A propos Charles de Laubier

Rédacteur en chef de Edition Multimédi@, directeur de la publication.

Rémunérer les internautes – pour l’utilisation de leurs données personnelles – fait son chemin

Si c’est gratuit, c’est vous le produit ! Mais les internautes ne sont plus dupes : leurs données personnelles sont « l’or noir du XXIe siècle » et ils comptent bien se faire rémunérer pour leur exploitation ou pour visualiser de la publicité. Les start-up de la monétisation des données se multiplient.

La start-up française Tadata va avoir deux ans en fin d’année. Cet été, la Cnil (1) a clôturé l’enquête qu’elle avait lancée au printemps à son encontre après avoir été « alertée » par l’Internet Society France (Isoc France) en février dernier. Cette association qui représente les internautes dans les instances de la gouvernance de l’Internet en France et dans le monde, a décrété un postulat : les données personnelles procèdent d’un droit fondamental et, à ce titre, elles ne peuvent être vendues ou faire l’objet d’une monétisation.

Cnil pour, gouvernement et CNNum contre
L’Isoc France, présidée par Nicolas Chagny depuis cinq ans, a reproché à la jeune pousse parisienne, fondée fin 2018 par Alexandre Vanadia et Laurent Pomies, de justement proposer à un public de jeunes internautes de gagner de l’argent contre le partage de leurs données personnelles. Et l’association de « regretter l’approche simpliste et opaque du gain d’argent facile et rapide (…) ciblant un public vulnérable ». Tadata se présente comme « la première plateforme de monétisation des données personnelles ». Le sang de l’Isoc France n’avait fait qu’un tour, tout en affirmant constater « des non-conformités » au regard notamment du règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD), avait donc « alerté immédiatement la Cnil selon un principe de précaution, avant la montée en puissance d’un tel service » (2). Mais après quelques mois d’investigation, la Cnil a informé en juillet dernier la société qu’elle avait finalement classé sans suite cette affaire, en clôturant la procédure sans aucune sanction (3), la société s’étant mise en conformité avec le RGPD entre autres aspects juridiques. « La Cnil nous a même invité à participer à des échanges et débats sur la thématique de la monétisation des données personnelles avec ses équipes », indique Christel Monge (photo de gauche), présidente de Tadata, à Edition Multimédi@. Le gendarme des données valide donc un nouveau modèle économique des données, là où le gouvernement est plutôt contre la vente des données personnelles. En mars 2018, à la suite d’un rapport « Mes data sont à moi » du think tank libéral Génération Libre prônant la « patrimonialité des données numériques » et leur rémunération (4), Mounir Mahjoubi, alors secrétaire d’Etat au Numérique, avait déclaré lors d’un débat du Syntec Informatique : « Je suis contre toute propriété et vente des données personnelles ». Quant au Conseil national du numérique (CNNum), dans un rapport de 2017, il avait déjà jugé ce « système patrimonial pour les données à caractère personnel » comme « une proposition dangereuse » (5). Avec ce feu vert explicite de la Cnil, la plateforme Tadata met désormais les bouchées double : elle propose donc aux 15- 25 ans de lui faire part d’informations personnelles de leur choix : centres d’intérêt, habitudes de consommation, besoins actuels, … L’internaute est invité à remplir des formulaires. Ensuite, les annonceurs auxquels sont transmis ces données pourront retenir des profils pour utiliser leurs données, contre de l’argent. L’internaute consentant accepte ainsi de « céder l’exploitation » de ses données personnelles « pour une durée de deux ans, dans le cadre d’une licence d’utilisation concédée aux annonceurs ». L’utilisateur a le choix entre être payé par virement sur un compte bancaire (Iban à renseigner à l’inscription), soit par carte cadeau où seront crédités chaque mois les gains obtenus. Tadata a passé un partenariat avec la société Wedoogift, qui permet aux bénéficiaires de dépenser leurs « cartes cadeaux » – valables chacun un an – dans plus de 500 enseignes physiques, dont des cinémas, et plus de 150 sites Internet. Tadata se positionne implicitement comme un anti- GAFAM qui s’arrogent des droits d’exploitation massive de données en échange de la gratuité de leurs services souvent incontournables et en position dominante. « Tous les jours, les acteurs d’Internet utilisent tes données personnelles à ton insu et se font de l’argent sur ton dos ! Avec Tadata, dis “Stop” : reprends le contrôle de tes données perso et gagne de l’argent avec ! », lance la plateforme de monétisation.

