A propos Charles de Laubier

Rédacteur en chef de Edition Multimédi@, directeur de la publication.

Huawei franchit les 100 milliards de dollars de chiffre d’affaires, envers et contre (presque) tous

La firme de Shenzhen, qui a déjà délogé Apple de la 2e place mondiale des ventes de smartphones, a franchi en 2018 les 100 milliards de dollars de
chiffre d’affaires. Huawei veut maintenant être le n°1, malgré la campagne
de dénigrement orchestrée par les Etats-Unis à son encontre.

Huawei Technologies, fondé par le Chinois Ren Zhengfei (photo) il y a plus de 30 ans, est un géant des télécoms,
dont les smartphones génèrent plus d’un tiers de ses revenus. Conformément à ses prévisions exprimées fin 2018, alors que la campagne sécuritaire engagée à son encontre avait déjà bien débuté, son chiffre d’affaires sur l’année 2018 a dépassé la barre des 100 milliards de dollars, en hausse de 21 % sur un an. Ren Zhengfei a même indiqué le 18 mars (1) que la croissance pour 2019 serait de 15 %.

En France, une loi « anti-Huawei » en vue
Pourtant, jamais une multinationale n’avait eu à subir une telle campagne de suspicion et de dénigrement de la part de plusieurs pays à la fois, la plupart occidentaux – emmenés par un Donald Trump prétextant vouloir sauvegarder la « sécurité nationale » des Etats-Unis et de ses alliés partenaires (2). Le locataire de la Maison-Blanche tente de les dissuader d’acheter à la firme de Shenzhen ses équipements de réseau 5G, lesquels seraient des chevaux de Troie chinois destinés à faire du cyberespionnage à grande échelle via des « backdoor » et au profit du Parti communiste chinois. Le procès d’intention se le dispute au fantasme sécuritaire. Le 7 mars, Huawei a annoncé avoir déposé plainte (3) contre les Etats-Unis pour avoir interdit à ses administrations d’acheter ses équipements télécoms – ce qui serait inconstitutionnel. L’« America
First » est aussi en toile de fond – notamment pour préserver Apple que Huawei a délogé en 2018 de la seconde place mondiale des ventes de smartphones (4). Le 18 mars, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a dénoncé « des pratiques anormales et immorales ».
L’Otan (5) a même prévenu le 13 mars qu’elle cessera toute communication avec l’Europe si l’Allemagne venait à acheter de la 5G chinoise. Le Wall Street Journal avait révélé le 11 mars que l’ambassadeur américain à Berlin, Richard Grenell, homme lige de Donald Trump, avait fait parvenir une lettre au ministre allemand de l’Economie, Peter Altmaier, proche d’Angela Merkel, pour demander à l’Allemagne de ne pas équiper ses réseaux 5G de matériels chinois (6) – sinon il n’y aurait plus d’échanges d’informations sensibles entre les deux pays ! Le Danemark vient d’exclure Huawei au profit d’Ericsson. Le Royaume-Uni et la Norvège sont aussi suspicieux. L’Australie a aussi interdit Huawei et son compatriote ZTE. Comme pour la taxe GAFA, la chancelière allemande craint des représailles sur l’industrie automobile allemande si elle ne donne pas satisfaction à Washington. Elle s’est donc empressée de promettre de « discute[r] avec [ses] partenaires, tant en Europe qu’aux Etats-Unis » de la sécurité avant la construction des réseaux 5G.
Tandis que les eurodéputés adoptaient le 12 mars un règlement sur la cybersécurité (7) participant de cette psychose « anti-Huawei ». En France, la commission des affaires économique de l’Assemblée nationale doit examiner le 3 avril prochain une proposition de loi visant à « préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l’exploitation des réseaux radioélectriques mobiles » (8). Concrètement, Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free seront tenus d’« adresser une demande d’autorisation au Premier ministre », qui « se prononcera dans un délai de deux mois ». Le gouvernement avait déjà tenté d’introduire en février dernier cette mesure dans la loi Pacte, mais les sénateurs l’avaient rejetée en demandant un débat approfondi. Ce régime d’autorisation préalable, s’il devait être adopté, s’appliquerait aux appareils installés à partir du 1er janvier 2019. Sans bien sûr le nommer, le chinois Huawei se retrouverait aussi dans le collimateur de la France.
Pourtant, le groupe de Ren Zhengfei (74 ans) est considéré comme le plus performant en matière d’équipements 5G de qualité. Il avait profité du Mobile World Congress (MWC) de Barcelone en février pour commencer la contre-attaque et discréditer les accusations jugées sans fondement proférées par les Etats-Unis. L’actuel président tournant de Huawei, Guo Ping, et le président de Huawei pour l’Europe de l’Ouest, Vincent Ping, sont alors montés au créneau – non seulement pour défendre l’intégrité du groupe mais aussi l’innocence de sa directrice financière, Meng Wanzhou, fille du fondateur Ren Zhengfei.

