A propos Charles de Laubier

Rédacteur en chef de Edition Multimédi@, directeur de la publication.

La date butoir du 31 mars a été franchie sans accord sur la chronologie des médias, et après ?

Comme prévu par un décret de janvier, les acteurs du cinéma, de l’audiovisuel et des plateformes vidéo avaient jusqu’au 31 mars pour se mettre d’accord sur une nouvelle chronologie des médias. En avril, il n’en est rien. Sauf rebondissement, le gouvernement a désormais la main.

La date du 31 mars 2021 fixée par le décret du 26 janvier dernier (1) restera symbolique dans les annales des négociations interminables entre les professionnels du cinéma, de l’audiovisuel et des plateformes vidéo autour d’une future chronologie des médias devenue arlésienne. A cette échéance, qui leur laissait deux mois de préavis, aucun compromis n’a finalement été trouvé. Sauf rebondissement de la filière cinématographique et audiovisuelle, la balle est maintenant dans le camp du gouvernement et de son actuelle ministre de la Culture, Roselyne Bachelot-Narquin.

Vers un décret en Conseil d’Etat ?
« A défaut d’un nouvel accord rendu obligatoire dans un délai, fixé par décret [à savoir le 31 mars 2021, échéance fixée par le décret du 26 janvier 2021, ndlr], (…) les délais au terme desquels une œuvre cinématographique peut être mise à la disposition du public par un éditeur de services de médias audiovisuels à la demande ou diffusé par un éditeur de services de télévision sont fixés par décret en Conseil d’Etat », avait prévenu le gouvernement dans son ordonnance du 21 décembre 2020 transposant la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA). La sacro-sainte chronologie des médias en vigueur, mais désuète, organise la sortie des nouveaux films de cinéma en France, en accordant un monopole de quatre mois aux salles de cinéma, avant que l’œuvre cinématographique ne puisse être exploitée en VOD à l’acte (ou en DVD), à l’issue de ces quatre premiers mois mais seulement jusqu’à la fenêtre de Canal+, laquelle est actuellement à dix-sept mois après la sortie du même film. Quant aux plateformes de SVOD (par abonnement), elles arrivent après la fenêtre des vingt-deux mois des chaînes gratuites (TF1, M6, France Télévisions, …) investissant dans des films : soit au plus tôt à trente mois après la sortie s’il y a un accord avec le cinéma français, sinon à trente-six mois pour les « non vertueuses ».
La réforme, de gré ou de force, de cette chronologie des médias – étendue à toute la filière par arrêté du 25 janvier 2019 (2) – se fait de plus en plus pressante, au moment où la France introduit de nouvelles obligations pour les « SMAd » – ces services de médias audiovisuels à la demande que sont notamment Netflix, Amazon Prime Video, Disney+ ou encore Apple TV+ – dans le financement de la production d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques « européennes ou d’expression originale française ». Ainsi, les chaînes de télévision ne seront plus les seules à consacrer un pourcentage de leur chiffre d’affaires au financement de la création de films et séries. Deux taux de contribution à la création sont prévus pour chaque plateforme de SVOD : 25 % de son chiffre d’affaires si elle diffuse au moins un film européen/français par an, sinon 20 %. C’est du moins ce que prévoit le projet de décret SMAd notifié par le gouvernement à la Commission européenne, laquelle a rendu le 19 mars son avis où elle demande à la France de moins favoriser les producteurs établis sur son sol (par rapport à ceux d’autres pays européens) et de revoir à la baisse certains taux (3).
Une chose est sûre : le gouvernement a déjà fait savoir aux professionnels du 7e Art français que l’on ne pouvait pas demander aux Netflix, Amazon Prime Video et autres Disney+ d’investir dans la création audiovisuelle et cinématographique sans leur donner une meilleure place dans la chronologie des médias. C’est là que le bât blesse pour les acteurs historiques, notamment pour la chaîne Canal+ qui se retrouve concurrencée frontalement par ces plateformes de SVOD. Et si Netflix, par exemple, investit des sommes conséquentes dans des films et des séries françaises, elle est en droit d’avoir une fenêtre de diffusion plus avantageuses, voire au même niveau que la fenêtre des chaînes « cinéma » payantes Canal+ (filiale de Vivendi) et OCS (filiale d’Orange) pour une première fenêtre – lorsque ce n’est pas avant les autres chaînes payantes (Pay TV) en deuxième fenêtre.

