A propos Charles de Laubier

Rédacteur en chef de Edition Multimédi@, directeur de la publication.

Assistants vocaux : voici un marché sur lequel l’Autorité de la concurrence devrait s’autosaisir

« Ok Google », « Alexa », « Dis Siri », « Hi Bixby » … Dites-nous si vous êtes sur un marché suffisamment concurrentiel et si vos écosystèmes sont ouverts et interopérables, voire transparents pour vos utilisateurs dont vous traitez les données personnelles ?

C’est à se demander si l’Autorité de la concurrence ne devrait pas s’autosaisir pour mener une enquête sectorielle sur le marché des assistants vocaux et autres agents conversationnels, tant la concentration aux mains d’une poignée d’acteurs – principalement Google avec Google Assistant, Amazon avec Alexa ou encore Apple avec Siri – et l’enfermement des utilisateurs dans ces écosystèmes posent problème. Contacté par Edition Multimédi@, le gendarme de la concurrence nous a répondu : « Nous ne communiquons jamais sur l’existence d’éventuels dossiers à l’instruction ».

Un « oligopole puissant » (rapport CSPLA)
L’Autorité de la concurrence s’est déjà autosaisie sur la publicité en ligne « search » (2010) et « display » (2019), sur les fintechs (2021) ou encore sur le cloud (2022). Pour l’heure, c’est le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) qui s’est penché sur ce marché des assistants vocaux à travers un rapport (1) adopté lors de sa séance plénière du 16 décembre dernier. « Ce rapport n’a pas fait, à ma connaissance, l’objet d’une transmission officielle à l’Autorité de la concurrence », nous indique le conseiller d’Etat Olivier Japiot, président du CSPLA. Mais gageons que les sages de la rue de l’Echelle en ont pris connaissance.
Les trois coauteures – deux professeures et une chercheuse – Célia Zolynski (photo de gauche), professeure à l’université Paris-Panthéon Sorbonne, en collaboration avec Karine Favro (photo du milieu), professeure à l’université de Haute-Alsace, et Serena Villata (photo de droite), chercheuse au CNRS – dressent un état des lieux inquiétant au regard du droit de la concurrence et des droits des utilisateurs. Elles pointent du doigt la constitution d’un marché oligopolistique : « Concernant l’accès au marché, l’effet réseau est particulièrement développé sur le marché des assistants vocaux en ce qu’il influence les négociations entre les différents acteurs d’un marché déployé en écosystème. Les acteurs structurants occupent des positions stratégiques en la forme d’oligopole puissant mais surtout, en capacité de faire adhérer les entreprises utilisatrices à leur environnement. Ces acteurs [peuvent] filtrer les contenus, ce qui tient à la nature de moteur de résultat de l’assistant vocal ». Ce n’est pas la première fois qu’une étude considère les assistants vocaux dans une situation d’oligopole, puisque le rapport du CSPLA fait référence à l’analyse de la chercheuse russe Victoriia Noskova, à l’université technologique d’Ilmenau en Allemagne. Publié dans le European Competition Journal le 10 octobre dernier, son article – intitulé « Les assistants vocaux, les gardiens [gatekeepers, dans le texte, ndlr] de la consommation ? Comment les intermédiaires de l’information façonnent la concurrence » – démontre au moins deux choses au regard du règlement européen Digital Markets Act (DMA) : que « les assistants virtuels en tant que gatekeepers de la consommation [contrôleurs d’accès aux contenus, ndlr] devraient être énumérés dans la liste des services de base [services de plateforme essentiels, ndlr] », ce qui a été finalement pris en compte dans la liste des services de plateforme essentiels (core platform services)du DMA (2) ; que « certaines des obligations doivent être adoptées pour s’adapter aux particu-larités des assistants virtuels » (3). Amazon avec Alexa, Google avec Google Assistant ou encore Apple avec Siri ont d’ailleurs rencontré un réel succès mondial grâce à leurs enceintes connectées respectives : Echo pour Amazon, Google Home pour la filiale d’Alphabet ou encore HomePod pour Apple (4). Le CSA et l’Hadopi (devenus depuis l’Arcom) avaient aussi estimé en 2019 – dans leur rapport sur les assistants vocaux et enceintes connectées (5), réalisé en concertation avec l’Autorité de la concurrence, l’Arcep et la Cnil (et cité par le CSPLA) – que « la position d’intermédiaire des exploitants d’assistants vocaux, entre éditeurs et utilisateurs, et leur puissance leur confèrent la possibilité de capter une part importante de la valeur et d’en imposer les conditions de partage (commissions sur les ventes ou sur les recettes publicitaires, niveau de partage des données d’usages, etc.) ».

