A propos Charles de Laubier

Rédacteur en chef de Edition Multimédi@, directeur de la publication.

Mais à quoi sert l’Ambassadeur pour le numérique ?

En fait. Du 11 au 13 novembre dernier, s’est tenue la 4e édition du Forum de Paris sur la Paix (qui est à cette dernière ce que le Forum de Davos est à l’économie). Parmi les quelque 350 intervenants et participants venus du monde entier : l’ambassadeur français pour le numérique, Henri Verdier.

Arnaud de Puyfontaine, qui préside Vivendi et siège chez Telecom Italia et Lagardère, pense « Disney européen »

Président du directoire de Vivendi, maison mère de Canal+, d’Havas, d’Editis, de Prisma, de Gameloft ou encore de Dailymotion, Arnaud de Puyfontaine rêve avec son principal actionnaire Bolloré de faire un « Disney européen » du groupe multimédia – délesté depuis septembre de « l’arbre » Universal Music.

Arnaud de Puyfontaine (photo), président du directoire du groupe Vivendi depuis juin 2014, pourrait devenir aussi président du conseil de surveillance de Telecom Italia – dont le groupe français est le premier actionnaire (à 23,8 % du capital, part valorisée 3,1 milliards d’euros au 31 décembre 2020). C’est ce qu’a révélé l’agence Reuters le 5 novembre dernier, alors que Vivendi souhaite trouver un accord avec l’Etat italien – deuxième actionnaire de l’opérateur historique romain – pour procéder à des changements et à un redressement. Arnaud de Puyfontaine connaît bien « Tim » (sa dénomination depuis deux ans) puisqu’il en est membre du conseil d’administration depuis que Vivendi en est devenu l’actionnaire de référence en juin 2015. En plus, le Français a déjà été le président exécutif de Telecom Italia – nommé en avril 2017, tout en restant président du directoire de Vivendi – et en a aussi été provisoirement son administrateur délégué, autrement dit son patron. A l’époque, Arnaud de Puyfontaine avait dit dans une interview publiée le 29 juillet 2017 par le quotidien La Stampa que Vivendi ne se contenterait pas d’être le premier actionnaire de Tim mais qu’il comptait bien « développer de nouvelles initiatives pour être en tête dans la convergence entre télécommunications et contenus ».

Vincent Bolloré, un « Walt Disney » européen ?
Si Vivendi réussissait à placer Arnaud de Puyfontaine à la présidence de Tim, à la place de Salvatore Rossi, les jours de l’actuel administrateur délégué Luigi Gubitosi – au bilan contesté par l’actionnaire français – seraient comptés. Est-ce à dire que Vivendi pourrait faire un pas de plus dans sa nouvelle ambition de devenir le « Disney européen », après avoir échoué en 2016 dans le projet de « Netflix latin » (1) avec le groupe italien Mediaset, appartenant à Sylvio Berlusconi (Fininvest) ? « J’aime beaucoup un dessin (2) fait en 1957 par Walt Disney, que j’ai dans mon bureau, avec Mickey Mouse au milieu et sa vision qui a donné le succès de la Walt Disney Company. Comparaison n’est pas raison, mais, si l’on regarde les valeurs qui ont permis la construction de ce qui est aujourd’hui Disney, la vision de l’ensemble des équipes de Vivendi est de créer un “Disney européen”… pourquoi pas », a confié Arnaud de Puyfontaine, président du directoire du groupe Vivendi, le 12 octobre dernier dans le cadre du festival Médias-en-Seine (3).

