A propos Charles de Laubier

Rédacteur en chef de Edition Multimédi@, directeur de la publication.

Très haut débit : Les abonnés VDSL2 sont toujours plus nombreux que les abonnés FTTH

Dans le Gers, le 22 mars, le Premier ministre Edouard Philippe a fait un point d’étape sur le « Plan très haut débit pour tous en 2022 » poursuivi par Emmanuel Macron. L’Arcep, elle, a organisé le 26 mars une conférence « Territoires Connectés ». Mais un train (FTTH) peut en cacher un autre (VDSL2).

Comment l’Autorité de la concurrence dénonce une régulation audiovisuelle « profondément inadaptée »

La Cour des comptes, le CSA et le rapport « Bergé » ont déjà mis en évidence
les faiblesses du système français de régulation de l’audiovisuel. L’Autorité de
la concurrence va plus loin en en dénonçant la « complexité rare » et le caractère « très atypique », voire « non-équitable et inefficace ».

François Brunet*, avocat associé, et Winston Maxwell, avocat associé, cabinet Hogan Lovells

L’Autorité de la concurrence plaide pour une réforme qui permettrait aux acteurs français de la télévision de se débarrasser de contraintes, lesquelles, aujourd’hui, n’ont plus aucun sens économique – voire, risquent de condamner à la stagnation et au déclin l’ensemble des filières audiovisuelle et cinématographique françaises. Son analyse (1) commence par un panorama détaillé du nouveau paysage concurrentiel
de l’audiovisuel.

Vers une nouvelle loi contre le cyberharcèlement et les contenus haineux en ligne

Le gouvernement va présenter avant l’été un projet de loi contre le cyberharcèlement et les contenus haineux en ligne, en responsabilisant plus
les plateformes numériques et en restreignant l’anonymat. Le droit à l’effacement et l’actuel arsenal juridique sont actuellement limités face au fléau.

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

Le harcèlement consiste à tenir des propos ou avoir des comportements répétés, ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de vie d’une personne, susceptible de porter atteinte à ses droits, à sa dignité et d’altérer sa santé physique ou mentale. A l’ère du numérique, le harcèlement s’opère sur Internet, les réseaux sociaux, les blogs ou tout autre support en ligne.

Essor d’un fléau et arsenal juridique
Le harcèlement en ligne, également appelé cyber-harcèlement, est au cœur de l’actualité, que ce soit avec les attaques qui ont visé le chanteur Bilal Hassani – représentant la France à l’Eurovision 2019, en mai prochain – ou encore avec l’affaire de la « Ligue du LOL ». La prolifération des faits de harcèlement en ligne suscite de plus en plus d’inquiétudes. Aux Etats-Unis, la cour suprême a récemment condamné pour homicide une femme de 22 ans jugée pour avoir poussé son petit ami au suicide en 2014, par une série de textos. En France, la récente affaire de la « Ligue du LOL », du nom d’un groupe privé sur Facebook, illustre également l’accroissement significatif du cyber-harcèlement. A la suite de ces révélations, plusieurs journalistes impliqués ont été suspendus par leurs employeurs pour avoir harcelé il y a quelques années d’autres journalistes et blogueurs sur le réseau social Twitter. Des victimes ont dénoncé des entraves à leur carrière et un dénigrement systématique de la part des membres du groupe ou de leur entourage, souvent accompagnés de photos et messages violents. Pour l’instant, il n’y a pas d’enquête judiciaire sur les faits allégués, la plupart d’entre eux étant prescrits (à partir de 6 ans, mais un rallongement du délai de prescription
est à l’étude). Cette affaire de la « Ligue du LOL » a amené une vingtaine de médias (presse et audiovisuel) à signer le 13 mars au ministère de la Culture une « Charte pour les femmes dans les médias, contre le harcèlement et les agissements sexistes dans les médias » (1). Le cyber-harcèlement est partout, y compris parfois au sein du couple. Dans le cadre des violences conjugales, les violences physiques sont souvent accompagnées de cyber-violences : cinq femmes victimes de violences conjugales
sur six déclarent ainsi avoir également subi des actes de cyber-harcèlement, selon le Centre Hubertine Auclert (2). Le cyber-harcèlement revêt dès lors plusieurs formes. Il peut s’agir de la propagation de rumeurs sur Internet, de la création d’un faux profil à l’encontre d’une personne, de la publication de photographies sexuellement explicites ou humiliantes, des messages menaçants ou du « happy slapping », cette pratique qui consiste à filmer à l’aide d’un téléphone portable des actes de violence et à les diffuser sur Internet, notamment sur les réseaux sociaux.
Le cyber-harcèlement est une infraction grave réprimée par le Code pénal. La menace de rendre publics sur Internet des enregistrements sonores, des images ou des vidéos à caractère sexuel d’un(e) ex-partenaire, avec l’intention de nuire, peut être qualifiée de chantage (3). Ou encore être sanctionnée sur le fondement de la menace de violence (4). La publication sur un site web permet aussi de sanctionner l’auteur pour des faits de violence psychologique, délit introduit dans notre Code pénal par la loi du 9 juillet 2010 dans le but de lutter plus efficacement contre les violences conjugales (5), quelle que soit leur nature (6). Diffuser à répétition sur Internet des enregistrements, des images, des vidéos à caractère sexuel, c’est aussi du harcèlement sexuel visé et réprimé par le Code pénal (7). Par ailleurs, l’article 222-33-2-2 du Code pénal sanctionne le harcèlement moral d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende.