Lever les restrictions et l’autopréférence
Les trois auteures missionnées par le CSPLA ont en particulier examiné « les points névralgiques qui permettront un accès non discriminatoire et équitable au marché de manière à garantir la liberté de choix de l’utilisateur ». Elles préconisent « une démarche en trois temps » : lever les restrictions liées à « l’autopréférence » des opérateurs d’assistants vocaux qui privilégient leurs propres services ; imposer l’interopérabilité des systèmes et des applications pour assurer le pluralisme et la liberté de choix (désabonnement ou droit de sortie) ; garantir à l’utilisateur un droit d’accès aux données techniques (paramétrage) et aux siennes jusqu’à la portabilité de ses données. @

Charles de Laubier

PDG d’Universal Music, Lucian Grainge veut plus d’abonnés au streaming et mieux payer les artistes

Première major mondiale « du disque », Universal Music a comme PDG depuis 12 ans « Sir » Lucian Grainge. L’homme le plus puissant de l’industrie musicale étudie avec Tidal et Deezer les moyens d’avoir plus d’abonnés au streaming, de monétiser les fans et de mieux rémunérer les artistes.

Le « Commandeur de l’ordre de l’Empire britannique » – depuis que Lucian Grainge (photo) a été décoré ainsi en 2010 par la reine Elisabeth II (1) – veut changer l’écosystème du streaming musical afin d’accroître le nombre d’abonnements, mieux monétiser les fans, et trouver le moyen de mieux rémunérer les artistes. Et ce, à l’heure où la filière musicale s’interroge sur la méthode de rémunération des ayants droit – rester au market centric ou passer au user centric – et tente de lutter contre la fraude aux clics – ces fake streams (2). Et sur fond de « NFTéisation » de la musique dans le Web3 (3).

Accords similaires avec Tidal et Deezer
PDG depuis mars 2011 d’Universal Music, plus que centenaire maison de disques et première major mondiale de la musique enregistrée, le Britannique Lucian Grainge (63 ans depuis le 29 février et vivant à Los Angeles) a passé des accords avec les plateformes de streaming musical Tidal (d’origine norvégienne) et Deezer (française) pour repenser le modèle économique de la musique en ligne. Le premier partenariat a été noué le 31 janvier dernier avec Tidal, l’ex-plateforme musicale du rappeur Jay-Z, afin d’« explorer un nouveau modèle économique novateur pour la diffusion de musique en streaming, qui pourrait mieux récompenser la valeur créée par les artistes et refléter plus fidèlement l’engagement des abonnés avec ces artistes et musiques qu’ils aiment » (4).
Un deuxième accord similaire vient d’être annoncé, le 15 mars, avec cette fois Deezer, là aussi pour « étudier de nouveaux modèles économiques potentiels pour la diffusion de musique en streaming qui reconnaissent plus pleinement la valeur créée par les artistes ». A travers ces deux partenariats, l’objectif d’Universal Music est double : augmenter le nombre d’abonnés auprès des plateformes de streaming musical, tout en prévoyant une meilleure rémunération des artistes. « Grâce à une analyse approfondie des données [deep data], le partenariat (avec Deezer) examinera les avantages et évaluera la viabilité de différents modèles économiques visant à stimuler la croissance des abonnés, établir des liens plus solides avec les fans de musique sur la plateforme, et créer des occasions commerciales qui profitent aux artistes et à l’ensemble de la communauté musicale », a expliqué le 15 mars (5) la major des Beatles, d’Abba, de Taylor Swift, d’Ariana Grande, de Lady Gaga, de Kanye West ou encore de Drake. C’est dans le même esprit que l’accord avec Tidal est conclu en début d’année : « Tidal et UMG [Universal Music Group, ndlr] étudieront comment, en exploitant l’engagement des fans, les services et plateformes de musique numérique peuvent générer une plus grande valeur commerciale pour chaque type d’artiste. La recherche s’étendra à la façon dont différents modèles économiques pourraient accélérer la croissance des abonnés, renforcer la rétention [autrement fidéliser les abonnés, ndlr] et mieux monétiser les fans [fandom] au profit des artistes et de la communauté musicale en général », a détaillé le 31 janvier le groupe basé à Hilversum aux Pays-Bas, à 37 kms d’Amsterdam où il est coté en Bourse depuis sa scission (spin-off) d’avec Vivendi en septembre 2021.
Qu’il est loin le temps où Universal Music traînait – en vain (6) – Deezer devant la justice à l’été 2011 pour diffusion gratuite de la musique. A l’époque, Universal Music faisait partie de Vivendi, la maison mère de SFR, grand rival d’Orange, l’ex-France Télécom ayant de son côté pactisé dès 2010 avec… Deezer, dont il a pris 11 % du capital et en assura la distribution exclusive (7). C’était de bonne guerre. Après ce procès les deux parties ont aussitôt trouvé un accord pour favoriser les abonnements au détriment de l’écoute gratuite – depuis limitée. Aujourd’hui, aux côtés des 20 % du chinois Tencent, Vivendi ne détient plus que 10 % du capital d’Universal Music (8), lequel pousse toujours – avec Sony Music et Warner Music – les plateformes de streaming à pratiquer l’abonnement payant – allant jusqu’à entrer au capital de Spotify pour avoir un droit de regard (9). Dans sa bataille contre la gratuité musicale, même légale, les trois majors de la musique sont parvenues à leurs fins.

