A propos Charles de Laubier

Rédacteur en chef de Edition Multimédi@, directeur de la publication.

A bientôt 35 ans, la radio Skyrock fondée par Pierre Bellanger veut devenir l’ « écosystème » des jeunes

Première radio des moins de 25 ans et deuxième radio musicale en France, Skyrock surfe plus que jamais sur la « musique urbaine » (rap, hip-hop, R’n’B, …) qui domine le marché français de la musique. Son fondateur Pierre Bellanger poursuit sa diversification pour en faire un écosystème numérique.

Skyrock aura 35 ans en mars prochain. L’ancienne radio libre fondée par Pierre Bellanger (photo) est devenue un groupe qui se présente aujourd’hui comme « un écosystème média et numérique », selon sa propre expression. Première radio des moins de 25 ans, deuxième radio musicale et quatrième radio privée en France, Skyrock affiche 6 % d’audience cumulée, soit plus de 3,2 millions d’auditeurs chaque jour, d’après la dernière mesure en date de Médiamétrie (1). Ses émissions-vedettes « Planète Rap » de Fred et « La Radio Libre » de Difool la propulsent même en soirée en tête des radios musicales au niveau national, en plus d’être la première radio musicale en Ile-de-France. Skyrock ne se limite cependant pas à la diffusion par voie hertzienne. La radio-phare de Pierre Bellanger se décline aussi en une quinzaine de webradios, des « mobiradios » comme il dit, qui s’écoutent dans l’application « Skyrock » (sur terminaux Android, iOS et Xbox One). Parmi les plus écoutés : « Skyrock 100 % français », « Skyrock Klassiks », « Skyrock PLM » (pour les militaires) ou encore « Skyrock Urban music non-stop ». Ensemble, en y intégrant les mobiradios d’Alger, d’Abidjan, de Casablanca et de Tunis, elles occupent la huitième place des radios digitales et webradios en France, avec plus de 8,9 millions d’écoutes actives par mois, dont 1,2 million provenant d’auditeurs situés en dehors de l’Hexagone, d’après les derniers chiffres de l’ex-OJD (2).

Skyrock Klassiks devient radio nationale en DAB+
L’une de ces mobiradios, Skyrock Klassiks – une sorte de « Nostalgie » du rap – va devenir cette année une radio hertzienne, étant la vingt-cinquième radio à avoir été autorisée le 20 janvier par le CSA pour être diffusée numériquement sur potentiellement tout le territoire national. « Skyrock Klassiks est une seconde radio nationale de notre groupe qui démarre en DAB+ à la mi-juillet sur l’axe Paris-Lyon-Marseille », indique Pierre Bellanger, PDG de Skyrock, à Edition Multimédi@. Skyrock Klassiks sera diffusée à terme sur tout l’Hexagone et les grands axes routiers aux côtés de la radio historique du groupe et des vingt-trois autres radios autorisées en DAB+ au niveau national telles que des musicales comme NRJ ou Fip et des généralistes comme RTL ou RMC (3).

Skred Visio en vue en 2021
Comme elles, la nouvelle « station » Skyrock Klassiks bénéficiera de la qualité de son numérique sans parasites et d’une grande fluidité d’écoute en mobilité comme en voiture. C’est ce qui caractérise la norme européenne Digital Audio Broadcasting. Pour l’instant, Skyrock est présent partout sur la FM en France mais seulement en DAB+ sur quelques villes seulement : Lyon, Marseille ou Nice pour l’instant. La « TNT » de la radio (4) s’est, depuis 2014, déployée progressivement en France, principalement dans des villes et en régions.
Skyrock Klassiks dépend de la SARL Palmyra et non de la SA Vortex comme Skyrock, laquelle a vu son chiffre d’affaire progresser l’an dernier par rapport aux 23,9 millions d’euros de 2019. Ces deux sociétés sont placées sous le contrôle de Pierre Bellanger via la holding Nakama. « Nakama est détenue à 77,4 % par Sammas et 22,6 % par RMF Holding [fonds de placement du Crédit Agricole via Delfinances, ndlr]. Sammas est détenue à 34,9 % par moi-même, 16,1 % par Solidus, 49 % par RMF Holding. Je suis majoritaire dans Solidus », nous détaillet- il. Ardian (ex-Axa Private Equity), qui était encore il y a dix ans majoritaire au capital de Skyrock (via Nakama et feu Orbus), a cédé à Samma le solde de ses parts en 2018 (5). Pionnier des radios libres, Pierre Bellanger l’est aussi dans les services en ligne. En 1985, il a créé Vortex (avec Filipacchi Médias comme actionnaire jusqu’en 1999) pour lancer le 21 mars 1986 – il y a 35 ans – Skyrock à la place de sa toute première radio La Voix du Lézard (ex- Radio Cité Future). La même année, il fonde Telefun pour éditer d’abord des services Minitel. Ce fut l’époque de la messagerie rose « 3615 Géraldine » (une passion partagée avec le fondateur de Free Xavier Niel), mais aussi des services téléphoniques sur le kiosque téléphonique surtaxé Audiotel, puis sur SMS+. Pierre Bellanger édite aussi des services Internet avec France Télécom.
A la fin des années 1990, il lance via Telefun les sites web Skyrock.com et Tasante.com. Et c’est en décembre 2002 qu’il devient un pionnier des réseaux sociaux avec le lancement de Skyblog.com qui sera une plateforme de blogs très active, avec réseau d’« amis » – deux ans avant Facebook ! –, chats en mode Internet Relay Chat (IRC) et messageries instantanées. Cependant, il y a quinze ans, le groupe audiovisuel britannique BSkyB l’oblige à abandonner la marque Skyblog. La plateforme de blogs intègre alors le site web Skyrock.com, devenant ainsi un réseau social, tandis que le site de la radio devient Skyrock.fm. A la fin des années 2000, il se revendique comme « le 7e réseau social mondial ». Telefun est aujourd’hui détenue à 100 % par Pierre Bellanger via la holding Cascadia et est en cours de sortie d’une procédure de sauvegarde (6). Skyrock s’est aussi lancé dans la vidéo, avec notamment son émission mythique « Planète Rap » qui totalise sur sa chaîne YouTube 24 millions de vues depuis sa mise en ligne en 2015. « Skyrock est la première chaîne média de YouTube », affirme le groupe de la rue de Greneta (Paris). La holding de Telefun, Cascadia, contrôle la filiale « France en ligne », qui exploite Shred, la régie publicitaire Springbird et Advestor.
C’est que Pierre Bellanger (62 ans), passionné de numérique, rêve depuis longtemps de se faire une petite place entre les GAFAM. En 2017, il lance l’application sur mobile Skred, présentée comme « la première messagerie mondiale sécurisée d’origine européenne », qui revendique aujourd’hui 9 millions d’utilisateurs. Gratuite et « sans aucune trace », ils peuvent échanger par messages, voix et vidéo sans s’inquiéter pour leur vie privée. Pierre Bellanger a même vanté – sur France Info le 16 janvier – les mérites de Skred face aux inquiétudes et rumeurs qui ont impacté en début d’année WhatsApp (filiale de Facebook). D’autant que Skred fonctionne en mode peer-to-peer et non de façon centralisée. « Nous n’avons pas de serveur intermédiaire et, donc, nous ne récupérons pas et nous n’utilisons pas les données des utilisateurs », a-t-il assuré (7). « Skred a un nouvel utilisateur toutes les six secondes depuis plus d’un an, comment savoir si cette polémique y contribue ? Probablement très marginalement », nous confie-t-il. Dans la même veine du « zéro data », le fondateur de Skyrock prépare le lancement d’un service de visioconférence fonctionnant aussi en pair-à-pair pour offrir une alternative aux Zoom, Teams (Microsoft) et autres Meet (Google). « Skred Visio prendra son envol courant 2021 avec notre écosystème “French Tech” habituel », nous précise-t-il.