Start-up Tadata, My Data, Polymate, …
En contrepartie de son autorisation, le jeune internaute perçoit une quote-part de la redevance perçue par Tadata en vertu des licences d’utilisation conclues auprès de clients (dont les annonceurs), quote-part qui sera comprise « entre 3 et 5 euros » à chaque licence concédée pour l’utilisation par le client d’une base de données contenant des données à caractère personnel (DCP) du jeune concerné. Tadata n’est pas la seule jeune pousse, loin de là, à vouloir monétiser les données personnelles. Toujours en France, à La Rochelle cette fois, My Data – alias « My Data is Rich » (MDiR) – propose de « transformer vos données en royalties » en se présentant comme un tiers de confiance « pour la collecte, la gestion, la protection et la valorisation de données personnelles », indépendant des GAFAM, qui fait le lien entre les « auteurs de données » (essentiellement les particuliers) et les « consommateurs de données personnelles », à savoir les entreprises et tout organisme. MDiR, qui compte « plusieurs milliers de personnes », redistribue à ces « contributeurs » 50 % des gains engendrés par la valorisation de leurs données. « Nous ne sommes pas vendeur de données mais tiers de confiance. Les données sont pseudonymisées et ne sont identifiées auprès d’une entreprise tierce qu’après un droit d’usage accordé par la personne concernée », explique son président Eric Zeyl à Edition Multimédi@. Il l’assure : cette approche permet à chacun d’être « enfin un acteur éclairé et consentant de l’utilisation de ses données », tandis que les entreprises disposent ainsi de solutions « RGPD by design » pour développer des parcours clients ou prospects « data responsables ». La jeune pousse rocheloise a annoncé miseptembre son rapprochement avec le groupe Doxsa (6).

Brave rémunère en cryptomonnaie
Autre start-up française du « données contre royalties » : Polymate, basée à Bailly Romainvilliers (en région parisienne) et présidée par Armel Satchivi (photo de droite), qui revendique être le « premier réseau social géolocalisé qui rémunère ses utilisateurs ». Alors que YouTube (Google) ou, plus récemment, TikTok (ByteDance) sont des mégaplateformes qui rémunèrent leurs créateurs et influenceurs en fonction d’un grand nombre d’abonnés à « leur chaîne » ou de volume d’heures diffusées sur le réseau social, Polymate monnaye la data géolocalisée de ses utilisateurs devenus d’office « influenceurs ». « Un tag est une vidéo, une image ou un texte, qui a pour particularité d’être géolocalisé et de n’être visible que dans un rayon de 100 mètres autour de son emplacement. Seuls les autres “Polymaters” situés à proximité pourront ainsi voir, commenter et partager les tags, et contacter leurs auteurs », explique Armel Satchivi à Edition Multimédi@. Seuls les autres Polymaters situés à proximité pourront ainsi voir, commenter et partager les tags, et contacter leurs auteurs. Du côté des navigateurs web cette fois, Brave permet aux utilisateurs de récupérer les tokens – des jetons – générés en l’utilisant et d’obtenir ainsi une rémunération pour les publicités dont ils autorisent l’affichage. La start-up Brave Software a été créée il y a cinq ans maintenant par Brendan Eich, qui fut cofondateur de Mozilla (Firefox) et créateur du JavaScript. Aujourd’hui, le navigateur Brave revendique près de 20 millions de « braves » par mois dans le monde (19 millions en octobre précisément, contre 12 millions en mai dernier). « Votre attention est précieuse. Gagnez de l’argent en visualisant des publicités qui respectent la vie privée, puis donnez à votre tour pour soutenir les créateurs de contenu que vous aimez », explique l’éditeur de ce navigateur open source construit à partir de Chromium de Google. Fini les publicités envahissantes en naviguant sur le Web et fini la vente des données confidentielles à des annonceurs, la plupart du temps sans le consentement explicite de l’internaute. « Avec votre ancien navigateur, vous payiez pour naviguer sur le Web de la manière suivante : votre attention était utilisée pour visualiser des publicités », rappelle la start-up californienne (basée à San Francisco). Avec le système «Brave Rewards », l’attention de l’internaute – « le temps de cerveau disponible », diraient certains – est valorisée sous la forme de jetons baptisés « Basic Attention Token » (BAT), « une nouvelle façon de valoriser l’attention en unissant les utilisateurs, les créateurs de contenu et les annonceurs ». Les jetons BAT constituent une cryptomonnaie qui s’appuie sur une plateforme décentralisée publicitaire – Ad Exchange – basée, elle, sur la blockchain open source Ethereum. Une fois inscrit, le navigateur commence à comptabilité « la quantité d’attention » accordée par l’internaute aux sites web qu’il visite. Explication du mode de fonctionnement : « Vous pouvez supprimer les sites (web) que vous ne souhaitez pas soutenir et offrir des pourboires directement à des créateurs. Toutes ces opérations sont anonymes : personne (pas même l’équipe de Brave) ne peut voir qui soutient quel site (web) », assure la plateforme.
En octobre, Brave Software a indiqué avoir reversé à ce jour quelque 12 millions de dollars à des créateurs de contenus (7) et compte plus d’un demi-million de sites web référents certifiés. Et de préciser : « Des publicités privées sont activées par défaut dans Brave Rewards, et cela vous permet de gagner des jetons BAT à chaque fois que vous visualisez une publicité. (…) Vous pouvez contrôler le nombre de publicités privées que vous souhaitez voir et gagner 70 % du revenu de la publicité que nous recevons de nos annonceurs ». C’est un peu comme accumuler des miles aériens, mais au lieu de voler l’utilisateur navigue ! « En échange de votre attention, vous accumulez des jetons pendant votre navigation. (…) Vous pouvez choisir de visualiser des publicités privées une à cinq fois par heure. Vous pouvez bien sûr aussi désactiver les publicités privées à tout moment ».

