A propos Charles de Laubier

Rédacteur en chef de Edition Multimédi@, directeur de la publication.

Les écosystèmes play-to-earn séduisent le jeu vidéo, où éditeurs et joueurs sont gagnants

P2E : trois lettres qui pourraient rapporter gros aux joueurs assidus. Perdre son temps à jouer en ligne ou gagner des revenus en jouant ? L’ère du play-to-earn a vraiment commencé en 2021 et se confirme cette année. Les « récompenses » sont payées en jetons non fongibles (NFT) ou en cryptomonnaies.

Grâce à la technologie chaîne de blocs, ou blockchain, l’industrie du jeu vidéo est en train d’étendre son domaine de la lutte aux play-to-earn (P2E) voire au create-to-earn (C2E) : jouer et créer pour gagner des récompenses ou des rémunérations. L’appât du gain aidant, de nombreux éditeurs – historiques comme le français Ubisoft ou start-up comme la vietnamienne Axie Infinity et la française The Sandbox financées par des levées de fonds – ont entrepris de surfer sur cette tendance aux promesses lucratives. Mais il reste à en démocratiser l’usage.

Blockchain Gaming, NFT et… hacking
Ubisoft a lancé en décembre 2021 la plateforme Quartz (1) en version bêta. « C’est l’endroit où vous pouvez acquérir des Digits, les premiers NFT d’Ubisoft, jouables dans un jeu HD stockés sur la chaîne de blocs Tezos », explique le groupe fondé par les frères Guillemots (2). Les jetons non fongibles Digits offrent plus de contrôle au joueur : « Alors qu’ils sont d’abord et avant tout des objets jouables, les Digits vous permettent de mettre vos objets en vente auprès d’autres joueurs éligibles, quand vous voulez et au prix que vous définissez. De même, vous pouvez acheter de nouveaux articles directement auprès d’autres joueurs. Toutes ces transactions auront lieu sur les marchés tiers autorisés, Rarible.com ou Objkt.com, pas sur Ubisoft Quartz ». Les premiers Digits sont jouables sur la version PC de « Tom Clancy’s Ghost Recon Breakpoint », un jeu vidéo à gros budget de tir tactique en ligne sorti en 2019 et disponible sur la plateforme de distribution Ubisoft Connect.
Les Digits proposés sont en nombre limité, chacun numéroté, et peuvent représenter un objet de collection unique et jouable dits « cosmétiques » dans le jeu. Ceux-ci peuvent aller des véhicules in-game aux armes sous la forme de pièces d’équipement (une arme, un vêtement, un casque, …). Les objets en jeu ne sont plus censés rester dans l’inventaire du joueur. Ubisoft entend ainsi « récompenser les joueurs les plus loyaux » plutôt que « des spéculateurs » (dixit Nicolas Pouard, en charge de l’innovation chez Ubisoft). C’est en tout cas la première major du jeu vidéo à se lancer, avec Quartz, dans le Blockchain Gaming (3) et le play-to-earn. Et ce, malgré l’accueil plutôt frais réservé par des gamers et certains développeurs à l’annonce de Quartz l’an dernier. Par ailleurs, le groupe Ubisoft dirigé par Yves Guillemot (photo de gauche) a notamment investi dans la start-up vietnamienne Sky Mavis qui a développé en 2018 Axie Infinity, un jeu P2E basé sur la blockchain Ethereum et précurseur des jeux à NFT. Lors d’un premier tour de table, elle avait levé près de 150 millions de dollars avec l’aide de Marc Andreessen (4) et Ben Horowitz via leur fonds Andreessen Horowitz, alias A16z (5). Ce qui a valorisé Sky Mavis 3 milliards de dollars. Axie Infinity est un jeu de combat où les joueurs collectionnent des créatures certifiées par NFT et appelées Axies qu’ils élèvent (ces petits monstres se reproduisent) et combattent, ou revendent (en spéculant sur les plus rares), pour obtenir des récompenses en mode play-to-earn sous forme de cryptomonnaie. Les joueurs peuvent aussi acquérir des terrains virtuels. Dans l’univers effervescent du Blockchain Gaming, ce jeu est considéré comme le plus important projet. A février 2022, d’après Forkast, Axie Infinity – qui revendique quelque 2,8 millions de joueurs actifs chaque jour en moyenne – a franchi la barre des 4 milliards de dollars de ventes dans son écosystème (6). Le bien le plus cher s’est vendu 820.000 dollars (7).
« Axie est un jeu animalier numérique axé sur la communauté qui remplace le modèle de jeu traditionnel violent, et permet aux joueurs de gagner de l’argent tout en luttant, en élevant et en construisant un royaume avec leurs amis. Axie est inspiré par des jeux classiques comme Pokémon, Neopets ou Tamagotchi. », décrit Trung Nguyen (photo de droite), le cofondateur et directeur général d’Axie Infinity (le studio Sky Mavis ayant été, lui, cofondé par Aleksander Leonard Larsen, Jeffrey Zirlin). Mais, fin mars, ce crypto-jeu de combats virtuels a été victime d’un cyber piratage bien réel des détenteurs du wallet Ronin, dont le butin des hackers s’élève à 620 millions de dollars (8). Comme pour regagner la confiance des gamers, l’éditeur a lancé début avril un jeu free-to-play appelé « Origin » (9).