Des oreilles au portefeuille
Pour parfaire son écosystème des jeunes, Pierre Bellanger a lancé le 14 décembre dernier un service de paiement sécurisé et d’achats groupés baptisé Yax. Opéré par la fintech française Lyf Pay, ce service gratuit est intégré aux applications mobiles de Skyrock, sous iOS et Android. Yax permet d’envoyer et de demander de l’argent à un contact, de créer une cagnotte et de participer à des achats groupés (contre des réductions de prix). « C’est un succès au-dessus de nos attentes ; le modèle fonctionne. Nous avons vendu, par exemple, 200 PS5 en moins de 40 secondes », se félicite Pierre Bellanger. Les auditeurs en ont aussi pour leur argent. @

Charles de Laubier

Le livre ne tournera jamais la page du papier, mais il se dématérialise de plus en plus en ebook et audio

Le livre, ce sont les lecteurs qui en parlent le mieux : 25 % des Français ont déjà lu un livre numérique (+ 15 points sur un an) et 15 % ont déjà écouté un livre audio (+ 4 points). Contrairement aux apparences, l’industrie du livre n’est pas figée sur le livre imprimé. Les pages se dématérialisent.

Les périodes de confinement ont accéléré la dématérialisation de la lecture. Les Français lisent de plus en plus de livres numériques et/ou de livres audio. C’est, en creux, le grand enseignement du baromètre des usages du livre numérique et depuis que cette enquête annuelle a été créée en 2012, coordonnée par les auteurs au sein notamment de la Société des gens de lettres (SGDL) et les éditeurs via le Syndicat national de l’édition (SNE), associés au sein de la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (Sofia), organisme de gestion collective dédié au livre dirigé par Geoffroy Pelletier (photo).