Les trois majors ont imposé l’abonnement
Le streaming audio par abonnement est désormais la première source de revenu de l’industrie musicale, soit en 2022 près de la moitié (48,3 %) des 26,2 milliards de dollars des revenus de la musique enregistrée dans le monde, selon l’IFPI (10). Et en France selon le Snep (11), ce streaming audio par abonnement a pesé 46,2 % l’an dernier. Universal Music, qui publiera son rapport annuel le 30 mars et tiendra son assemblée générale annuelle le 11 mai, a réalisé 10,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022, dont 5,3 milliards avec la musique enregistrée. Plus des deux tiers (73,3 %) de cette dernière somme proviennent des abonnements du streaming musique, soit une hausse de 18,4 % sur un an. @

Charles de Laubier

La blockchain se voit comme le futur proche du Web

En fait. Du 22 au 24 mars a eu lieu la 4e Paris Blockchain Week (PBW) au Carrousel du Louvre à Paris et au Westin Paris Vendôme, organisé par la société Chain Of Events, présidée par Michael Amar. Cet événement est devenu le rendez-vous international de l’industrie de la blockchain. Du Web2 au Web3.

En clair. C’est comme si se déroulait un passage de relais entre le Web2 et le Web3. Google, Amazon, Meta, Microsoft ou encore Orange venus de l’« ancien monde » y ont côtoyé Ripple, The Sandbox, Binance, Coinbase, Solana, Ledger, Sorare ou encore Circle issus, eux, du « nouveau monde ». La 4e Paris Blockchain Week (avec ses Blockchain Summit, Web3XP, Talent Fair et Investors Day) a mobilisé plus de 400 intervenants, dont le ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, Jean-Noël Barrot, et attiré plus de 10.000 participants.
Alors que les IA génératives (ChatGPT/Dall-E 2 d’Open AI, Bard de Google, Stability AI de Stable Diffusion, …) défraient la chronique depuis décembre dernier, balayant au passage la hype des métavers (1), le Web3, la blockchain et ses crypto-actifs (lire aussi p. 8 et 9) tentent de reprendre le dessus. Et de redonner confiance avec une régulation en construction. Ce qui est loin d’être évident pour ce nouvel écosystème en formation qui a été confronté au second semestre 2022 à un « hiver crypto » (2), anxiogène et décrédibilisant. Certes, depuis le début de l’année, la cryptosphère est à nouveau en croissance. Après avoir atteint le 22 novembre 2022 son point le plus bas durant le dernier cryptokrach, à 15.782 dollars l’unité, le bitcoin mène la danse d’une remontada et a atteint le 22 mars dernier 28.184 dollars – soit une hausse plus de 70 % depuis le 1er janvier où le bitcoin était à 16.547 dollars (3). Selon CoinMarketCap, la capitalisation boursière mondiale du marché des crypto-actifs – incluant cryptomonnaies, « stablecoin » (cryptos dites stables car indexées sur une devise comme le dollar ou l’euro soumise à une autorité monétaire) ou encore NFT (tokens ou jetons non fongibles) – s’élève au 22 mars à 1.18 trillion de dollars (1.180 milliards de dollars). Cela fait une remondata de 48 % depuis le 1er janvier où la capitalisation était de 794 milliards de dollars (4).
Mais la volatilité de ces actifs numériques est telle que la moindre faillite financière – comme celle de la banque américaine Silvergate, réputée « crypto-addicte » – tire à la baisse les crypto-actifs. La banqueroute en novembre 2022 de FTX, l’une des principales crypto-bourses, suivie par celle de BlockFi, puis de Genesis en janvier 2023 ont été des coups de semonce, sans parler de l’effondrement en mars 2023 de la Silicon Valley Bank (SVB). @