Les « toqués » du token
Sur le P2E, un NFT Axie peut être utilisé pour générer un maximum de 10.000 dollars de revenus. Au delà, il faut la signature d’un accord de licence officiel. Les revenus peuvent provenir soit de « fan-art », c’est-à-dire une œuvre (tokenisée ou physique), réalisée par un fan et s’inspirant d’un ou de plusieurs personnages, d’une scène ou de l’univers numérique lui-même, soit de marchandises (t-shirts, sweats/hoodies, tasses, etc.). Avec son écosystème playto- earn, ou play & earn, Axie se définit comme un nouveau type de jeu « partiellement possédé et exploité par ses joueurs ». Les gamers peuvent gagnez des jetons AXS – Axie Infinity Shards – en jouant, et les utiliser pour décider de l’avenir du jeu. Ces tokens sont le ciment de toute la communauté Axie. « Les détenteurs d’AXS pourront réclamer des récompenses s’ils mettent en jeu leurs jetons, jouer et participer à des votes-clés sur la gouvernance du jeu », est-il expliqué dans les règles du jeu. Les AXS sont disponibles sur les plateformes d’échange décentralisé de cryptomonnaies Binance ou Uniswap.

Un « bac-à-sable » lucratif
Les métavers, eux aussi, tendent à intégrer dans leurs univers virtuels immersibles un écosystème P2E voire create-to-earn (C2E). C’est le cas de l’écosystème The Sandbox, qui, comme son nom le suggère, est un jeu vidéo de type « bac-à-sable » s’appuyant sur la blockchain Ethereum pour les transactions de bien virtuels ou les récompenses. Ce métavers fut développé au départ – il y a dix ans – par la société française Pixowl et édité par Bulkypix. Ce jeu, créé d’abord pour mobile, fut revendu en 2018 à la société hongkongaise Animoca Brands, mais les deux fondateurs français – Arthur Madrid et Sébastien Borget – restent respectivement directeur général et directeur des opérations. Ce dernier est président de la Blockchain Game Alliance (BGA). Sur son smartphone ou son ordinateur (PC ou Mac), le joueur peut créer sur The Sandbox son propre univers à travers l’exploration de ressources (eau, sol, foudre, lave, sable, …), d’humains et d’engins, le tout dans un univers 3D aux graphismes similaires à ceux de Minecraft ou de Roblox. Il peut aussi enregistrer les mondes qu’il a créés et éventuellement les télécharger dans une galerie publique. The Sandbox, dont la version « Alpha Saison 2 » vient d’être lancée (10), peut récompenser jusqu’à 1.000 dollars en jetons « Sand », propre à ce jeu décentralisé, avec le nouveau pass. C’est au cours de l’année 2024 que la totalité des tokens « Sand », à savoir 3 milliards, seront en circulation dans ce métavers, contre un peu plus de 1 milliard en mars 2022 – où l’on compte à ce stade 20.307 propriétaires possédant au total 170.968 jetons (11).
En outre, le 16 mars dernier, la banque internationale HSBC (basée à Hong Kong et à Shanghaï) a annoncé qu’elle ouvrira aux communautés virtuelles du monde entier du métavers The Sandbox de nombreuses possibilités financières et sportives. Par exemple, HSBC va acquérir une parcelle de « Land », un bien immobilier virtuel dans ce métavers, qui sera développé pour interagir et se connecter avec les amateurs de sports, d’esport et de jeux vidéo. HSBC n’est pas le premier partenaire du « bac-à-sable » en 3D puisque de nombreuses