Du retrait des contenus à de la prison ferme
La récente loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes (8) modifie cet article pour prévoir que le délit est également constitué
« lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée » ou « lorsque
ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement,
par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition ». En outre, la même loi prévoit une aggravation des peines lorsque les faits sont commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique électronique. Ainsi, en cas de cyber-harcèlement, les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende. Enfin, l’article 222-16 du Code pénal réprime l’envoi de plusieurs courriels malveillants à l’incrimination des appels téléphoniques malveillants et agressions sonores. A cet arsenal juridique, viennent s’ajouter des décisions judiciaires qui montrent de quelles manières les délits de cyber-harcèlement peuvent être constitués. Par une ordonnance de référé du 29 mars 2016 (9), le président du tribunal de grande instance de Paris a considéré que la publication de 34 articles faisant état de la dangerosité de deux personnes, affirmant qu’elles seraient recherchées par les autorités et lançant des avis de recherche était constitutive du délit de « cyber-harcèlement ». Le dirigeant a été condamné à retirer les articles publiés sous astreinte de 100 euros par jour.

Conseils de la Cnil et plan du gouvernement
A son tour, en 2017, le tribunal correctionnel de Bordeaux (10) a condamné une personne qui a proféré des menaces de mort à l’encontre d’un journaliste via le réseau social Twitter. Les juges ont retenu la circonstance aggravante de « menaces commises en raison de la religion ». Pour déterminer la culpabilité du mis en cause, il est retenu que « le premier message est clairement menaçant » et que « l’enchaînement des messages qui suivent est également de nature à constituer une menace de mort ».
En outre, les juges ont estimé que le délit était constitué, aux motifs que « les menaces ayant été adressées par messages envoyés par Twitter, il s’agi[ssai]t bien de menaces matérialisées par un écrit ». À ce titre, le prévenu a notamment été condamné à une peine d’emprisonnement d’un an ferme. Plus récemment, le 20 mars 2019, un étudiant qui avait harcelé une journaliste sur Internet à la suite d’un article a été condamné à cinq mois de prison avec sursis et 2.500 euros d’amende pour préjudice moral.
Partant du constat que près de 10 % de la population européenne a subi ou subira un harcèlement (11), la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a publié une série de conseils sur le cyber-harcèlement. Qui sont les cyber-harceleurs ?
« Un internaute peut être harcelé pour son appartenance à une religion, sa couleur de peau, ses opinions politiques, son comportement, ses choix de vie, … Le harceleur peut revêtir l’aspect d’un “troll” (inconnu, anonyme) mais également faire partie de l’entourage de la victime (simple connaissance, ex-conjoint, camarade de classe, collègue, voisin, famille …) », prévient la Cnil. Elle rappelle aux victimes de violences sur Internet la réaction à adopter face au harcèlement – avec comme principe de base de « ne surtout pas répondre ni se venger » – et les paramétrages des médias sociaux conseillés. Si le harcèlement en ligne est réprimé par le Code pénal et relève de la compétence judiciaire, la Cnil rappelle que chaque personne a un droit à l’effacement
