A propos Charles de Laubier

Rédacteur en chef de Edition Multimédi@, directeur de la publication.

La « taxe GAFA » imposée par plusieurs pays, dont la France, pourrait coûter très cher aux annonceurs

Google va répercuter à partir du 1er mai en France des « coûts d’exploitation » de 2% pour compenser la taxe GAFA. En Espagne aussi. D’autres pays y ont déjà droit, jusqu’à 5%de hausse : Le Royaume-Uni, l’Autriche et la Turquie. L’OCDE espère un accord international d’ici mi-2021.

Google Ads commencera à facturer de nouveaux frais supplémentaires pour les annonces diffusées dans certains pays. « A compter du 1er mai 2021, des coûts d’exploitation liés à la réglementation de 2% seront ajoutés à votre facture ou relevé pour les annonces diffusées en France. Les coûts d’exploitation liés à la réglementation sont ajoutés pour couvrir une partie des coûts associés au respect de la réglementation concernant la taxe sur les services numériques en France », a prévenu Google début mars sur le support en ligne de Google Ads (1).

Un « protectionnisme-mendiant » (Google)
Et Google de préciser : « Les frais supplémentaires seront ajoutés à vos frais Google Ads à la fin de chaque mois, et le montant correspondant sera prélevé à la date de facturation suivante ». Cette répercussion de la « taxe GAFA » sur les acteurs de la publicité est aussi mise en place en Espagne, à la même date et avec le même taux d’augmentation tarifaire. Au Royaume-Uni, même punition : depuis le 1er novembre 2020, une taxe de 2 % sur les services numériques est facturée pour les annonces diffusées dans ce pays.
En Autriche, la facture est encore plus salée puisque, depuis le 1er novembre 2020, il s’agit d’une taxe de 5 % sur les services numériques ajoutée aux factures ou relevés pour les annonces diffusées en Autriche. La Turquie y a même droit : depuis le 1er novembre 2020, 5% sont ajoutés. « Ces frais supplémentaires découlent de la nouvelle taxe sur les services numériques dans ce pays », justifie à chaque fois Google. La TVA sera facturée en plus de ces nouveaux frais supplémentaires.
Pour l’Union des marques (ex-Union des annonceurs), dirigée par Jean-Luc Chetrit, qui regroupe en France 142 membres (2), la décision de Google est regrettable. L’organisation professionnelle des annonceurs a aussitôt organisé le 17 mars dernier « une session de “questions/réponses” avec les représentants de Google ». Et ce, « compte-tenu de l’importance de cette décision et de ses conséquences potentielles pour la communication des marques ». En France, la « taxe GAFA » a été instaurée pour la première fois en Europe par une loi promulguée en juillet 2019. Cette « taxe sur les services numériques » (3) vise les géants du Net dont le chiffre d’affaires mondial dépasse les 750 millions d’euros, le prélèvement est de 3% du chiffre d’affaires réalisé dans l’Hexagone s’il dépasse les 25 millions d’euros « au titre des services fournis en France ». Sur l’année 2019, cette taxe GAFA chère au ministre français de l’Economie et des finances, a rapporté 400 millions d’euros environ et sans doute davantage sur 2020 malgré les menaces de représailles de l’ancienne administration Trump (4).
Emboîtant le pas de son voisin, l’Espagne a adopté en octobre 2020 une même taxe de 3 %. Google plaide pour une « taxe internationale » qui soit négociée au niveau de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Karan Bhatia (photo), vice-président en charge des affaires gouvernementales et publiques de Google, avait encore plaidé dans ce sens le 25 février dernier sur un blog officiel du géant du Net : « Certains des pays qui imposent ces taxes ciblées affirment qu’elles contribuent à donner un élan à une réforme fiscale internationale plus vaste. Mais ces taxes sur les services numériques compliquent les efforts pour parvenir à un accord équilibré qui fonctionne pour tous les pays – elles ne font que revendiquer des revenus qui seraient autrement imposés aux Etats-Unis. Nous encourageons ces gouvernements à réduire ce qui est essentiellement des tarifs ou, au minimum, les suspendre pendant que les négociations se poursuivent », avait-t-il tenté de raisonner les pays instaurant une taxe GAFA (5). En vain.
Et Karan Bhatia d’enfoncer le clou : « Laissée sur la trajectoire actuelle, la discorde fiscale pourrait rapidement donner lieu à un protectionnisme “mendiant-ton-voisin” [beggar-thy-neighbor] qui affaiblirait la coopération sur de nombreuses questions ».

