A propos Charles de Laubier

Rédacteur en chef de Edition Multimédi@, directeur de la publication.

Internet global : la régulation nationale adaptée ?

En fait. Le 25 mars, Mark Zuckerberg, Sundar Pichai et Jack Dorsey ont été auditionnés par une commission du Congrès des Etats-Unis sur « l’extrémisme et la désinformation » véhiculés par Facebook, Google et Twitter. La régulation de l’Internet global risque de tourner en patchwork réglementaire.

Future Arcom : audiovisuel, Internet et anti-piratage

En fait. Le 7 avril, le projet de loi (donc du gouvernement) pour « la protection de l’accès du public aux œuvres culturelles à l’ère numérique » devrait être présenté en conseil des ministres. Il prévoit notamment de fusionner le CSA et l’Hadopi pour donner naissance à l’Arcom aux pouvoirs très élargis.

Responsabilité des hébergeurs : renforcer la modération en ligne, mais éviter les censures

Les patrons de Facebook, Google et Twitter ont été auditionnés le 25 mars au Congrès des Etats-Unis sur « le rôle des médias sociaux dans la promotion de l’extrémisme et de la désinformation » (1). Aucun ne s’oppose à une réforme de la responsabilité des plateformes. L’Europe, elle, a pris de l’avance.

Jeunes internautes de moins de 13 ans et enfants influenceurs de moins de 16 ans sous surveillance

Alors qu’Instagram prépare une version « Kids » de son réseau social, la question de l’accès des mineurs de moins de 13 ans se pose de plus en plus. Entre l’intelligence artificielle et le contrôle parental, les TikTok, YouTube et autres Facebook cherchent à encadrer l’accès de la très jeune génération.

« Les enfants demandent de plus en plus à leurs parents s’ils peuvent rejoindre des applications qui les aident à suivre leurs amis. Une version d’Instagram où les parents ont le contrôle, comme nous l’avons fait avec Messenger Kids, est quelque chose que nous explorons. Nous en dirons plus prochainement », a lancé le 19 mars dernier dans un tweet (1) le directeur d’Instagram, Adam Mosseri. Sur le modèle de Messenger Kids, qui est opérationnels auprès des moins de 13 ans depuis 2017 aux Etats-Unis, aux Canada et quelques pays, avant d’être quasi généralisé dans le monde il y a un an, un « Instagram Kids » devrait donc voir le jour.

Les 13 ans de la loi américaine Coppa
Le patron d’Instagram réagissait à un article de Buzz Feed News qui révélait le 18 mars (2) le projet de Facebook de créer un Instagram pour les moins de 13 ans. Cela n’a pas manqué de susciter des réactions sur les réseaux sociaux, où justement les jeunes enfants en-dessous de cet âge-là n’ont pas le droit de s’inscrire. Cette interdiction aux moins de 13 ans a été officialisée par les Etats-Unis il y a huit ans maintenant, dans le cadre du Children’s Online Privacy Protection Act (Coppa). C’est sur cette loi américaine (3) fixant à 13 ans l’âge minimum pour pouvoir s’inscrire sur les réseaux sociaux – Facebook en tête – que les différents pays se sont alignés. Mais dans les faits, cette règle devenue universelle est largement enfreinte par de jeunes enfants et pré-adolescents qui contournent l’interdiction, soit en mentant sur leur âge, soit en utilisant l’identité d’un proche (un frère ou une soeur voire un ami-e complice, par exemple), soit en utilisant un compte d’un 13 ans ou plus à son insu. De nombreuses études ont démontré que des moins de 13 ans étaient bien présents sur les réseaux sociaux, Médiamétrie mesurant même l’audience des Facebook, Snapchat et autres TikTok à partir de l’âge de… 2 ans ! L’appétence des bambins pour ces plateformes d’échanges ne date pas d’hier : une étude Ipsos-Médiamétrie de 2015 révélait déjà que 57 % des 11–12 ans et 26 % des 9–10 ans avaient ouvert un compte. Plus récemment, en février dernier, le Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc), dont est membre en France l’association UFC-Que Choisir, a déposé plainte (4) auprès de la Commission européenne contre l’application TikTok aux formats courts créatifs très prisée des jeunes. Ce recours, qui s’appuie sur « le règlement sur la coopération en matière de protection des consommateurs » du 12 décembre 2017 (Consumer Protection Cooperation Regulation), affirme que la plateforme chinoise accepte des inscriptions de moins de13 ans et s’inquiète du fait que « l’application est plébiscitée par les adolescents ». En France, UFC-Que Choisir affirme que « 45 % des enfants de moins de13 ans ont indiqué utiliser l’application » (5). Pourtant, TikTok tente d’y remédier, notamment avec son « Mode connexion famille » lancé en novembre 2020.
Instagram est aussi le terrain de jeu des moins de 13 ans, bien que cette limite soit bien la condition sine qua non dans ses conditions générales d’utilisation. « Nous exigeons que tout le monde ait au moins 13 ans pour utiliser Instagram et avons demandé aux nouveaux utilisateurs de fournir leur âge lorsqu’ils s’inscrivent à un compte pendant un certain temps. Bien que beaucoup de gens soient honnêtes au sujet de leur âge, nous savons que les jeunes peuvent mentir au sujet de leur date de naissance », a récemment reconnu la filiale de Facebook (la plateforme de photos et vidéos Instagram fut rachetée en 2012 pour 1 milliard de dollars). Adam Mosseri, le patron d’Instagram, veut y remédier. Cela passe selon lui par notamment restreindre les « DM» (direct messaging) entre les adolescents et les adultes qu’ils ne suivent pas, encourager les adolescents à rendre leur compte privé, ou encore les inciter à être prudents dans les « DM » (6). Dans l’annonce faite le 16 mars dernier concernant de nouvelles mesures vis-à-vis des plus jeunes, Instragam en appelle à l’IA et au machine learning : « Nous voulons en faire plus pour empêcher que cela se produise [les inscriptions en dessous de 13 ans], mais il est complexe de vérifier l’âge des gens en ligne et de nombreux membres de notre industrie sont aux prises avec ce problème ».