et au déréférencement de ses données. Ainsi, la victime peut demander la suppression des informations auprès de chaque site web ou réseau social. La personne qui en est responsable est, par conséquent, tenue de procéder à l’effacement dans les meilleurs délais et au plus tard dans un délai d’un mois (voire trois si la demande est complexe). En cas d’absence de réponse sous un mois, un recours auprès de la Cnil est possible. Pour le droit au déréférencement spécifiquement, elle rappelle que « si ces informations apparaissent dans les résultats de recherche à la saisie de vos prénom et nom, vous avez la possibilité d’effectuer une demande de déréférencement auprès du moteur de recherche en remplissant le formulaire [comme celui de Google, ndlr (12)] ».
Face à la prolifération des faits de harcèlement en ligne, le gouvernement entend se saisir de la question et prendre de nouvelles mesures pour lutter efficacement contre ces actes. Un projet de loi contre les contenus haineux et le harcèlement en ligne devrait être présenté avant l’été. Il a ainsi annoncé le 14 février dernier sa volonté de responsabiliser les plateformes et d’accélérer les procédures pour identifier les auteurs de propos haineux en ligne. Les secrétaires d’Etat – Marlène Schiappa à l’Egalité et Mounir Mahjoubi au Numérique – veulent en effet, par ce « plan d’action », pousser les plateformes à mettre « en quarantaine » ou retirer « en quelques heures » les contenus haineux. Le gouvernement propose ainsi de superviser les outils de signalement
à disposition des internautes et envisage d’auditer régulièrement les règles de modération des contenus des plateformes. Il les incite également à développer leurs outils de modération automatique avec la possibilité, pour les utilisateurs, de faire appel. Le secrétaire d’Etat au Numérique désire par ailleurs créer un nouveau statut pour les plateformes en ligne qui serait entre celui d’hébergeur de contenus et celui d’éditeur, permettant d’engager plus efficacement leur responsabilité. « La loi allemande oblige (…) désormais les acteurs à supprimer dans un délai de 24h les contenus “manifestement illégaux” et prévoit des sanctions allant jusqu’à 50 millions d’euros en la matière », a-t-il rappelé (13).

Aller jusqu’à restreindre l’anonymat
Des mesures concernant l’anonymat sur Internet sont également en réflexion. Il s’agirait de restreindre cet anonymat à certains usages tels que les pétitions en lignes. Enfin, si la possibilité de demander l’identité des auteurs d’harcèlement en ligne existe déjà, le gouvernement voudrait fixer et imposer aux plateformes des délais pour communiquer ces données. @ 

* Christiane Féral-Schuhl est ancien bâtonnier
du Barreau de Paris, et auteure de « Cyberdroit »,
dont la 7e édition (2018-2019) est parue aux éditions Dalloz.

DAB+ versus Podcast : la bataille numérique du « temps d’oreilles disponibles » ne fait que commencer

La bataille digitale pour prendre contrôle des oreilles disponibles est engagée. Les forces en présence sont, d’un côté, la radio numérique hertzienne linéaire diffusée en DAB+ et, de l’autre, les podcasts disponibles à la demande. Entre podcast et radio, c’est à celui qui se fera le plus entendre.

L’année 2019 s’annonce comme celle de la revanche de l’audio sur la vidéo. Le numérique redonne de la voix à la diffusion sonore face à la production d’images devenues omniprésentes sur Internet et les réseaux sociaux. Avec la montée en puissance de la radio numérique hertzienne, d’un côté, et des podcasts à la demande, de l’autre, le son et l’audio sont en passe de reprendre le dessus par rapport à l’image et à la vidéo.

