A propos Charles de Laubier

Rédacteur en chef de Edition Multimédi@, directeur de la publication.

L’AFP réinvente avec Google la « licence globale »

En fait. Le 13 juillet, le PDG de l’AFP, Fabrice Fries, et le directeur général de Google France, Sébastien Missoffe, « dans des déclarations transmises conjointement à l’AFP », ont indiqué qu’ils étaient « proches d’aboutir à un accord » sur les droits voisins de l’Agence France-Presse mais aussi sur une « licence globale ».

Les « CSA » des Vingt-sept veulent leur ERGA+

En fait. Le 5 juillet, l’ERGA, groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels réunissant les « Conseil supérieur de l’audiovisuel » des Vingt-sept, a publié ses « propositions visant à renforcer le Digital Service Act » (DSA) en cours d’examen au Parlement européen. Parmi elles : un ERGA+ face aux GAFAM.

Vers une régulation harmonisée des systèmes d’intelligence artificielle (IA) à risque en Europe

Le projet de règlement européen « Régulation harmonisée de l’IA », qui a entamé son parcours législatif, est ambitieux puisque la proposition est assortie d’une application extraterritoriale, à l’instar du RGPD. Très redouté par les GAFAM, ce cadre établie une échelle de risques des « systèmes d’IA ».

Digital Services Act et Digital Markets Act : projets règlements européens sous influences

La proposition de règlement pour un « marché unique des services numériques » (DSA) et la proposition de règlement sur les « marchés contestables et équitables dans le secteur numérique » (DMA) sont sur les rails législatives. Chacun des rapporteurs est très courtisé par les lobbies.

La commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs (Imco) du Parlement européen s’est réunie le 21 juin dernier pour examiner les projets de rapports de respectivement Christel Schaldemose (photo de gauche), rapporteur du projet de règlement DSA (Digital Services Act), et de Andreas Schwab (photo de droite), rapporteur du projet de règlement DMA (Digital Markets Act). Dans les deux cas, le délai pour le dépôt des amendements avait été fixé au 1er juillet.

Des rapporteurs influencés par les lobbies
La Danoise socialiste et l’Allemand démocrate-chrétien sont les rapporteurs les plus courtisés du moment par les lobbies. Et pour cause : leur projet de rapport respectif propose de multiples amendements au paquet législatif initialement présenté par la Commission européenne le 15 décembre 2020, composé du projet de règlement DSA, d’une part, et du projet de règlement DMA, d’autre part. Le premier texte règlementaire vise à mieux responsabiliser les plateformes Internet jusqu’alors protégées par leur statut d’hébergeur par la directive européenne « E-commerce » qui leur accorde une responsabilité limitée. Le second texte veut imposer à la dizaine de grandes plateformes numériques dites « systémiques » (dont les GAFAM) des contraintes antitrust et empêchant les abus de position dominante de certains écosystèmes.
Déjà, lors de la publication des textes il y a plus de six mois, les GAFAM avaient exprimé leur préoccupations face cette nouvelle régulation de l’Internet à venir, craignant pour « l’innovation numérique », « les droits fondamentaux », « la liberté d’expression et de création », « le secret des algorithmes » ou encore « les risques de sanctions financières » (1). Les projets de DSA (2) et de DMA (3) poursuivent leur marathon euro législatif ; ils passent à ce stade par les fourches caudines des eurodéputés réunis au sein de la décisive commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs (Imco) où les deux rapporteurs ont été désignés fin janvier. Chacun a rendu son rapport, datés respectivement du 28 mai 2021 pour celui Christel Schaldemose sur le futur DSA et du 1er juin 2021 pour celui de Andreas Schwab sur le futur DMA. Les deux rapports actuellement examinés présentent de multiples amendements apportés aux textes législatifs qu’avaient proposés la Commission européenne. C’est dans l’élaboration de ces amendements que joue à plein le lobby des GAFAM et bien d’autres entreprises, organisations ou personnes « ayant apporté leur contribution à la rapporteur » (DSA) et « ayant apporté leur contribution au rapporteur » (DMA) « pour l’élaboration du projet de rapport ». Ainsi, comme ils l’ont indiqué dans une annexe de leur rapport, Christel Schaldemose a eu affaire à 56 contributeurs et Andreas Schwab à 51 contributeurs. Pour les deux projets de rapport, on retrouve les GAFAM : Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft (exceptés Apple côté DSA et Microsoft côté DMA). L’eurodéputée rapporteur a aussi eu l’oreille de Alibaba, Airbnb, Huawei, Match Group, Reddit, TikTok, Wikimedia, Schibsted, Dropbox ou encore de Zalando. Elle a aussi été approchée par les organisations des GAFAM et autres Big Tech : Computer & Communications Industry Association (CCIA), Dot Europe (ex-Edima), ainsi que DigitalEurope (ex-Eicta).
Quant à l’eurodéputé rapporteur, il a aussi eu affaire de son côté à Netflix, Spotify, Snap, Expedia, Booking, Criteo, IBM, Salesforce, Kelkoo Group, DuckDuckGo ou encore à Yelp. Il a aussi été en contact avec la CCIA et la GSMA. L’Etno, association des opérateurs télécoms européens (historiques en tête), a aussi conseillé, influencé ou orienté – c’est selon – Christel Schaldemose et Andreas Schwab dans leurs travaux parlementaires. Jamais un paquet législatif européen n’a fait l’objet d’un tel lobbying intense. Ou bien, faut-il remonter à la libéralisation des télécoms de la fin des années 1990 pour retrouver une telle pression ou influence des acteurs concernés sur les travaux parlementaires.