Carte d’identité numérique européenne : c’est parti

En fait. Le 16 mars, le Parlement européen a adopté la décision de la commission parlementaire d’engager des « négociations » (trilogues) sur l’identité numérique européenne qui consistera à créer un portefeuille électron

En clair. Le coup d’envoi des « négociations interinstitutionnelles » en vue d’instaurer une identité numérique européenne – désignée parfois par « eID » – pour chacun des citoyens des Vingt-sept a été donné par le Parlement européen réuni en séance plénière le 16 mars. Il s’agit pour cette phase de « trilogues » – dont la première réunion tripartite (1) s’est tenue le 21 mars – de trouver un accord politique sur un cadre réglementaire entourant un système de portefeuilles électroniques à puce. Ces e-wallets nationaux seront émis par chaque Etat membre mais interopérables à travers l’Union européenne (UE). Les Européens pourront ainsi avoir dans leur smartphone – a priori dès 2024 – toute leurs données personnelles, de l’état civil (nom, prénom, date de naissance, nationalité, …) au certificat de naissance en passant par son dossier de santé ou encore le permis de conduire. Ils se serviront de leur carte d’identité numérique pour : s’identifier en ligne ou hors ligne (prouver l’identité d’une personne sur Internet sans mot de passe), conserver et échanger des informations fournies par des administrations publiques ou des acteurs privés dignes de confiance, ou encore utiliser ces informations afin d’attester de leur droit de résider, de travailler ou d’étudier dans un Etat membre (authentification transfrontière). Les e-portefeuilles faciliteront par exemple aussi la demande d’un prêt auprès de banques (2). Pour l’UE, il s’agit d’un enjeu de souveraineté visà-vis des GAFAM qui, en tant que très grandes plateformes et conformément au règlement européen DSA (3), devront faire en sorte de reconnaître ces e-wallets européens. Ce sera particulièrement le cas pour Google, Amazon, Facebook ou encore Apple, dont les systèmes d’identification seront ainsi concurrencés. Rien n’empêcherait alors d’obliger les réseaux sociaux de vérifier l’âge des adolescents (de 13 ans) sur présentation de l’e-wallet européen.
Proposé en juin 2021 par la Commission européenne pour compléter le règlement dit « eIDAS » de 2014 sur « l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur » (4), ce nouveau cadre « eID » a déjà été adopté par le Conseil des ministres de l’UE en décembre dernier. Les négociations porteront notamment sur le niveau de sécurité qui sera plus élevé que, par exemple, système national France Connect (5). @

Epic Games (« Fortnite ») est à la croisée des chemins, entre univers 3D, Blockchain Gaming et… procès

A la Game Developers Conference (GDC), Epic Games – fondé par Tim Sweeney – a présenté les nouveautés de son écosystème et d’Unreal Engine, son moteur de création 3D. L’éditeur du célèbre jeu de tir « Fortnite », aux 236 millions d’utilisateurs, doit aussi payer à la FTC et aux joueurs 520 millions de dollars.

