A propos Charles de Laubier

Rédacteur en chef de Edition Multimédi@, directeur de la publication.

Etant basé en Irlande, Google compte rendre illégal l’amende de la Cnil devant le Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat devra dire si la Cnil est compétente pour sanctionner financièrement Google dont le siège européen est basé en Irlande. La firme de Mountain View doit payer 50 millions d’euros pour non-respect du règlement général sur la protection des données (RGPD) sur Android.

Google fait donc appel de la décision de la Cnil (1) qui lui a infligé le 21 janvier dernier une amende de 50 millions d’euros « en application du RGPD (2) pour manque de transparence, information insatis-faisante et absence de consentement valable pour la personnalisation de la publicité ». Pour autant, ce n’est pas le montant de la sanction financière – une goutte d’eau au regard des dizaines de milliards de dollars qu’engrange chaque année la firme de Mountain View (3) – qui va contester devant
le Conseil d’Etat, mais bien la compétence de la Cnil dans cette procédure.

« Cnil » irlandaise et Google Irlande à Dublin
Google, qui s’est bien gardé d’évoquer le problème dans son communiqué laconique
du 23 janvier savamment distillé auprès de quelques médias, va demander à la haute juridiction administrative d’invalider la délibération du 21 janvier – publiée au Journal Officiel du 22 janvier (4). Car, selon le géant du Net, « la Cnil n’est pas compétente pour mener cette procédure et qu’elle aurait dû transmettre les plaintes reçues à l’autorité
de protection des données irlandaise » – en l’occurrence la DPC (The Data Protection Commission), basée à Dublin. C’est justement à Dublin, la capitale de l’Irlande, qu’est établie la société Google Ireland Limited, dont la directrice des affaires publiques et relations gouvernementales est Anne Rooney (photo), une Irlandaise francophone et francophile. C’est elle qui dirige Google Ireland, sous la présidence européenne de Matt Brittin (5), en charge des opérations et basé à Londres. Plus connu en France où il est installé, Carlo d’Asaro Biondo est, lui, président européen des partenariats – tous les trois sur les régions EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique).
Sur son profil LinkedIn, Anne Rooney déclare : « Je suis responsable de la gestion
et de la direction des agendas produits et politiques avec les décideurs politiques externes, le gouvernement, les régulateurs et les tierces parties au nom de Google Irlande et EMEA. Je développe et dirige l’engagement en matière de politiques publiques et de réglementation dans toute la gamme des domaines stratégiques qui
ont une incidence sur Google et le Web. Les questions clés comprennent l’innovation technologique, le développement économique et la sécurité ». Sa maison mère est formelle et a eu l’occasion de l’affirmer à plusieurs reprises devant la Cnil : Google Ireland Limited doit être considérée comme son établissement principal au sein de l’Union européenne pour certains des traitements transfrontaliers qu’elle met en oeuvre, « et notamment ceux objets des plaintes reçues par la Cnil ». En conséquence, poursuit Google, la DPC devrait être considérée comme l’autorité de contrôle compétente et
« chef de file » en charge, à ce titre, de traiter les plaintes reçues par son homologue française.
Devant le Conseil d’Etat, le géant du Net ne manquera pas de rappeler – comme il
l’a exposé devant la Cnil dans ses observations écrites (des 22 novembre 2018 et 4 janvier 2019) ainsi qu’oralement le 15 janvier dernier – que son siège social pour ses opérations européennes se situe précisément en Irlande depuis 2003. Google Ireland Limited est « l’entité en charge de plusieurs fonctions organisation-nelles nécessaires
à la réalisation de ces opérations pour la zone Europe, Moyen-Orient et Afrique (secrétariat général, fiscalité, comptabilité, audit interne, etc.) ». C’est en outre de cette société basée à Dublin que relève « la conclusion de l’intégralité des contrats de vente de publicités avec les clients basés dans l’Union européenne ». Le QG européen de Google emploie plus de 3.600 salariés et, selon les affirmations de l’entreprise elle-même, dispose d’une équipe dédiée en charge de « la gestion des demandes faites
au sein de l’Union européenne en lien avec la confidentialité et d’un responsable chargé de la protection de la vie privée ». Google a aussi précisé à la Cnil qu’une réorganisation tant opérationnelle qu’organisationnelle était en cours « en vue de
faire de la société Google Ireland Limited le responsable de traitement pour certains traitements de données à caractère personnel concernant les ressortissants
européens ».