« L’arbre » UMG cachait « la forêt » Vivendi
A 57 ans, le bras droit de la dynastie Bolloré depuis sept ans – nommé à ce poste le 24 juin 2014 – se sent pousser des ailes. Ce jour-là correspond à la mise en place de la nouvelle gouvernance de Vivendi avec comme président du conseil de surveillance et premier actionnaire Vincent Bolloré, lequel a passé la main il y a trois ans et demi à l’un de ses fils, Yannick Bolloré (photo ci-contre). Même s’il a échoué il y a cinq ans à créer avec Mediaset un « Netflix latin », Arnaud de Puyfontaine nourrit toujours avec le milliardaire breton l’ambition mondiale de rivaliser avec les Netflix, Amazon Prime Video autres Disney+ en se donnant comme objectif de créer un « Disney européen » – quitte à marcher aussi sur les plates-bandes de la Walt Disney Company justement. « Le projet stratégique à partir de 2014 a été de dire que nous sommes un groupe média avec l’ambition d’être un champion mondial porteur des valeurs d’une culture européenne et de pouvoir exister dans cette extraordinaire reconfiguration du secteur média », a rappelé Arnaud de Puyfontaine. Depuis mai dernier et après des années de batailles judiciaires autour du projet avorté de ce qui fut aussi appelé en 2016 « Euroflix », sur fond de rivalités capitalistiques (4) (*) (**), Vivendi a enterré la hache de guerre avec Mediaset dont il est le deuxième actionnaire (19,1 %), mais décidé à se désengager en cinq ans. Reste que Sylvio Berlusconi réclame depuis quatre ans à Vincent Bolloré 3 milliards d’euros de dommages et intérêts sur des accusations de « manipulation de marché » au capital de Mediaset et d’« entrave aux régulateurs » de la part du Breton et de son bras droit Arnaud de Puyfontaine (5). Mais selon Reuters, le parquet italien a demandé le 16 novembre dernier au juge l’abandon de ces poursuites.
Le groupe français « à fort ancrage européen et à ambition mondiale » fera donc cavalier seul, en espérant toujours donner la réplique à Netflix et aux autres plateformes audiovisuelles sur le Vieux Continent et au-delà. Sa filiale Canal+ est exposée en première ligne. Arnaud de Puyfontaine (« ADP ») en fut aussi président du conseil de surveillance jusqu’au passage de témoin à Vincent Bolloré en septembre 2015, ce dernier l’ayant ensuite transmis à Jean-Christophe Thiery en avril 2018. Face à Netflix ou Amazon Prime Video, « ADP » se veut enthousiaste : « La perspective de Canal+ est réjouissante car le groupe Canal associe à la fois les métiers de la distribution (de chaînes), de la création (StudioCanal) et de l’agrégation (de contenus) pour nos 22 millions d’abonnés [dans le monde, dont 9 millions sur l’Hexagone, là où Netflix en a 8,9 millions selon Digital TV Research, ndlr], avec un objectif de 30 millions d’abonnés à l’horizon 2025 que s’est fixé Maxime Saada [président du directoire de Canal+, ndlr] ». Et celui qui est toujours membre du conseil d’administration de Canal+ de nuancer cependant : « Le groupe est en pleine évolution et positionnement face à l’arrivée de l’OTT (6) et dans un environnement de concurrence révolutionné. A l’étranger, les résultats de Canal+ sont flamboyantes. En France, c’est plus complexe en raison justement de la complexité réglementaire dans laquelle il nous faut continuer à avancer et avec détermination », faisant notamment allusion aux négociations très tendues en cours sur la chronologie des médias en France (lire page suivante).
Mais Vivendi ne se résume pas au groupe de sa chaîne cryptée, pas plus qu’il n’était réduit à la valorisation boursière de son ex-filiale Universal Music Group (près de la moitié de son chiffre d’affaires en 2020) qui est désormais cotée à part à la Bourse d’Amsterdam. Le groupe de l’avenue de Friedland (où se situe le siège social de Vivendi, à quelques pas de l’Arc de Triomphe) n’a pas lâché pour autant sa pépite musicale. « Ce n’est pas un désengagement mais une évolution de notre engagement. Pardon, c’est peut-être un aspect sémantique mais c’est la réalité, s’est défendu Arnaud de Puyfontaine. L’idée était de séparer partiellement l’arbre [Universal Music] qui cachait la forêt [Vivendi] Nous gardons 10 % du capital et il s’avère que le premier actionnaire de Vivendi, le groupe Bolloré, est aussi de facto un actionnaire d’Universal Music [18 % du capital, ndlr] ». Aujourd’hui, le « Vivendi, acte II » (comme il l’a appelé) va pouvoir être valorisé pour lui-même : 12,5 milliards d’euros, contre 45,4 milliards d’euros pour Universal Music (au 19-11-21). « Canal+ est un groupe exceptionnel ; Havas est un acteur remarquable, … Nous avons depuis lors complété nos activités avec la presse magazine (Prisma Media), l’édition (Editis), les jeux vidéo (Gameloft) », a rappelé celui qui, par ailleurs, a fait son entrée fin juin au conseil d’administration du groupe Lagardère (Hachette Livre, Paris Match, Europe 1, JDD, …), dont Vivendi est le premier actionnaire (27% du capital, bientôt 45 %) et – à l’issue d’une OPA à venir – le propriétaire potentiel. Arnaud Lagardère a été évincé cette année de l’ancienne gouvernance par le fonds activiste Amber Capital, lequel a revendu cet été ses parts à Vivendi. « ADP » se rêverait-il à la tête d’un « Vivendi- Lagardère » ?