La Californie prône la « Data Dividend Tax »
En février 2019, le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, a proposé « un “dividende de données” pour partager la richesse générée par les données personnelles avec les utilisateurs qui y ont contribué » (8). Ce projet prône une taxe numérique baptisée Data Dividend Tax (DDT), dont le modèle est présenté dans un rapport écrit par un groupe de travail indépendant. Ce document de 42 pages a été mis à jour le 6 Août dernier (9). Le fait que cet appel soit lancé par l’Etat américain des GAFAM et des Big Tech de la Silicon Valley donne une portée particulière à cette initiative. @

Charles de Laubier

Bernard Tapie se serait bien vu aussi en magnat de la presse française (La Provence, Corse-Matin, …), hélas

L’homme d’affaire et ancien ministre Bernard Tapie, qui est à nouveau devant la justice pénale jusqu’au 18 novembre dans l’affaire « CDR-Tapie » (sauf renvoi du procès), risque aussi de perdre La Provence et Corse- Matin devant la justice commerciale. Cet été, il avait tenté de reprendre La Marseillaise avec Xavier Niel.

(Juste après la parution de cet article dans le n°243 de Edition Multimédi@, le 26 octobre 2020, le procès en appel a été renvoyé au 10 mai 2021, précédé d’une audience le 29 mars)

Bernard Tapie (photo), en faillite personnelle depuis 1994, se bat non seulement contre un double cancer mais aussi pour laver son honneur devant la justice. Malgré la relaxe générale qui avait été prononcée le 9 juillet 2019 par le tribunal correctionnel de Paris dans l’affaire de l’arbitrage « CDR-Tapie » (1), lequel avait abouti en 2008 à lui verser 403 millions d’euros pour régler son litige avec le Crédit Lyonnais, l’homme d’affaires (77 ans) est rejugé. Et ce, à nouveau aux côtés de Stéphane Richard, l’actuel PDG du groupe Orange, qui était à l’époque des faits le directeur de cabinet de la ministre de l’Economie, Christine Lagarde. Car le parquet de Paris avait fait appel de cet arbitrage privé, sur des soupçons de « fraudes », d’ »escroquerie » et « détournement de fonds publics » au détriment de l’Etat. Autrement dit, Bernard Tapie aurait volé le contribuable. Stéphane Richard avait été mis en examen en juin 2013 pour « escroquerie en bande organisée » et à nouveau en mai 2015 pour, cette fois, « complicité de détournement de fonds publics par une personne privée ». Entre ces deux prononcés de mises en examen, Christine Lagarde avait été mise en examen, elle aussi, pour « négligence » mais sans aucune peine, alors que son ex-directeur de cabinet n’a de cesse de clamer depuis son innocence en assurant « n’avoir fait qu’exécuter la décision ministérielle d’aller à l’arbitrage ».