Pour Google, la Cnil n’est pas « chef de file »
Autre argument avancé par Google : la définition d’établissement principal doit être distinguée de celle de responsable de traitement. « Si le législateur européen avait voulu que la notion d’établissement principal soit interprétée comme le lieu où les décisions concernant les traitements sont prises, il l’aurait expressément indiqué », estime la firme de Mountain View. De plus, invoquant la nature transfrontalière des traitements de personnalisation de la publicité et du nombre significatif d’utilisateurs d’Android en Europe faisant l’objet de ces traitements de données personnelles, dont probablement plus de 30 millions de mobinautes en France (6), elle considère que « les mécanismes de coopération et de cohérence tels que prévus [par le] RGPD auraient dû s’appliquer » et que « le Comité européen de la protection des données (CEPD) aurait dû être saisi en cas de doute sur la détermination de l’autorité chef de file ».

Sanctions suivantes : après Android, au tour de YouTube, Gmail et Search ?
Google s’appuie en particulier sur l’article 60 du RGPD, selon lequel l’autorité de contrôle chef de file coopère avec les autres autorités de contrôle concernées en s’efforçant de parvenir à un consensus – l’autorité de contrôle chef de file et les autorités de contrôle concernées échangeant toute information utile. De plus, en
dehors de la procédure engagée par la Cnil, Google estime « sans effet juridique »
les discussions informelles qui ont pu avoir lieu entre les autres autorités européennes de contrôle sur cette procédure « dès lors qu’elles ont eu lieu sans sa présence ».
La non reconnaissance par Google de l’autorité « chef de file » que s’est arrogée la
Cnil sera ainsi au coeur des réflexions du Conseil d’Etat qui devra dire si l’autorité
– présidée par Marie-Laure Denis depuis début février – a outrepassé ou pas ses compétences territoriales et si sa sanction financière est légale ou non.
Dans son considérant n°36, le RGPD prévoit que « l’établissement principal d’un responsable du traitement dans l’Union (européenne) devrait être le lieu de son administration centrale dans l’Union, à moins que les décisions quant aux finalités et aux moyens du traitement des données à caractère personnel soient prises dans un autre établissement du responsable du traitement dans l’Union, auquel cas cet autre établissement devrait être considéré comme étant l’établissement principal ». Google Ireland Limited à Dublin aurait dû alors être reconnu comme l’établissement principal en Europe et la « Cnil » irlandaise (DPC) comme le chef de file pour instruire la procédure sur les éléments fournis par son homologue française.
Cette dernière, en se référant aux lignes directrices du CEPD du 5 avril 2017 concernant la désignation d’une autorité de contrôle chef de file d’un responsable de traitement ou d’un sous-traitant (7), juge que la filiale irlandaise de Google ne dispose d’« un quelconque pouvoir décisionnel quant aux finalités et aux moyens des traitements couverts par la politique de confidentialité présentée à l’utilisateur lors de la création de son compte, à l’occasion de la configuration de son téléphone mobile sous Android ». La Cnil reconnaissant seulement son rôle dans les « activités financières et comptables, vente d’espaces publicitaires, passation de contrats etc ». L’amende de
50 millions d’euros porte sur le système d’exploitation des terminaux mobiles Android assorti de l’App Store Google Play, ainsi que sur l’activité de régie publicitaire. Il est reproché à Google de demander aux mobinautes Android d’accepter sa politique de confidentialité et ses conditions générales d’utilisation des services – et surtout, qu’à défaut d’une telle acceptation, les utilisateurs ne pourraient utiliser leur terminal (smartphone ou tablette sous Android).
Le géant du Net se permet en outre d’exploiter les traitements de données à caractère personnel à des fins publicitaires (analyse comportementale et ciblage). Or, pour enfoncer le clou, la Cnil révèle un courrier en date du 3 décembre 2018 adressé à la DPC à Dublin pour lui annoncer « que le transfert de responsabilité de Google LLC
vers la société Google Ireland Limited sur certains traitements de données à caractère personnel concernant les ressortissants européens serait finalisé le 31 janvier 2019 ». Par ailleurs, Google vient de procéder à la mise à jour de ses règles de confidentialité qui sont entrées en application le 22 janvier 2019 – soit le lendemain de sa mise à l’amende par la Cnil ! La Quadrature du Net, association française de défense des droits et libertés numériques, qui fut avec l’association autrichienne NOYB (None Of Your Business, « ce n’est pas tes affaires ») à l’origine des plaintes contre Google, dénonce cette manoeuvre qu’elle estime grossière et appelle la Cnil à continuer à sanctionner au-delà d’Android. « Nous attendons de la Cnil qu’elle ignore cette pirouette éhontée et décide de rester compétente pour prononcer les autres sanctions contre YouTube, Gmail et Google Search, notre plainte ayant été déposée bien avant ce changement unilatéral des conditions d’utilisation imposées par l’entreprise ».

