire s’est ouverte jusqu’au 31 décembre 2020, durant laquelle le droit de l’UE continuera de s’appliquer au Royaume-Uni. Et après ?

Avec le « RGPD » californien, les GAFAM garderont le pouvoir en 2020 sur les données personnelles

Le partage des données des consommateurs avec les entreprises s’est généralisé en dix ans. Or le droit californien n’avait pas suivi cette évolution, laissant aux entreprises de la Silicon Valley la liberté d’exploiter la vie privée des individus sans contrainte. Ce que change partiellement le CCPA.

Dans le sillage du règlement général sur la protection des données (RGPD), le California Consumer Privacy Act (CCPA) est entré en vigueur le 1er janvier 2020. Cette loi applicable dans l’Etat américain le plus peuplé des Cinquante vient renforcer le contrôle des consommateurs californiens sur leurs données personnelles en leur octroyant de nouveaux droits. Et ce, afin de leur permettre de reprendre le contrôle de leurs vies privées.

Droit local d’inspiration populaire
A la suite du scandale Cambridge Analytica et de la fuite massive de données d’Equifax, concernant 143 millions de personnes, soit près de la moitié de la population américaine (1), a été formulée en 2018 une proposition de loi d’initiative populaire visant à protéger les données personnelles des Américains. Deux militants pour la protection de la vie privée, issus de la société civile, l’homme d’affaires Alastair Mactaggart et une juriste spécialiste de droit à la protection de la vie privée, Mary Stone Ross, ont rédigé dès 2017 un projet de loi sous le nom de California Consumer Privacy Act (CCPA) soumis aux électeurs californiens par la voie pétitionnaire (2). Le droit californien permet en effet aux citoyens de cet Etat de faire adopter des textes législatifs ou de provoquer un référendum au niveau local en recueillant 366.000 signatures. Le CCPA a recueilli 600.000 signatures, révélant par là une véritable volonté des Californiens de reprendre le contrôle de leurs vies privées et d’empêcher les intrusions répétées des GAFAM dont ils ont été victimes ces dernières années.
Mise sous pression, la Silicon Valley – dont la collecte des données personnelles est le fer de lance de son modèle économique – a milité auprès des chambres législatives californiennes pour que ces dernières concluent un accord avec les promoteurs du texte et que soit évité un référendum. Le 28 juin 2018, et après moins d’une semaine de débat, la loi initialement proposée a alors été adoptée par le législateur californien sous une version plus timorée que le projet initial. Le texte continue cependant à se heurter à la résistance des entreprises de nouvelles technologies qui militent pour l’adoption d’un texte fédéral moins contraignant. En effet, des lois prises par le Congrès à Washington s’imposeraient sur le droit des Etats fédérés et empêcheraient le CCAP de s’appliquer. Dans le sillage du CCPA, d’autres projets de loi se sont faits jour au niveau fédéral visant à réglementer la collecte des données personnelles des citoyens américains. Certaines propositions sont spécifiques et visent uniquement les données transmises via les réseaux sociaux. D’autres projets sont plus ambitieux dans leur champ d’application et cherchent à imposer un traitement loyal, équitable et non discriminatoire aux responsables de traitements, à l’instar du RGPD. Si aucun de ces projets n’a l’ambition portée par le texte européen, ils s’en inspirent dans la forme et constitueraient néanmoins une avancée considérable dans la conquête des droits des internautes quant au respect de leurs vies privées. Le CCPA intégré dans le Code civil de Californie (3) s’applique à toutes les informations à caractère personnel collectées, électroniquement ou non, auprès de consommateurs.
Les consommateurs sont définis comme des personnes physiques résidant en Californie, ce qui confère un champ d’application aux bénéficiaires du texte aussi large que le RGPD. La loi californienne s’applique donc très largement et pas seulement aux données collectées sur Internet. Toutefois, de façon plus pragmatique que le RGPD, les assujettis du CCPA sont uniquement des entreprises d’envergure. Ces dernières doivent en effet réaliser un chiffre d’affaires annuel supérieur à 25 millions de dollars, ou acheter, vendre ou partager à des fins commerciales des informations personnelles de plus de 50.000 consommateurs, ou encore obtenir plus de 50 % de leurs revenus annuels de la vente d’informations personnelles du consommateur.

Champ d’application du CCPA
Ainsi, les associations comme les petites et moyennes entreprises ne sont pas concernées par le texte. Les pouvoirs publics peuvent également continuer à collecter les données personnelles des individus sans que ceux-ci puissent s’y opposer, même s’il est prévu que les données issues de ces traitements et réutilisées pour d’autres finalités sont des informations sur lesquels les citoyens californiens pourront exercer les droits prévus par le texte. Le texte de loi californien vise les informations à caractère personnel comme les noms, les adresses, le numéro de sécurité sociale, les adresses IP, les renseignements commerciaux (registre de la publicité foncière, historique de crédit, …), les informations biométriques, les historiques de navigation, les données de géolocalisation, les informations audio, électroniques, visuelles, thermiques, olfactives, les informations professionnelles ou liées à l’emploi, ou encore les informations sur l’éducation. Sont également concernées toutes déductions tirées de ces différentes informations afin de créer un profil. Toutefois, un certain nombre de domaines sont exclus du champ d’application de la loi. Il en va ainsi du domaine financier, des agences de notation des consommateurs ou encore des informations visant les conducteurs.