Convergence pour l’ours Paddington
Une chose est sûre : délesté d’Universal Music mais sous contrôle stratégique et opérationnel, Vivendi va pouvoir se concentrer sur ses trois métiers que sont l’édition, la publicité et les médias – avec les actifs de Lagardère en ligne de mire si l’Autorité de la concurrence donnait son feu vert. « Mais il s’agit aussi de créer dans l’ensemble de nos métiers des passerelles pour que nos marques et nos projets travaillent ensemble. Par exemple : Paddington [personnifié par le petit ours, dont les droits de propriété intellectuelle ont été acquis par StudioCanal en 2016] est exposé à la fois à travers Canal+ (Paddington 3 a été lancé en production et série de télévision), Editis (pour des livres) et bientôt chez Prisma », a-t-il indiqué à Média-en-Seine. @

Charles de Laubier

Youtubers, Tiktokers, Instagramers : les influenceurs devront montrer pattes-blanches à l’Arcom

Plateformes vidéo et réseaux sociaux devront veiller à ce que leurs influenceurs – Youtubers, Tiktokers et autres Snapchaters – cessent de faire de la publicité clandestine ou déguisée. Avec un prochain décret « SMAd », le futur régulateur Arcom leur demandera des comptes.

Les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de services audiovisuels en matière de publicité, de parrainage et de téléachat ont été établis en France par un décret qui date de l’année 1992 – il y a près de trente ans, à la préhistoire de l’Internet. Les influenceurs (masculins et féminins confondus) n’étaient pas encore né(e)s pour la plupart à l’époque.

