A propos Charles de Laubier

Rédacteur en chef de Edition Multimédi@, directeur de la publication.

Avec son copilote CarPlay, la marque à la pomme veut faire oublier son projet mort-né d’Apple Car

Huit mois après l’abandon de son projet Apple Car, la firme de Cupertino promet « en 2024 » une nouvelle génération de son « copilote » CarPlay, lequel a déjà séduit en dix ans plus de 800 modèles de voitures. Lancement de « CarPlay 2 » au Mondial de l’Auto avec Aston Martin et Porsche ?

Si elle n’était pas présentée à la 90e édition du Mondial de l’Auto, qui se tient du 14 au 20 octobre 2024 à Paris Porte de Versailles, ce serait une belle occasion manquée pour Apple. Il s’agit de la « nouvelle génération » tant attendue de CarPlay, le « copilote » qui fête ses 10 ans cette année. C’est la version embarquée du système d’exploitation iOS et fonctionnant à ce jour sur plus de 800 modèles de voitures dans le monde (1). Héritier d’« iOS in the Car », CarPlay avait été lancé en mars 2014 lors du Salon international de l’automobile de Genève. Apple en promet une « nouvelle génération » avec – « dès cette année » – les premiers modèles de voitures compatibles.

« CarPlay 2 » sur Aston Martin et Porsche
« Avec la nouvelle version de CarPlay, retrouvez le meilleur de l’expérience iPhone, directement dans votre voiture », promet la firme de Cupertino dirigée depuis treize ans par Tim Cook (photo). Apple promet même pour cette « nouvelle génération » de CarPlay les « premiers modèles dès cette année » (2). Dix ans après Genève, le Mondial de l’Auto à Paris pourrait montrer les premières voitures dotées de cette nouvelle version du copilote boosté cette fois à l’intelligence artificielle. La marque à la pomme, qui n’a jamais été présente sur un salon de l’automobile dans le monde, ne le sera pas plus cette fois-ci. En revanche, deux marques automobiles emblématiques – ayant prévu dès l’an dernier d’intégrer dans de prochains modèles le futur CarPlay « nouvelle génération » (surnommé aussi « CarPlay 2 ») – seront bien à Paris pour le Mondial de l’Auto : le britannique Aston Martin et l’allemand Porsche. Ce que confirme à Edition Multimédi@ Serge Gachot, directeur du Mondial de l’Auto : « Oui. Et il y aura notamment trois modèles d’Aston Martin exposés par le groupe BPM [distributeur automobile, ndlr] ».

La Commission européenne veut contrôler l’AI Office

En fait. Alors que le 30 septembre, la Commission européenne a tenu sa première séance plénière – sur fond de désaccords – sur le « code de bonnes pratiques pour les IA à usage général » (comme ChatGPT ou Mistral), elle cherche son « conseiller scientifique principal » qui sera indépendant de l’AI Office.

En clair. La Commission européenne – via sa DG Connect (alias Cnect) – cherche à recruter son « conseiller scientifique principal » (1) qui sera chargé des dossiers de l’IA, tout en étant indépendant du bureau européen de l’intelligence artificielle (AI Office), lequel comptera 140 salariés. Mais en recherchant en interne, c’est-à-dire au sein des institutions et agences européennes, comme l’ENISA (2), la Commission européenne s’est attirée des critiques. Car cette démarche exclurait la candidature de scientifiques de haut niveau venus de l’extérieur, reconnus internationalement en IA.
De plus, cela montre que la Commission européenne veut garder la main sur l’AI Office. Le Centre international pour les générations futures (ICFG) met en garde : « Le rôle ne peut être correctement rempli que par un scientifique de premier plan. Le conseiller [scientifique principal] aura une forte influence sur les décisions d’embauche et opérationnelles au bureau [de l’IA]. Sans un dirigeant qualifié, l’[AI] Office aura du mal à attirer les talents scientifiques et techniques nécessaires pour remplir sa mission de façonner la gouvernance de l’IA en Europe », écrit-il dans une tribune publiée sur Euractiv (3). Si la Commission européenne souhaite embaucher un candidat hautement qualifié pour ce poste-clé, encore faudrait-il que la DG Connect lance un appel à candidatures pour des scientifiques de classe mondiale puissent postuler. Car, selon l’ICFG, un fonctionnaire interne à l’UE risque de ne pas être à la hauteur. Surtout que l’AI Office a la lourde tâche de dire si tel ou tel modèle d’intelligence artificielle à usage général – ou GPAI (4) – présente des risques systémiques.