Droits nouveaux pour les Californiens
Pâle copie du RGPD, le CCPA impose des obligations aux entités assujetties et des droits aux citoyens bénéficiaires. L’entreprise qui collecte des données doit informer le consommateur californien sur les catégories de données collectées, les sources auprès desquelles les données sont collectées, les finalités de la collecte et les catégories de tiers avec lesquelles l’entreprise partage les données. Les consommateurs doivent pouvoir exercer leurs droits dans des conditions faciles et gratuites : description du droit d’accès, du droit à l’effacement, du droit à l’égal accès aux services, description des méthodes pour présenter les requêtes. La loi californienne donne aussi aux consommateurs la possibilité de refuser la vente de leurs informations personnelles à des tiers, obligeant les entreprises concernées à publier un lien clair et visible intitulé « Ne pas vendre mes informations personnelles » sur leur site web national ou leur page spécifique à la Californie.
Un consommateur a le droit de demander à une entreprise de supprimer toute information personnelle le concernant que l’entreprise a collectée auprès de lui, et l’entreprise doit répercuter la demande auprès de ses sous-traitants. Toutefois, l’entreprise peut refuser cet effacement pour des raisons légitimes telles que l’exécution du contrat conclu entre l’entreprise et le consommateur. Enfin, la loi californienne confère le droit à un égal accès aux services, interdisant en principe toute discrimination à l’encontre des consommateurs qui exercent leurs droits en vertu de la loi. Les entreprises peuvent cependant être autorisées à appliquer des tarifs différents ou à fournir différents niveaux de service, si ces différences sont en lien raisonnable avec la « valeur fournie au consommateur par les données du consommateur », conférant un droit à la discrimination. Enfin, et à la grande différence du RGPD, les entreprises peuvent proposer des incitations financières – notamment des paiements aux consommateurs à titre de compensation – pour la collecte de leurs données personnelles. Cette option, pour laquelle de nombreux think tank militent en Europe, est à ce stade exclu par l’Union européenne pour qui les données personnelles sont des droits extrapatrimoniaux, incessibles. En cas de non-respect du CCPA, une amende de 2.500 dollars par violation, et de 7.500 dollars si la violation est intentionnelle, est infligée. Ce qui est peu, au regard du chiffre d’affaires des entreprises visées par le texte. Néanmoins, la loi californienne prévoit des dommages et intérêts dans le cadre d’une action intentée par un consommateur, compris entre 100 et 700 dollars par infraction et par consommateur, ce qui peut s’avérer important à l’aune du système de la class action. La procédure des actions collectives, bien éprouvée aux Etats-Unis, devrait en effet pouvoir contraindre les entreprises à respecter cette nouvelle loi, moins pour la sanction financière que pour la mauvaise publicité que représenterait une sanction prononcée à la demande de centaines de milliers de plaignants. A noter qu’en Europe, la commission des Affaires juridiques (JURI) a confirmé en janvier dernier (4) la position de négociation du Parlement européen sur une nouvelle législation introduisant des règles de recours collectif (5). En France, l’action de groupe a été introduite par la loi du 17 mars 2014 sur la consommation (loi dite « Hamon »).
Si le CCPA est timide au regard de l’enjeu que représentent les données personnelles pour les entreprises du numérique, il marque néanmoins un réel progrès quant à la protection des droits des données personnelles des citoyens californiens. Déjà, cette initiative a conduit d’autres Etats à réfléchir à une législation dans ce sens, et une loi fédérale devra inévitablement voir le jour pour éviter des législations disparates au sein d’un même pays. Dans le même temps, le parti communiste chinois a annoncé vouloir protéger les données personnelles de ses citoyens.

Vers des règles internationales unifiées
La collecte des données personnelles représente l’or noir du XXIe siècle et constitue un outil de concurrence majeur au sein du commerce international. Les législations nationales ne manqueront donc pas de s’affronter afin de contraindre les entreprises extérieures à limiter leur pouvoir d’intrusion de la vie privée de leurs citoyens tout en cherchant à poursuivre cette conquête des données, outil indispensable de la compétitivité économique. A moins qu’en guise d’apaisement, le G20 qui se tiendra à Riyad en novembre 2020 mette à son ordre du jour la recherche de règles internationales unifiées, seuls moyens de réguler la tentation intrusive des GAFAM. @

* Alexandre Lazarègue est avocat au Barreau de Paris,
spécialisé en droit du numérique.

Haine sur Internet : la loi Avia veut lutter
contre un fléau sans « privatiser la censure »

Le marathon parlementaire de la future loi « Avia » contre la haine sur Internet n’en finit pas. Rédigé à la va-vite, le texte est controversé. Le délai de retrait de 24 heures – disposition supprimée puis réintégrée (délai ramené à 1 heure dans certains cas) – illustre la valse-hésitation du législateur.