Un décret « SMAd » en Conseil d’Etat
« La publicité clandestine est interdite. (…) Constitue une publicité clandestine la présentation verbale ou visuelle de marchandises, de services, du nom, de la marque ou des activités d’un producteur de marchandises ou d’un prestataire de services dans des programmes, lorsque cette présentation est faite dans un but publicitaire », prévoit ainsi le décret du 27 mars 1992 pour la télévision (1). Ce sont les dispositions de ce décret vieux de trois décennies que la France s’apprête à étendre aux services en ligne, au premier rang desquels les influenceurs aux milliers voire millions d’abonnés, followers et autres amis. Le ministère de la Culture a concocté un décret d’application « publicité en ligne, parrainage/sponsoring et vente en ligne » (2) découlant de la transposition de la directive européenne de 2018 sur les services de médias audiovisuel (SMA).
Dans les Vingt-sept, d’autres pays veulent aussi que les influenceurs se tiennent à carreau (3). La France, elle, a transposé la « SMA » par une ordonnance fin 2020 (4). Il y a bien un premier décret « SMAd » qui est entré en vigueur le 1er juillet dernier (5) pour s’appliquer aux services de médias audiovisuel à la demande, mais celui-ci ne parle de publicité, de téléachat et de parrainage qu’en termes généraux, notamment en plaçant ces communications publicitaires sous la responsabilité de la France. Seul son article 33 consacré aux parrainages en ligne impose trois exigences : « • Leur contenu ne peut, en aucun cas, être influencé par le parrain dans des conditions susceptibles de porter atteinte à la responsabilité et à l’indépendance éditoriale de l’éditeur du service ; • Ils n’incitent pas directement à l’achat ou à la location de produits ou de services, notamment en faisant des références promotionnelles spécifiques à ces produits ou services ; • Le parrainage doit être clairement identifié en tant que tel par le nom, le logo ou un autre symbole du parrain, par exemple au moyen d’une référence à ses produits ou services ou d’un signe distinctif, d’une manière adaptée au programme au début, à la fin ou pendant celui-ci ». Mais il ne s’agit là que de parrainage ou de sponsoring, pas explicitement de placements de produit ni de promotion publicitaire déguisée, notamment à destination des enfants. Le prochain décret d’application « SMAd » va étendre les règles publicitaires existantes à la télévision aux plateformes numériques et aux réseaux sociaux, influenceurs en tête.
L’ordonnance de fin 2020 prépare le terrain à une régulation renforcée que va exercer le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) sur les influenceurs via de nouvelles obligations qui pèseront sur « les fournisseurs de plateformes de partage de vidéos », autrement les YouTube, TikTok et autres Instagram. Ces grands acteurs de réseaux sociaux devenus médias sociaux seront tenus désormais de respecter et de faire respecter « les exigences prévues par décret en Conseil d’Etat [celui attendu, ndlr] s’agissant des communications commerciales audiovisuelles qu’ils commercialisent, vendent ou organisent eux-mêmes et (…) pour les communications commerciales audiovisuelles commercialisées, vendues ou organisées par des tiers ». De plus, les plateformes du Net devront aussi « informe[ r]clairement les utilisateurs de l’existence de ces communications commerciales au sein des programmes et des vidéos créées par les utilisateurs, lorsque ces communications ont été déclarées par les utilisateurs qui les mettent en ligne ou lorsqu’ils en ont connaissance ».

Enfants ciblés et codes de bonne conduite
Comme le CSA et l’Hadopi vont fusionner, ce que prévoit la loi sur « la régulation et la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique » adoptée définitivement le 29 septembre dernier (6), donnant naissance à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), c’est ce nouveau régulateur qui aura la compétence pour faire respecter ce décret « SMAd » attendu sur le volet publicité en ligne. En outre, l’Arcom imposera aux médias sociaux d’inclure et d’appliquer le respect de ces exigences dans leurs conditions générales d’utilisation du service, les fameuses CGU. Ces plateformes numériques de partage et de diffusion audiovisuelles seront tenues aussi de mettre à la disposition des utilisateurs des mécanismes de classification et de notification des contenus, ainsi que de mettre en place des dispositifs de vérification d’âge et de contrôle parental, des procédures de résolution des réclamations, et des mesures d’éducation aux médias et de sensibilisation des utilisateurs. Quant aux données personnelles des mineurs collectées ou générées par les fournisseurs de plateformes de partage de vidéos, elles ne devront pas – « y compris après la majorité des intéressés » – être utilisées à des fins commerciales « telles que le marketing direct, le profilage et la publicité ciblée sur le comportement » (7).