Des affaires à ministre, puis de la politique aux médias
Quinze mois après la relaxe des six prévenus prononcée en faveur de Bernard Tapie, celui-ci doit à nouveau se défendre devant la cour d’appel de Paris des suites politico-financières d’une affaire qui remonte aux années 1990, celle de la revente d’Adidas par le Crédit Lyonnais en 1994 avec une confortable plus-value. L’homme d’affaire, qui avait vendu le fabricant d’articles de sport à l’ex-banque publique l’année précédente, l’accuse de l’avoir floué. Il était alors député national, avant d’être nommé ministre de la Ville par François Mitterrand, puis il deviendra député européen. A l’affaire « Adidas », s’était ajoutée au même moment l’affaire « VA-OM » (corruption dans le football) pour laquelle le président de l’Olympique de Marseille (OM), à l’époque Bernard Tapie, sera déchu de son mandat de député (et purgera six mois de prison ferme), ce qui le détournera à jamais de la politique malgré son éligibilité retrouvée en 2003.

« Nanard », héritier partiel du « papivore »
Après une reconversion personnelle dans le cinéma, le livre, la musique, le théâtre et la télévision (1995-2008), « Nanard » s’était relancé dans les affaires qui l’amèneront fin 2012 à entrer à 50 % dans le capital du Groupe Hersant Média (GHM), lequel possède alors La Provence, Nice- Matin, Var-Matin et Corse-Matin. GHM était le premier groupe de presse de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA). C’est là que Bernard Tapie se sent pousser des ailes dans la presse française, repreneur d’une partie de l’héritage laissé par Robert Hersant, surnommé, dans les années 1970-80, « le papivore ». Son nouveau dada est désormais les médias, malgré ses relations tumultueuses avec les journalistes ; fini la politique. Quoique les deux ont souvent des rapports consanguins… Ce serait Claude Bartolone, alors président de l’Assemblée nationale, qui aurait convaincu le président de la République François Hollande (4) – lequel aurait préféré y voir François Pinault (Le Point) – de laisser Bernard Tapie s’emparer en 2013 d’une partie des journaux PACA cédés par Philippe Hersant. GHM est mort, vive GBT : Groupe Bernard Tapie est devenu l’actionnaire majoritaire, à hauteur de 89 % aujourd’hui, du groupe marseillais éditant La Provence et alors détenteur de la moitié de Corse-Matin. Et ce, grâce à une hypothèque sur son hôtel particulier de la rue des Saints-Pères à Paris (hôtel de Cavoye), qu’il possède depuis 32 ans maintenant (en plus de sa villa Mandala à Saint-Tropez).
Le fils aîné de Bernard Tapie, Stéphane Tapie (demi-frère de Laurent, de Sophie et de Nathalie), a été nommé il y a plus de cinq ans – en février 2015 – à « la direction des activités numériques » du groupe La Provence. Sa mission : « Accélérer les développements web autour des marques La Provence et Corse Matin, notamment en rapprochant plus encore les problématiques internet de celles des journaux », et développer « l’utilisation de la vidéo, comme outil de développement des audiences » (5). Stéphane Tapie (51 ans), qui n’a pas répondu aux questions de Edition Multimédi@, est actionnaire du groupe La Provence depuis six ans maintenant, après avoir été producteur de télévision (6), dont douze ans pour TF1 grâce aux bonnes relations de son père avec l’ancien patron de la chaîne du groupe Bouygues, Patrick Le Lay. Il est par ailleurs gérant de la société Conseil Média Numérique. C’est en 2014 que Stéphane Tapie fait ses premiers pas dans le groupe de son père, en commençant par être administrateur du quotidien insulaire Corse- Matin, dont le Groupe Nice-Matin (GNM) venait de céder à GBT ses parts. Cette même année, le fils de Nanard (7) lance « La Provence TV », au slogan « 100 % vidéo/100 % magazine », avec notamment une émission baptisée « Tapie se met à table ». Mais la chaîne, où le patriarche avait lui-même payé de sa personne en annonçant le 24 mars 2014 son ambition de « transformer La Provence en groupe multimédia », sera rapidement abandonnée (8). Aujourd’hui, Bernard Tapie risque de tout perdre. Le 30 avril dernier, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de ses sociétés, dont GBT et FIBT (9) , qui pourraient être vendues pour payer ses dettes : environ 461 millions d’euros, d’après le SNJ (10). Sentence dont il a fait appel. Ce verdict reste à venir. A cela s’ajoute donc le procès en cours au pénal où il risque sept ans de prison et 375.000 euros d’amende.
Quoi qu’il en soit, la vente du groupe La Provence semble inéluctable. Cet actif de poids, mais déficitaire (pertes de 3 millions d’euros en 2019), pourrait tomber dans l’escarcelle de Xavier Niel qui le détient déjà à hauteur de 11 %, et ce depuis que le groupe belge Nethys lui a vendu au printemps 2019 sa participation dans La Provence. Le milliardaire fondateur de Free – déjà copropriétaire du journal Le Monde depuis novembre 2010, de L’Obs depuis janvier 2014, de France-Antilles depuis mars 2020 et de Paris-Turf depuis juillet 2020 – est en bonne place dans la PQR (11) pour l’emporter. Xavier Niel a en effet pris en début d’année – via sa holding NJJ Presse – le contrôle du groupe Nice-Matin (12) bien implanté dans les Alpes- Maritimes (Nice-Matin, Var-Matin et Monaco-Matin). Tapie et Niel se connaissent bien, et s’apprécient, au point d’avoir voulu racheter ensemble l’été dernier le quotidien historique La Marseillaise dont la société éditrice Les Fédérés avait été placée en liquidation judiciaire le 13 juillet. Mais l’opposition des salariés à ce projet de rachat jugé hostile fut telle que les deux hommes d’affaires ont dû jeter l’éponge le 14 août dernier (13).