La « Cnil » italienne enquête depuis janvier
Et la filiale de Facebook d’ajouter : « Pour relever ce défi, nous mettons au point une nouvelle technologie d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique pour nous aider à assurer la sécurité des adolescents et à appliquer de nouvelles caractéristiques adaptées à leur âge ». De nouvelles fonctionnalités sont opérationnelles depuis le mois de mars dans certains pays, avant d’être généralisées partout dans le monde, a précisé Instagram. Par exemple, l’IA permettra de détecter lorsqu’un adulte envoie une grande quantité de demandes d’amis ou de messages à des personnes de moins de 18 ans. Les destinataires seront alertés dans leur DM en leur donnant la possibilité de mettre fin à la conversation, de bloquer, de signaler ou de restreindre l’adulte en question.
Fin janvier dernier, la GPDP – la « Cnil » italienne (7) – a demandé formellement à Facebook et à Instagram « des informations sur le traitement (des mineurs) » que font ces deux réseaux sociaux. « La “Garante” [surnom de la GPDP, ndlr] a demandé à Facebook, propriétaire d’Instagram, de fournir des informations, notamment le nombre et les profils détenus par la jeune fille et, le cas échéant, comment une jeune fille de 10 ans pourrait s’inscrire sur les deux plateformes », a-t-elle indiqué.