Bras de fer entre Big Tech et l’Europe
Plus de vingt ans après le premier « paquet télécoms » (4) et plus de dix ans après le second « paquet télécoms » (5), ce nouveau « paquet DSA/DMA » est l’un des plus grands cadres règlementaires que l’Union européenne (UE) s’apprête à adopter. Les instances européennes et les industries culturelles veulent mettre au pas les GAFAM en les responsabilisant voire en les sanctionnant sur les contenus dits « illicites » qu’ils hébergent et véhiculent. Tandis que les géants du numériques plaident plus une régulation raisonnée de l’Internet pour ne pas porter atteinte aux droits fondamentaux. Les amendements contenus dans les deux projets de rapport illustrent le bras de fer qui s’opère dans les couloirs du Parlement européen et parfois sous le manteau des eurodéputés. Le salon parisien Vivatech a d’ailleurs été utilisé comme tribune par des Big Tech pour critiquer la future réglementation de l’Internet. Le 16 juin, le patron d’Apple, Tim Cook, en a profité pour mettre en garde contre notamment un DMA qui « détruirait la sécurité de l’iPhone et d’initiatives pour la vie privée ».

Conso, place de marché, pub en ligne
• Dans le projet de rapport Schaldemose de 145 pages (6) sur le « marché unique des services numériques » (DSA), plusieurs amendements vont dans le sens des consommateurs internautes et mobinautes. Par exemple, le n°1 ajoute dans les garanties du futur règlement DSA « un niveau élevé de protection des consommateurs », en plus du respect des droits fondamentaux des citoyens européens (liberté d’expression et d’information, liberté d’entreprise, droit à la non-discrimination, …). L’amendement n°4, lui, tend à « éviter un retrait excessif de contenus juridiques » en précisant que les contenus illicites sont considérés comme tels s’ils « ne sont pas conformes au droit de l’Union (européenne) ». Et Christel Schaldemose de justifier ce rajout : « Cela afin de garantir que, par exemple, une vidéo montrant une voiture qui roule trop vite ne relève pas de la définition, à moins qu’une référence à une activité illicite ne soit en soi illégale, selon le droit de l’Union ou d’un Etat membre (par exemple, des contenus pédopornographiques, des contenus à caractère terroriste, etc.) ».
Autre mesure pro-consommateur : l’amendement n°23 propose de supprimer un considérant de la Commission européenne qui prévoyait de ne pas soumettre les micro entreprises ou les petites entreprise (TPE) au règlement DSA. Motif : « Les lois sur la protection des consommateurs ne font pas la distinction entre les petites et les grandes entreprises. Les obligations [système interne de traitement des réclamations, règlement extrajudiciaire des litiges, signaleurs de confiance, mesures de lutte et de protection contre les utilisations abusives, notification des soupçons d’infraction pénale, transparence de la publicité en ligne, … (7) ndlr] devraient également s’appliquer aux micro entreprises et aux petites entreprises afin de protéger les consommateurs et les bénéficiaires des services des contenus illicites ». L’amendement n°73, lui, introduit des conditions supplémentaires pour que les places de marché en ligne ne bénéficient pas de l’exemption de responsabilité lorsqu’elles vendent des produits et services illicites. « Une plateforme en ligne ne bénéficie pas de l’exemption de responsabilité si elle ne respecte pas certaines obligations de diligence fixées dans le présent règlement ou lorsqu’un professionnel d’un pays tiers n’a pas, au sein de l’Union, d’opérateur économique responsable de la sécurité des produits. Les consommateurs seront en mesure de déposer un recours contre la plateforme en ligne et, en retour, cette dernière sera en mesure de déposer un recours contre le professionnel ». Christel Schaldemose tient d’ailleurs à respecter le principe selon lequel « ce qui est illégal hors-ligne est également illégal en ligne ».