Mauvaises pratiques : de Nabilla à McDonald’s
L’Arcom incitera aussi les plateformes du Net à adopter des « codes de bonne conduite », et elle devra publier un rapport sur l’état de la mise en œuvre de toutes ces disposition, codes de bonne conduite compris. De la théorie à la pratique, la toute récente communication de la filiale française de McDonald’s pourrait devenir un cas d’école. Le géant américain du fast-food y fait de la publicité en ligne déguisée en recourant à des « hommessandwichs » (8) que sont de jeunes influenceurs pour vanter – mais sans mentionner l’existence d’un partenariat – non pas les hamburgers ni les sodas ou autres aliments mais des colis-surprises aux logos « McDo » et les jouets offerts dans les « Happy Meal ».
C’est du moins les faits qui ont amené UFC-Que Choisir à porter plainte – devant le Tribunal judiciaire de Paris – contre la chaîne de restauration rapide pour pratiques commerciales trompeuses. « Dissimuler la nature publicitaire d’un message, laissant ainsi croire à la communauté d’un influenceur, à un conseil désintéressé, est une pratique commerciale trompeuse sanctionnable et contredit le positionnement vertueux affiché par McDonald’s France », a dénoncé le 13 octobre l’association de consommateurs qui avait déjà en garde au début de l’été contre le « trafic d’influence » des réseaux sociaux (9). La chaîne YouTube « Swan & Néo » aux plus de 5,7 millions d’abonnés à ce jour illustre cette pratique controversée voire illégale, bien que l’entreprise McDonald’s et la mère des deux enfants influenceurs ont affirmé l’absence totale de partenariat et de rémunération : le 13 octobre 2020 a été publiée une vidéo de plus d’un quart d’heures intitulée « Swan ouvre son propre fast food à la maison, le McSwan’s ! ». Depuis un an, cette promotion vidéo, qui ne dit pas son nom mais qui montre bien le «m» de McDo et son sourire jaune, a été vue plus de 11,3 millions de fois (10). UFC-Que Choisir ne mâche pas ses mots : « La perfidie d’un tel manque de transparence s’accroît si la communauté ciblée est composée d’enfants, moins armés que les adultes face à des messages publicitaires cachés » (11). Pourtant, McDonald’s est membre de l’initiative européenne « EU Pledge » (12). Et l’association de consommateurs d’enfoncer le clou : « A ce jour, les réseaux sociaux s’apparentent à un no man’s land juridique qui profite à l’autorégulation », tout en appelant à « un encadrement réglementaire contraignant et plus ambitieux ». Quitte à ce que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) enquête et le Procureur de la République du tribunal judiciaire inflige une amende transactionnelle, comme ce fut le cas cet été à l’encontre de l’influenceuse Nabilla Benattia-Vergara sur le réseau social Snapchat – aujourd’hui à 3,8 millions d’abonnés (13) L’ancienne star de téléréalité a dû payer une amende de 20.000 euros pour avoir fait la promotion en janvier 2018 de services de formation au trading proposés par un site web spécialisé dans la vente et l’achat de bitcoin (14).
« Je ne suis pas au-dessus des lois et j’assume les conséquences de mes actes. Ce métier est nouveau et nous n’avons toujours pas de réglementation stricte. J’espère que cet accord permettra d’éveiller les consciences et la nécessite d’encadrer notre activité », a tweeté Nabilla le 28 juillet dernier (15). Le précédent cas « Nabilla » démontre que les influenceurs ne sont en effet pas au-dessus des lois : le code de la consommation – notamment son article L.121 (16) – mais aussi la loi sur la confiance dans l’économie numérique de 2004 – dont son article 20 (17) – n’ont pas attendu le prochain décret « SMAd » sur la publicité et les parrainages en ligne pour sévir lorsque qu’il y a absence de transparence et risque de tromperie vis-à-vis des internautes. Toute infraction est passible de deux ans de prison et de 300.000 euros d’amende.