Le fondateur Ren Zhengfei défend sa fille
Meng Wanzhou (47 ans) a été arrêtée en décembre au Canada à la demande du département de la justice américaine (DoJ) et inculpée depuis janvier de violation des sanctions contre l’Iran. Sa comparution pour une éventuelle extradition est prévue le 8 mai à Vancouver. Son père a qualifié de « politique » cette arrestation « sans preuve ». Le 8 mars, la Chine a apporté son soutien à la firme de Shenzhen. @

Charles de Laubier

Livre numérique en France : chiffres paradoxaux

En fait. Le 18 mars, le 39e Salon du livre de Paris, organisé par le Syndicat national de l’édition (SNE), a refermé ses portes au bout de quatre jours de fréquentation en baisse (- 2 %). Le marché de l’édition est aussi en recul en 2018, selon GfK, sauf pour les livres numériques.

Margrethe Vestager accumule les affaires « GAFA »

En fait. Le 14 mars, la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, a indiqué à Bloomberg qu’elle allait « prendre au sérieux » la plainte déposée le 11 mars par Spotify contre Apple. La Danoise « antitrust », qui vient d’infliger le 20 mars une troisième amende à Google, accumule les dossiers
« GAFA ».

Olivier Nusse, président d’Universal Music France : « Il faut démocratiser le streaming par abonnement »

Président d’Universal Music France, filiale du premier producteur mondial
de musique, et depuis neuf mois président du syndicat français représentant notamment les majors (Snep), Olivier Nusse déplore que Spotify, Apple Music ou Deezer ne fassent pas mieux connaître le streaming par abonnement en France.

Le streaming musical a beau représenter en 2018 – et pour la première – plus de la moitié (50,1 %) du chiffre d’affaires de la musique enregistrée en France, soit 300,9 millions d’euros sur
un marché total de 581,3 millions d’euros, et compter 5,5 millions d’abonnés à ce type d’écoute audio, cela ne satisfait pas Olivier Nusse (photo). Président d’Universal Music France depuis plus
de trois ans et, depuis neuf mois, président du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), il estime que les plateformes de streaming – au premier rang desquelles Spotify, Apple Music et Deezer – ne font pas assez en France la pédagogie du streaming par abonnement. « Atteindre 5,5 millions d’abonnés en France en 2018, c’est encourageant : il y en a 1 million de plus en un an. Mais c’est un vrai challenge car c’est à peine 10 % de taux de pénétration [par rapport à la population française et ses 67 millions d’habitants, ndlr]. Certains autres territoires atteignent 20 % à 25 %. Je pose la question : est-ce que l’on a réussi à suffisamment démocratiser cet usage (du streaming musical par abonnement), le faire comprendre, pour qu’il ait une vraie croissance du nombre d’abonnés en France ? », s’est-il demandé lors de la conférence annuelle du Snep, le 14 mars dernier.

Vers une campagne publicitaire pour s’abonner
Le successeur de Pascal Nègre doute que Spotify et Deezer – sociétés dont le capital est détenu de façon minoritaire par Universal Music et d’autres majors (1) – en fassent assez pour promouvoir le streaming payant par abonnement. « Est-ce que les partenaires qui sont les nôtres sur ce nouveau mode de consommation en streaming poussent suffisamment les clients potentiels vers l’abonnement ? », a lancé Olivier Nusse, en tournant son regard vers le directeur général de Deezer France, Louis-Alexis de Gemini, présent dans la salle de conférence. « Mais surtout, a insisté le président
du Snep, avez-vous vu des compagnes publicitaires qui auraient été faites par les plateformes pour expliquer la différence entre l’idée de s’abonner par rapport à la consommation gratuite ? Je ne suis pas sûr que le grand public ait vraiment compris l’intérêt de s’abonner sur le streaming audio, lorsque l’on voit que Netflix dans l’audiovisuel atteint déjà en France quasiment le même nombre d’abonnés – à plus
de 5 millions ».