Europe : 95.000 plaintes en 8 mois, c’est peu
Le bras de fer entre Google et la Cnil devant le Conseil d’Etat intervient au moment
où la Commission européenne a annoncé le 25 janvier – Journée de la protection des données – qu’au cours des huit mois depuis l’entrée en vigueur du RGPD (le 25 mai 2018), « les autorités nationales de protection des données ont reçu plus de 95.000 plaintes de citoyens à ce jour », dont 255 font l’objet d’une enquête de la part des
« Cnil » (8). Objectivement, c’est très peu au regard des quelques centaines de millions d’Européens connectés à Internet et détenteurs de smartphones. @

Charles de Laubier

Reworld Media réinvente un écosystème médiatique où contenus et publicités numériques se mêlent

Propriétaire de Marie France depuis 2013, de magazines cédés par Lagardère
(Be, Maison & Travaux, Auto Moto, …) depuis 2014, le « groupe digital » Reworld Media vient de signer le rachat de Mondadori France (Science et Vie, Auto Plus, Biba, …) et « décomplexe » les relations publicité-rédaction.

L’année 2018 s’est terminée pour Reworld Media en défrayant la chronique, au point que Franck Riester, à peine nommé ministre de la Culture en octobre dernier, a été appelé à intervenir en pleine polémique déclenchée par le projet de reprise des magazines de Mondadori France, propriété de la famille Berlusconi, par Reworld Media, dirigé par Pascal Chevalier (photo). L’intersyndicale de Mondadori France avait été reçue le 18 octobre rue de Valois et une rencontre Riester-Chevalier avait été évoquée en décembre.

La vente de Mondadori France vient d’être signée
En marge d’une conférence organisée le 17 janvier dernier au siège de la banque d’affaires italienne Mediobanca à Milan, Ernesto Mauri, directeur général du groupe Mondadori et président de Mondadori France, a dit « espérer » conclure avant la fin
du mois de janvier la cession de sa filiale française de presse magazine (1). Selon La Lettre A du 7 février, c’est fait mais « rien n’a encore été annoncé en interne ». Entré
fin septembre dernier en négociations exclusives avec Reworld Media, Ernesto Mauri a précisé que le processus de vente en était aux « nombreux » aspects juridiques et qu’il était question d’un montant de cession situé « vers le haut » de la fourchette – de 70 à 80 millions d’euros – déjà indiquée à la presse. Le patron italien avait aussi fait savoir que Reworld Media était « très déterminé » à aboutir au rachat. La filiale médias du groupe de Berlusconi (Fininvest), présente dans la presse magazine et l’édition de livres, était elle aussi pressée de vendre Mondadori France qu’elle a dû déprécier de près de 200 millions d’euros dans ses comptes déjà déficitaires.
Après être devenu propriétaire de Marie France en 2013 et d’une dizaine de magazines cédés en 2014 par Lagardère (2), le « groupe digital » de Pascal Chevalier est en passe de devenir le premier groupe de presse magazine en France. Cette perspective n’est pas du goût de tout le monde, et encore moins des 700 salariés de la filiale française de Mondadori (auxquels s’ajoutent de nombreux pigistes) qui craignent pour leurs emplois et ne veulent pas subir le même sort que leurs camarades des anciens magazines de Lagardère. Car, à leurs yeux, Reworld Media rime avec : réduction drastique des effectifs, sous-traitance à des non-journalistes (« journaux sans journalistes »), plein cap sur le numérique, et convergence entre publicité et rédaction. A l’appel de l’intersyndicale, ils ont fait grève mi-décembre pour tenter d’obtenir des garanties sur les emplois et les titres – tout en appelant une nouvelle fois Franck Riester à s’impliquer dans ce dossier. Déjà le 18 octobre 2018, à l’occasion congrès
du centenaire du Syndicat national des journalistes (SNJ), à la mairie de Paris et en présence du ministre de la Culture fraîchement nommé, son premier secrétaire général Vincent Lanier n’y était pas allé par quatre chemins : « Vous en avez forcément entendu parler, les salariés du troisième groupe de presse magazine français s’inquiètent aujourd’hui de la grande braderie qui s’annonce, si d’aventure Mondadori venait à les jeter dans les bras de Reworld Média, un investisseur qui n’a que faire de
la presse, de ses titres, de ses salariés, qui considère l’information comme une simple vitrine destinée à attirer les annonceurs ». Et le SNJ mettant en garde Franck Riester contre « une casse sociale et éditoriale sur laquelle les pouvoirs publics ne peuvent pas fermer les yeux ». Reworld Media se définit non pas comme un groupe de presse, mais comme « un groupe digital » exploitant des « marques média fortes » et « un réseau de médias à la performance » où la publicité se mêle aux contenus éditoriaux au nom du branding. L’équipe digitale, qui est plus nombreuse que celle des journalistes, compte une soixantaine de personnes placées sous la responsabilité de Jérémy Parola, directeur des activités numériques du groupe basé à Boulogne-Billancourt. Les maître-mots sont « programmatique » et « marketing digital », nouveaux nerfs de la guerre de la presse numérique.
Par ailleurs, Reworld Media a tenté en décembre de s’emparer de la totalité du capital de la société suédoise Tradedoubler (3), spécialisée dans ce domaine en pleine croissance de ce que l’on pourrait appeler « le e-commerce médiatique » où l’on propose de l’« affiliation marketing », du « tracking sans cookie », ou encore Metapic qui est une plateforme de « recommandations de produits ».