De nombreux influenceurs hors-la-loi
Selon l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), qui publie depuis l’an dernier un « Observatoire de l’influence responsable », propose aux influenceurs et autres praticiens du « marketing d’influence » une certification qui leur permettra de mieux maîtriser le cadre légal et éthique. Pour l’heure, sur 30.318 contenus analysés grâce à l’intelligence artificielle sur YouTube, TikTok et Instagram, soit sur plus de 7.000 influenceurs, 26,7 % des contenus d’influence font de la publicité clandestine, et 41,2 % ne font pas suffisamment preuve de transparence publicitaire (18). « Le non-respect des règles est davantage le fait des influenceurs à faible audience ou long tail », relativise l’ARPP. @

Charles de Laubier

Cybersécurité et cybercensure pourraient accélérer la balkanisation du Net et marginaliser l’Icann

L’avenir de l’Internet est hypothéqué par le cybersécuritaire et le cyberpolitiquement correct. Les remèdes contre les ransomware et les fake news pourraient s’avérer pire que les maux. Les lignes Maginot du Net et sa surveillance généralisée risquent d’accélérer son éclatement.

Pendant que les acteurs de l’Internet et les start-up de l’économie numérique font la fête à Lisbonne au Portugal, à l’occasion de la grand-messe du Web Summit du 1er au 4 novembre 2021 au Portugal (1), le « réseau des réseaux », lui, est de plus en plus pris à partie par les politiques de lutte contre la cybercriminalité et les cybermenaces, d’une part, et la traque aux fausses informations et aux contenus illicites, d’autre part. La pression des Etats, dont certains appellent à la « coopération internationale » contre ces « fléaux », réels ou pas, va peser sur le fonctionnement du Web et la gouvernance du Net.

Forte poussée des « Internet souverains »
L’Icann (2), seule organisation non-gouvernementale qui gère dans le monde les noms de domaine de l’Internet, est censée avoir pris depuis cinq ans maintenant son indépendant par rapport aux Etats-Unis. Mais son rôle reste méconnu et suscite la défiance de nombreux pays. Dirigée par le Suédois Göran Marby (photo), l’Icann est censée s’être émancipée depuis cinq ans de la tutelle étatsunienne et à la suite de l’expiration le 1er octobre 2016 du contrat qui la liait depuis 1998 au département du commerce des Etats-Unis (DoC) et son administration nationale des télécommunications et de l’information (NTIA).
Depuis ce tournant historique, la gestion de domaines et des « identificateurs uniques » du Net relève du secteur privé (3). L’Icann, qui est une société californienne à conseil d’administration présidée par Göran Marby, fait depuis lors figure d’autorité suprême de l’Internet, dotée d’une gouvernance multipartite (gouvernements, entreprises, société civile, etc.) et du département Iana (4) supervisant l’attribution mondiale des adresses IP, des numérotations autonomes, et des racines des noms de domaine (DNS). L’Européen Göran Marby – habitant et travaillant à Los Angeles – accompagne cette émancipation de l’institution (5), tout en s’engageant à ce que « l’Internet de demain reste aussi libre, ouvert et accessible que l’Internet d’aujourd’hui ». Or des vents contraires soufflent de plus en plus fort.
Rien qu’en matière de cybersécurité et de protection des données, l’Icann semble effacée. Les 13 et 14 octobre, les Etats-Unis ont réuni une trentaine de pays – dont la France, mais sans la Russie – pour riposter aux rançongiciels. Le 14 octobre, ils ont publié un « Joint Statement » contre les ransomware (6). De son côté, Göran Marby a fixé le 4 octobre dernier une dizaine d’objectifs (7) pour 2022 afin d’améliorer le fonctionnement et la transparence de l’Icann, dont la 23e assemblée générale annuelle s’est tenue fin octobre (8). Parmi eux, explique-t-il : « La sécurité de l’information, la cybersécurité et la sécurité personnelle combinées aux préoccupations liées à la protection de la vie privée sont des sujets d’actualité, mais la réponse à ces préoccupations a été dispersée entre divers groupes non reliés. Le DSFI-TSG [groupe de travail technique sur la sécurité du système de noms de domaines (9), ndlr] a construit un moyen de communiquer au-delà de certaines des frontières qui existent dans l’écosystème de l’Icann ».
A l’heure où la Russie, la Chine, l’Inde ou encore l’Iran cherchent à s’affranchir de l’Internet, la balkanisation du « réseau des réseaux » guette. « L’Internet libre et l’Internet souverain, ces deux notions ne se contredisent pas », avait lancé le président russe Vladimir Poutine en décembre 2019. Göran Marby le reconnaît : « Le rôle, le mandat et les activités de l’Icann sont peu connus », appelant sa communauté à « travailler plus étroitement avec les gouvernements du monde ». Et d’ajouter en perspective : « Le prochain milliard d’utilisateurs d’Internet proviendront en grande partie d’Asie et d’Afrique, alors nous devrions commencer à les rejoindre ». La Chine en fait partie. Sur les questions de cybersécurité, de cyberguerre, de « souveraineté numérique » ou d’« Internet souverain », l’Icann a-t-elle son mot à dire ? Reste que la mainmise de cette organisation privée sur la racine d’Internet, en cheville avec la société américaine Verisign cotée à la Bourse de New-York, fait débat. Le cofondateur d’Internet, Louis Pouzin (10) (*) (**), ne cesse de fustiger ce « monopole autoproclamé ».