Concentration de la presse française
Dans ces circonstances médiatico-judiciaires, Bernard Tapie aura fréquenté de très près les actuels patrons d’Orange et de Free, respectivement Stéphane Richard et Xavier Niel. Ce dernier a comme beau-père Bernard Arnault, propriétaire, lui, du Parisien, des Echos et bientôt de Challenges, tout en étant actionnaire de L’Opinion. L’ancien ministre de la Ville aura ainsi contribué à la concentration de la presse en France. Le site web du quotidien Le Monde et la chaîne de télévision de L’Equipe avait annoncé, respectivement le 31 octobre 2019 et le 28 août 2020, sa mort… Procès, cancers, nécrologies : rien ne lui aura été épargné. L’ancien président de l’OM résiste en jouant les prolongations. @

Charles de Laubier

Les fréquences 5G tout juste vendues en France n’offriront pas encore le très haut débit mobile

La cinquième génération de mobile (5G) existe déjà et n’a pas attendu les enchères des fréquences, dont la vente s’est terminée le 1er octobre avec près de 2,8 milliards d’euros empochés par l’Etat, pour expérimenter les services et contenus susceptibles d’en profiter. En attendant la « vraie 5G »…

Depuis début 2018, l’Arcep tient un guichet « pilotes 5G » qui délivre des autorisations d’utilisation de fréquences 5G, « à titre transitoire et dans la limite de leur disponibilité ». Ces attributions ponctuelles de spectre électromagnétique pour des tests se sont faites dans la bande de fréquences dite des 26 Ghz (« bande pionnière » de la 5G), lesquelles ne sont pas concernées par les enchères qui se sont terminées en France le 1er octobre (rapportant 2,786 milliards d’euros à l’Etat) et qui portaient, elles, sur les fréquences de la bande 3,4 à 3,8 Ghz (« bande coeur » de la 5G).