Les Etats-Unis renoncent au « safe harbour »
Autant l’administration Trump avait mis des battons dans les roues de l’OCDE dans le processus de réforme de la fiscalité des entreprises multinationales, provoquant à l’automne dernier l’échec des négociations, autant l’administration Biden semble disposée à trouver un accord d’ici le prochain « G20 Finance » réunissant du 9 et 10 juillet prochains les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales. La nouvelle secrétaire au Trésor américain, Janet Yellen, a assuré le 26 février dernier, lors d’un G20 Finance en visioconférence, que les Etats-Unis étaient prêts à négocier des droits d’imposition entre pays de production et pays de consommation (premier pilier) et un taux minimum au niveau mondial (deuxième pilier). Elle a annoncé que Washington renonçait au principe de « safe harbour » qui, s’il avait été maintenu, aurait permis aux géants du numérique d’accepter ou pas le nouveau régime fiscal. Ce verrou est levé.

Janet Yellen d’accord avec Bruno Le Maire
Les représailles envisagées par l’administration Trump à l’encontre de produits français, en leur appliquant des droits de douane supplémentaires, avaient été suspendues juste avant la fin du mandat de Donald Trump. Avant même sa prise de fonction en janvier, Janet Yellen avait admis que « [cette taxe] permettrait de percevoir une juste part des entreprises, tout en maintenant la compétitivité de nos entreprises et en diminuant les incitations (…) aux activités offshore». Le ministre français de l’Economie, des Finances et de la Relance, Bruno Le Maire, s’est félicité de « l’engagement de la secrétaire d’Etat [au Trésor américain, Janet Yellen] en faveur d’une participation active des équipes américaines aux discussions sur la fiscalité au sein de l’OCDE, en vue d’un accord international d’ici la fin du semestre ». L’optimisme est de retour.
Ironie du calendrier : un premier Etat américain, le Maryland, a adopté le 12 février dernier une taxe sur la publicité en ligne où dominent Google et Facebook. Ce qui devrait lui rapporter 250 millions de dollars par an. Mais des voix se sont élevées aux Etats-Unis pour pointer le risque que cette taxe numérique soit répercutée sur les petites et moyennes entreprises faisant de la publicité sur Internet. Une action en justice a même été lancée conjointement par la chambre de commerce américaine (US Chamber of Commerce), l’organisation professionnelle NetChoice, ainsi que la Computer & Communications Industry Association (CCIA) et l’Internet Association (IA) (6).
Les négociations fiscales au sein de l’OCDE – auxquelles participent 137 pays dans le cadre de l’initiative BEPS (voir encadré ci-contre) visant à mettre un terme aux pratiques d’évasion fiscale des entreprises (7) – portent sur tous les secteurs d’activité, mais tous les regards se tournent vers les GAFAM. « Le numérique est la priorité des priorités, c’est pourquoi tous nos efforts porteront sur le fait de s’assurer que nous trouvions un accord sur le pilier un et deux. Notre but est d’avoir un projet d’accord global à la toute fin de juin, voire la première semaine de juillet, et que cet accord soit ensuite validé par le G20 », a déclaré début mars Pascal de Saint-Amans, directeur du centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE. Si les grands argentiers des vingt nations les plus riches du monde réussissaient à se mettre d’accord d’ici fin juin 2021 (alors que le G7, lui, se sera réuni du 11 au 13 juin), cela serait l’aboutissement de discussions engagées à partir de 2015. Ce serait aussi une victoire pour la France qui a été aux avant-postes de cette taxe GAFA. Mais si les négociations de l’OCDE échouaient, il n’est pas exclu que l’Union européenne (UE) mettre en place sa propre taxe GAFA. La Commission européenne prépare le terrain : elle mène une consultation publique jusqu’au 12 avril prochain sur la taxation numérique. « L’UE a besoin d’un cadre réglementaire et fiscal moderne et stable pour répondre de manière appropriée aux évolutions et aux défis de l’économie numérique. Le Conseil européen a chargé la Commission (européenne) de présenter des propositions relatives à des ressources propres supplémentaires. La taxe numérique est l’une d’entre elles » explique-t-on à Bruxelles (8).
Cette consultation publique alimentera les travaux en cours sur la proposition de taxe numérique attendue pour «mi- 2021 ». Selon la Commission européenne, « la nouvelle initiative contribuera à résoudre la question de la fiscalité équitable liée à la numérisation de l’économie et, dans le même temps, vise à ne pas interférer avec les travaux en cours au niveau du G20 et de l’OCDE sur une réforme du cadre international de l’impôt sur les sociétés ». Le risque de télescopage est grand.