Concernant cette fois la publicité en ligne, elle estime que « la collecte et l’utilisation généralisées des données des utilisateurs à des fins de publicité ciblée, micro-ciblée et comportementale sont devenues incontrôlables ». Aussi, l’amendement n°92 ajoute un article prévoyant que « le fournisseur de services intermédiaires est tenu, par défaut, de ne pas laisser les bénéficiaires de ses services faire l’objet de publicité ciblée, micro-ciblée et comportementale, à moins que le bénéficiaire des services n’ait donné son consentement libre, spécifique, informé et non ambigu ». Quant à l’amendement n°91, il étend la portée de la transparence de la publicité en ligne à tous les services intermédiaires (non pas seulement aux plateformes en ligne) et avec de nouvelles dispositions allant dans ce sens, y compris « un marquage visible et harmonisé » lorsqu’il s’agit de contenu provenant d’influenceurs commerciaux sur YouTube, Facebook ou autres TikTok.

Plateforme essentielle et gatekeeper
• Dans le projet de rapport Andreas Schwab de 86 pages (8) sur le « marchés contestables et équitables dans le secteur numérique » (DMA), l’amendement n°37 propose de remonter le seuil de désignation d’une plateforme numérique considérée comme « contrôleurs d’accès » (gatekeeper) : de 6,5 millions à 10 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel, ou, si l’on considère la valorisation de l’entreprise en question, de 65 milliards à 100 milliards d’euros (capitalisation boursière moyenne ou juste valeur marchande équivalente). Le rapporteur Andreas Schwab propose en outre « d’ajouter, comme condition supplémentaire à la désignation d’entreprises en tant que contrôleurs d’accès, le fait qu’elles soient des fournisseurs non pas seulement d’un, mais, au moins, de deux services de plateforme essentiels ». Quoi qu’il en soit, les « plateformes essentielles » ayant un rôle de « contrôleurs d’accès » ne doivent pas se livrer à des pratiques déloyales, en empêchant notamment d’autres entreprises de se développer sur le marché unique numérique. @

Charles de Laubier

Huawei, de plus en plus ostracisé dans monde, a trouvé en France un certain asile économique

Au pays d’Ericsson, la justice a débouté le 22 juin dernier Huawei de son action contre son éviction du marché suédois de la 5G. C’est le premier pays de l’Union européenne à bannir le chinois, après les Etats-Unis, l’Australie et le Royaume-Unis. En France, c’est du « Je t’aime, moi non plus ».

Le chinois Huawei, numéro un des équipements télécoms 5G et numéro trois mondial des fabricants de smartphones, va-t-il demander l’asile économique à la France pour continuer ses activités en Occident où il est de plus en plus banni ? La question peut prêter à sourire, mais elle n’est pas loin de refléter la réalité de ce qui arrive à la firme de Shenzhen que de nombreux pays dans le monde excluent sous des prétextes de « sécurité nationale » et d’accusations non prouvées de cybersurveillance (Etats-Unis, Australie, Royaume-Uni, Suède, Inde, …) – mais pas totalement la France.