IA appelée à la rescousse (Instagram et TikTok)
La « Cnil » italienne faisait référence en particulier à la mort d’une fillette de 10 ans habitant à Palerme lors d’un défi dit du « jeu du foulard » sur TikTok. « Plus important encore, a poursuivi la “Cnil” italienne, des informations spécifiques ont été demandées sur les mécanismes d’enregistrement en place et les méthodes de vérification de l’âge appliquées par les deux réseaux sociaux pour vérifier le respect du seuil d’âge pour l’enregistrement ». Cette jeune victime avait ouvert plusieurs profils sur les deux réseaux sociaux de la firme de Mark Zuckerberg.
La GPDP a prévenu que son enquête allait s’étendre à tous les réseaux sociaux, notamment en ce qui concerne « les mécanismes régulant l’accès des enfants aux plateformes », dans le but d’« intensifie[r] son action pour protéger les enfants utilisant les réseaux sociaux » (8). Le 3 février dernier, la « Cnil » italienne a fait savoir que TikTok lui avait répondu avoir mis en oeuvre des mesures pour interdire l’accès aux utilisateurs de moins de 13 ans, tout en envisageant de « déployer des systèmes basés sur l’IA à des fins de vérification de l’âge » (9). Une campagne d’information sera également lancée par TikTok pour sensibiliser les parents et les enfants. Quant au groupe Facebook, il avait une quinzaine de jours pour répondre à la GPDP, mais aucune information n’a encore filtré du régulateur italien.
Intelligence artificielle ou contrôle parental ? Si Instagram et TikTok ont choisi la voie du traitement automatique à grand renfort de marchine learning, les parents sont aussi appelés à surveiller leurs chérubins. La plateforme vidéo YouTube a annoncé le 24 février dernier qu’elle allait dans les prochains mois proposer aux parents d’utiliser leur propre compte Google pour permettre à leurs enfants d’accéder leurs à YouTube mais dans le cadre de ce « compte supervisé », selon l’expression de James Beser (photo de droite), le directeur de produit « Kids and Family » (10) de la filiale vidéo de Google. Les parents régleront les contenus vidéo acceptables pour leurs enfants âgés de 13 ans et plus. Par ailleurs, le service YouTube Kids créé en 2015 et destinée des jeunes utilisateurs de plus de 13 ans intègre déjà le contrôle parental.
En France, le député Bruno Studer (LREM) – président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation – a relancé la piste du contrôle parental par défaut. Dans une interview à Next Inpact publiée le 19 mars dernier, il s’en explique : « Il ne s’agit pour l’heure que d‘une piste de réflexion. Je repars du discours du président de la République de 2019 où le chef de l’Etat réclamait une solution robuste pour prévenir l’accès des mineurs aux sites pornos. Un sujet sur lequel je me suis penché. Nous en avons discuté ensemble. Nous devons désormais arriver à massifier l’utilisation du contrôle parental » (11). Plus d’un an après le discours d’Emmanuel Macron devant l’Unesco en novembre 2019 (12), le gouvernement a bien lancé en début d’année la plateforme en ligne Jeprotegemonenfant.gouv.fr pour inciter les parents à utiliser des outils de contrôle parental, afin de protéger les mineurs contre leur exposition potentielle ou avérée à la pornographie. Car celle-ci peut avoir des conséquences néfastes sur eux, tant sur leur développement psychologique que sur leur représentation de la sexualité. Insuffisant malgré la volonté présidentielle.
Mais le député Bruno Studer constate que le contrôle parental est très peu utilisé. « S’il était activé par défaut [le contrôle parental], sa désactivation supposera une décision de ceux qui sont responsables de l’intérêt psychique et physique des enfants à savoir les parents », avance le député du Bas-Rhin. Par ailleurs, la loi du 19 octobre 2020 encadre l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne. Le débuté Bruno Studer en était co-rapporteur. Il s’agit de protéger l’enfant influenceur lorsqu’il doit être qualifié de « travailleur-salarié » et/ou percevant des revenus importants relevant d’une activité commerciale (13).

Dans la vraie vie, clause « Roméo et Juliette »
Parallèlement, dans « la vraie vie » si l’on peut dire, les mineurs font aussi l’objet d’une proposition de loi visant à renforcer leur protection contre les violences sexuelles. Porté par le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, ce texte a déjà été adopté par l’Assemblée nationale mifévrier et se retrouve devant le Sénat (14). Il prévoit notamment deux nouvelles infractions concernant les mineurs de moins de 15 ans victimes de violences sexuelles commises par des personnes majeures, avec une exception via la clause dite « Roméo et Juliette » (15). @

Charles de Laubier

Pourquoi Matthieu Pigasse fait de Combat Médias – créé il y a 5 ans – son enseigne à la place de LNEI

La holding LNEI, fondée en juillet 2009 par Matthieu Pigasse (copropriétaire du Monde et coactionnaire de Mediawan), va être rebaptisée Combat Médias. C’est en fait la dénomination d’une holding que le banquier d’affaires a créée en octobre 2016. Celle-ci devient Combat Holding.

Les Nouvelles éditions indépendantes (LNEI), que le banquier d’affaires Matthieu Pigasse (photo) avait créées en juillet 2009 pour chapeauter ses différentes participations dans des entreprises médiatiques ou culturelles, a annoncé le 24 mars – après l’avoir révélé la veille en interne – s’être rebaptisées « Combat ». Rien à voir avec le mouvement de résistance Combat né en France durant la Second-Guerre mondiale et son quotidien clandestin éponyme, mais l’ex-LNEI n’hésite pas à y faire référence.