« Fausse 5G », en attendant les 26 Ghz
Dommage. La bande haute des 26 Ghz, qui sera utilisée bien plus tard en France, offre des fréquences très élevées dites « millimétriques », en référence à leur longueur d’onde courte dans des cellules de petites tailles mais avec des débits très importants. Bien que sensibles aux obstacles, c’est elle qui offrira le vrai très haut débit mobile – voire de l’ultra-haut débit mobile – que tous les opérateurs mobiles nous promettent, alors qu’ils viennent d’acheter des fréquences de la bande moyenne 3,4 à 3,8 Ghz susceptibles de décevoir les mobinautes car elles se limitent à un « compromis » entre la couverture (leur rayonnement) et le débit (leur vitesse). Bref, de la « fausse 5G » ! Pour que le très haut débit mobile soit au rendez-vous et que les mobinautes en aient pour leur argent (1), il sera nécessaire de complétée la « bande cœur » – aux propriétés physiques acceptables et à la quantité de fréquences disponibles – par la « bande pionnière » seule à même de faire un véritable saut technologique. Ce n’est qu’à cette condition que la 5G sera digne de ce nom et donnera sa pleine puissance. Il y a cinq ans la bande basse dite des 700 Mhz a déjà été attribuée fin 2015 aux opérateurs télécoms en France métropolitaine, mais ses débits laissent à désirer. La vraie révolution de la 5G interviendra donc ultérieurement avec cette bande des 26 Ghz, aux débits de données inégalés et aux temps de latence minimale (3). « La bande millimétrique des 26 Ghz doit encore être “nettoyée” car elle est encore utilisée par le ministère de la Défense ou pour des liaisons satellitaires [et des faisceaux hertziens, ndlr]. Son attribution n’est pas encore planifiée à ce jour », précise l’Arcep sur son site web. Or ces fréquences millimétriques n’ont jamais été utilisées pour des réseaux mobiles, jusqu’aux expérimentations menées en situation réelle depuis 2018. Et son incidence éventuelle sur la santé reste encore à étudier de façon approfondie (4). La bande des 26 Ghz est donc encore une terra incognita pour la téléphonie mobile et les smartphones de la cinquième génération. « Quelques services avec de très forts besoins de bandes passantes sont envisagés comme par exemple des services de multimédia augmenté avec multiples prises de vues lors d’événements sportifs ou culturels, ou encore la gestion d’outils industriels dans les usines », illustre le régulateur. A ce jour, d’après son tableau de bord actualisé (5), il existe 103 expérimentations 5G en France, en cours ou achevées, dont neuf de mobilité connecté, neuf autres d’Internet des objets, quatorze de ville intelligente, neuf de télémédecine, seize d’industrie du futur, deux de vidéo en ultra haute définition, deux autres de jeux vidéo, et les vingt-huit restantes d’expérimentations techniques. Paris arrive sans surprise en tête des expérimentations 5G (dix), suivi de Marseille et de Nozay dans l’Essonne (six chacun), puis d’une quarantaine de villes (d’une à quatre expérimentations chacune).
Sur les plateformes d’expérimentation 5G ouvertes – dans la bande 26 Ghz – aux start-up, industriels et autres opérateurs de services, il y a par exemple : Orange à Châtillon qui teste des « expériences multimédias enrichies » en mobilité (streaming vidéo haute résolution 4K/8K, 360°, réalité augmentée, virtuelle ou mixte, cloud gaming, e-sport, …) ; Bouygues Telecom à Vélizy et à Paris qui accueille avec son incubateur « SmartX 5G » des projets de ville intelligente, de réalité virtuelle, de télémédecine ou d’industrie du futur ; SFR (Altice Médias) qui a rediffusé à Paris en temps réel et en UHD des flux de BFM TV et RMC, et, à Nantes, testé avec l’incubateur numérique « La Cantine » la 5G pour l’Internet des objets ; Nokia à Nozay qui fait des tests avec des start-up du « Garage » de drones automatiques piloté en 5G, d’acoustique de concerts ou encore de vidéo 360° en réalité virtuelle.

500 stations-pilotes 5G en 3,5 Ghz
En attendant la « vraie » 5G et son très haut débit boosté aux 26 Ghz, la France a déjà déployé 500 antennes de « fausse » 5G. Selon l’ANFR, au 1er septembre (6), ce sont 483 stations 5G expérimentales dans la bande des 3,5 Ghz qui sont autorisées en métropole, réparties entre Orange (353 d’entre elles), Bouygues Telecom (67), SFR (54) et Free (9), auxquelles s’ajoutent 17 stations 5G à La Réunion. @

Charles de Laubier

Pierre Louette devient président de l’Alliance de la presse d’information générale (Apig) pour tenir tête aux GAFA

L’Alliance de la presse d’information générale (Apig), qui réunit depuis deux ans « la presse quotidienne et assimilée » en France, a un nouveau président : Pierre Louette, PDG du pôle médias de LVMH et ex-dirigeant d’Orange. Et ce, au moment où le bras de fer « presse-GAFA » est à une étape historique, sur fond de crises.