Reworld Media, à 40 % dans Tradedoubler
Avant l’OPA lancée en novembre sur le suedoisTradedoubler, Reworld Media en possédait environ 30 % du capital. A la fin en décembre, le groupe de Pascal Chevalier atteignait un peu plus de 40 %, alors qu’il envisageait d’en détenir « plus de 90 % » et de « procéder à la radiation des actions Tradedoubler du Nasdaq de Stockhom ». Raté. @

Charles de Laubier

E-commerce en Europe : après le règlement « Antigéoblocage », la directive « Contrats numériques »

Le marché unique numérique devient de plus en plus concret pour les Européens. Après le règlement contre les blocages géographiques et celui
sur la portabilité transfrontalière des services de contenus en ligne (« roaming audiovisuel »), les eurodéputés harmonisent les contrats numériques.

« En conjonction avec le règlement visant à mettre fin au blocage géographique injustifié (1) qui est entré en vigueur en décembre 2018, le nouvel accord sur les règles régissant les contrats numériques est la dernière mesure en date de la stratégie pour un marché unique numérique, apportant des avantages concrets aux citoyens et aux entreprises », se sont félicités le 29 janvier à Bruxelles Véra Jourová (photo de gauche), commissaire européenne pour la justice, les consommateurs et l’égalité des genres, et Andrus Ansip (photo de droite), vice-président de la Commission européenne pour le marché unique numérique.