Le « BBA » veut ouvrir les fenêtres
C’est en tout cas le schéma proposé par le Blic, le Bloc et l’ARP – les rois principales organisations de producteurs et de distributeurs de films français (4) – lors de la réunion interprofessionnelle du 16 mars dernier organisée par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). « Le “BBA” (Blic, Bloc ARP) ouvrent aux services de SVOD “ultra premium” (ayant signé un accord professionnel comportant minimum garanti et clause de diversité) la possibilité de se caler sur la même échéance (six mois) », a révélé dès le 25 mars le cabinet NPA Conseil. De plus, le BBA « envisage que la deuxième fenêtre s’ouvre à douze mois pour les services de SVOD “premium”… soit trois mois plus tôt que pour les chaînes payantes ». Les trois organisations du cinéma français prendraient ainsi le risque de mécontenter Canal+, OCS et les autres Pay TV, d’une part, et les plateformes de SVOD, d’autre part. Netflix et Amazon Prime Video en effet demandé le 16 mars à « pouvoir mettre en ligne les films en première fenêtre douze mois après la sortie en salles, et en exclusivité pour douze mois, là où les producteurs promeuvent des exploitations parallèles avec la pay TV ».

Menacé, Canal+ se rebiffe
La proposition du BBA – finalement publiée le 6 avril (5) – a le mérite de bouger les lignes dans une chronologie des médias trop longtemps figée. Mais selon Philippe Bailly, président de NPA Conseil, les producteurs et les distributeurs « pourraient donc perdre sur les deux tableaux : abîmer le lien avec leurs partenaires historiques sans que leurs efforts pour séduire les nouveaux intervenants soient couronnés de succès ». Le Blic, le Bloc et l’ARP risquent de faire jouer les prolongations aux négociations déjà laborieuses, avec toujours cette épée de Damoclès d’un éventuel décret en Conseil d’Etat que pourrait prendre le gouvernement.
Cette perspective réglementaire affole la filière professionnelle, au premier rang de laquelle la chaîne payante Canal+, laquelle fut le grand pourvoyeur de fonds du cinéma français. La filiale de Vivendi, qui consacrait jusqu’en 2012 environ 200 millions d’euros par an dans le préachat de films français, n’y consacre plus qu’environ 100 millions d’euros depuis 2018, et même moins, à 80 millions d’euros l’an dernier (6). Pour autant, l’ex-chaîne du cinéma est plus que jamais vent debout contre l’orientation que prend la réforme en cours des fenêtres de diffusion – craignant d’être fragilisée. A l’approche de l’échéance du 31 mars, Canal+ avait doublement saisi en référé le 12 mars dernier le Conseil d’Etat pour demander d’ordonner, d’une part, « la suspension de l’exécution de l’article 28 » (reprenant le compte à rebours) de l’ordonnance du 21 décembre dernier (7), et, d’autre part, « la suspension de l’exécution du décret (…) du 26 janvier 2021 fixant le délai prévu à l’article 28 ». A noter que la date butoir du 31 mars a été fixée par décret bien avant l’échéance fixée par l’ordonnance qui, elle, prévoyait « un délai, fixé par décret, qui ne peut être supérieur à six mois à compter de la publication de la présente ordonnance », à savoir d’ici au 23 juin 2021… Cette date-là constitue-t-elle un délai de grâce pour les négociations interprofessionnelles ? Quoi qu’il en soit, Canal+ qualifie ce délai de six mois d’« irréaliste » et a plaidé devant la plus haute juridiction administrative le fait « qu’il était possible d’attendre l’expiration de l’accord en cours, soit 2022, pour lancer cette réforme, faute de l’avoir mise en œuvre pendant la période de transposition de la directive [européenne SMA] ». Mais les juges du Palais- Royal ne l’ont pas entendu de cette oreille et ont rejeté le 31 mars (8) les requêtes de Canal+.
Pendant ce temps-là, à cette même date du 31 mars qui fut décidément chargée pour le 7e Art français, le CNC réunissait son conseil d’administration pour voter « une mesure exceptionnelle tirant les conséquences de la fermeture prolongée des salles [de cinéma] et du risque, qui en découle, d’embouteillage [de films] dans leur programmation à la réouverture », à savoir : permettre à un film – « tout en conservant les aides reçues du CNC » – de sortir en VOD à l’acte, en DVD, sur les chaînes de télévision, ou sur les plateformes de SVOD (9). Exit « temporairement » la chronologie des médias. Une révolution provisoire. Mais le président du CNC, Dominique Boutonnat, d’assurer : « Ce type de dispositif ne remet en cause en aucune manière la chronologie des médias ni son évolution prochaine, qui fait l’objet d’une négociation spécifique au sein du secteur ». Alors que la consommation de films et séries a profondément évoluée avec Internet, l’établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre de la Culture continue d’affirmer, à l’instar de l’incontournable Fédération nationale des cinémas français (FNCF), que « la salle demeure le lieu privilégié pour découvrir une œuvre ». La révolution numérique dans le cinéma en France attendra encore… @