Le confinement booste le livre hors-papier
Le chiffre d’affaires estimé de l’édition en France aurait accusé un recul de 2 % sur l’année 2020, à 2,7 milliards d’euros, mais c’est sans compter le livre numérique faute de chiffres. Or la lecture sur supports numériques (ebook et audio) progresse plus que jamais. Mais lors de ses vœux le 7 janvier dernier, le président du SNE, Vincent Montagne, n’a pas non plus livré de prévisions sur le marché de l’édition numérique. Pour mémoire, en 2019, celui-ci a généré en France un chiffre d’affaires de 232,3 millions d’euros (tous supports et toutes catégories éditoriales confondus), en progression de 9,2 % sur un an. Gageons que les deux périodes de confinement ont favorisé l’édition numérique, au détriment des livres imprimés quelque peu pénalisés par les fermetures des librairies. Force est cependant de constater que le sondage exclusif « Les Français et la lecture pendant les confinements », réalisé par l’institut Odoxa et dévoilé par le SNE lors de ses vœux, fait l’impasse sur les livres dématérialisés (à lire ou à écouter). Les résultats montrent qu’un tiers des Français (33 %) s’est mis à « lire davantage » sans qu’il soit précisé sous quel format. Ce sondage aux réponses suggérées en profite au passage pour opposer lectures et Internet : « Les Français ont surtout lu pour lutter contre l’ennui (43 %) mais aussi pour se déconnecter de l’actualité (33 %) et passer moins de temps sur les réseaux sociaux (31 %). Les 25-34 ans ont, quant à eux, d’abord vu dans la lecture un moyen d’‘’éviter de naviguer sur Internet” (31 %) ». Ce qui fait dire à Vincent Montagne (PDG de Média-Participations) ceci : « Face aux incertitudes et à la surconsommation anxiogène d’Internet et des réseaux sociaux, le livre est plébiscité par le public, notamment par les plus jeunes, comme un véritable antidote ». Or chacun sait que livres et réseaux sociaux sont complémentaires, et rien ne justifie de sanctifier la lecture et de vouer aux gémonies l’Internet. Si les jeunes de moins de 25 ans se sont mis à lire le plus pendant les deux périodes de confinement de l’an dernier (42 % d’entre eux, contre seulement 27 % pour les plus de 65 ans), ce n’est pas pour autant pour se détourner de leurs réseaux sociaux favoris. Il n’y a pas le bien d’un côté (le livre) et le mal de l’autre (Internet) ! Ce serait trop simpliste… De ce point de vue, la manière dont a été téléguidé ce sondage Odoxa pour le SNE déçoit (1). Et le fait qu’aucune référence aux livres numériques et aux livres audio ne soit faite est une occasion manquée. Heureusement que le baromètre du livre numérique de la Sofia vient nous éclairer sur ces nouveaux usages. D’autant que dans son édition spéciale « confinement », trois points forts se dégagent : une augmentation des pratiques de lecture, une diversification des supports utilisés, et un lectorat numérique qui s’est rajeuni. La grande tendance du #restezchezvous de l’an dernier a été « une forte progression des lecteurs de livres numériques et d’auditeurs de livres audios numériques ». Ainsi, pendant les confinements et sur les 52,8 millions de Français de plus de 15 ans, 35 % d’entre eux – 18,5 millions d’e-lecteurs tout de même – ont lu un livre numérique (+15 points par rapport à janvier 2020) et ils sont 15 % – 8 millions de personnes – à avoir écouté un livre audio numérique (+ 4 points sur un an). Même les auditeurs de livres audio physiques (sur CD pour la plupart) ont leur public : 18 %, soit 9,3 millions de Français (voir graphique en page précédente). Autre constat : une partie de ceux qui lisent des livres imprimés utilisent d’autres supports pour lire (livres numériques, audio numériques, audio physiques). Il est fort probable que cette « duplication » des supports de lecture s’accentue avec le temps, au fur et à mesure de l’appropriation des nouveaux moyens de lecture et/ou d’écoute (voir graphique ci-dessous). Cette diversification éditoriale rend obsolètes dans l’édition les frontières entre l’imprimé, les écrans et les écouteurs. En outre, « les lecteurs de livres numériques et les auditeurs de livres audio ont été, sans surprise, particulièrement consommateurs de médias pendant le confinement, nettement plus que les lecteurs de livres imprimés », souligne en outre le baromètre « Sofia » (2).
A noter que le SNE a les plus grandes difficultés à obtenir auprès de ses 720 éditeurs adhérents des chiffres sur les ventes de livres dématérialisés. C’est regrettable. Pire : l’an dernier, le syndicat n’a reçu les réponses que d’une douzaine d’éditeurs pour le segment en pleine croissance des livres audio. D’autant que « le taux d’équipement des Français en appareils numériques et enceintes connectées est en augmentation ; le format dématérialisé (MP3) permet une écoute en situation de mobilité ou de pluriactivité ; la clientèle la plus jeune est de plus en plus attirée par des contenus audios (podcasts, vidéos) », relève d’ailleurs le SNE dans le bilan 2019 du marché français de l’édition publié en octobre dernier (3). Ce syndicat fait remarquer que « de plus en plus d’acteurs proposent des offres d’accès aux livres audios dématérialisés, qu’il s’agisse des librairies numériques spécialisées en livres lus ou des plateformes mises en place par les GAFAM et les grandes enseignes culturelles, d’applications de lecture en streaming, de partenariats noués avec des opérateurs de téléphonie ou de synergies activées au sein de groupes de médias ». La dématérialisation du livre est inéluctable et les confinements accélèrent donc la tendance. L’année 2020 marquera un tournant dans la pratique de la lecture, où les yeux ne sont plus les seuls sollicités : les oreilles font leur entrée dans l’industrie de l’édition numérique. Le sacro-saint livre imprimé, broché, n’est plus roi.

Vers une loi « Economie du livre »
L’année 2021, elle, marquera par ailleurs les dix ans de la loi du 26 mai 2011 instaurant le prix du livre numérique. Ce sera aussi les quarante ans de la loi « Lang » du 10 août 1981 instaurant quant à elle le prix unique du livre. Pour à nouveau légiférer dans un secteur mis à mal par le coronavirus, une proposition de loi aux allures d’« anti-Amazon », mais pas que, a été déposée le 21 décembre dernier au Sénat (4). « La vente à distance de livres est en croissance depuis plus d’une décennie, notamment en raison de l’essor d’Amazon, qui capte environ 11 % du marché du livre, et d’autres entreprises telles que la Fnac », constate la sénatrice (LR) Laure Darcos, auteure de cette proposition de loi destinée « à améliorer l’économie du livre et à renforcer l’équité entre ses acteurs ». Elle suggère notamment que les ministres de la Culture et de l’Economie puissent fixer par arrêté conjoint – sur proposition de l’Arcep – « un montant minimum de tarification des frais de livraison [et non plus à 0,1 centime d’euros comme le pratique Amazon, ndlr], que tous les détaillants devront respecter ». Près de dix ans après la loi instaurant le prix du livre numérique, ce texte législatif ne dit mot sur les ebooks. @

Charles de Laubier

Joe Biden (78 ans), 46e président des Etats-Unis, pourrait être celui qui mettra au pas les GAFA

Donald Trump est mort, vive Joe Biden ! A 78 ans, l’ancien vice-président de Barack Obama (2009-2017) et ancien sénateur du Delaware (1973-2009) a été investi 46e président des Etats-Unis le 20 janvier. Membre du Parti démocrate depuis 1969, Joseph Robinette Biden Junior est attendu au tournant par les Big Tech et la Silicon Valley.