autres marques (plus de 200 à ce jour) se sont déjà lancées dans l’aventure tels qu’Ubisoft, Adidas, Warner Music Group, Atari, Gucci ou encore Cryptokitties (12). Le français Ubisoft, encore lui, a annoncé début février qu’il rejoint The Sandbox pour permettre aux joueurs d’intégrer des personnages et des objets de la série de jeux « Les Lapins crétins » (Raving Rabbids en anglais). Outre ce partenariat autour de cette franchise multimédia, Ubisoft aura son propre « Land » comme destination de divertissement proposant des expériences interactives. Les deux fondateurs français de The Sandbox ont conçu ce métavers intégrant P2E et C2E avec l’idée que ce jeu en 3D pourrait être à terme en-tièrement géré par sa communauté en tant qu’organisation autonome décentralisée de type DAO (Decentralized Autonomous Organization).
Selon la Blockchain Game Alliance (BGA), le play-to-earn associé au Blockchain Gaming est une nouvelle étape majeure pour l’industrie des jeux vidéo. Les consommateurs auront plus de contrôle sur les jeux et en récolteront les bénéfices. Cette tendance va créer de nouvelles opportunités de chiffre d’affaires, dont profiteront aussi les joueurs. «68% de nos membres affirment que le play-to-earn a été le principal moteur de la croissance de l’industrie », indique la BGA dans son rapport 2021 (13). En Asie, notamment, les thèmes de metaverse et de play-to-earn sont les plus discutés en ligne (réseaux sociaux et moteurs de recherche) ainsi que dans les médias. « Avec le play-to-earn permettant de gagner la propriété d’objets ou d’actifs, les joueurs deviendront une partie intégrante du système plutôt que des consommateurs passifs. Les jeux de blockchain seront l’outil le plus puissant pour amener les crypto-curieux au Web3 et convertir l’intérêt en participation », assure Supreet Raju, cofondateur de OneRare, un jeu de « métavers alimentaire » (14), cité par la BGA. Le P2E et le C2E, boostés à la blockchain et au métavers, pourraient donc « disrupter » l’industrie du jeu vidéo en redonnant la main aux joueurs et en les rémunérant pour leur activité dans le jeu.

De la consécration du farming
Le play-to-earn ou le create-to-earn tirent leur origine de la pratique du farming, laquelle consiste dans un jeu vidéo en ligne – notamment ceux dits massivement multi-joueurs ou MMORPG (15) comme l’historique « World of Warcraft » – à passer du temps à jouer et à rejouter pour accumuler des gains, de l’argent, des objets, ou de l’agilité en s’entraînant sans cesse et en améliorant sa performance afin de monter en niveau et de s’enrichir. Avec la multiplication des P2E, dont on peut citer aussi Polychain Monsters, Alien Worlds, Mobox, Bomb Crypto, Mist, Illivium, Sorare ou encore Neoland (sur la blockchain Solana), les opportunités sont nombreuses (16) mais… « le temps c’est de l’argent » est limité. @

Charles de Laubier

La 5G franchira en 2022 les 10 % de connexions mobiles générées par les cartes SIM dans le monde

L’année 2022 s’annonce comme celle qui verra la 5G franchir la barre du 1 milliard de connexions au total dans le monde, que cela soit de la 5G mobile ou de la 5G fixe. Pour la première fois, elle va dépasser cette année le taux de 10 % des connexions mobiles grâce à 200 réseaux dans 70 pays.