Digital Services Tax (DST) en vue en Europe
Malgré le projet de Digital Services Tax (DST) à l’échelle de l’UE, plusieurs pays européens – France, Autriche, Italie, République tchèque, Espagne et, avant le Brexit, le Royaume-Uni – ont instauré des taxes unilatérales, lesquelles ont provoqué un patchwork européen et des tensions commerciales avec les Etats-Unis sous l’administration Trump. En 2019, le représentant au Commerce des Etats-Unis (USTR) avait dénoncé une « fiscalité discriminatoire » à l’égard des entreprises américaines. Le gouvernement français avait suspendu un temps la perception de sa « taxe GAFA » avant de reprendre son recouvrement. @

Charles de Laubier

La Coalition for App Fairness veut une régulation des magasins d’applications dominés par Google et Apple

En six mois d’existence, la Coalition for App Fairness (CAF) est passée de treize membres fondateurs – dont Spotify, Epic Games (Fornite), Match Group (Tinder) ou encore Deezer – à plus d’une cinquantaine. Son objectif : combattre les pratiques anti-concurrentielles des « App Stores ».

Les magasins d’applications – les fameux « App Stores », au premier rang desquels Apple Store et Play Store– sont soupçonnés d’être des moyens pour les acteurs qui en contrôlent l’accès (gatekeepers) de privilégier leurs propres services au détriment des autres. C’est pour dénoncer ces comportements anticoncurrentiels que la Coalition for App Fairness (CAF) a été fondée en septembre 2020 (1). Depuis, elle fait monter la pression, surtout sur Apple – déjà dans le collimateur de la Commission européenne dans la musique (plainte de Spotify) et les jeux vidéo (plainte d’Epic Games).

Un code de conduite « App Store »
Cette coalition pour l’équité des applications, association à but lucratif, vient de désigner sa directrice générale, Meghan DiMuzio (photo). « Les appels en faveur d’une législation antitrust gagnent du terrain à l’échelle mondiale. Aucune concurrence, aucune option et aucun recours ont été acceptés depuis trop longtemps. Ce comportement monopolistique réduit la qualité et l’innovation, entraînant des prix plus élevés et moins de choix pour les consommateurs. Chaque utilisateur d’appareil devrait s’attendre à un choix illimité en ce qui concerne son propre pouvoir d’achat, et chaque développeur devrait avoir accès à des règles du jeu équitables », a-t-elle déclaré lors de sa prise de fonction (2). La CAF a établi une dizaine de principes de l’App Store, une sorte de code de conduite pour faire en sorte « que chaque développeur d’applications ait droit à un traitement équitable et que les consommateurs puissent avoir un contrôle total sur leurs propres appareils ».
Aucun développeur ne doit être contraint d’utiliser exclusivement une boutique d’applis ou les services annexes de son propriétaire, comme le système de paiement, ou d’acheter des obligations supplémentaires pour avoir accès à la boutique d’applis.
Aucun développeur ne doit être exclu d’une plateforme ou discriminé à cause de son modèle commercial, de la façon dont il distribue son contenu et ses services, ou s’il entre en concurrence d’une façon ou d’une autre avec le propriétaire de la boutique d’applis.
Chaque développeur doit avoir accès en temps opportun aux mêmes interfaces d’interopérabilité et informations techniques que les développeurs du propriétaire de la boutique d’applis.
Chaque développeur doit avoir accès aux boutiques d’applis, tant que son application répond à des normes justes, objectives, et non discriminatoires en matière de sécurité, confidentialité, qualité, contenu et sécurité numérique.
Les données d’un développeur ne doivent pas être utilisées pour le concurrencer.
Chaque développeur doit pouvoir communiquer directement avec ses utilisateurs par le biais de son application pour des raisons commerciales légitimes.
Aucun propriétaire de boutique d’applis ou de plateforme ne doit faire la promotion de ses propre applis ou services, ou interférer avec les choix des utilisateurs.
Aucun développeur ne doit être contraint de s’acquitter des frais injustes, déraisonnables et discriminatoires, de partager ses revenus ou de vendre contre son gré une partie de son application pour pouvoir accéder à une boutique d’applis.
Aucun propriétaire de boutique d’applis ne doit interdire des tiers de proposer des boutiques d’applis concurrentes sur sa plateforme, ni décourager les développeurs ou les consommateurs de les utiliser.
Les boutiques d’applis seront transparentes sur leurs règles, politiques, opportunités commerciales et promotionnelles, les appliqueront de manière égales et objectives, signaleront tout changement et publieront une procédure rapide, simple et équitable pour résoudre les litiges. Basée à la fois à Washington et à Bruxelles, la coalition s’attaque d’abord à Apple et à son écosystème iOS. Mais Google et son environnement Android, également dominant dans le monde, est aussi dans son collimateur. « Les plus grandes plateformes en ligne de la planète et les boutiques d’applis qui en régissent l’accès sont devenues une passerelle essentielle pour les consommateurs de produits et services numériques du monde entier. Si elles peuvent être bénéfiques quand elles sont gérées équitablement, elles peuvent aussi être utilisées par leurs propriétaires pour flouer les consommateurs et les développeurs », prévient la CAF.