Joe Biden (photo) et Kamala Harris ont donc prêté serment le 20 janvier 2021 en tant que respectivement président et vice-présidente des Etats-Unis. Battu de justesse et ayant eu du mal à admettre sa défaite, Donald Trump a boudé la cérémonie. Maintenant, la fête est finie et le 46e président des Etats-Unis se retrouve avec une pile de dossiers à traiter dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche, sa résidence officielle jusqu’en janvier 2025 – son mandat étant de quatre ans, sauf décès ou destitution, renouvelable une fois. Située plutôt en haut de la pile des urgences se trouve la régulation de l’Internet, tant les problèmes se sont accumulés sous l’administration Trump : les enquêtes antitrust lancées à l’encontre des GAFA menacés de démantèlement pour en finir avec les abus de positions dominantes dans l’économie numérique et le e-commerce ; la protection des données personnelles en ligne et de la vie privée numérique, notamment mises à mal par les réseaux sociaux ; l’explosion des contenus controversés voire illicites sur Internet tels que publicités politiques, cyberhaine, cyberviolence ou encore désinformation ; la liste noire d’une dizaine d’entreprises technologiques chinoises devenues indésirables aux yeux de son prédécesseur sur le sol américain ; l’augmentation envisagée des droits de douanes sur des produits provenant des pays, dont la France, instaurant des taxes « GAFA ».

Biden et Trump, bonnet blanc et blanc bonnet ?
Ainsi, Joe Biden hérite d’au moins une demi-douzaine de problématiques digitales qui marqueront son mandat présidentiel. Ce à quoi s’ajoutent d’autres préoccupations des Big Tech depuis l’administration Trump : les décrets limitant les visas américains pour les salariés étrangers diplômés qui souhaiteraient travailler aux Etats-Unis, Silicon Valley comprise ; la neutralité de l’Internet annulée en 2018 par la FCC (1), laquelle décision fut confortée par un jugement mais laissant le dernier mot aux Etats fédérés (2) (*) (**). Plus globalement, le président démocrate est réputé plus favorable au renforcement du pouvoir fédéral, voire à un renforcement des lois antitrust que l’ancien président républicain. Ce dernier aspirait à moins de réglementation. Biden rime avec « plus de concurrence ». Alors que Trump rimait plus avec « positions dominantes ». Mais que l’on ne s’y trompe pas : Biden pourrait faire vis-à-vis des Big Tech dans le « Je t’aime… moi non plus » (3), et même nommer un « Monsieur antitrust » à la Maison-Blanche (4). De nombreuses Big Tech ont d’emblée misé sur le nouveau président en cofinançant ses cérémonies d’investiture, la plupart virtualisée en raison des risques de pandémie et d’émeutes. Le comité d’organisation mentionne comme donateurs : Google (Alphabet), Amazon, Microsoft, Verizon, Comcast (maison mère de NBC Universal), Qualcomm, Uber ou encore Yelp, ainsi que parmi les quelque 5.000 supporteurs Boeing. Mais qui trop embrasse mal étreint…

Antitrust, ePrivacy, data, fake news, …
La nouvelle administration « Biden » a maintenant les coudées franches pour légiférer autour d’Internet et du e-commerce dans la mesure où les démocrates américains ont la majorité à la Chambre des représentants et au Sénat.
Sur le front « antitrust », les GAFA ne s’attendent à aucun revirement politique à leur égard. Les enquêtes lancées l’an dernier par le pouvoir fédéral américain – notamment du ministère de la Justice, ou DoJ (5) – vont se poursuivre sous la houlette de son nouveau ministre, Merrick Garland, dans le but d’essayer de mettre un terme aux pratiques anticoncurrentielles des géants du numérique surnommés les « winner-take-all ». Google (Alphabet) répond déjà devant la justice américaine depuis octobre dernier à propos de son moteur de recherche monopolistique (6). Le DoJ pourrait demander aussi des comptes à Apple, contesté pour ses pratiques sur son écosystème App Store, ainsi qu’à Facebook. Le réseau social de Mark Zuckerberg est déjà dans le collimateur du gendarme américain de la concurrence, la FTC (7), laquelle se mord les doigts d’avoir laissé Facebook racheter en 2012 Instagram et en 2014 WhatsApp (8) Les auteurs parlementaires du rapport du groupe spécial antitrust de la commission des Affaires judiciaires de la Chambre des représentants des Etats-Unis, publié le 6 octobre dernier (9), a appelé le Congrès américain à légiférer rapidement, sans attendre des années de procès. Depuis ce pavé dans la mare des GAFA, des Etats américains se sont coalisés pour poursuivre en justice Google et Facebook (10).
Sur le front « ePrivacy », les Etats-Unis ont pris conscience de l’importance de la protection des données personnelles en ligne et de la vie privée numérique, notamment mises à mal par Facebook avec l’affaire retentissante « Cambridge Analytica » qui a valu à la firme de « Zuck » 5milliards de dollars d’amende infligés en juillet 2019 par la FTC. Ce scandale avait porté sur l’utilisation illégale de 50 millions de comptes de Facebook aux Etats-Unis pour influencer en 2016 l’élection présidentielle américaine (11). Joe Biden pourrait s’inspirer du règlement européen sur la protection des données (RGPD), en vigueur depuis mai 2018, pour pousser une loi fédérale de même portée, alors que le « California Consumer Privacy Act » l’est depuis juin de la même année. La vice-présidente des Etats- Unis, Kamala Harris (première femme et première noire à occuper ce poste), pourrait accélérer dans cette voie, elle qui fut sénatrice et procureure de Californie, la Mecque des Big Tech et des start-up. Elle est même proche familialement du directeur juridique d’Uber. Mais Washington et Silicon Valley ne font pas bon ménage sur cette question.
Sur le front « fake news », la question de la régulation de l’Internet se pose d’autant plus que la cyberhaine déversée lors de la dernière campagne présidentielle, suivie des émeutes mortelles des partisans de Donald Trump le 6 janvier au Capitole, a laissé des traces profondes dans l’opinion américaine et internationale.
Les publicités politiques financées, puis interdites, sur les réseaux sociaux et la guerre de la désinformation (fake news) ont porté atteinte aux valeurs démocratiques. Joe Biden a déjà fait savoir qu’il allait réviser la section 230 du « Communications Decency Act » de 1996, lequel accorde une « immunité » judiciaire aux plateformes numériques quant aux contenus mis en ligne par leurs utilisateurs. Mais ce bouclier (12) est aujourd’hui contesté car les médias sociaux ne sont plus seulement hébergeurs. Facebook, Twitter et autres Google ont joué tant bien que mal les « modérateurs », supprimant des contenus qui n’auraient pas dû l’être, ou inversement avec la cyberviolence ou des contenus d’extrême droite ou complotistes.