Charles de Laubier

L’échec de l’enceinte vocale Djingo, débranchée le 31 mars, écorne l’alliance Orange-Deutsche Telekom

Depuis fin mars, l’enceinte connectée Djingo d’Orange ne répond plus. Ce « speaker » intelligent, issue de la coopération franco-allemande des deux opérateurs télécoms historiques, est un échec côté français. Mais selon nos informations, l’équivalent côté allemand – Magenta – continue d’être vendu.

De « Ok Djingo » à « Djingo KO »… « Suite à l’arrêt de la commercialisation du speaker Djingo en octobre 2020, Orange a décidé de fermer définitivement les services Djingo et Alexa [l’assistant vocal d’Amazon proposé en plus, ndlr] sur les enceintes vocales Djingo. Ainsi, depuis le 31 mars 2021, le speaker Djingo a cessé de fonctionner. Plus aucune interaction n’est possible avec l’enceinte vocale », confirme un porteparole d’Orange, à Edition Multimédi@.

Speakers : Djingo s’arrête, Magenta continue
L’assistant vocal Djingo – à savoir la partie intelligence artificielle (IA) – n’est donc plus assortie de son enceinte connectée du même nom. Comme l’ex-France Télécom l’avait annoncé dans un tweet le 28 janvier (1), les services du « speaker » Djingo ont cessé de fonctionner. Bien que l’enceinte connectée soit toujours présentée dans la boutique en ligne d’Orange, elle est estampillée de la mention « Ce produit n’est plus commercialisé. Temporairement indisponible » (2). Issue de la coopération technologique entre Orange et Deutsche Telekom, l’enceinte vocale intelligence – baptisée Djingo côté français et Smart Speaker Magenta côté allemand – avait été lancée par les deux opérateurs télécoms historiques : en septembre 2019 en Allemagne et en novembre 2019 en France.
Ce speaker était présenté par Stéphane Richard (photo de gauche) et Timotheus Höttges(photo de droite), PDG respectifs d’Orange et de Deutsche Telekom, comme étant l’une des concrétisations les plus visibles (et sonores) de la coopération franco-allemande dans l’innovation. Si seize mois après son lancement, l’enceinte Djingo est débranchée et abandonnée côté français, il n’en va pas de même pour le smart speaker Magenta côté allemand. « Nous sommes à ce jour satisfaits des ventes de notre haut-parleur intelligent, et nous continuerons à commercialiser l’appareil. Nous avons même lancé l’an dernier un nouveau modèle, le Smart Speaker Mini », nous assure un porte-parole de Deutsche Telekom. Ce « petit frère » (dixit) vient en renfort – mais en plus compact et moins cher (49,99 euros) – du premier Smart Speaker, plus coûteux (149,99 euros) et lancé un an auparavant (3). L’enceinte française Djingo, elle, n’aura pas survécu face au trio dominant constitué par la Google Home, l’Echo d’Amazon et la HomePod d’Apple, forts de leur IA respective (Assistant, Alexa et Siri). « Orange a ainsi révisé la stratégie de développement de son interface vocale Djingo en stoppant la commercialisation du speaker dans un marché trop encombré », a justifié l’opérateur français dans son document d’enregistrement universel 2020 publié le 18 mars. Un an plus tôt, le discours était tout autre : « Développé avec Deutsche Telekom, l’enceinte connectée Djingo est une enceinte vocale qui intègre l’assistant virtuel Djingo, se commande à la voix et offre la possibilité d’utiliser l’assistant vocal Alexa d’Amazon pour accéder à des services complémentaires ». Après trois ans de développement francoallemand, une présentation en grande pompe par Stéphane Richard lors de son « Show Hello » d’avril 2017, et un lancement commercial retardé, les ventes s’avèrent aussitôt décevantes. Les deux premiers mois font état d’à peine « plus d’un millier d’enceintes connectées vendues en France ». Stéphane Richard doit monter au créneau, le 23 janvier 2020, pour défendre son enceinte vocale confrontée en outre à des problèmes techniques : « Les chiffres de vente sont modestes, mais nous n’avons eu aucune action de vente, pas de campagne de communication. (…) Le lancement commercial réel va se faire en 2020. Nous allons y mettre les moyens. (…) Nous sommes partis sur l’assistant vocal avec près de cinq ans de retard sur Google et Amazon : je plaide pour un peu de patience ». L’aide d’Alexa n’a pas suffi.
Quid de ceux qui ont un compte Alexa/Amazon justement ? : « L’arrêt du service et la suppression de votre compte Djingo et des données associées n’entraînent pas la suppression de votre compte Alexa/Amazon et des données associées (…) directement gérées par (…) Amazon », informe Orange sur la page web dédiée au « remboursement intégral » du speaker Djingo (4).

