A propos Charles de Laubier

Rédacteur en chef de Edition Multimédi@, directeur de la publication.

Fracture numérique en France : le financement des 4.000 conseillers numériques en question

Selon les informations de Edition Multimédi@, les 4.000 conseillers numériques financés depuis 2021 par le plan France Relance le sont désormais par le plan France très haut débit. Mais les subventions ont baissé. Insuffisant pour lutter contre l’illectronisme qui touche en France 13 millions de personnes.

Les 4.000 conseillers numériques financés depuis 2021 par le plan France Relance, sous la responsabilité du ministère de la Transformation et de la Fonction publiques (Stanislas Guerini), relèvent désormais du plan France très haut débit, au sein du ministère de l’Economie, des Finances, de la Souveraineté industrielle et numérique (Bruno Le Maire). Cette force vives a été lancée en pleine pandémie du covid pour venir en aide aux Français confrontés à la fracture numérique en général et à l’illectronisme en particulier.

Baisse des subventions de l’Etat
Selon les données de l’Insee, cela touche quelque 13 millions de personnes (1). Avec un conseiller numérique pour 3.252 habitants en détresse numérique, ce bataillon dépêché par l’Etat dans les régions françaises n’est pas suffisant pour faire face. Et ce dispositif d’inclusion numérique mis en place en 2021 dans le cadre du plan France Relance, puis prolongé en 2022 par Stanislas Guerini (photo), ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, souffre d’une baisse des subventions. Contacté par Edition Multimédi@ pour savoir ce qu’il advenait du financement des conseillers numériques depuis qu’ils sont passés sous la coupe du plan France très haut débit, Bercy ne nous a pas répondu.
Alors que l’Etat français est frappé d’un déficit chronique, la question de la pérennité des conseillers numériques se pose. Certes, le budget alloué à ce programme d’assistance numérique par l’Etat totalise sur plus de deux ans près de 200 millions d’euros (198,4 au 26-04-24). Mais après ? A l’automne dernier, La Gazette des Communes avait constaté que « si le dispositif a bien été reconduit début 2023, les financements de l’Etat ont été revus à la baisse ». Au cours des deux premières années, la subvention de l’Etat s’élevait à 25.000 euros par an et par poste de conseiller numérique. Elle n’était plus en 2023 que de 17.500 euros pour les structures publiques et de 20.000 euros pour les entités privées (dont les associations). Certaines collectivités territoriales n’ont pu renouveler les contrats de leurs conseillers numériques, comme à Verdun ou à Echirolles. D’après les dernières statistiques publiées par l’Etat (2), les conseillers numériques ont dépassé les 4.000 : ils sont en fait, au 26 avril 2024, 4.095. Ces aidants du digital sont là pour « accompagner les usagers dans leurs démarches administratives du quotidien » : allocations familiales, impôts, assurance maladie, emploi, retraite, poste, justice, chèque énergie, rénovation énergétique, perte d’autonomie. Les TPE/PME et les associations peuvent également solliciter l’aide de ces agents de la dématérialisation des démarches administratives. Leur moyenne d’âge est de 37 ans et ils officient notamment dans les espaces « France services » du territoire – situés « à 30 minutes maximum en voiture » du domicile des intéressés –, ainsi que dans établissements publics et des associations. Ils cumulent à ce jour plus de 3,6 millions d’accompagnements.
Le réseau France services, lui, a été lancé en 2019, avant la crise sanitaire, et compte aujourd’hui 2.700 lieux d’accueil et d’accompagnement (3). C’est un label octroyé par l’Etat (4). Des bus et des camping-cars sillonnent aussi des territoires ruraux et des quartiers prioritaires pour à la fois tenter de résorber la fracture numérique et la fracture territoriale. Le groupe La Poste est mis à contribution à travers 413 bureaux de poste labellisés « France services » où se rendent disponibles 95 conseillers numériques, auxquels s’ajoutent des « facteurs-guichetiers itinérants » en cours d’expérimentation (une dizaine). « Au total, en 2023, La Poste a détecté, accompagné, formé et équipé 646.000 personnes en situation de fragilité numérique », précise le groupe postal dans son rapport annuel publié le 4 avril dernier. Et Nathalie Collin, directrice générale de la branche grand public et numérique du groupe La Poste, a annoncé le 18 avril dans Ouest-France (5) que seront lancés à partir de fin avril cinq « camions-bureaux de poste itinérants » qui parcourront les campagnes françaises, à commencer – à titre expérimentale durant un an – par l’Orne, la Haute-Marne, la Creuse, le Gers et le Jura. Mais le test est limité à 40 communes pour un total de 13.000 habitants.