… Huawei, TikTok, Xiaomi, taxes GAFA
Sur le front « Chine », une dizaine d’entreprises technologiques chinoises – à commencer par Huwei, le numéro un mondial des réseaux 5G, mais aussi ZTE – ont été placées sur une liste noire, accusées sans preuve de cyberespionnage et d’atteinte à la sécurité nationale du pays, le tout sur fond de bras de fer commercial sinoétatsunien. L’été dernier, Donald Trump avait signé des « Executive Order » pour interdire TikTok et WeChat aux Etats-Unis, sauf à être cédées par leur maison mère respectives, ByteDance et Tencent. A six jours de la fin du mandat, l’ancien président Trump a rajouté Xiaomi, devenu troisième fabricant mondial de smartphones devant Apple, à sa liste des chinois indésirables. Joe Biden, lui, enterra-t-il la hache de guerre pour fumer le calumet de la paix avec la Chine ?
Sur le front « taxe GAFA », la taxe que Paris a appliquée en 2019 aux grandes plateformes numériques – d’où son surnom de « taxe GAFA » – avait amené les Etats-Unis à envisager des représailles via une hausse des droits de douanes sur certains produits français. Or le 8 janvier dernier, le gouvernement fédéral américain a suspendu ce projet, le temps d’examiner les taxes GAFA similaires dans une dizaine d’autres pays (Grande-Bretagne, Italie, Inde, …). La future secrétaire au Trésor américain, Janet Yellen, s’est dite le 19 janvier plutôt favorable à une telle taxe pour « percevoir une juste part » des géants du Net. Avec Joe Biden, les Etats-Unis changent de pied. @

Charles de Laubier

Europe : les plateformes numériques visées sont préoccupées par le projet de régulation du Net

Les GAFAM sont les premiers concernés par les deux textes législatifs proposés le 15 décembre 2020 par la Commission européenne. Un mois après la publication de ce « paquet numérique » (Digital Services Act et Digital Markets Act), Edition Multimédi@ revient sur les réactions des acteurs du Net.

« Le diable sera dans les détails », a lancé Siada El Ramly (photo), directrice générale de Dot Europe (ex-Edima), lobby des GAFAM et d’autres. De son côté, Christian Borggreen, directeur de la CCIA Europe, où l’on retrouve aussi les géants du Net, dit en substance : « La réglementation numérique ne doit pas empêcher l’innovation numérique ». Tandis que DigitalEurope (ex-Eicta), également porte-voix de la high-tech dirigé par Cecilia Bonefeld-Dahl, estime que tout est question d’« équilibre entre la protection des droits fondamentaux et la prévention des activités illégales et nuisibles en ligne ».