La coopération vocale « FR/DE » se poursuit
Bien que l’arrêt du speaker Djingo ternisse un peu la coopération franco-allemande des deux opérateurs télécoms de part et d’autre du Rhin, celle-ci se poursuit néanmoins dans le vocal. « Le sujet de la voicification/commande vocale en général n’est pas seulement lié à un dispositif. Nous apportons ici une contribution forte grâce à notre force d’innovation et nous continuons à coopérer avec nos partenaires français », nous assure Deutsche Telekom. Côté français, Orange nous précise que « le nom Djingo reste d’actualité » car il désigne l’assistant vocal utilisé sur d’autres interfaces : télécommande TV, maison connectée, etc. @

Charles de Laubier

La « liste noire » des sites pirates très attendue

En fait. Le 9 avril, la Société civile des auteurs multimédias (Scam) et la société Auteurs-réalisateurs-producteurs (l’ARP) ont chacune « salu[é] » le projet de loi pour « la régulation et la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique ». Dans l’arsenal contre le piratage en ligne, la « liste noire » est très attendue.

Pour la première fois, la TV sur ADSL est dépassée

En fait. Le 9 avril, l’Arcep a publié son observatoire des marchés des télécoms en France au quatrième trimestre 2020. Selon les constatations de Edition Multimédi@, le nombre d’abonnements donnant accès à la télévision par l’ADSL (prise téléphonique) est pour la première fois dépassé par les autres accès TV (FTTH, câble, satellite, …).

Blockchain : quelle régulation pour les jetons non fongibles ou NFT (Non-Fungible Tokens) ?

Les « NFT » défraient la chronique. Ces actifs numériques générés par une blockchain font parler d’eux, depuis qu’un artiste a vendu aux enchères début mars une de ses œuvres numériques – ou plutôt le NFT associé – pour… 69,3 millions de dollars ! Mais la régulation de ces tokens reste à inventer.

L’artiste américain Mike Winkelmann, alias Beeple ou Beeple Crap (1), est entré définitivement dans l’Histoire de l’art digital en voyant l’une de ses œuvres, une composition de 5.000 images numériques intitulée «Everydays: the First 5.000 Days », adjugée aux enchères chez Christie’s (2) le 11mars dernier plus de 69,3 millions de dollars, après une mise à prix de 100 dollars ! L’acquéreur, qui se cachait derrière le pseudonyme Metakovan, a révélé le 18mars (3) être Vignesh Sundaresan (photo), un Indien devenu millionnaire et angel investor dans la blockchain (4). Avec cette vente historique, l’œuvre est – tous arts confondus – la plus chère vendue du vivant de son auteur.