Gouvernance du Net : le forum fin 2021
Göran Marby ouvra-t-il le débat au sein de l’Icann ? « Les discussions techniques sur les racines alternatives, les systèmes de noms de domaine alternatifs et les protocoles Internet alternatifs (IP) se poursuivent dans les forums en dehors de l’écosystème de l’Icann. Certaines propositions sont avancées et d’autres sont fondées sur des opinions plutôt que sur des faits, mais toutes ont le potentiel de changer la façon dont fonctionne Internet ». La 16e réunion annuelle du Forum sur la gouvernance de l’Internet (IGF), organisée par la Pologne – à Katowice du 6 au 10 décembre 2021 – sous le thème cette année d’« Internet United » (11) sonnera-t-elle la fin des divisions ? @

Charles de Laubier

Le Monde, champion des abonnés numériques payants, croit aussi en la gratuité du HuffPost

Avec Le Monde, on est jeune de 7 à 77 ans (âge du quotidien). Le groupe présidé depuis une décennie par Louis Dreyfus a vu son titre-phare franchir les 400.000 abonnés numériques (promos comprises). Les 15-24 ans sont à peine 20 % de ce lectorat payant, mais il y a pour eux le gratuit HuffPost.

« Nous avons été les premiers à investir et à croire dans le numérique payant, en développant le nombre d’abonnés. Nous avons été beaucoup aidés par l’explosion des usages de plateformes telles que Netflix et Spotify qui, dans de nombreux pays occidentaux, ont accrédité l’idée auprès d’un public très large qu’il fallait payer pour un produit numérique de qualité », s’est félicité sur BFM Business le 18 octobre Louis Dreyfus (photo), président du directoire du groupe Le Monde depuis près de onze ans.