C’est le 8 octobre, lors de l’assemblée générale de l’Alliance de la presse d’information générale (Apig), que Pierre Louette (photo) – PDG du groupe Les Echos-Le Parisien (pôle médias de LVMH) et ancien directeur général délégué d’Orange – en est devenu président. Sa désignation, sans surprise, et pour un mandat de deux ans, était attendue, étant le seul candidat pour succéder à Jean-Michel Baylet (1) à la tête de cette alliance créée il y a deux ans (2) par les quatre syndicats historiques de « la presse quotidienne et assimilée » : SPQN (3), SPQR (4), SPQD (5) et SPHR (6), soit un total de 300 journaux d’information politique et générale. Coïncidence du calendrier : c’est aussi le 8 octobre que la Cour d’appel de Paris a donné raison à l’Autorité de la concurrence qui, en avril dernier, avait enjoint Google « dans un délai de trois mois, de conduire des négociations de bonne foi avec les éditeurs et agences de presse sur la rémunération de la reprise de leurs contenus protégés ». Selon le gendarme de la concurrence, un médiateur pourrait être désigné, mais Google a dit le 7 octobre qu’il était disposé à un accord. La nomination de Pierre Louette à la présidence de l’Apig intervient aussi au pire moment pour la presse française, qui traverse une crise structurelle qui perdure depuis les années 1990 : généralisation d’Internet, érosion du lectorat papier, baisse des recettes publicitaires, sous-capitalisation, concentration aux mains d’industriels, …

La presse française est sinistrée voire en faillite
Les journaux sont en plus confrontés à une crise conjoncturelle aigüe provoquée par la pandémie du coronavirus, dont la deuxième vague augure le pire : fermeture des kiosques mis en difficulté depuis le confinement, baisse du nombre des kiosquiers justement, faillite de la distribution des journaux imprimés, … La presse est donc sinistrée, sinon en faillite. Pas sûr que le total des 483 millions d’euros d’aides supplémentaires accordés par le chef de l’Etat – lequel avait reçu le 27 août à l’Elysée « une délégation » de l’Apig – sorte la presse française de l’ornière, secteur qui touche déjà plus de 800 millions d’euros par an d’aides d’Etat. Environ 22 % de ce demi-milliard supplémentaire ont déjà été budgétés fin juillet dans les « mesures d’urgence », notamment par un crédit d’impôt de 30 % pour les abonnements à un journal d’information politique et générale (8), et les 78 % à venir seront étalés sur deux ans – « jusqu’en 2022 » – pour notamment, dit le gouvernement, « accompagner les transitions écologique et numérique du secteur ».