Monétiser des biens virtuels
Dans ce monde virtuel, un jeton non fongible est par définition quelque chose – une œuvre digitale ou un bien numérique – qui ne se consomme pas à l’usage ni ne peut être remplacé par une chose de même nature, de même qualité ou de même quantité. Un token « NFT » n’est donc en aucun cas une denrées consommable ou périssable, ni de l’argent, mais l’ADN d’un objet numérique rendu inviolable et impiratable grâce à la chaîne de blocs à laquelle il appartient et qui en assure la valeur authentique. C’est une révolution pour le marché de l’art numérique, mais aussi dans bien d’autres secteurs culturels ou marchands. A Londres, les fondateurs d’Argo Blockchain viennent de lancer la société NFT Investments pour acheter des NFT. Pas si anecdotique : le PDG cofondateur de Twitter, Jack Dorsey, a mis en vente sur le site web Valuables (5) son tout premier tweet émis il y a 15 ans (le 21 mars 2006) : « Je crée mon compte Twttr ». Ce premier gazouillis de l’histoire a été vendu le 22 mars 3 millions de dollars ($2.915.835,47) à Sina Estavi (6), spécialiste de la chaîne de blocs basé en Malaisie. Le 25 mars, un éditorial du New York Times a été vendu sous forme de NFT… 350 ethereum, soit 560.000 dollars (7). A New York, justement, une galerie d’œuvres NFT a ouvert le 25mars… De son côté, le milliardaire Elon Musk – patron de Tesla – a contribué à refaire parler des NFT en mettant en vente le 15 mars dernier sur son compte Twitter une musique : « Je vends cette chanson sur les NFT en tant que NFT » (8). Ce n’est pas le premier à vente de la musique en NFT : la chanteuse canadienne Grimes, en couple avec Elon Musk, a mis en vente le 1er mars sur Nifty Gateway (9), une dizaine de ses œuvres numériques, adjugées 6 millions de dollars. Début mars, le groupe de rock américain Kings of Leon a mis en vente son nouvel album « When You See Yourself » sous forme de NFT sur la plateforme YellowHeart (10) lancée à cette occasion. Recettes : plus de 2 millions de dollars. Le rappeur Mike Shinoda du groupe Linkin Park ou encore le DJ américain 3Lau ont eux aussi cédé aux sirènes des jetons non fongibles pour monétiser leurs musiques. Les industries culturelles et l’artisanat – au sens créatif du terme – pourraient se retrouver chamboulées par ces tokens infalsifiables et gravés dans le marbre des blockchains utilisées comme réseaux (tiers) de confiance et émetteurs de certificat de vente. Comme tout objet numérique (image, message, musique, vidéo, jeu vidéo, ebook, etc.), le risque de copie (libre ou piratée) fait partie de ce nouveau marché. Mais grâce aux NFT, un seul de ces fichiers sera certifié authentique – comme un original dont la valeur marchande est expertisée.
Des plateformes de blockchain grand public permettent à tout un chacun d’accoler un token non fongible à un objet numérique qu’il possède (souvent en tant que créateur auteur). Au-delà de Valuables, Nifty Gateway ou YellowHeart, déjà cités, il y a aussi OpenSea, « un marché entre pairs [peer-to-peer]pour les objets numériques rares et les objets de collection cryptographiques » (11), ainsi que Rarible, pour « créer et vendre des objets de collection numériques sécurisés avec blockchain » (12). La plateforme CryptoPunks est, elle, considérée comme l’une des pionnières des NFT sur la blockchain Ethereum. Développée par le studio américain Larva Labs (13), elle fut opérationnelle dès juin 2017. Des œuvres numériques peuvent y être vendues plusieurs millions de dollars.

Actifs numériques (loi Pacte) ?
Reste à savoir à quelle régulation sont soumis les NFT. «En vertu du principe de neutralité technologique – “la substance prime sur la forme ou le médium” –, le NFT sera régulé selon la nature des droits ou de l’objet qu’il représente : un titre de propriété, un droit, une œuvre d’art, etc. », avait avancé en 2019 l’avocat William O’Rorke, spécialise de la blockchain (14). En ajoutant : « A la lumière de la nouvelle définition légale d’actif numérique [au sens de la loi française Pacte], les NFT ne peuvent être considérés comme tels, échappant ainsi à la réglementation applicable à l’émission de jetons et à la fourniture de services sur actifs numériques ». @

Charles de Laubier