A propos Charles de Laubier

Rédacteur en chef de Edition Multimédi@, directeur de la publication.

Neutralité du Net : aux « Arcep » européennes de dire

En fait. Le 18 juillet s’est achevée la consultation publique de l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (Orece, en anglais Berec) sur la neutralité de l’Internet afin de fixer d’ici au 30 août prochain des
« lignes directrices » de mise en oeuvre de ce principe fondamental.

En clair. Il s’agit d’interpréter le règlement européen « Internet ouvert » adopté le
25 novembre 2015 et entré en vigueur le 30 avril dernier. Pour cela, des « lignes directrices » doivent être édictées par l’Orece, ou Berec (1), que présidera en 2017 Sébastien Soriano, le président de l’Arcep. Parmi les contributeurs à la consultation publique sur le projet de guidelines (2), il y a la Fédération des fournisseurs d’accès
à Internet associatifs (FFDN (3)) dont la réponse est soutenue entre autres par La Quadrature du Net, l’association de citoyens internautes. Que dit-elle ? Que la neutralité du Net risque d’être mise en danger par les FAI.
En ce qui concerne les « services spécialisés », c’est-à-dire un service fourni via une connexion Internet qui bénéficie d’une qualité supérieure (comme l’IPTV et la VOD),
il y aurait un risque qu’ils deviennent « des voies privilégiées payantes, qui contournent tous les garde-fous protégeant la neutralité du Net ». Il faudrait donc que les lignes directrices les définissent clairement, afin d’éviter une forme de discrimination par la vitesse. Ce que le Berec ne fait pas. Concernant le « zero-rating », c’està- dire une pratique commerciale où les données téléchargées par certaines applications ou services ne sont pas comptabilisées dans l’abonnement d’un utilisateur, ce serait
« une pratique dangereuse, qui restreint le choix du consommateur, favorise les accès à bas-débits moins onéreux et porte atteinte à la concurrence ». Si telle application
ne bénéficie pas du zerorating, elle se retrouve désavantagée car l’internaute ou le mobinaute doit payer plus s’il veut y accéder.
Le zero-rating devrait donc être interdit. Ce que le Berec ne fait pas, préférant regarder au cas par cas, tout en affirmant que la limitation de données transférées (data-cap) ou la tarification basée sur la vitesse (speed-based pricing) peuvent être conformes à la neutralité du Net si elles sont appliquées de façon « agnostique ».
Quant à la « gestion de trafic », c’est-à-dire de la possibilité de « prioritiser » ou pas certains services, elle doit rester raisonnable, transparente et non discriminatoire. Sur ces trois points, les opérateurs télécoms historiques au sein de l’Etno, dont Orange, les opérateurs mobile au sein de la GSMA et les câblo-opérateurs au sein de Cable Europe craignent une neutralité du Net trop « restrictive ». @

Deezer va-t-il réussir là où Dailymotion a échoué ?

En fait. Le 19 juillet, la plateforme française de musique en ligne Deezer a annoncé son lancement directement aux Etats-Unis, en plus de ses accords commerciaux avec Sonos, Bose et Cricket. Pendant ce tempslà, Dailymotion outre-Atlantique tourne au fiasco, avec le départ de son numéro deux Martin Rogard.

En clair. Pas facile pour une plateforme française de streaming (musique et/ou vidéo) de se lancer à l’assaut des Etats- Unis. Cela relève du pot de terre contre le pot de fer. Dailymotion, devenue il y a un an filiale de Vivendi après l’avoir été d’Orange, essuie les plâtre depuis 2012 face à un YouTube pas très partageur. Les quelques dizaines
de millions de visiteurs américains et de vidéos vues pour le français font pâle figure
au regard des centaines de millions de visiteurs et des milliards de vidéos vues pour l’américain. A cela s’ajoute une crise d’identité de Dailymotion depuis son passage sous la houlette de Maxime Saada, aussi directeur général de Canal+, lequel a en outre confié les rênes de la plateforme de partage vidéo à Virginie Courtieu (1), l’ancienne directrice des partenariats en France de… YouTube (passée entre les deux par la
« case » Webedia).
Bon nombre de salariés de Dailymotion auraient préféré tomber sous la coupe de Yahoo, lequel s’était heurté au printemps 2013 au gouvernement français opposé à son projet de rachat de la plateforme française, plutôt que de celle de Bolloré, patron de Vivendi, via Michel Sibony. Résultat : une centaine d’entre eux ont quitté Dailymotion, toujours déficitaire, et son numéro deux Martin Rogard – basé à New York depuis novembre 2012 – est aussi donné partant.
Chez Deezer, la musique adoucie les mœurs… pour l’instant. Le frenchy pionnier du streaming musical va devoir affronter une hydre à au moins six têtes : Spotify, Apple Music, YouTube, Tidal, SoundCloud et Rhapsody – en attendant que la marque à la pomme avale Tidal (2). Depuis 2014, Deezer a un bureau à New York que le cofondateur Daniel Marhely a renforcé l’année suivante. C’est aussi il y a deux ans
que Deezer a acquis Stitcher, une start-up américaine de flux radio et de podcast, de quoi rivaliser avec les radios en ligne d’Apple (Beat 1) et de Spotify (AM/PM et Secret Genius). Mais la plateforme musicale française a encore beaucoup à faire pour faire décoller son audience aux Etats-Unis, alors qu’elle revendique « 6 millions d’abonnés payants dans 180 pays ». Si elle avait maintenu son introduction en Bourse en octobre 2015, ce à quoi elle avait renoncé, sa notoriété internationale s’en se serait trouvée renforcée – surtout outre-Atlantique. Il faudra donc faire sans. @

Pourquoi Molotov.tv n’est pas (encore) le cocktail révolutionnaire qu’il prétend être pour la télé

Molotov.tv, le bouquet de chaînes en ligne lancé le 11 juillet dernier par Jean-David Blanc et Pierre Lescure, s’est offert une belle couverture médiatique.
Mais il reste à cette « télévision réinventée » à tenir ses promesses – comme
sur l’enregistrement numérique et la disponibilité multi-terminaux.