DAB+ national : prime aux réseaux privés
Mais comme pour le cerveau vis-à-vis de la publicité, le « temps d’oreilles disponibles » est limité. Le partage de l’audience est inéluctable. Sur le versant linéaire, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) vient de délivrer les autorisations à l’ensemble des éditeurs des 24 radios « à vocation nationale » qu’il avait retenues le 6 mars dernier,
en assemblée plénière, à la suite de son appel aux candidatures en vue de diffuser
en mode radio numérique terrestre (RNT) et en DAB+ sur l’ensemble du territoire métropolitain. Dans l’ordre alphabétique, les heureux élus sont : Air Zen, BFM Business, BFM Radio, Chérie, Europe 1, FIP, France Culture, France Info, France Inter, France Musique, Fun Radio, Latina, Mouv’, M Radio, Nostalgie, NRJ, Radio Classique, RFM, Rire et Chansons, RMC, RTL, RTL 2, Skyrock, Virgin Radio. Les radios disposent maintenant d’un délai de deux mois pour désigner les opérateurs techniques chargés de l’exploitation des deux multiplex sur lesquels elles seront réparties. « Une fois ces étapes accomplies, les émissions en DAB+ pourront démarrer au premier trimestre 2020 sur 70 % du territoire et seront progressivement étendues », indiqué le CSA, dont le groupe de travail « radios et audio numérique » est présidé par Nicolas Curien et vice-présidé par Hervé Godechot.
Après avoir tiré à boulets rouges sur la RNT qu’ils estimaient trop coûteuse et non rentable, les grands groupes de radios privées – Lagardère/Europe 1, M6/RTL, Altice-NextRadioTV/ RMCet NRJ – se sont finalement portés candidats aux DAB+ national. Les quatre en question ont chacun obtenu sans exception leur sésame pour diffuser numériquement toutes leurs radios au niveau national. Ainsi : Lagardère Active pour Europe 1, RFM et Virgin Radio ; le groupe M6 pour RTL, RTL2 et Fun Radio ; le groupe NextRadioTV/Altice pour RMC, BFM Business et BFM Radio ; le groupe NRJ pour NRJ, Chérie, Nostalgie et Rire & Chansons. Autrement dit, le CSA a fait la part belle aux réseaux radiophoniques nationaux privés – ceux-là même qui avaient voué aux gémonies cette innovation radiophonique, via notamment leur feu Le Bureau de la Radio qui les a longtemps représentés pour discréditer la RNT (1). En dehors des grandes radios privées et mis à part les six radios publiques de Radio France (2) pour lesquelles l’Etat a décidé de préempter des fréquences DAB+, seules quatre radios
« indépendantes » ont obtenu leur autorisation nationale : Latina (Groupe 1981), M Radio (Espace Group), Radio Classique (LVMH), Skyrock (Pierre Bellanger), tandis qu’un seul nouveau projet – Air Zen (groupe Mediameeting) – a été retenu. Ce dernier vise à lancer une radio sur le thème du développement personnel et du mieux-vivre (mieux-être, mieux-consommer et humanisme).
Mais plus d’une dizaine d’autres candidats indépendants n’ont pas eu la chance d’être retenus pour diversifier le paysage radiophonique français : Sud Radio du groupe Fiducial Médias (3), Melody du groupe Secom, Oüi FM (AWPG/Arthur), mais aussi Crooner Radio, Chante France, Jazz Radio, Générations, Radio Bonheur, France Maghreb 2, Virage, Radio Maria France, Radio Pitchoun, et Yin. Au total, une quarantaine de dossiers de candidatures avaient été jugés recevables par le CSA pour les 24 fréquences du DAB+ national. « Nous regrettons que d’autres formats de radios indépendantes n’aient pas été sélectionnés, mais nous comptons sur le CSA pour rétablir l’équilibre lors des appels régionaux où de nombreuses radios indépendantes sont candidates », a déclaré Alain Liberty (photo de gauche), président du Syndicat des radios indépendantes (Sirti). Dans les prochains mois, le CSA doit en effet sélectionner – parmi notamment 130 radios indépendantes – des radios pour émettre en DAB+ dans 17 grandes agglomérations françaises (4) : « La sélection sur les multiplex de 17 nouvelles zones (1 étendu + 1 local par zone), dont Bordeaux et Toulouse, sera effectuée dans environ six semaines, pour un démarrage prévu à la fin du premier trimestre 2020 », indique Nicolas Curien à Edition Multimédi@.