France Digital attaque Apple devant la Cnil
La CAF vient d’accueillir un membre supplémentaire : France Digital. Cette association de start-up est très remontée contre Apple. Elle compte s’appuyer sur la CAF à Bruxelles, au moment où le futur Digital Markets Act (DMA) est en préparation (3). En attendant, France Digital attaque Apple devant la Cnil – plainte déposée le 9 mars – en accusant la marque à la pomme de ne pas demander le consentement préalable des utilisateurs pour des publicités personnalisées. @

Charles de Laubier

La SVOD dépasse à elle seule et pour la première fois en France le milliard d’euros de chiffre d’affaires

C’est un bond de 43 % sur un an ! La vidéo à la demande par abonnement (SVOD), qui laisse clouée au sol la VOD à l’acte, a poursuivi son envolée en 2020 pour atteindre plus de 1,2 milliard d’euros. Elle pèse ainsi 83 % du marché français, avec toujours une « prime au leader » qu’est Netflix.

La SVOD en France a le vent en poupe. A elle seule, elle a franchi allègrement la barre du milliard, à plus de 1,2 milliard d’euros. C’est du moins les premières estimations pour l’an dernier avancées par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Ces chiffres provisoires pour l’année 2020 ont d’abord été publiés dans le « Baromètre de la vidéo à la demande » publié en décembre dernier par le CNC, puis repris dans le rapport conjoint de l’Hadopi et du CSA publié le 9 mars dernier sur « la multiplication des services de vidéo à la demande par abonnement : stratégies de développement et impact sur les usages » (1).

SVOD en France : 5 millions d’utilisateurs/jour
Le coup d’accélérateur de la SVOD en France a été donné par Netflix depuis son entrée sur le marché français en septembre 2014. En près de sept ans de présence, le poids de la SVOD dans l’Hexagone a été multiplié par 40 ! Ayant dépassé en début d’année les 200 millions d’abonnés dans le monde, Netflix se rapproche de plus en plus des 10 millions d’abonnés en France. « Pour autant, les mesures sanitaires liées à la pandémie de covid-19 et l’arrivée de Disney+, disponible en France depuis le 7 avril 2020, ont modifié les équilibres sur le marché. La stratégie tarifaire contenue de Disney+ (6,99 euros à son lancement versus 15,99 euros pour Netflix à niveaux de service comparables de 4 écrans simultanées) pourrait toutefois permettre aux deux services de cohabiter sur le marché français, et affecter seulement à la marge la base d’abonnés de Netflix », relève le rapport de l’Hadopi et du CSA.
En décembre 2020, ils étaient 5 millions d’utilisateurs quotidiens de SVOD (contre 2,9 millions un an auparavant) : 61,4 % d’entre eux déclarent avoir visionné un programme sur Netflix. Amazon Prime Video arrive en deuxième position avec 35,3 % des consommateurs et Disney+ conserve la troisième place avec 25 %. Au total, le nombre de services de SVOD disponibles en France continue d’augmenter pour s’établir actuellement à 78, avec notamment le lancement d’Apple TV+ en novembre 2019 et de Disney+ en avril 2020. Si Netflix a pu concentrer à lui seul plus de 90 % du chiffre d’affaires de la SVOD en France, du moins en 2019 avec 6,7 millions d’abonnés, cette part de marché s’érode au fur et à mesure d e l’ e n t rée de nouvelles plateformes. Mais la firme de Reed Hastings bénéficie en France comme ailleurs de « la prime au leader ». Ainsi, les consommateurs conservent un abonnement principal qui se porte en général sur Netflix. Les autres services, notamment thématiques, deviennent complémentaires, le nombre moyen de services auxquels s’abonnent les internautes se situant autour de deux. Quant à la dépense mensuelle moyenne des abonnés à un service de SVOD, elle s’élève à un peu plus de 15,20 euros. @

Charles de Laubier

La publicité numérique résiste mieux que le reste

En fait. Le 16 mars, l’Institut de recherches et d’études publicitaires (Irep), Kantar et France Pub ont publié leur baromètre du marché publicitaire et de la communication (Bump) pour l’année 2020, laquelle fut victime d’une « crise sans précédent ». Seule la publicité digitale a rattrapé son retard « covid ». Et 2021 ?

L’exploitation numérique des livres, pas très claire

En fait. Le 9 mars, la Société civile des auteurs multimédia (Scam) – en partenariat avec la Société des gens de lettres (SGDL) et en présence du Syndicat national de l’édition (SNE) – a publié son 8e baromètre des relations entre auteurs et éditeurs dans l’industrie du livre. Mécontentement des auteurs, notamment sur les ebooks.