Commerce électronique transfrontalier
Ce jour-là, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne (UE) sont en effet parvenus à « un accord provisoire concernant les ventes en ligne de biens et la fourniture de contenus et de services numériques ». Il s’agit en fait d’un package législatif de deux directives : l’une sur la vente de contenus numériques (directive
« Contenus numériques ») et l’autre sur la vente de biens y compris en ligne (directive
« Ventes de biens »). Ces deux textes doivent encore être adoptés officiellement, puis publiés au Journal Officiel de l’UE. Le but final de ce package « Contrats numériques » est de protéger les consommateurs européens lorsqu’ils achètent des contenus et des biens en faisant du e-commerce, et, à plus forte raison, lors d’achats transfrontaliers au sein des Vingt-huit.
L’objectif est d’harmoniser sur toute l’Europe les contrats numériques entre vendeurs
et acheteurs pour instaurer une confiance mutuelle, quel que soit le pays européen. Ces dispositions s’appliqueront sur le marché européen du commerce en ligne qui,
en pleine croissance, pèse pour plus de 500 milliards d’euros chaque année (2).
« Un accroissement de l’offre de contenus et de biens numériques à travers l’Europe permettra davantage de choix à des prix compétitifs pour les consommateurs, et c’est
là tout l’enjeu du marché unique numérique. En ce qui concerne les entreprises, elles bénéficieront d’une plus grande sécurité juridique et de conditions de concurrence équitables », assurent les deux commissaires. Et de prendre l’hypothèse de contenus numériques défectueux achetés en ligne, tels que de la musique ou un logiciel : les consommateurs pourront désormais être indemnisés ; ils auront également plus de temps pour prouver qu’un article acheté était défectueux au moment de l’achat. Les mêmes possibilités d’indemnisation (3) s’appliqueront dans l’ensemble de l’UE. La directive « Contenus numériques » concerne le commerce électronique vers les consommateur final (B2C) et couvre : les biens dématérialisés vendus sous forme digitale tels que la musique en ligne et la vidéo à la demande ; les services numériques permettant la création, l’exécution et le stockage de données jusque dans le cloud ;
les plateformes numériques permettant le partage de données telles que Facebook, YouTube ou encore Leboncoin ; les supports durables utilisés exclusivement pour le transport de contenus numériques tels que les DVD; les services de communication interpersonnelles en mode OTT (Over-the-Top) comme WhatsApp, Messenger ou Skype ; les contrats de bundle ; les contrats d’exploitation des données personnelles. Bref, tous les contrats numériques sont concernés. Rappelons que, par ailleurs,
un règlement de 2017 sur « la portabilité transfrontalière des services de contenu en ligne » – ce que nous avons appelé « roaming audiovisuel », mais à portée temporaire comme l’exigeaient les industries culturelles (4) – est, lui, entré en vigueur le 1er avril 2018.
Pour justifier les nouvelles mesures adoptées, la Commission européenne regrette
que « le plein potentiel du commerce électronique (…) reste inexploité tant pour les entreprises que pour les consommateurs en Europe ». Bruxelles pointe en outre du doigt « les obstacles importants » transfrontaliers et « la fragmentation juridique »
dans le droit des contrats de consommation, le tout « au détriment du marché unique numérique » (5). Dans son enquête sectorielle de 2017 sur le commerce électronique (6), la Commission européenne a fait état de « certaines restrictions verticales auxquelles sont confrontés les détaillants en ligne ».

Haro sur les restrictions contractuelles
Ces restrictions contractuelles portent d’abord sur les recommandations tarifaires
du fournisseur au détaillant (42 %), suivies des limitations de vendre sur les places
de marché (18 %), les interdictions totales ou partielles de faire des ventes transfrontalières (11 %), les empêchements de vendre tout ou partie sur le site web du revendeur (11 %), la non autorisation totale ou non d’utiliser des comparateurs de prix (9 %), les limitations à la publicité en ligne (8 %) et autres restrictions (4 %). @

Charles de Laubier

La licence légale ne discrimine plus les webradios

En fait. Le 4 février, Xavier Filliol a précisé à EM@ que le contrat-type de licence légale pour les webradios commerciales sur lequel se sont mis d’accord la Sacem et le Geste, où il est co-président de la commission « Audio Digital », s’applique « à l’ensemble de la filière ». Quinze ans de négociations !