Une centaine de radios DAB+ déjà en région
Mais sans attendre 2020, la RNT (alias DAB+) couvre déjà 21,3 % de la population française avec 26 multiplex diffusant à Lille, Lyon, Marseille, Nice, Paris, Strasbourg
et dans leurs environs – soit au total environ une centaine de radios diffusant déjà en DAB+ (71 radios indépendantes). Les régions parisienne, niçoise et marseillaise sont ainsi couvertes depuis 2014, les Hauts-de-France, le Grand Lyon et l’Alsace depuis 2018. « Les émissions en DAB+ à Nantes et à Rouen démarreront respectivement
à l’été et à l’automne prochains. Le lancement d’un nouvel appel multi-régional (15 étendus + 15 locaux) est prévu en juillet 2019 », précise Nicolas Curien (5). Le CSA publiera l’été prochain une carte interactive des radios diffusant en DAB+ (6). Or, selon la loi française, le franchissement du seuil de 20 % déclenche l’obligation d’intégrer la technologie DAB+ d’ici fin 2019 dans tous les postes de radio neufs et d’ici mi-2020 dans tous les autoradios neufs.

Audience des podcasts natifs prévue fin mars
Les avantages de la RNT par rapport à la FM résident dans un son de meilleure qualité sans interférence, une meilleure continuité d’écoute en mobilité, une offre enrichie en nouvelles stations de radio, et la possibilité d’un flux audio par des données numériques associées. Malgré le retard chronique qui a caractérisé la France et le lancement tardif en juin 2014 des premières émissions en RNT à Paris, Marseille et Nice (7) où on la promettait pour… fin 2009, l’année 2019 marquera enfin la consécration du DAB+ sur l’Hexagone. Mais cette montée en charge de la radio numérique linéarisée – diffusée selon une programmation d’émissions imposée aux auditeurs, à l’instar des grilles des programmes de télévision diffusés à l’antenne aux téléspectateurs – intervient au moment où les usages des auditeurs sont en train de changer radicalement.
Comme pour la télévision où le replay se substitue de plus en plus à l’antenne, la radio vit à son tour une tendance à la délinéarisation avec l’explosion de l’offre de podcasts. «A l’aube de la révolution de “l’Internet des oreilles” liée au développement des enceintes connectées et autres assistants personnels lancés et contrôlés par les GAFA, la radio doit revendiquer sa place légitime : “la voix” qui s’adresse aux français, c’est elle », assure Alain Liberty, du Sirti, par ailleurs directeur général exécutif du groupe 1981 depuis le début de l’année, après avoir été plus de dix ans directeur général de Radio Scoop (basée à Lyon). Si le DAB+ est présenté comme complémentaire à la FM, deux modes de diffusion hertzienne et linéaires, il en va tout autrement des podcasts qui pourraient soit cannibaliser soit sérieusement grignoter les audiences de la radio. D’autant que les récepteurs radio compatibles DAB+ sont encore peu nombreux. Selon l’institut d’études GfK, près de 116.000 récepteurs DAB+ (hormis les premières montes dans l’automobile) ont été vendus en France en 2018 (8). Selon le CSA, l’intégration de la technologie DAB+ dans les appareils devra se faire d’abord sur les postes de radio haut de gamme (à écran numérique), suivis par les autres postes d’ici à la fin de l’année, puis les autoradios d’ici le milieu de l’année prochaine. Bien que les jeunes aient une image positive de la radio, ils n’en soulignent pas les côtés négatifs : « Ils trouvent la radio parfois répétitive ou redondante notamment en ce qui concerne la programmation musicale, avec trop de publicités mal adressées et pas toujours à la hauteur en termes d’interactions digitales », souligne Médiamétrie dans un sondage paru en janvier. Quant à la mesure d’audience des podcasts, elle se fait attendre,
cet institut ne publiant plus depuis fin 2013 les résultats de la mesure des podcasts reprenant en replay certaines émissions diffusées préalablement à l’antenne. Une mesure d’audience des podcasts dits « natifs » – podcasts originaux produit pour être proposés uniquement à la demande – se fait également désirer (9). Pourtant, 4 millions de français écoutent des podcasts chaque mois, soit une croissance de 25 % selon Médiamétrie. Mais cette mesure date d’il y a près d’un an (10). « La mesure des podcasts natifs fait partie de notre nouveau dispositif “Global Audio”, dont les résultats sortiront d’ici fin mars », indique cependant à Edition Multimédi@ Médiamétrie, où Julie Terrade (photo de droite) est directrice du pôle « Radio » et en charge de la mesure
« Global Audio » (11).
C’est que l’offre s’étoffe comme jamais, non seulement proposée par les radios elles-mêmes mais surtout par des éditeurs indépendants sont de plus en plus nombreux. Ils ne diffusent pas par voie hertzienne mais sur les plateformes d’écoute – Apple, Google, Spotify, Deezer, YouTube, SoundCloud ou encore les françaises Tootak et Elson –,
soit directement, soit par l’intermédiaire d’agrégateurs-producteurs tels que la société française Binge Audio. La plateforme suédoise Acast, elle, a annoncé le 21 mars le lancement de sa filiale française dirigée par Yann Thébault (ex-directeur général de Spotify France). Autres initiatives sur l’Hexagone : la société Sybel, fondée par Virginie Maire (ex-M6 et ex- Finder Studios/Studio 71), va lancer une plateforme de podcasts par abonnement (4,99 euros par mois) ; la société Majelan, créée par Mathieu Gallet (ex-PDG de Radio France et ex-président de l’INA), va lancer sa plateforme dédiée au printemps (modèle freemium) ; la société RadioLike, présidée par Jean-Baptiste Penent d’Izarn, a inventé le réseau social de podcasts que l’on peut découvrir, partager, liker et commenter entre amis.