La Poste expérimente des camions jaunes
Ces camions jaunes, sur lesquels est écrit en gros « La Poste vient à votre rencontre », sont cofinancés par la Banque des territoires, filiale de la Caisse des Dépôts. Budget total : 1 million d’euros. « Ce seront aussi des avantpostes de France Services », a précisé Nathalie Collin. Dans le cadre de sa mission d’aménagement du territoire et de contrat de présence postale territoriale 2023-2025 (France services en bureaux de poste compris), La Poste perçoit de l’Etat jusqu’à 177 millions d’euros par an. @

Charles de Laubier

Rémunération centrée sur l’artiste : les premiers résultats correspondent aux attentes de Deezer

Six mois après le lancement de la rémunération « artist centric », la plateforme française de streaming musical Deezer se dit satisfaite des premiers résultats. Après Universal Music, Warner Music ou encore, depuis fin mars, Merlin (groupement de labels indépendants), les artistes seraient gagnants.

Alors que la filière musicale s’interroge toujours sur la méthode de rémunération des ayants droits – poursuivre sur le mode market centric ou passer au user centric –, tout en luttant contre la fraude aux clics ou fake streams (1), la plateforme française de streaming musical Deezer prévoit de généraliser en 2024 le modèle de rémunération dit « artist centric » au reste du monde. Lancé uniquement en France avec Universal Music (première major mondiale de la musique enregistrée) en septembre 2023, cette rémunération centrée sur l’artiste promet de mieux payer les musiciens et les ayants droits.

Labels indépendants mieux rémunérés
Deezer a aussi signé avec Warner Music dans ce sens en novembre 2023 et discute avec Sony Music. Alors que Deezer a annoncé le 21 mars dernier un nouvel accord (2)) avec le groupement international de labels indépendants Merlin, Edition Multimédi@ a contacté Deezer pour connaître le premier bilan des six mois d’application du mode de rémunération artist centric. « Actuellement, une très vaste majorité des streams sont rémunérés sur la base du modèle centré sur l’artiste – incluant à la fois les artistes des majors et de labels indépendants, ainsi que les services de distribution. Il est encore un peu tôt pour évaluer l’impact global de la rémunération artist centric, mais les premiers résultats correspondent à nos attentes, avec notamment une augmentation significative de la part de marché de la musique locale en France », nous a répondu la société Deezer. Elle indique que l’étude d’impact menée avec la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) sera rendue publique « prochainement ».
La plateforme française a depuis le 1er avril un nouveau PDG, mais par intérim : l’Américain Stu Bergen (photo de gauche), qui remplace Jeronimo Folgueira, sur fond de « taxe streaming » appliquée par la France depuis le 1er janvier (3). Le temps de trouver un successeur, le nouveau patron – ancien de Warner Music – dirigera la plateforme française fondée à Paris en 2007 et dotée aujourd’hui d’un effectif global de plus de 600 employés répartis en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, au Brésil et aux Etats-Unis. En presque trois ans, Jeronimo Folgueira (4) a accompagné Deezer vers ce modèle de rémunération artist centric. « Je suis très heureux de voir Merlin et ses membres adopter notre modèle centré sur l’artiste et contribuer ainsi au déploiement d’un mode de rémunération du streaming plus équitable pour les artistes. Dès le départ, notre ambition a été de créer un modèle pour tous les artistes disposant d’une solide base de fans, y compris pour les artistes indépendants membres de l’écosystème Merlin », s’est félicité Jeronimo Folgueira le 21 mars. Après Universal Music et Warner Music, Merlin (Music and Entertainment Rights Licensing Independent Network) – basé à Londres après avoir été créé à Amsterdam en 2008 et fort de plus de 500 membres représentant quelque 30.000 labels indépendants, distributeurs, sociétés de services aux labels et autres détenteurs de droits – est le troisième grand signataire avec Deezer de ce nouveau mode de rémunération censé être plus équitable pour les artistes. Merlin est considéré comme une sorte de « quatrième major » (après Universal Music, Sony Music et Warner Music), mais à but non lucratif, qui revendique « 15 % du marché de la musique enregistrée ». Son PDG depuis janvier 2020, Jeremy Sirota (photo de droite), fonde de grands espoirs sur le modèle économique artist centric pour mieux payer les musiciens : « Nous avons travaillé avec Deezer afin de nous assurer que ce nouveau modèle profite à l’ensemble de nos membres et ouvre la voie à une meilleure reconnaissance et rémunération de la création musicale de qualité pour tous les artistes concernés », a-t-il assuré le 21 mars. Pour lui, comme pour Ryan McWhinnie, vice-président de Merlin en charge des affaires commerciales et juridiques, cette collaboration artist centric avec Deezer intervient à un moment charnière pour l’industrie musicale qui explore de nouvelles pistes d’amélioration de la rémunération des artistes sur les plateformes de streaming. « Nous sommes un organisme à but non lucratif, qui est entièrement financé par nos membres moyennant des frais administratifs de 1,5 % », précise Merlin.