Régime de responsabilité limitée en question
La présentation des projets de loi Digital Services Act (DSA) et Digital Markets Act (DMA) par la Commission européenne le 15 décembre dernier n’a pas laissé les Big Tech indifférentes. Lors d’un séminaire en ligne organisé le 17 décembre dernier par Dot Europe, sa directrice Siada El Ramly a prévenu : « Si elle est élaborée et mise en œuvre de la bonne façon, la loi sur les services numériques – le DSA – pourrait offrir un cadre plus robuste pour la modération du contenu en ligne. Il reste cependant beaucoup de détails à régler et le processus en est encore à un stade précoce ». Et la directrice de Dot Europe basée à Bruxelles de rappeler : « Il existe déjà une législation sur le contenu en ligne au niveau national et européen et il sera crucial que le DSA travaille de manière cohérente avec toutes les règles déjà en place. Les principes de la directive (européenne) sur le commerce électronique demeurent une base solide et importante pour l’élaboration de futures règles et nous devrions nous appuyer sur ses fondements avec la loi sur les services numériques ». Entrée en vigueur il y a vingt ans maintenant, la fameuse directive dite « E-commerce » assure aux plateformes numériques et aux réseaux sociaux un statut protecteur d’hébergeur qui leur accorde une responsabilité limitée dans les contenus stockés, partagés et/ou diffusés par leurs millions d’utilisateurs. Ainsi, les GAFAM et les autres acteurs concernés ne peuvent être tenus pour responsables des informations et contenus exploités par internautes qui utilisent leurs plateformes numériques – à moins que ces dernières n’aient pris connaissance du caractère illicite de ces contenus illicites et/ou piratés mais ne les aient pas  promptement retirés ou rendus inaccessibles. « En janvier 2020, nos membres ont demandé à la Commission européenne d’introduire un nouveau cadre de responsabilité en ligne pour leur permettre de mieux lutter contre le contenu illégal en ligne et nous sommes encouragés de voir que certains des points que nous avons soulevés ont été pris en compte dans le projet de DSA », a indiqué Dot Europe dès le 15 décembre.
Une des autres préoccupations concerne la transparence exigée concernant les algorithmes utilisés par les plateformes numériques, lesquelles seront tenues de divulguer les paramètres utilisés par ces règles opératoires dont l’application permet de résoudre un problème énoncé, comme le classement de produits et ou de services dans les résultats de recherche. « Nous avons certaines préoccupations en matière de sécurité concernant la possibilité d’exiger que les plateformes fournissent un accès direct à leurs algorithmes, a expliqué Siada El Ramly. La transparence peut être obtenue par de nombreuses façons différentes et le saut pour potentiellement forcer les entreprises à exposer leurs informations exclusives peut être disproportionné ».
Les GAFAM auront l’obligation de donner aux autorités qui le demandent un accès à leurs algorithmes, comme l’avait justifié en octobre dernier Margrethe Vestager, viceprésidente exécutive de la Commission européenne, chargée de la Concurrence : « Nous ne pouvons pas laisser les décisions qui affectent l’avenir de notre démocratie être prises dans le secret de quelques conseils d’administration d’entreprises ». Intervenant lors d’un événement organisé par AlgorithmWatch (3), la Danoise a prévenu les grandes plateformes qu’elles devront fournir aux régulateurs demandeurs plus d’informations sur le fonctionnement de leurs algorithmes.

Trop de régulation tue l’innovation
L’organisation Dot Europe, qui représente les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) ainsi que TikTok, Spotify, Snap, Twitter, eBay, Verizon Media, King, Airbnb, Expedia, Mozilla, Allegro, Etsy ou encore Yelp, ne se focalise pas seulement sur le DSA (4), axé sur les contenus (lutter contre la cyberhaine, la désinformation et tout contenu illicite), mais aussi sur le DMA (5) qui veut imposer à la dizaine de grandes plateformes numériques dites « systémiques » (dont les GAFAM) des contraintes antitrust et empêchant les abus de position dominante de certains écosystèmes. L’association américaine CCIA (Computer and Communications Industry Association) a, elle aussi, réagi dès le 15 décembre avec notamment un semblant de pointe d’ironie : « Nous espérons que les futures négociations viseront à faire de l’Union européenne un leader en matière d’innovation numérique, et pas seulement en matière de réglementation numérique ».

Des amendes jusqu’à 10% du chiffre d’affaires
Basée à Washington, la CCIA – vétérane de la high-tech (créée en 1972) – dispose aussi à Bruxelles d’un bureau qui veille au grain. « Une réglementation solide et fondée sur des données probantes jouera un rôle essentiel pour encourager l’innovation, les investissements et le choix des consommateurs en Europe », prévient Christian Borggreen, directeur de la CCIA Europe basée aussi à Bruxelles, tout en se « réjouiss[ant] à la perspective de travailler avec les décideurs politiques de l’Union européenne pour veiller à ce que les propositions atteignent les objectifs énoncés, afin que les Européens continuent de récolter tous les avantages des produits et services numériques ».
La CCIA, dont sont membres les GAFA (sauf Apple) aux côtés de Twitter, Pinterest, Rakuten, eBay, Uber et d’autres, relève que le projet de loi européen sur les marchés numériques – le DMA (6) – vise à cibler les services de base des « gatekeepers » numériques en restructurant leurs relations avec les utilisateurs commerciaux et en imposant de nouvelles modalités et obligations (lesquelles pourront évoluer et être étendues). Le DMA menace aussi de sanctionner ces grandes plateformes du Net en cas d’infraction à ces nouvelles règles européennes : « Des sanctions structurelles et comportementales [seront] imposées en cas de non-respect, y compris des amendes pouvant atteindre 10 % du chiffre d’affaires annuel global d’une entreprise ». Dans le même esprit, le projet de loi européen sur les services numériques – le DSA (7) – impose des obligations de réactivité raisonnable (due diligence obligations) aux plateformes en ligne. Il introduit également un régime spécifique pour les « très grandes plateformes en ligne » (à partir de 45 millions d’utilisateurs actifs dans l’Union européenne), qui devront se conformer à des obligations supplémentaires telles qu’en matière de transparence stricte et de déclaration, de vérifications annuelles, de divulgation des principaux paramètres utilisés dans leurs systèmes de recommandation (dont les algorithmes) et la nomination d’un agent de conformité. Là aussi la CCIA retient que les amendes peuvent atteindre 6% du chiffre d’affaires annuel en cas de non-conformité. « Nous appuyons les efforts visant à encourager l’innovation et une concurrence efficace. Nous espérons que la loi finale ciblera les comportements problématiques plutôt que la taille de l’entreprise », a déclaré Kayvan Hazemi-Jebelli, un ancien du cabinet d’avocats Hogan Lovells, conseil depuis plus d’un an de la CCIA à Bruxelles en matière concurrentielle et réglementaire. « Le DMA introduirait de nouvelles règles de définition du marché régissant les services de base des plateformes. Dans ces marchés numériques en évolution dynamique, le risque de législation contre-productive est élevé. Nous espérons que le résultat final sera bon pour les consommateurs de l’Union européenne, les utilisateurs commerciaux et l’écosystème numérique dans son ensemble », a-t-il fait valoir. Concernant le DSA, cette fois, la CCIA espère ce que les Européens continueront à bénéficier de tous les avantages économiques et sociaux des services numériques. « Toute nouvelle obligation doit être réalisable et proportionnée aux risques connus. La création d’un régime spécifique axé sur les “très grandes plateformes en ligne” risque de pousser par inadvertance le contenu et les produits illégaux vers les petits fournisseurs de services numériques », met en garde Victoria de Posson, directrice des affaires publiques de la CCIA Europe.
Quant à l’association DigitalEurope, également installée à Bruxelles et représentant les GAFAM ainsi que Samsung, Huawei, Sony, Nvidia ou encore Dropbox, elle plaide pour une réglementation de l’Internet qui soit « un équilibre entre la protection des droits fondamentaux comme la liberté d’expression et la vie privée, d’un côté, et la prévention des activités illégales et nuisibles en ligne, de l’autre ». Sa directrice générale, Cecilia Bonefeld-Dahl, appelle l’Union européenne à « exploiter au maximum les outils de concurrence existants avant d’envisager l’introduction de nouveaux mécanismes susceptibles d’entraver l’innovation et l’entrée sur le marché ».