En clair. « Ce nouveau contrat-type a bien vocation à remplacer le précédent pour l’ensemble de la filière », nous précise Xavier Filliol, co-président de la commission
« Audio Digital » du Groupement des éditeurs de contenus et de services en ligne (Geste) qui a négocié durant quinze ans avec la Société des auteurs, compositeurs
et éditeurs de musique (Sacem). Ce contrat-type dit « d’autorisation pour une diffusion en flux continu d’œuvres sur Internet » pour les webradios commerciales est plus intéressant pour elles par rapport à la licence légale antérieure. En effet, au lieu de devoir payer à la Sacem pour le compte de sa SDRM (1) 12 % sur ses recettes annuelles assortie d’une redevance minimale de 200 euros HT par an et par canal de diffusion, la webradio bénéficie de meilleures conditions tarifaires. Le Geste a réussi à négocier une assiette portant uniquement sur les recettes intégrées au flux lorsque la webradio commerciale diffuse en streaming (flux continu) de la musique soumise au droit d’auteur. Ainsi, selon l’article 7 du contrat-type que nous nous sommes procuré (2), la « rémunération » que devra reverser la webradio correspondra à un « un pourcentage du montant total de ses recettes (…), au prorata de la durée des œuvres du répertoire sur la durée totale des programmes mis à disposition par le contractant
au sein des canaux de diffusion proposés sur son service ». Concrètement : si la quote-part de la durée des œuvres du répertoire sur la totalité de la durée du flux continu
d’un canal de diffusion – comprenez un flux distinct, une webradio pouvant en avoir plusieurs sur un même service – ne dépasse pas 15 %, la redevance à payer sera
de seulement 3%; si elle est de 15 % à 30 %, la redevance passera à 6%; si c’est de
30 % à 70 %, la redevance sera de 9%; au-delà jusqu’à 100 %, la redevance passera
à 12 %.
Cette progressivité de la licence légale appliquée aux webradios met fin à la discrimination (3) dont elles faisaient l’objet avec l’ancien taux unique de 12 % – alors que les radios de la FM bénéficient, elles, d’un taux moitié moins élevé (7 %). Le minimum garanti (MG) annuel est lui aussi modulé en fonction du nombre de canaux de diffusion. La SCPP et la SPPF – qui furent opposées à l’extension de la licence légale aux webradios – devraient a priori adopter les mêmes conditions « Sacem » applicables à l’ensemble de la filière (4) via la Spré (5). @

Deezer s’implante à Dubaï pour être plus global

En fait. Le 5 février, la filiale de Deezer à Dubaï (Emirats arabes unis) a annoncé
la nomination du Libanais Tarek Mounir directeur général pour la région Moyen-Orient/Afrique du Nord et la Turquie (MENAT). Il prendra ses fonctions le 1er avril prochain. Par ailleurs, l’exclusivité Deezer-Orange se poursuit en 2019.

En clair. Selon nos informations, l’accord exclusif entre Orange et Deezer – qui devait arriver à son terme fin décembre dernier après avoir été renouvelé pour 2017 et 2018 – « se poursuit ». Contesté, notamment par Qobuz (lire EM@ 108, p. 3), il date d’août 2010. Pour autant, Orange a vu sa participation dans le capital de Deezer passer de 14,5 % à environ 12 %. Il faut dire que le prince saoudien Alwalid ben Talal, dont la société d’investissement Kingdom Holding Company (KHC) a injecté 230 millions d’euros en août 2018 (soit 1 milliard de rials saoudiens), est entré au capital de Deezer. La transaction a valorisé la plateforme musicale 1 milliard d’euros.
Cette entrée capitalistique dans Deezer, qui a émis de nouvelles actions mais sans préciser le niveau de participation, s’est faite aussi via le groupe de divertissement Rotana, également contrôlé par l’homme le plus riche du Moyen-Orient et neveu du roi Salmane d’Arabie saoudite. Ce double investissement du prince saoudien dans Deezer est assorti d’« un accord à long terme visant à distribuer en exclusivité sur la plateforme Deezer le catalogue de contenus audio et vidéo de Rotana [riche de 13.000 titres et 2.000 vidéos, ndlr] dans les régions du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ». Par ailleurs, c’est par un discret communiqué diffusé en arabe et en anglais – en ligne ici (1) – que la plateforme française de musique en ligne Deezer a fait part de la nomination du Libanais Tarek Mounir au poste de directeur général pour la région Moyen-Orient/Afrique du Nord et la Turquie (MENAT). Ce francophone prendra ses fonctions à partir du 1er avril, après avoir été durant huit ans dans le groupe audiovisuel américain Turner – en tant que dernièrement viceprésident et directeur général sur la même région (2). Cette nomination intervient après que Deezer se soit lancé en octobre 2018 à la conquête de cette région MENAT et alors qu’un bureau a été installé à Dubaï au début de l’année avec une équipe en cours de recrutement. « Deezer est une success story de la French Tech dont le terrain de jeu est global », avait alors lancé Guillaume d’Hauteville, président du conseil d’administration de Deezer et vice-président d’Access Industries – holding de l’Américain d’origine russo-ukrainienne Leonard Blavatnik détenteur d’environ 30 % du capital de Deezer (3). Revendiquant 14 millions d’utilisateurs dans le monde, Deezer concrétise sa stratégie de développement sur des marchés émergents. @