Les médias et le livre donnent de la voix
Tous les médias, ou presque, se mettent eux-aussi à produire des podcasts. Le groupe Les Echos-Le Parisien (groupe LVMH) a annoncé en décembre 2018 une prise de participation minoritaire dans le capital de Binge Audio (12). La Croix (groupe Bayard) a lancé en début d’année « L’envers du récit » sur les coulisses du métier de journaliste. Madame Figaro et Grazia donnent aussi de la voix, et bien d’autres journaux et magazines tels que Le Monde, L’Obs et le Huffington Post. Mediapart va également lancer un podcast. Le livre audio y voit aussi un débouché, à l’instar de Rakuten Kobo. Décidément, la parole n’est pas sur la même longueur d’onde que la radio. @

Charles de Laubier

Le Web fête ses 30 ans dans une certaine fébrilité, sur fond de velléités de son inventeur Berners-Lee

Ce sont les 30 ans du Web en mars et les 25 ans du World Wide Web Consortium (W3C) en octobre, tandis que la Web Conference tiendra sa 25e édition du 13 au 17 mai prochains à San Francisco. Mais les bonnes intentions de son créateur,
le Britannique Tim Berners-Lee, semblent vaines.

Le 12 mars 1989, le physicien britannique Tim Berners-Lee (photo) inventait un « système de gestion décentralisé de l’information » avec des liens hypertextes pour cliquer sur des mots-clés afin d’aller d’une page à l’autre (1). Le Web était né au sein du Cern (2) basé à Genève, rejoint par l’informaticien belge Robert Cailliau l’année suivante (3) (*) (**), avant que l’outil documentaire en ligne ne soit rendu accessible en avril 1993 au grand public, lequel, sept mois après, pourra l’utiliser avec le tout premier navigateur, Mosaic.