La croissance de la 5G croît plus vite que les deux précédentes générations de mobiles sur la même période de démarrage commercial. « Cette croissance sans précédent représente le déploiement générationnel le plus rapide pour l’industrie du mobile par rapport à la 3G et la 4G. En comparaison, dix-huit mois après son lancement, la 5G représentait plus de 5,5 % des connexions mobiles – ni la 3G ni la 4G n’ont dépassé 2,2 % de pénétration au même moment de leur cycle de vie », s’est félicité Alex Sinclair (photo), directeur technique à la GSMA, laquelle réunit plus de 750 opérateurs mobiles et compte pour l’instant près de 200 réseaux 5G dans 70 pays.

Vers 2 milliards de connexions 5G fin 2025
Un total de 1 milliard de connexions mobiles 5G – correspondant à autant de cartes SIM connectées à partir d’un appareil compatible avec la cinquième génération de mobile – devrait être atteint d’ici la fin de 2022, sur un total de plus de 8,4 milliards de connexions toutes générations de mobiles confondues (hormis les connexions des réseaux cellulaires d’objets connectés estimés à 2 milliards en 2021). Ainsi, pour la première fois, la 5G va dépasser dans le courant de cette année les 10 % de connexions mobiles pour tendre, selon nos calculs, vers les 12%. Ce taux est à comparer aux 8% seulement en 2021 sur un total de 8,3 milliards de connexions mobiles toutes générations confondues.
Ce « dynamisme » permet à la GSMA de tabler sur un franchissement des 2 milliards de connexions 5G d’ici la fin de l’année 2025, soit tout de même dans trois ans et demi. A ce moment-là la 5G comptera pour environ un quart (taux de 25 %) du total des connexions mobiles et plus de deux personnes sur cinq dans le monde vivront à proximité d’un réseau de cinquième génération. « La dynamique a été stimulée notamment par la reprise économique après la pandémie, la hausse des ventes de smartphones 5G, l’extension de la couverture des réseaux, et les efforts de marketing des opérateurs mobiles », souligne l’association professionnelle dans son rapport « The Mobile Economy Report 2022 » publié en mars (1). L’impulsion a été donnée par les marchés pionniers en 5G que sont la Chine, la Corée du Sud et les Etats-Unis. A la fin de 2021, ils étaient 176 opérateurs mobiles sur 70 marchés dans le monde à avoir lancé des services 5G commerciaux. Parmi eux, près de 70 offrent des services de 5G fixe (2). Côté Samsung, le numéro un mondial indétrônable des fabricants de smartphones (3), a indiqué qu’il s’attendait à ce que les smartphones 5G représentent en 2022 plus de la moitié de toutes ses ventes de smartphones. « Une nouvelle vague de déploiement de la 5G dans de grands marchés à revenus modestes comme le Brésil, l’Indonésie et l’Inde pourrait stimuler davantage la production de masse d’appareils 5G plus abordables », prévoit la GSMA. Autrement dit, les pays dits émergents pourraient contribuer fortement à démocratiser la 5G. Les smartphones compatibles vont devenir abordables, leur prix de vente passant sous les 500 dollars l’unité – avec certains d’entre eux à moins de 150 dollars comme chez le fabricant chinois Realme, filiale du groupe BBK Electronics.
Si les 10 % des connexions en 5G sont atteints au cours de cette année 2022, ce taux paraît faible au regard des investissements importants que consacrent les opérateurs mobiles aux déploiements des réseaux de cinquième génération. Et ces « Capex » (4) s’annoncent élevées pour les années à venir. D’après la GSMA, les opérateurs mobiles devront investir – entre 2022 et 2025 – plus de 600 milliards de dollars dans le monde, dont environ 85 % dans les réseaux 5G. La 4G, elle, a atteint son apogée durant l’année 2021 en représentant 58 % des connexions mobiles dans le monde. Elle a depuis entamé son déclin au profit de la 5G, laquelle ne sera pas pour autant la génération majoritaire lorsque la 4G deviendra minoritaire dans ces connexions mobiles au-delà de l’année 2025. Quant à la 3G, elle passe cette année sous la barre des 20 % des connexions mobiles. De nombreux autre opérateurs mobiles dans le monde se délestent de ces anciens réseaux. Aux Etats-Unis, AT&T a entamé l’extinction progressive de son réseau 3G depuis le 22 février dernier (5). En France, Orange prévoit de fermer ses réseaux 2G et 3G d’ici respectivement fin 2025 et fin 2028 (6).