Les boutiques d’applications alternatives arrivent

En fait. Les 7 octobre, la vice-présidente de Google en charge des affaires réglementaires, Lee-Anne Mulholland, a annoncé que la filiale d’Alphabet fait appel du jugement californien – rendu en faveur d’Epic Games – l’obligeant à ouvrir durant trois ans sa boutique d’applications Play Store à ses concurrents.

En clair. « Le verdict d’Epic [Games] a manqué l’évidence : Apple et Android sont clairement en concurrence. Nous faisons appel pour demander aux tribunaux de suspendre la mise en oeuvre des mesures correctrices [qui] mettraient en péril la vie privée et la sécurité des consommateurs, et rendraient plus difficile pour les développeurs de promouvoir leurs applications », a déclaré le 7 octobre la vice-présidente des affaires réglementaires de Google, Lee-Anne Mulholland (1). De plus, elle pointe le fait que cette décision est « complètement contraire au rejet par un autre tribunal des demandes similaires présentées par Epic contre Apple ». Ce précédent procès de Epic Games, contre cette fois la Pomme, était allé jusqu’à la Cour suprême des Etats-Unis qui, en avril 2023, n’avait pas considéré Apple comme « monopole » que dénonçait l’éditeur du jeu vidéo « Fornite ». Et le 16 janvier 2024, cette même Cour suprême avait rejeté les recours en appel formés par Epic Games et Apple (2).
Quoi qu’il en soit, Tim Sweeney, le PDG fondateur de Epic Games, s’est réjoui de la décision prononcée le 7 octobre par le juge californien James Donato (3) : « Grande nouvelle ! Epic Games Store [déjà lancé en Europe mi-août (4), ndlr] et d’autres boutiques d’applications arriveront sur Google Play Store en 2025 aux Etats-Unis – sans les écrans effrayants de Google et la taxe de 30 % sur les applications de Google – grâce à la victoire d’Epic contre Google » (5). Le tribunal du district nord de Californie enjoint Google de ne plus – y compris en payant des entreprises pour l’exclusivité – imposer sa boutique d’applications Play Store à partir du 1er novembre 2024, et ce durant trois ans.

Le Syndicat national de l’édition (SNE) n’arrive pas à venir à bout du site pirate Z-Library

Z-Library reste encore accessible malgré deux jugements obtenus en France par le Syndicat national de l’édition, le 12 septembre 2024 et le 25 août 2022, pour tenter de bloquer les noms de domaine et sites miroirs de cette « bibliothèque mondiale » accusée de piratage de livres numériques.

« Le tribunal ordonne aux sociétés Bouygues Telecom, Free, SFR, SFR Fibre et Orange de mettre en œuvre et/ou faire mettre en œuvre, toutes mesures propres à empêcher l’accès au site Z-Library, à partir du territoire français, […] par tout moyen efficace, et notamment par le blocage des noms de domaine et sous-domaines associés […], au plus tard dans un délai de 15 jours suivant la signification du présent jugement et pendant une durée de 18 mois à compter de la mise en œuvre des mesures ordonnées », a décidé le tribunal judiciaire de Paris, précisé ce jour-là par Anne-Claire Le Bras (photo).

Blocage d’ici le 30 septembre 2024
Selon ce second jugement rendu le 12 septembre 2024 dans le cadre d’une procédure accélérée, les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) – du moins les quatre principaux en France – ont ainsi l’obligation de faire barrage au site Z-Library en bloquant pas tout moyens en ligne près de 100 nouveaux noms de domaine donnant encore accès à ce que le Syndicat national de l’édition (SNE) désigne comme l’« une des plus vastes bibliothèques numériques clandestines (ou « shadow library »), accessible depuis la France, et ce, par le biais d’une multitude de noms de domaine régulièrement renouvelés ».
Le premier jugement, datant du 25 août 2022, le même tribunal judicaire de Paris avait déjà ordonné aux mêmes FAI le blocage de plus de 200 noms de domaine. Dans les deux cas, le SNE avait fait établir un nouveau procès-verbal par un agent assermenté de l’Association pour la protection des programmes (APP), qui, basée à Paris et présidée par Philippe Thomas, se présente comme un « tiers de confiance » en matière de protection numérique et propose à ses clients dont le SNE – membres d’APP ou non – de faire appel à ses agents assermentés pour une demande de constat sur Internet. « Le constat en ligne automatique est un outil reconnu par les tribunaux pour détecter et documenter les contrefaçons sur les sites Internet. Il offre une preuve numérique incontestable de la présence de contrefaçons, permettant aux requérants de prendre les mesures nécessaires pour faire valoir leurs droits », assure l’APP (1). Cela suppose qu’il y ait préalablement un mandat écrit du titulaire de droits ou de son mandataire (avocat, conseil en propriété intellectuelle, etc.). Pour faire ses constats en ligne et dresser son procès-verbal, l’agent assermenté de l’APP télécharge un échantillon de livres contenant des œuvres littéraires éditées par des éditeurs membres du SNE tels que Albin Michel, Hachette Livre (dont les éditions Albert René), Dalloz, Gallimard, Dunod, etc. Ainsi, pour la dernière décision, le procès-verbal de l’APP pour le SNE « constat[e] que la plateforme Z-Library continuait son activité contrefaisante, et ce par l’intermédiaire de 98 nouveaux noms de domaine », parmi lesquels go-tozlibrary.se, singlelogin.se, booksc.eu, cn1lib.is ou encore zlibrary-africa.se – pour ne citer qu’eux d’une longue liste à la Prévert établie dans la décision elle-même (2).