« Tim » veut rendre le Web plus « Solid »
Le World Wide Web est ainsi né il y a 30 ans en Suisse, ou plus précisément en France puisque le chercheur Tim Berners-Lee avait indiqué que son bureau était en réalité situé dans le « Building 31 » localisé sur le territoire français (4) à quelques mètres
de la frontière suisse ! Le Web compte aujourd’hui, à février 2019 selon Netcraft : près de 1,5 milliard de sites web (1.477.803.927 précisément), environ 230 millions de noms de domaine (229.586.773) et plus de 8 millions d’ordinateurs supportant le Web (8.366.753). Et depuis les années 2000, la Toile est concurrencée ou complétée – c’est selon – par les applications mobiles, qui, selon App Annie, sont plus de 6 millions sur les « App Store » d’Apple (iOS) et de Google (Android). Le Web est devenu universel, avec plus de 4,2 milliards d’internautes dans le monde.
Mais le réseau des réseaux est en péril à en croire Tim Berners-Lee, qui veut « changer radicalement » le Web avec son projet de « web décentralisé » baptisé Solid – pour Social Linked Data. Ce projet est hébergé par le Massachusetts Institute of Technology (MIT) et sponsorisé par le Qatar, via son Computing Research Institute, et MasterCard. L’objectif est de garantir « une véritable propriété des données et une meilleure protection de la vie privée » grâce au découplage du contenu de l’application elle-même. De plus, « parce que les applications sont découplées des données qu’elles produisent, les utilisateurs seront en mesure d’éviter le verrouillage des fournisseurs, d’obtenir une commutation harmonieuse entre les applications et les serveurs de stockage de données personnelles, sans perte de données ou de connexions
sociales », est-il expliqué (5). Comme Solid n’est pas une initiative philanthropique,
Tim Berners-Lee a lancé en octobre 2018 sa propre start-up baptisée Inrupt pour rentabiliser son projet, comme il l’explique lui-même : « J’ai donc pris un congé sabbatique du MIT, réduit mon engagement quotidien avec le World Wide Web Consortium (W3C) et fondé une société appelée Inrupt où je vais guider la prochaine étape du Web d’une manière très directe. Inrupt sera l’infrastructure permettant à Solid de prospérer. Sa mission est de fournir une énergie commerciale et un écosystème pour aider à protéger l’intégrité et la qualité du nouveau Web construit sur Solid ». En 2009, l’inventeur du Web avait dit : « Nous n’avons pas encore vu le Web tel que je l’avais envisagé ». Dix ans après, il en est au même point. Mais avec Solid, il espère que le futur Web devient un web de lecture-écriture de données – et non pas seulement de documents – où les utilisateurs pourront « interagir, innover, collaborer et partager ». Sans le dire explicitement, Tim Berners-Lee s’attaque en fait aux GAFA et au « modèle actuel où les utilisateurs doivent transmettre des données personnelles à des géants numériques en échange de la valeur perçue ». Et d’ajouter : « Ce n’est pas dans notre intérêt ». Le projet de recherche Solid, assorti de sa start-up, entend donc « rétablir l’équilibre – en donnant à chacun de nous le contrôle complet sur les données, personnelles ou non, de manière révolutionnaire » (6). Cela se fera par des « POD » – Personal Online Data store (POD). Mais l’initiative du chercheur fondateur du Web arrive un peu tard, l’Europe ayant été aux avant-postes de la protection des données
et de la vie privée sur Internet – avec l’entrée en vigueur le 25 mai 2018 du RGPD (7).

Un « contrat pour le Web » : utopique ?
Certains doutent du succès de Solid. « Je pense que ça ne va pas marcher. Il faut faire avec le contexte actuel. Ceux qui ont décidé du Web et qui décident de son futur et de comment les choses vont évoluer, ce sont les GAFA », a déclaré le chercheur français Daniel Charnay, ingénieur au CNRS, qui se présente comme le co-créateur des premiers serveurs et pages web en France. Alors, sortir le Web des griffes des GAFA ? L’idée de Tim Berners-Lee, qui avait évoqué l’an dernier un « contrat pour le Web » (8) pour lutter contre les fake news, semble plus relever de l’utopie que d’un projet réaliste. @

Charles de Laubier