L’« écomobile » génère 5 % du PIB mondial
Pour l’heure, à fin 2021 et toutes générations de mobiles confondues, le nombre d’abonnés mobiles a atteint les 5,3 milliards de personnes, soit 67 % de la population mondiale. Le seuil des 70 % de pénétration sera atteint d’ici fin 2025 avec 5,7 milliards d’abonnés mobile sur la planète. Les revenus générés l’an dernier par les technologies et services mobiles en général ont atteint 4.500 milliards de dollars (autrement dit 4,5 trilliards de dollars), soit 5% du PIB mondiale. Ce chiffre atteindra près de 5.000 milliards de dollars d’ici 2025. @

Charles de Laubier

Fraude à la pub : bientôt 100 milliards de dollars de pertes par an, malgré des garde-fous comme IAS

C’est un véritable fléau pour la publicité en ligne, notamment programmatique : la fraude publicitaire – lorsque des annonces sont diffusées à des robots ou sur-affichées, ou lorsqu’elles ont des problèmes de visibilité – gangrène le marché. Integral Ad Science (IAS) voit sa cote monter.

« Juniper Research estime que les annonceurs perdront environ 100 milliards de dollars en dépenses publicitaires annuelles au profit de la seule fraude publicitaire d’ici 2024, soit une augmentation par rapport à environ 42 milliards de dollars en 2019 », prévient la société newyorkaise Integral Ad Science (IAS), qui se définit comme « un leader mondial de la qualité média digitale ». Cotée en Bourse au Nasdaq depuis huit mois et dirigée par Lisa Utzschneider (photo), IAS veille à ce que les annonces publicitaires ne fassent pas l’objet de fraudes, d’atteintes à l’image de marque ou d’une visibilité contextuelle inappropriée.

Bots ad-fraud, ad-stacking, pixel-stuffing, …
De nombreux géants d’Internet font appelle à cette adtech, connue sous ce nom IAS depuis dix ans maintenant, après avoir été créée en tant que AdSafe Media en 2009. Amazon, Facebook, Google, Instagram, LinkedIn, Microsoft, Pinterest, Snap, Spotify, TikTok, Twitter, Yahoo et YouTube sont parmi ses clients, où l’on retrouve aussi des acteurs comme la place de marché publicitaire Xandr du groupe AT&T ou le spécialiste de la publicité programmatique The Trade Desk, ainsi que de nombreux annonceurs, agences ou éditeurs. La force de frappe d’IAS réside dans ses outils d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique lui permettant de traiter en temps réel plus de 100 milliards de transactions web chaque jour dans plus d’une centaine de pays. Si la société IAS n’est pas encore rentable, elle voit ses revenus croître d’année en année sur un marché (malheureusement) porteur. Son dernier rapport annuel, publié le 3 mars, fait état d’un chiffre d’affaires de plus de 323,5 millions de dollars sur l’année 2021 (contre 240,6 millions en 2020). Mais ses pertes annuelles demeurent élevées, à -52,4 millions l’an dernier (contre -32,4 millions en 2020). Tandis que son endettement total s’élève à 245 millions de dollars au 31 décembre dernier.
Pour autant, le marché sur lequel la adtech s’est positionnée depuis treize ans prend de l’ampleur au fur et à mesure que la publicité en ligne automatisée pose problèmes. L’écosystème publicitaire digital – annonceurs, agences, éditeurs et plateformes numériques – est plus que jamais demandeur de solutions de mesure et de vérification publicitaires qui assurent la visibilité, la sécurité et la pertinence de la marque, du ciblage contextuel, ainsi que la prévention de la fraude publicitaire. Selon le cabinet de conseil Frost & Sullivan, le marché mondial des solutions et outils de vérification publicitaire a presque atteint les 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires l’an dernier. La fraude publicitaire en ligne est un fléau qui gagne du terrain malgré les garde-fous proposés par des prestataires de veille et de confiance comme IAS, mais aussi DoubleVerify (DV), Moat (acquis par Oracle en 2017) ou encore Human Inc.
L’accélération de la publicité programmatique – par l’automatisation de l’achat et de la vente aux enchères d’espaces afin de permettre aux annonceurs de « cibler l’inventaire de valeur la plus élevée en temps réel » – s’accompagne d’une hausse de l’ad-fraud. Dans ce processus de transaction, la rapidité se le dispute à l’opacité. « La fraude publicitaire est une pratique qui consiste à facturer intentionnellement un annonceur pour une diffusion qui n’est pas conforme à celle prévue, par exemple la diffusion de publicités auprès de robots au lieu de personnes réelles. Il existe de multiples types de fraude. Les plus rencontrées sont le trafic robotique, puis l’adstacking (empilage de plusieurs publicités les unes sur les autres au sein d’un même emplacement), et le pixel-stuffing (diffusion de plusieurs publicités dans un cadre publicitaire minuscule, d’une taille de 1×1 pixel) », détaille IAS dans la nouvelle édition de son « Baromètre de la qualité média » publié fin mars (1).
Pour y remédier, les acteurs de l’écosystème publicitaire font du« filtrage préventif des impressions frauduleuses » grâce à des technologies anti-fraudes alliant algorithmes et machine learning. Dans le monde, plus de 700 marques, agences, éditeurs et fournisseurs de technologies publicitaires sont certifiés « TAG » par la Trustworthy Accountability Group (2). C’est le cas d’IAS.