Léger recul de son OJD digital en septembre
« En septembre 2021, nous avons dépassé le nombre de 400.000 abonnés purs numériques et ce chiffre reste en croissance. Nous avons évidemment augmenté très fortement le nombre d’abonnés pendant la période confinement, mais avant même cette période nous étions déjà leader », a-t-il annoncé. Selon nos informations, la certification de l’ACPM (1) pour le mois de septembre va être publiée le 4 novembre et elle est pourtant en très léger recul pour Le Monde : d’environ un millier d’abonnés digitaux (certifiés OJD) par rapport au mois d’août qui était à 347.859 abonnés précisément (2). « L’écart qui existe entre le déclaratif éditeur et le chiffre OJD est très souvent dû aux abonnements agressifs à des coûts réduits (à 1 euro par exemple), mais aussi aux abonnements digitaux qui ne contiennent pas la version numérique du journal (juste un accès premium web ou mobile », explique à Edition Multimédi@ Jean-Paul Dietsch, directeur général adjoint de l’ACPM. C’est en tout cas en mai 2020 (toujours en moyenne quotidienne) que Le Monde a franchi la barre des 300.000 abonnés numériques, contre 200.000 il y a deux ans et au moment du basculement du centre de gravité du Monde vers la version digitale devenue depuis lors majoritaire (3) (*) (**). L’année 2018 avait été ainsi la dernière où le papier du « quotidien de référence » était encore majoritaire (52,1 %) et les ventes numériques pesaient moins de la moitié de la diffusion payée en France (47,9 %). « J’ai pris mes fonctions à la présidence du groupe Le Monde il y a onze ans [le 15 décembre 2010, précisément, ndlr], a rappelé Louis Dreyfus. A l’époque, la rédaction du Monde faisait 310 journalistes et nous vendions un peu moins de 250.000 exemplaires (en moyenne par jour) ; aujourd’hui, la rédaction est dotée de 500 journalistes et nous vendons presque 500.000 exemplaires (toujours quotidiennement). Nous sommes beaucoup plus lus, avec une capacité rédactionnelle bien plus forte. Et c’est encourageant que les deux aillent de pair ». Pour autant, Le Monde a beau attirer chaque jour plus de 2,5 millions de lecteurs en moyenne par numéro (le quotidien, le magazine M, le site web lemonde.fr et les applis smartphone et tablettes cumulés), son lectorat global mesuré par l’ACPM compte seulement 19 % de jeunes lecteurs âgés de 15 à 24 ans. Encore moins bien : les 25- 34 ans représentent, eux, à peine 15 % de cette audience. En réalité, les 60 ans et plus constituent la catégorie d’âge la plus nombreuse (33 %), suivis par les 35-49 ans (21 %) – les 50-59 ans étant curieusement sous-représentés (14 %). Le quotidien du groupe Le Monde, détenu aujourd’hui par Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Madison Cox (veuf de Pierre Bergé devant céder ses parts aux deux premiers, selon une décision de justice), aurait-il un problème avec les jeunes ? Si la croissance à deux chiffres – plus de 20 % par an – de la diffusion payée du Monde (papier et digital) contribue à recruter de plus en plus du côté de la GenZ et de leurs aînés les Millennials (la génération Y née avec Internet), le groupe de presse – éditeur aussi de L’Obs, de Télérama, de Courrier International et du Monde diplomatique – a aussi depuis dix ans une autre corde à son arc : le HuffPost, la version française (mais avec ses propres contenus) du site web d’actualité américain The Huffington Post créé aux Etats- Unis en 2005 par Arianna Huffington. « On considère depuis le début que c’est quelque chose à la fois d’important et utile, notamment auprès des audiences jeunes, et qui fait partie de nos axes de développement », a expliqué à l’AFP le 13 octobre Louis Dreyfus.

France : Le Monde veut contrôler HuffPost
Le président du directoire a confirmé ce jour-là l’information de La Correspondance de la Presse qui révélait des discussions avec l’éditeur en ligne américain Buzzfeed – 51 % du capital de la société française Le Huffington Post – pour que Le Monde (34 % de cette dernière) lui rachète ses parts pour en prendre le contrôle (4). Le HuffPost américain, qui faisait partie jusqu’à l’an dernier de la galaxie Verizon Media comme Yahoo (5), a rejoint officiellement Buzzfeed en février dernier avec des licenciements à la clé (6). « On a bon espoir qu’un accord soit trouvé dans le mois qui vient », a assuré Louis Dreyfus, qui préside depuis mai 2012 Huffington Post France. @

Charles de Laubier