Le gratuit progresse plus vite que le payant
Car les producteurs de musique et les plateformes musicales ont chacun tout intérêt
à faire croître les abonnements plutôt que de laisser prospérer le streaming gratuit financé par la publicité, bien moins rémunérateur pour eux – et donc pour les artistes. Ce qu’ils appellent le « value gap » est illustré par YouTube qui, selon eux, accapare en France près de la moitié (48 %) des heures consacrées au streaming musical mais ne génère que 11 % des revenus du streaming musical (2). Or, bien que le streaming gratuit ait rapporté l’an dernier encore quatre fois moins (57,8 millions d’euros) que le streaming payant (243 millions d’euros), il progresse cependant plus vite (38,8 % sur
un an) que le second (23,2 %). Et cela frustre quelque peu Olivier Nusse : « Cela va être le challenge de 2019 et des années à venir pour que ce marché puisse continuer
à avoir de la croissance et à bien rémunérer les artistes », a-t-il prévenu.
Interpellé, le patron de Deezer France a reconnu un certain déficit de communication pour mieux inciter les consommateurs à s’abonner à la musique en streaming plutôt que de rester sur le gratuit. « On a du boulot tous ensemble à faire – avec les majors et les indés [producteurs de musique indépendants, ndlr]. C’est vrai que l’on pourrait se donner ensemble une ambition, peutêtre faire une campagne nationale en social média, en télévision, en cinéma, … pour promouvoir cet usage qui est génial. Mais on a énormément de pédagogie à faire sur l’intérêt que représente le streaming par abonnement : 5,5 millions d’abonnés, c’est bien, mais c’est deux fois à trois fois moins que dans nos pays voisins », a répondu Louis-Alexis de Gemini à Olivier Nusse, lequel se demande même pourquoi les plateformes Spotify ou Deezer ne poussent pas suffisamment les clients potentiels vers l’abonnement.
Contrairement à Apple Music qui interrompt son service après trois mois de gratuité, Spotify et Deezer laissent, eux, le client dans le gratuit autant qu’il le souhaite mais avec tout de même une expérience très dégradée puisqu’il ne peut pas streamer à
la demande plus de cinq titres par heure maximum – ce que beaucoup d’utilisateurs
de musique gratuite ne comprennent d’ailleurs pas. Pour Louis-Alexis de Gemini,
« le gratuit est un moyen de faire de la pédagogie » mais les différences de droits de diffusion en streaming gratuit accordés par les producteurs ne simplifient pas l’approche du consommateur. « Spotify a élargi les droits du gratuit ; Deezer a moins de droit, explique son patron. Il n’y a pas les mêmes droits sur l’ordinateur que sur le mobile. D’où la complexité du gratuit pour le client en fonction du magasin où il est… Avec nos amis de la musique, il faut aussi travailler sur le gratuit car on n’a pas trouvé encore la fluidité de conversion idéale pour nous tous ». Surtout, les plateformes musicales – comme Deezer où le gratuit financé par la publicité représente à peine 10 % de ses revenus – estiment perdre beaucoup d’argent sur ce service gratuit qu’elles paient aux producteurs pour chaque stream. Autre préoccupation du président d’Universal Music France et du Snep : les abonnements via les opérateurs télécoms, à l’image de ceux issus de l’accord exclusif qu’Orange poursuit depuis 2010 avec Deezer, dont il est aussi actionnaire minoritaire (3). « Depuis près de deux ans maintenant, la part du nombre d’abonnés qui se fait en direct sur les plateformes (stand-alone) est supérieure à celle faite via les abonnements téléphoniques. Les accords avec certains opérateurs télécoms arrivent à terme. On observe petit à petit un basculement vers le stand-alone ; cela prend un peu de temps pour la transformation. Malgré tout, je pense qu’il y a besoin de démocratiser l’usage et d’expliquer un peu mieux pour cela devienne encore plus populaire », insiste encore Olivier Nusse.
Le streaming étant devenu le moteur de la croissance du marché de la musique enregistré, avec en 2018 un total en France de 57,6 milliards d’écoutes en ligne sur
les services de streaming audio (cinq fois plus qu’en 2014, selon GfK), la notion même de rentabilité d’un album est en outre remise en question. Jusqu’alors, « la production d’albums de nouveautés en France s’opère dans des conditions structurellement déficitaires et seul un album produit sur 10 atteint le seuil de la rentabilité », selon le Snep (4). Mais le streaming et sa « longue traîne » changent tout, comme l’a confirmé Olivier Nusse : « Les catalogues peuvent être disponibles plus longtemps que ne peut l’être une grande majorité de la production en distribution physique, dont les disques ne peuvent plus être achetés si on ne les trouve plus. Alors qu’avec le streaming, il y a des catalogues qui peuvent être consommés longtemps – peu mais longtemps – et qui à terme peuvent quand même devenir rentables ».

Nouvelle rentabilité des catalogues en ligne
Le Snep envisage donc, pour tenir compte de l’évolution des usages et de la plus grande disponibilité des catalogues dans le temps, de faire des études d’audiences
des titres et des albums un peu plus longues que celles qui sont faites actuellement
sur des périodes assez courtes. Pour l’heure, le grand gagnant des genres musicaux sur le streaming est la musique urbaine – pour le plus grand bien de la diversité. @

Charles de Laubier

Pinterest a 10 ans : entre fake news et la Bourse

En fait. Le 25 février, un porte-parole de Pinterest a confirmé à l’AFP que le réseau social de partage de photos bloquait les recherches d’informations
sur les vaccins relevant de la désinformation « antivaccins ». Pours ses dix ans, Pinterest fait parler de lui – avant son entrée en Bourse prévue fin juin.