Plus de 700 acteurs certifiés « TAG »
Créé en 2014 aux Etats-Unis par différentes associations de publicitaires dont l’Interactive Advertising Bureau (IAB), le TAG est le principal organisme mondial de certification pour lutter contre « les activités criminelles » et accroître la confiance dans l’industrie de la publicité numérique mise à mal. En outre, depuis 2017, l’IAB déploie l’outil Ads.txt (Authorized Digital Sellers). En France, depuis 2016, un label de qualité baptisé « Digital Ad Trust » (3) existe à l’initiative du SRI (4), de l’Udecam (5) et de IAB France. @

Charles de Laubier

Pour la TVA, Altice s’est débarrassé de SFR Presse

En fait. Le 4 avril, Capital a révélé que SFR a été l’an dernier notifié par Bercy d’un nouveau redressement fiscal de 420 millions d’euros, portant le total à 830 millions d’euros dus par Altice. En cause : les bénéfices, dont ceux réalisés de 2016 à 2018 en appliquant 2,10 % de TVA « presse » à ses offres triple play.

En clair. Si SFR est à nouveau redressé fiscalement pour notamment avoir indûment appliqué sur ses abonnements triple play – et durant près de deux ans (juin 2016 à février 2018) – le taux de TVA super réduit (2,10 %) pourtant réservé à la presse (et donc applicable en principe à son seul kiosque SFR Presse), il n’est pas le seul opérateur télécoms en France à avoir pratiqué ce « hold-up fiscal » (1). Bouygues Telecom lui avait emboîté le pas, en s’appuyant sur la plateforme LeKiosk (également partenaire de Canal+). De son côté, Orange avait intégré depuis l’automne 2017 le kiosque ePresse qui avait été reprise par le groupe Toutabo.
Potentiellement, selon une analyse à l’époque de la banque d’investissement JP Morgan, le total de cet astuce fiscal pratiqué par les quatre opérateurs télécom, Free compris, aurait représenté pour l’Etat une perte fiscale de 1 milliard d’euros sur une année ! Bercy avait alors tapé du poing sur la table et avait mis un terme à cet abus en l’interdisant par la loi de Finances 2018 (article 8) avec un retour obligatoire au taux normal (20 %) à partir du 1er mars de cette année-là (2). C’est tout récemment que l’on a su pourquoi Altice, la maison-mère de SFR, avait cédé son kiosque numérique SFR Presse – créé en avril 2016 et racheté en mai 2020 par Cafeyn, ex-LeKiosk (3), lequel a également repris la plateforme de numérisation de contenus miLibris qu’Altice avait acquis en 2017. En effet, lors de son audition le 2 février dernier devant la commission d’enquête sur la concentration dans les médias en France (lire aussi en Une), Patrick Drahi, fondateur et propriétaire d’Altice, a révélé que l’abandon de SFR Presse avait été décidé pour des raisons uniquement fiscales : « Il existait deux régimes de TVA différents en France, celui des télécoms [20 %] et celui des médias [2,10 %]. La télévision à péage était soumise à un taux de TVA de 5,5 %. Nous avons effectivement profité du régime en place. Du coup, après on me dit, on change la loi, cela passe à 20 %. Il n’y avait plus d’intérêt à le diffuser [parlant de SFR Presse, ndlr]. Cela s’est écroulé. Je suis un mécène pour quelques jours mais pas pour le restant de ma vie. Donc nous nous sommes débarrassés de cela ». Selon Capital, qui a révélé le nouveau redressement fiscal du groupe Altice (4), celui-ci saisira sûrement la justice contre ces redressements, comme Patrick Drahi l’avait fait avec Numericable. @