Les Etats généraux de l’information préconisent une « taxe sur les GAFAM » pour la presse française

Le rapport des Etats généraux de l’information – voulus par le président de la République Emmanuel Macron et lancés il y a un an (3 octobre) – préconise une « taxe GAFAM » dont les recettes iraient financer les médias français d’information. Sur le modèle de la « taxe streaming » dans la musique. 

C’est la proposition n°8 du comité de pilotage des Etats généraux de l’information (EGI), dont le rapport de 352 pages (1) a été présenté le 12 septembre 2024 et remis au président de la République Emmanuel Macron, initiateur de ces travaux : « Redistribuer une partie de la richesse captée par les fournisseurs de services numériques en faveur de l’information ». Comment ? Par l’instauration d’une « taxe sur les GAFAM, dont le produit viserait à renforcer le modèle économique des médias contribuant fortement à la production d’une information fiable et de qualité ». Elle reviendrait ainsi à redistribuer, par l’impôt, une partie de la richesse qui s’est déplacée vers les plateformes numériques.

Ce qu’en pensent la CCIA et l’Apig
Contactée par Edition Multimédi@, la Computer & Communications Industry Association (CCIA), qui représente justement les GAFAM (Google/YouTube, Meta/Facebook/ Instagram, Amazon, X/ex-Twitter, eBay et d’autres), nous a répondu à propos de cette proposition de « taxe GAFAM » pour financer les médias en France : « Malheureusement, en tant que CCIA Europe, nous ne pouvons pas commenter ce point. Il s’agit d’une des nombreuses propositions non contraignantes du rapport, qui pourrait ou non conduire à un débat plus large en France. Pour le moment, il ne s’agit pas d’une proposition concrète ni d’une proposition européenne », explique le bureau de la CCIA à Bruxelles dirigé par Daniel Friedlaender.
De son côté, l’Alliance de la presse d’information générale (Apig), laquelle réunit en France la presse quotidienne nationale et régionale, n’exclut pas la perspective d’une telle taxe : « S’agissant des GAFAM, toute bonne volonté est bienvenue. Pourquoi pas une taxe, si techniquement c’est possible ? Mais le cœur du sujet est le fonctionnement opaque et non concurrentiel du marché de la publicité en ligne », nous précise Pierre Petillault, son directeur général. Cette union syndicale des patrons de presse française évoquera d’ailleurs le rapport des EGI en général et la publicité numérique en particulier lors son événement annuel « Les rencontres de la presse d’information », qui se tiendra cette année le 9 octobre 2024 à Paris. Le président de l’Apig, Philippe Carli (groupe Ebra (2)), accompagné de ses deux vice-présidents Vincent David (groupe Sud-Ouest) et Pierre Louette (groupe Les Echos-Le Parisien), avaient été auditionnés le 14 février dernier par le groupe de travail « Avenir des médias d’information et du journalisme ». Dans sa contribution aux EGI, l’Apig rappelle que « le chiffre d’affaires issu du papier représente encore une part majoritaire des revenus des éditeurs de presse d’information […], les annonceurs achetant prioritairement de l’espace en presse papier, et la publicité en ligne donnant lieu à une captation de valeur massive par les intermédiaires détenus par les grandes plateformes numériques ». Et d’affirmer : « Cette captation s’est traduite par une chute massive des recettes publicitaires de la presse, qui ont été divisées par deux en dix ans. […] La pérennité de la presse d’information passe par […] un partage de la valeur créée avec les plateformes » (3). Mais l’Apig ne parle pas de taxer les GAFAM, sans pour autant l’exclure.