LNEI bientôt renommé Combat Médias
Sans remonter à 1941, la dénomination « Combat » n’est en réalité pas nouvelle pour Matthieu Pigasse. En octobre 2016, soit il y a près de cinq ans, l’ex-associé de la banque Lazard Frères à Paris avait créé deux entités portant déjà ce nom : Combat Holding et Combat Médias, la première société par actions simplifiée (SAS) et la seconde société anonyme par action simplifiée à associé unique (SASU), toutes deux présidées par Matthieu Pigasse et établies à Paris rue Maurice Grimaud (1). Contacté par Edition Multimédi@, le directeur administratif et financier de la SAS LNEI, Mathieu Levieille, nous indique que « Combat Médias a été renommée Combat Holding au mois d’août dernier » et qu’« LNEI sera renommée Combat Médias dans les prochaines semaines ». Matthieu Pigasse préside LNEI depuis sa création en juillet 2009. Comme LNEI, Combat Médias regroupera l’hebdomadaire Les Inrockuptibles (sur le point de passer mensuel), la radio Nova (doté d’un nouveau site web), le festival Rock en Seine, le magazine en ligne féministe Cheek (au contenu intégré dans lesinrocks.com), Nova Production (société de production créée en 1982, année de création de la radio libre), la société de production sonore Nova Spot, et les Editions Nova (livres), sans oublier les activités de live, d’événements et de publicité.
Alors que Matthieu Pigasse (bientôt 53 ans) dirige depuis un an le bureau parisien de la banque d’affaires américaine Centerview Partners, après avoir quitté six mois plus tôt la banque Lazard, son groupe change d’enseigne et se met en ordre de bataille. Combat – alias Combat Média (2) – a annoncé fin mars sa réorganisation « autour de cinq pôles d’expertises » : les activités print et digitales du groupe au sein de « Combat éditions » (Les Inrockuptibles, les Editions Nova) ; les activités de productions radio, audiovisuel et audio au sein de « Combat studios » (Radio Nova, Nova Production, Nova Spot) ; les programmations cultuelles, artistique et événementiels dans « Combat live » (Rock en Seine, Les Inrocks Festival, événements Nova) ; les régies, la communication et le publishing dans « Combat solutions » ; l’accompagnement des talents, artistes, créatifs, musiciens et mode dans «C factory » (3). La pandémie a poussé le groupe à innover pour ses festivals, quitte à faire du « phygital » (jauge des 5.000 spectateur et diffusion multimédia), tandis que l’audience de lesinrocks.com a fait un bond : « + 17 % sur l’écoute en direct et + 40 % sur l’écoute à la demande (podcasts natifs, replays) ». Sous la houlette des Inrockuptibles sont lancés « Les Inrocks Radio » en DAB+ à Paris, Marseille, Nice et Rennes « et partout dans le monde sur les supports numériques », ainsi qu’un service de SVOD prévu « cet été », à l’occasion du prochain Festival de Cannes » (4).
Lors de la nomination d’Emmanuel Hoog (ex-président de l’AFP et de l’INA) il y a près de deux ans, Matthieu Pigasse avait déclaré : « Nous allons essayer de nous développer à l’étranger, que ce soit en Europe ou en dehors, notamment en Afrique », et par croissance organique ou par acquisitions. En octobre 2018, le groupe CMI – Czech Media Group (5) – de l’oligarque tchèque Daniel Kretínsky, a racheté à Matthieu Pigasse 49 % du capital de la holding Le Nouveau Monde que ce dernier contrôle via LNEI et qui porte la participation du banquier d’affaire dans le groupe Le Monde. L’oligarque tchèque est depuis indirectement copropriétaire du Monde. A l’époque, les deux hommes avaient indiqué que cette transaction allait « permettre aux deux groupes de bénéficier de leurs expertises respectives dans le domaine des médias en Europe, de faire ainsi jouer leurs complémentarités et de générer des synergies opérationnelles ».

Compétences publicitaires et numériques
Se renforcer sur le Vieux Continent est la priorité. « Nous sommes un groupe original en Europe, à la fois acteur, observateur, prescripteur et critique de la vie culturelle », a expliqué fin mars Emmanuel Hoog. L’ex-président de l’AFP a recruté en janvier Laurence Delaval, ex-directrice commerciale France de l’AFP, comme directrice déléguée de LNEI Solutions, devenant Combat solutions. En mai 2020, il avait nommé comme directrice du numérique et de la diffusion du groupe (6) Alix de Crécy, ex-marketing au Figaro et ancienne cheffe de produit numérique de Mediapart. @

Charles de Laubier