Bookmarks. Tel est le nom de la fonction d’enregistrement promise par le nouveau service en ligne lancé cet été par Jean-David Blanc (ex-fondateur d’Allociné), Pierre Lescure (ex- PDG de Canal+), Jean-Marc Denoual (ex-TF1) et Kevin Kuipers
(ex-Allociné). Molotov.tv en avait fait une fonctionnalité-phare, permettant aux internautes d’enregistrer dans un service de
cloud personnel les programmes de télévision de la grille qu’ils
ne pouvaient voir lors de leur passage à l’antenne. Contacté par Edition Multimédi@, Jean-David Blanc (photo) nous a assuré
que Bookmarks sera disponible « dans le courant de l’été ». Pourtant, le nouveau site de télé qui promettait d’« enregistrer en un clic » affirme que « cette fonctionnalité sera opérationnelle dès l’entrée en vigueur de la loi Création votée le 29 juin dernier » : l’indication était toujours affichée en juillet ! Or cette loi (1) a été promulguée au Journal Officiel le 8 juillet et… toujours rien chez Molotov. Les télénautes doivent encore patienter malgré la promesse séduisante : « D’un clic, “Bookmarkez” les programmes que vous aimez, et ils seront enregistrés. Retrouvez-les à chaque fois que vous vous connectez, disponibles pour vous aussi longtemps que vous le voulez. Impossible désormais de rater un épisode de votre série préférée ».

Rejet du projet d’accord Canal+/BeIn Sportspar l’Autorité de la concurrence : rendez-vous dans… cinq ans

L’Autorité de la concurrence a rejeté la demande du groupe Canal Plus de lever l’injonction imposée en 2012 qui l’empêche de distribuer en exclusivité des chaînes sportives premium. Imposer des mesures sur cinq ans à l’heure d’une économie numérique à l’évolution fulgurante est-elle pertinente ?

Rémy Fekete (photo), associé Jones Day, avec la collaboration de Christophe Chadaillac

Première devinette : quel groupe a présenté cinq films au dernier festival de Cannes ? (1) Deuxième devinette : quel groupe a passé la barre des 3 millions d’abonnés à l’occasion de la retransmission des matches de l’Euro 2016 ? (2) Et pour finir, question piège : le secteur de l’audiovisuel a-t-il considérablement évolué selon l’Autorité de la concurrence ?
(3) Quatre ans après avoir obtenu l’accord de l’Autorité de
la concurrence pour le rachat de TPS et CanalSatellite (4)
et les chaînes groupe Direct, le groupe Canal Plus est en perte de vitesse.

1 – A savoir les groupes intégrés autour de NBC Universal, Sony
Pictures, 20th Century Fox, Walt Disney, Warner Bros. et
Paramount/CBS et leurs filiales, qui représentent 80 % de la
production de films et séries américaines.
• 2 – Injonction 1 (a).
• 3 – Engagement 2.1 de la décision 14-DCC-50.
• 4 – Injonction 1 (b) de la décision 12-DCC-100.
• 5 – Injonction 1 (d).
• 6 – Injonction 7 (a).
• 7 – Vidéo à la demande à l’acte (VOD) et par abonnement(SVOD).
• 8 – Injonction 7 (c).
• 9 – Engagement 2.2.1 de la décision 14-DCC-50.
• 10 – Engagement 2.6.
• 11 – Engagement 2.4.
• 12 – Engagement 2.3.
• 13 – Injonction 9 (a) de la décision 12-DCC-100.
• 14 – Injonctions 3 (a) et (b).
• 15 – Injonction 5 (a).
• 16 – Injonction 6 (a).
• 17 – Injonction 10 de la décision 12-DCC-100 et engagement 4 de la décision 14-DCC-50.

Pourquoi les actionnaires individuels de Solocal (ex-PagesJaunes) se rebiffent contre la direction

Robert de Metz et Jean-Pierre Rémy, respectivement président et DG du groupe Solocal, sont contestés dans leur gestion de la dette du groupe. Une association de 1.000 actionnaires individuels – « premier actionnaire » – porte l’affaire devant la justice et en appelle à Emmanuel Macron.

Le conseil d’administration de Solocal Group (ex- PagesJaunes) a décidé avec l’autorisation du Tribunal
de commerce de Nanterre de différer la tenue de son assemblée générale ordinaire, laquelle devait statuer
vers la mi-juin – comme les années précédentes – sur
les comptes de l’exercice 2015, « de telle manière que
les actionnaires puissent statuer à la fois sur les comptes 2015 et sur la restructuration ». Cette assemblée générale des actionnaires est donc reportée et se réunira « courant septembre ».