Fibre-gate : l’Arcep pressée de mettre en demeure

En fait. Le 4 avril, 28 collectivités locales – parmi les membres de l’Association des villes et collectivités multimédias (Avicca) – ont cosigné un avertissement aux opérateurs télécoms et à leurs sous-traitants accusés de « mauvaises pratiques pour raccorder à la fibre optique les Français ». L’Arcep va-t-elle les mettre en demeure ?

En clair. La pression augmente sur l’Arcep, appelée par des collectivités locales et agglomérations à mettre en demeure les opérateurs télécoms et leurs sous-traitants pour non-respect de leurs obligations dans le déploiement de la fibre et le raccordement des abonnés. « Malfaçons », « dégradations », « négligence », « déconnexions », « mises en danger », « imprévoyances », … lorsque les branchements anarchiques des fibres optiques dans les armoires de mutualisation du réseau ne se transforment pas en « plats de nouilles » : les territoires sont plus que jamais excédés par le manque de contrôle des opérateurs télécoms – Orange, SFR, Bouygues Telecom, Free et Altitude en tête – sur les raccordements finaux des abonnés à la fibre. « Les opérations techniques sont intégralement sous-traitées sans contrôle, mal rémunérées et, pour certaines, réalisées en dépit des règles de l’art et de la sécurité des personnes », ont dénoncé le 4 avril une trentaine de collectivités locales – membres de l’Association des villes et collectivités multimédias (Avicca), en lançant un avertissement aux opérateurs télécoms et à leurs sous-traitants (1). En cause : le non-respect des contrats dits « Stoc » (sous-traitance opérateur commercial), auxquels s’étaient pourtant engagés il y a plus d’un an les différents intervenants du Plan France Très haut débit. Cela fait près de deux ans maintenant, notamment depuis le scandale des « plates de nouilles » (sac de nœuds dans le raccordement des fibres dans les locaux techniques), qu’il y a manquements flagrants.
Or le gendarme des télécoms a le pouvoir de « sanctionner les manquements » des intervenants sur le réseau. L’Arcep peut même, après mise en demeure, décider « la suspension totale ou partielle, pour un mois au plus, du droit d’établir un réseau de communications électroniques ou de fournir un service de communications électroniques, ou le retrait de ce droit, dans la limite de trois ans » (2). C’est ce à quoi a fait référence Grégoire de Lasteyrie, président de l‘agglomération de Paris-Saclay et maire de Palaiseau, dans sa saisine de l’Arcep remise le 30 mars (3) à la présidente de cette dernière, Laure de La Raudière. Elle-même a « de plus en plus de mal à dire que ce formidable projet de déploiement de la fibre, pour tous et partout, est une réussite, tant il y a des problèmes de qualité sur certains territoires » (4). @