Du 22 au 24 mars à San Francisco, lors de la Game Developers Conference (GDC), Epic Games – l’éditeur de jeu-phénomène « Fortnite » et du moteur de création de jeux et de mondes virtuels Unreal Engine – a encore une fois mobilisé sa communauté de développeurs et de gamers avec des nouveautés et de nouvelles versions (la « 5.2 » d’Unreal Engine et la « Mega » de Fortnite notamment). Il y en a pour tous les goûts : construire des mondes photoréalistes avec Unreal Engine 5.2 ; créer son premier jeu dans Fortnite avec Unreal Editor for Fortnite (UEFN) ; utiliser MetaHuman pour créer des personnages humains très réalistes de toutes les façons imaginables ; concevoir de nouveaux personnages physiques dans UE5 et pouvoir « caresser le chien », … L’écosystème d’Epic en a vu de toutes les couleurs à la GDC (1). Les conférences et sessions étaient aussi retransmises en live sur Twitch (Amazon) et YouTube (Google). « Il y a maintenant sur ordinateur plus de 230 millions d’utilisateurs d’Epic Games Store [la boutique de distribution de jeux, ndlr], soit 36 millions de plus qu’en 2021, ce qui fait un total de 723 comptes multiplateformes Epic », a indiqué le 9 mars dernier la société de Caroline du Nord fondée il y a plus de trente ans et toujours dirigée et contrôlée (à 51 %) par Timothy Sweeney (photo), dénommé Tim.

820 millions de $ dépensés dans « Epic » en 2022
« Les éditeurs et les développeurs ont apporté 626 nouveaux titres de PC dans Epic Games Store en 2022 [dont 99 gratuits, ndlr], ce qui porte notre total à 1.548 jeux. C’est plus que n’importe quelle année précédente. Les joueurs ont dépensé 355 millions de dollars sur des applications tierces [jeux non édités par Epic, ndlr], en hausse de 18 % sur un an. En incluant nos propres jeux, les joueurs ont dépensé 820 millions de dollars en 2022, en baisse de 2 % par rapport à 2021 », s’est aussi félicité Epic Games. L’éditeur de Cary (où il a son siège social) prélève seulement 12 % sur les revenus des titres, aux lieux des 30 % pratiqués en général par Apple, Google ou Steam de Valve. Le vaisseau-amiral maison est Fortnite, le célèbre jeu de tir en 3D dit « à la troisième personne » (2), le personnage du joueur étant visible à l’écran durant la partie. Fortnite est le numéro un mondial des jeux en ligne sur ordinateur et compte plus de 236 millions d’utilisateurs actifs sur le dernier mois, d’après Active Player (3), et près de 40 millions d’heures en streaming sur Twitch.