Google se sent visé ; Facebook tacle Apple
Membre de ses trois lobbies européens, Google – la filiale d’Alphabet – a fait part de ses inquiétudes vis-à-vis du DSA et du DMA. « Nous sommes préoccupés par le fait que les propositions faites par la Commission européenne semblent cibler spécifiquement une poignée d’entreprises et rendre plus difficile le développement de nouveaux produits pour soutenir les petites entreprises en Europe », a déclaré Karan Bhatia, directeur des affaires publiques et réglementaires de Google. Un porte-parole de Facebook en a profité, quant à lui, pour s’en prendre à la marque à la pomme : « Nous espérons que le DMA fixera également des limites pour Apple. Apple contrôle tout un écosystème, d’un appareil à l’autre et utilise ce pouvoir pour nuire aux développeurs et aux consommateurs, ainsi qu’aux grandes plateformes comme Facebook ». Ambiance. @

Charles de Laubier

Fip, « meilleure radio du monde », fête ses 50 ans et s’internationalise grâce à ses webradios et applis mobiles

La radio locale « France Inter Paris », d’où son nom, fut lancée le 5 janvier 1971. Au fil de cinq décennies, Fip est devenue culte auprès d’un public grandissant et fidèle malgré sa diffusion FM incomplète – à laquelle le DAB+ va remédier. Ses déclinaisons sur Internet (fip.fr, webradios, podcasts) lui ont ouvert une audience internationale.

Née radio locale à Paris il y a 50 ans, en ondes moyennes, Fip s’est progressivement développée sur la bande FM, où elle dispose aujourd’hui de dix fréquences hertziennes sur l’Hexagone (1), avant d’étendre son audience au monde entier via Internet : non seulement sur fip.fr mais aussi sur les smartphones avec ses deux applications mobiles (l’une sous Android, l’autre sous iOS). L’ex-France Inter Paris s’est faite un nom en trois lettres en étant l’unique radio dans le monde à proposer une programmation éclectique de tous les genres musicaux et de tous les pays. Se succèdent à l’antenne ou en ligne rock, jazz, blues, classique, groove, électro, reggae ou encore rap, ainsi que les musiques de tous les horizons (occidentales, africaines, sud-américaines, orientales, asiatiques, …). Sa programmation musicale sans frontières, interrompue sans excès et en douceur par des animatrices (les « fipettes » aux voix suaves) faisant part de rendez-vous culturels ou de coups de cœurs musicaux, séduit de plus en plus à l’international. « Cela tient à la richesse et à la diversité de la programmation de Fip et à l’univers musical qu’elle a su créer en développant ses webradios qui aujourd’hui représentant 30 % de son audience. L’écoute des huit webradios a progressé, à elle seule, de 43 % en un an », explique à Edition Multimédi@ Bérénice Ravache (photo), directrice de Fip depuis août 2017.

Un quart de son audience digitale vient de l’étranger
Car au-delà de ses 680.000 auditeurs qui l’écoutent aujourd’hui sur la FM en France, soit une part d’audience de 1,2 % tout à fait honorable au regard de sa diffusion hertzienne partielle auprès de la population hexagonale, Fip rayonne de plus en plus à l’international. Son site web, créé en 2004 à l’adresse fipradio.fr puis modernisé en 2014 sur fip.fr, draine un public d’internautes grandissant : près de 2,9 millions de visites par mois au total (2), dont 23 % venues hors de France, selon le dernier relevé de l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM). Fip étend aussi son audience sur l’Hexagone et par-delà les frontières grâce à ses deux applications mobiles pour tous les smartphones et tablettes, l’une disponible sur Play Store et l’autre sur App Store (sous iOS) : plus de 1,9 million de visites par mois au total (4), dont plus de 29 % venues là aussi hors de France (5). Ainsi, environ un quart de l’audience de Fip en streaming – site web, webradios et applis mobiles confondus – provient de l’étranger, et comme en témoigne la vidéo postée le 5 janvier : https://lc.cx/50ansFip. Et ce, grâce non seulement à la diffusion numérique en ligne dans le monde du flux audio repris simultanément du flux hertzien (simulcast), mais aussi à ses 8 webradios : Fip Rock, Fip Jazz ; Fip Groove, Fip Electro, Fip Monde, Fip Reggae, Fip Nouveautés et, la toute dernière lancée en juin dernier, Fip Pop.