En plus des 800 M€ d’aides d’Etat annuelles
Une partie de la rallonge de 483 millions d’euros passera par le ministère de la Culture et son Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP), dont « les crédits seront fortement augmentés pour un total de 50 millions d’euros » (contre 16,5 millions de dotation initiale), ainsi que par un plan de transformation des imprimeries à hauteur de 18 millions d’euros par an. En outre, « une aide pérenne sera instaurée en faveur des services de presse en ligne d’information politique et générale, à hauteur de 4 millions d’euros par an », avait précisé le trio Macron-Le Maire-Bachelot (9). Dans la foulée de ce plan de secours additionnel sans précédent en faveur de la presse française – donc en plus de presque 1milliard d’euros d’aides d’Etat annuelles –, le président de la République a promis à la filière en souffrance que « l’Etat continuera de s’engager, au niveau national comme au niveau européen, pour la bonne application du droit voisin des éditeurs de presse et pour une meilleure régulation du marché de la publicité en ligne ».
Cela fera un an fin octobre qu’entrait en vigueur la loi française instaurant un droit voisin au profit des éditeurs de presse et des agences de presse (10). Avec ce premier texte législatif, la France ne manque pas une occasion de revendiquer être le premier pays des Vingt-sept à avoir transposé dans son droit national la directive européenne « sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique » (11). Elle prévoit des négociations entre, d’une part, les éditeurs et agences de presse qui peuvent autoriser ou interdire la reprise de leurs contenus, et, d’autre part, les plateformes numériques, en vue d’un « partage de la valeur ». Mais aussitôt que les discussions se sont ouvertes entre l’Apig et Google en France, aussitôt elles se sont soldées par un échec. Sur ses moteurs de recherche (dont Google Actualités), le géant du Net veut remplacer les snippets (vignettes) affichant extrait, photo ou vidéo – pour les journaux qui n’acceptent pas la gratuité de cet aperçu – par quelques mots seulement. Les éditeurs français, eux, accusent Google de vouloir contourner l’esprit de la loi en ne voulant pas tous les rémunérer. Le point de blocage est là. Saisie en novembre 2019 par l’Apig, le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM) et l’Agence France-Presse (AFP), l’Autorité de la concurrence avait le 9 avril dernier ordonné à Google (12) de négocier « dans un délai de trois mois » avec la presse généraliste. Google avait fait appel pour tenter d’annuler cette décision, sans que ce recours ait été suspensif du compte à rebours. Mais, à fin juilletdébut août, les nouvelles négociations n’ont pas eu plus de succès que les précédentes. En conséquence, début septembre, l’Apig, le SEPM puis l’AFP ont annoncé avoir chacun ressaisi le gendarme de la concurrence pour « non-respect de l’injonction ». « Google n’a pas négocié de bonne foi [et] nous a proposé une extension des discussions, ce qu’on a refusé car celles-ci ont tourné en rond », a affirmé Fabrice Fries, PDG de l’AFP… dans une dépêche AFP. La balle est à nouveau dans les mains de l’Autorité de la concurrence, confortée par l’arrêt du 8 octobre qui condamne en plus Google « aux dépens et à payer » 60.000 euros répartis entre l’Apig, le SEPM et l’AFP.
Qu’il est loin le temps où une précédente association de la presse généraliste, l’AIPG (13), pactisait avec Google en signant en grande pompe le 1er février 2013 à l’Elysée – avec François Hollande – un accord pour créer en France un « fonds pour l’innovation numérique de la presse » (Finp) doté de seulement 60 millions d’euros sur trois ans. Une aumône (14). Le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil) en critiqua la portée (15). Le « Digital News Initiative » (DNI) qui prit la suite du Finp, au niveau européen cette fois mais pour seulement 150 millions d’euros étalés sur trois ans (16), ne fit guère fait mieux. Parallèlement au dialogue de sourds de cet été, l’Apig annonçait le 30 juillet avec VG Media, la puissante société allemande de gestion collective des droits d’auteur et les droits voisins des médias outre-Rhin (télévision, radio, presse, numérique), la cocréation d’« une nouvelle société de gestion collective, ouverte à tous les éditeurs de presse européens ». Ce projet franco-allemand a été salué par Emmanuel Macron. Pas de quoi, semble-t-il, impressionner Google qui continue de raisonner mondialement malgré les exigences locales des éditeurs de presse en France, en Allemagne ou encore en Australie.

Google, Apple et Facebook ont « mauvaise presse »
Le PDG de Google (depuis plus de cinq ans), Sundar Pichai, qui est aussi le PDG de la maison mère Alphabet (depuis près d’un an), a mis sur la table le 1er octobre 1 milliard de dollars pour nouer des partenariats avec des éditeurs de journaux du monde entier. « Cet engagement financier, notre plus important à ce jour (17), permettra aux éditeurs de créer et de sélectionner du contenu de haute qualité (…). Google News Showcase [« Vitrine d’actualités », ndlr] est un nouveau produit qui bénéficiera à la fois aux éditeurs et aux lecteurs », a-t-il lancé sur son blog (18). Quelques journaux en Europe, tels que les allemands Der Spiegel, Stern, Die Zeit et le Handelsblatt, ou des britanniques, ont déjà signé ce nouveau partenariat aux côtés de 200 autres publications dans le monde. Sur un autre terrain, l’Apig se bat – avec d’autres organisations d’éditeurs de presse en Europe – contre Apple et ses 30 % de commission (19) que les éditeurs de presse jugent « excessivement élevé, inéquitable et discriminatoire ». Prochaine cible : Facebook, comme en Australie. @

Charles de Laubier

Légère hausse du tarif du dégroupage : l’Arcep ne voulait pas de « rente temporaire au profit d’Orange »

Pour tenter d’inciter les Français à basculer du réseau ADSL/VDSL2 (cuivre) vers le réseau FTTH (fibre), le régulateur propose d’augmenter le tarif du dégroupage total que facture Orange – soit 1,1 milliard d’euros en 2019 – aux autres opérateurs télécoms qui louent la boucle locale téléphonique. Mais pas trop…