Débouté aux Etats-Unis et en Suède
« C’était vraiment bien de parler avec Maurice. Merci de m’avoir invité ! VivaTech est une plateforme incroyable pour l’innovation, et elle fait exactement ce dont le monde a besoin en ce moment : rassembler de grands esprits passionnés pour faire un changement », a twitté l’actuel président du groupe Huawei Technologies, Ken Hu (photo), après son échange le 18 juin avec Maurice Lévy, président du conseil de surveillance de Publicis et cofondateur du salon VivaTech. « L’innovation et l’inclusion technologique sont les principaux moteurs d’un monde meilleur après la pandémie », a-t-il aussi lancé (1).
Le même jour, aux Etats-Unis, Huawei Technologies perdait devant une cour d’appel contre une décision prise par la Federal Communications Commission (FCC) le 10 décembre 2020 considérant le fabricant chinois comme « une menace pour la sécurité nationale » (2) et après avoir interdit auparavant aux entreprises américaines d’utiliser les subventions publiques pour financer les achats de la technologie 5G de Huawei. La firme de Shenzhen avait dénoncé devant la justice américaine une décision prise « sans preuves substantielles » et « préjudiciable à l’industrie américaine » (3). De plus, l’entreprise chinoise n’avait pas eu le temps de se défendre et surtout considère comme « inconstitutionnelle » la décision prise fin 2020 sous l’ère Trump de la mettre sur liste noire au nom de la « sécurité nationale » (4). Quatre jours après avoir été débouté à la Nouvelle-Orléans, ce fut cette fois en Suède qu’un nouveau déboire judiciaire est intervenu : le 22 juin dernier, le tribunal administratif de Stockholm a débouté Huawei qui contestait une décision de l’autorité de régulation des télécoms suédoise (PTS), laquelle, en octobre 2020, excluait les chinois Huawei et ZTE des réseaux 5G en Suède au nom là aussi de la « sécurité nationale ». Le jugement suédois ordonne que les équipements télécoms des chinois déjà en place soient enlevés avant le 1er janvier 2025. Huawei devrait faire appel de ce jugement basé uniquement sur des suppositions. L’on comprend, dans ce contexte de bannissement et de revers judiciaires, que Ken Hu ait pu trouver un peu de réconfort en France où le «en même temps » d’Emmanuel Macron permet à Huawei – présent sur l’Hexagone depuis 18 ans (effectif d’un millier d’employés) – de ne pas être complètement ostracisé. Pendant que le Conseil constitutionnel validait début février la loi française « anti-Huawei » du 1er août 2019 au nom des « intérêts de la défense et de la sécurité nationale » (5), le géant chinois des télécoms confirmait son engagement exprimé l’an dernier d’investir 200 millions d’euros dans un nouvelle usine sur l’Hexagone. Il s’agit de sa première usine hors de Chine et celle-ci sera – avec l’aval du gouvernement français – implantée à Brumath, ville alsacienne de 10.000 habitants dans le Bas-Rhin (région Grand-Est), à proximité de Strasbourg – pour y fabriquer des produits sans fil (5G comprise).
Cette usine « Made in France » de Huawei sera opérationnelle dans le courant de l’année 2023 et prévoit de produire l’équivalent de 1 milliard d’euros par an d’équipements télécoms à destination des marchés européens, avec la création « à terme » de 500 emplois direct. Le chinois, qui participait physiquement au Mobile World Congress de Barcelone cette année, a déjà inauguré en octobre 2020 un centre de recherche à Paris « en mathématiques et calculs », avec une trentaine de scientifiques dirigés par le professeur Merouane Debbah, directeur de la R&D chez Huawei France. Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, n’avait pas manqué de « féliciter » Huawei pour cette implantation (6).

Huawei investit aussi dans Qwant
La firme de Shenzhen renforce par ailleurs son partenariat avec le moteur de recherche français Qwant, lequel est préinstallé depuis plus d’un an sur les nouveaux smartphones du fabricant chinois – désormais dotés du système d’exploitation-maison, HarmonyOS. Cette fois, le 18 mai dernier, Qwant – que dirige Jean-Claude Ghinozzi depuis début 2020 sous la présidence de Jacques Biot (7) – a approuvé une « émission d’obligations convertibles », dont 8 millions d’euros ont été souscrits par Huawei. Cet investissement obligataire avait été révélé le 12 juin par Politico (8) puis confirmé par Qwant. @

Charles de Laubier