Nouvelles webradios et nouveaux podcasts en vue
Cette part internationale va continuer à progresser car d’autres déclinaisons thématiques vont être lancées. « Il reste encore beaucoup d’autre genres à explorer et des projets de nouvelles webradios sont en effet à l’étude », nous confie Bérénice Ravache. Le flux audio a l’avantage d’être accessible en ligne de n’importe quel type de terminal numérique : ordinateur, smartphone, tablette, télévision connectée, « box », récepteur radio numérique, autoradio connecté ou encore agrégateurs de flux. « Fip et ses webradios rencontrent des succès sans précédent sur l’ensemble des supports d’écoute », se félicite sa directrice. La production de podcasts n’est pas en reste : « Club jazzafip », « Certains l’aiment Fip » ou encore le tout nouveau « Les années Fip ». « Nous proposons également depuis l’année dernière nos “Fip 360” de concerts électro en son immersif et en podcast avec son 3D : premier podcast de ce genre dans le monde. Et cette année, nous allons mettre en ligne deux séries de podcasts: “Sound of Joy”(6 épisodes) et “Pink Note” (8 épisodes) », dévoile la directrice de Fip. Lorsque le patron de Twitter, Jack Dorsey, a tweeté le 12 septembre 2017 « la meilleure radio du monde » (6) à propos de Fip, le milliardaire du Net a rappelé implicitement que la radio n’avait plus de frontières à l’ère du streaming. « Pourquoi ne venez-vous pas visiter l’équipe @fipradio à Paris ? Ils ne vous diront pas leurs secrets, mais ce sont des gens formidables », lui avait répondu Laurent Frisch, directeur du numérique de Radio France. Jack Dorsey tweeta alors : « Je le ferai la prochaine fois que je serai à Paris » (7). C’est ce que le PDG cofondateur du site de microblogging fit le 7 juin 2019. L’Américain, icône du Net, a même pris le micro de Fip (voir photo ci-contre) et a concocté « sa playlist Fip » diffusée à l’antenne et toujours sur Spotify (8). « @jack » est d’autant plus fan de « @fipradio » qu’il a déclaré ce jourlà sa passion pour Fip en tweetant cette fois une photo de son poignet avec comme « nouveau tatouage » le logo de sa radio préférée, photo (9) et vidéo (10) à l’appui ! Le rayonnement international de Fip, dont la programmation « universelle » porte sur la diffusion de 42.000 titres différents par an, en fait une radio culte atypique. L’ACPM a classé Fip en cinquième position des radios digitales françaises. Avec 13,2 millions d’écoutes actives dans le monde – dont plus de 3,6 millions hors de France – durant le mois de novembre 2020, dernier relevé en date (11), Fip arrive juste derrière France Inter, France Info, RMC et NRJ. Et que cela soit dans ce « Top 5 » de la radio digitale ou dans le « Top 20 », elle est la mieux-disante en termes de durée d’écoute moyenne (12) avec plus de 58 minutes (contre 35 mn pour France Inter ou 34 mn pour NRJ). Cet attachement de ses auditeurs en fait une « radio fétiche » (dixit Fip). Cette fidélité se retrouve d’ailleurs sur la FM où sa durée d’écoute par auditeur (DEA) se situe autour de 2 heures dans le mois selon par Médiamétrie (13). Aucune radio musicale hertzienne en France n’atteint et ne dépasse cette performance, et même de toutes les catégories de radios si l’on excepte RTL (2h19), France Inter (2h10) et à égalité avec France Bleu (1h55). « La radio s’écoute encore majoritairement en FM. Fip y a gagné 100.000 auditeurs en un an », relève Bérénice Ravache, alors que Médiamétrie mesure la station quinquagénaire depuis seulement septembre 2019. Et d’ajouter : « L’audience de Fip a progressé de 250 % en 15 ans, passant de 260.000 en 2006 à près de 680.000 auditeurs en 2020. Peu de radios peuvent en dire autant, en particulier les radios musicales ». Surtout avec seulement dix fréquences FM. En 2015, en pleine grève qui fut la plus longue de l’histoire de Radio France, la Cour des comptes publie son rapport sur le groupe public de radios où, par soucis d’économie, il suggère que Fip « fragilisée par la concurrence » quitte le hertzien pour le seul numérique (avec la petite radio Le Mouv’). Mais après la révocation début 2018 du président de la Maison- Ronde, Mathieu Gallet, auquel a succédé Sibyle Veil, l’idée sera abandonnée. « Fip fait bel et bien partie du paysage radiophonique dans 10 villes et il n’est pas question d’y renoncer. Le déploiement du DAB+ [la diffusion numérique terrestre, ndlr] va permettre à Fip d’être diffusée demain [d’ici à 2028, ndlr] sur 85 % du territoire contre 6% aujourd’hui », nous explique Bérénice Ravache. Sur fond de baisse de dotation de l’Etat, bien que compensée par les aides d’Etat liées à crise sanitaire, des économies restent encore à faire pour Radio France (60 millions d’euros d’ici 2022). Sur 4.400 employés, 340 départs volontaires sont prévus, des recrutements – dans le numérique notamment – aussi.

14 postes supprimés (dont 11 «fipettes»), mais 5 de créés
Fip contribue à son niveau au plan d’économies du groupe. « L’animation locale de Fip à Bordeaux, Nantes et Strasbourg a pris fin le 18 décembre. C’était les trois dernières villes, les précédentes ayant cessé fin 2000. En conséquence,14 postes sont supprimés, dont 11 animatrices, mais 5 postes de déléguées musicales sont créés à Bordeaux, Nantes, Strasbourg et Lyon », nous détaille Bérénice Ravache. Quant aux habituels flashs d’actualités à 50 de chaque heure, ils ont aussi été sacrifiés. Avec sa soixantaine de collaborateurs (salariés, 14 animatrices, cachetiers, …), Fip fait moins radio locale mais plus nationale et globale. @

Charles de Laubier