Retour de Fortnite sur iOS en 2023
Dans le « Top 15 » mondial de 2022 (4), Fortnite arrive devant « Minecraft » de l’éditeur suédois Mojang Studios, que Microsoft a racheté en 2014, « Roblox » de Roblox Corporation, « League of Legends » de Riot Games (5), ou encore « Counter-Strike » de Valve. « Call of Duty » d’Activision Blizzard (en cours de rachat par Microsoft) n’est, lui, qu’à la 12e place. En une heure de temps, ce sont plus de 1,1 million de joueurs qui se retrouvent sur Fortnite. Et ce, en cumulant la fréquentation des trois modes développés chacun sur le même type de jeu (gameplay) et le même moteur de jeu (Unreal Engine) : « Fortnite: Save the World » (jeu pay-to-play coopératif depuis juillet 2017), « Fortnite Battle Royale » (jeu free-toplay de joueur contre joueur depuis septembre 2017) et « Fortnite Creative » (jeu free-to-play de bac-à-sable depuis décembre 2018).
Les trois modes sont monétisés avec la monnaie virtuelle du jeu, « V-Buck », que les gamers peuvent acheter avec de l’argent du monde réel ou bien gagner en remportant des missions. Ces « V-Bucks » peuvent être dépensés pour acheter des boîtes de butin (loot boxes) dans « Save the World » ou des articles cosmétiques dans « Battle Royale ». Quant au meta-game « Creative », où les joueurs construisent des structures sur des îles privées, il est un rival sérieux de Minecraft. La sortie de la version « Creative 2.0 », développée avec UEFN, est enfin disponible depuis le 22 mars (au lieu de fin 2022). Les fameuses loot boxes, sorte de pochettes surprises numériques ou piñatas digitales en forme de lamas, ou « loot llamas », ont valu à Epic Games d’être condamnés aux Etats-Unis par la Federal Trade Commission (FTC) à payer un total de plus d’un demimilliard de dollars : 520 millions de dollars précisément. L’injonction à rembourser les joueurs lésés pour un total de 245 millions de dollars a été définitivement adoptée le 13 mars dernier (6).
La FTC a ainsi condamné Epic Games pour ses pratiques « obscure » dans Fortnite incitant les utilisateurs à effectuer dans le jeu des achats (in-app purchases) non désirés, et notamment les enfants à dépenser des V-Bucks pour ces loot llamas, mais aussi des cosmétiques ou des missions, sans l’autorisation de leurs parents. Auparavant, dans une ordonnance distincte datée du 19 décembre 2022 (7), Epic Games avait déjà accepté de payer une amende de 275 millions de dollars pour avoir enfreint la loi américaine « Coppa » sur la protection de la vie privée en ligne des enfants (Children’s Online Privacy Protection Act). « Epic a utilisé des paramètres par défaut envahissants et des interfaces trompeuses qui ont dupé les utilisateurs de Fortnite, y compris les adolescents et les enfants », a fustigé la présidente de la FTC, Lina Khan, très redoutée des plateformes numériques (8). La société de Tim Sweeney, dont le chinois Tencent est le second actionnaire (à 40 %), doit non seulement supprimer toutes les informations personnelles précédemment recueillies auprès des utilisateurs de Fortnite, mais aussi obtenir désormais le consentement des parents des utilisateurs de moins de 13 ans ou des adolescents utilisateurs (ou de leurs parents) avant de recueillir des données personnelles. Un consentement préalable sera aussi exigé pour permettre les communications vocales et textuelles.
La monnaie virtuelle « V-Buck » est aussi au cœur des deux différends d’Epic Games avec Apple, d’une part, et Google, d’autre part, lesquels prélèvent jusqu’à 30 % de commission – hors-de-prix selon l’éditeur de Fortnite – sur les transactions effectuées dans les jeux téléchargés sur leur App Store. En raison du refus d’Apple et de Google de mettre fin à leur « comportement anticoncurrentiel et illégal », Epic a donné le choix à ses utilisateurs de payer directement avec des V-Bucks et de partager l’économie réalisée avec les joueurs.
En représailles, Apple et Google ont supprimé Fortnite le 13 août 2020 sur respectivement App Store (iOS) et Play Store (Android) – lesquels forment un quasi-duopole (9). L’éditeur de Fortnite est depuis en procès contre les deux géants du Net pour abus de position dominante sur le marché des applications mobiles, ainsi qu’au RoyaumeUni depuis 2021. Mais grâce au Xbox Cloud de Microsoft, Fortnite peut être joué toujours gratuitement sur iPhone/iPad et terminaux Android depuis le 5 mai 2022 : « Aucun abonnement requis, aucune taxe Apple de 30 % », avant lancé Tim Sweeney (10). Il avait rallié à sa cause Spotify, MatchGroup (Tinder) ou encore Deezer au sein de la Coalition for App Fairness (11). Alors que les verdicts en appel sont attendus cette année, le PDG fondateur s’attend – en 2023 – à un retour de Fortnite sur iOS (12).

Blockchain Gaming et métavers
Le studio de Caroline du Nord va aussi se renforcer en 2023 dans le Blockchain Gaming (ou GameFi) en ajoutant dans son Epic Games Store une vingtaine de jeux basés sur la blockchain, au nombre de cinq actuellement (13) et pouvant utiliser des NFT. Un métavers est en outre en préparation avec deux autres de ses actionnaires : Sony (4,9 %) et Kirkbi (3 %), maison mère du danois Lego (14). En revanche, Tim Sweeney a fait part à The Verge de son scepticisme sur une éventuelle version VR (réalité virtuelle) pour Fortnite (15). @

Charles de Laubier