La France, pays-pilote de l’artist centric
Si Deezer a trouvé un terrain d’entente avec Merlin Network au niveau mondial pour ses membres (5), il n’en a pas été de même au départ pour les deux accords signés avec respectivement Universal Music en septembre 2023 et Warner Music en novembre 2023. Dans ces deux cas, c’est la France qui a été pris comme pays d’expérimentation. D’autres pays devraient suivre, courant 2024. « Après un long engagement avec Deezer tout au long de 2023, nous sommes très fiers d’être pionniers en France dans le déploiement […] de leur version du modèle artist centric. Cette initiative globale valorisera beaucoup plus efficacement l’engagement des fans et la diffusion active de la musique créée par les artistes », a déclaré l’an dernier Olivier Nusse, PDG d’Universal Music France (6). Dans son rapport financier 2023, la première major mondiale de la musique enregistrée indique avoir également passé un accord artist centric avec Spotify qui devait débuter au cours de ce premier trimestre 2024 (7), ainsi qu’avec Tidal (8). De son côté, Alain Veille, président de Warner Music France, a aussi fait part de son enthousiasme : « Je suis ravi que Warner Music France s’associe à Deezer pour ce nouveau modèle de rémunération des ayants droits, dans cette volonté que nous avons ensemble de faire évoluer le modèle économique des plateformes de streaming en faveur des artistes » (9).

Deezer se met en quatre pour les artistes
Le nouveau modèle axé sur les artistes mis en place par Deezer s’appuie sur l’analyse approfondie des données générées par les streams et les fans. Il s’articule autour de quatre axes :
Se concentrer sur les artistes. Deezer attribue un double coup de pouce à ceux qu’il définit comme des « artistes professionnels » – à savoir ceux qui ont un minimum de 1.000 streams par mois par un minimum de 500 auditeurs uniques. Et ce, afin de les récompenser plus équitablement pour la qualité et l’engagement qu’ils apportent aux plateformes et aux fans.
Récompenser le contenu engageant. En plus de donner un double coup de pouce aux chansons avec lesquelles les fans s’engagent activement, Deezer réduit l’influence économique de la programmation algorithmique.
La démonétisation du bruit des non-artistes. Deezer remplace le « bruit des non-artistes » (le non-artist noise audio comprend des enregistrements de sons de la nature ou autres qui sont souvent utilisés pour la concentration ou la relaxation) par son propre « contenu musical fonctionnel ». Quant au non artistique, il ne touche plus de redevances.
S’attaquer à la fraude. Deezer a mis en place un système de détection de la fraude propriétaire mis à jour et plus strict, en supprimant les incitations pour les « mauvais acteurs » et en protégeant les redevances du streaming pour les artistes.
Sur ce dernier point de la fraude, les plateformes de streaming luttent depuis des quelques années contre les « fake streams » (faux clics) issus de l’achat de streams et contre les « fake artists » émanant de faux artistes (10). Sur la base des données de Deezer, Qobuz et Spotify, le Centre national de la musique (CNM) avait relevé qu’en 2021 la part globale de streams considérés comme frauduleux s’élevait à respectivement à 2,6 %, 1,6 % et 1,1 % du total de leurs streams (11).
La rémunération artist centric fait donc la part belle au modèle user centric ou User Centric Payment System (UCPS) qui répartit le montant de chaque abonnement en fonction des écoutes réelles des auditeurs et fans, au détriment du market centric ou Market Centric Payment System (MCPS) qui oriente les revenus du streaming vers les titres les plus écoutés. « Il s’agit du changement le plus ambitieux apporté au modèle économique depuis la création du streaming musical et d’un changement qui soutiendra la création de contenu de haute qualité dans les années à venir, avait estimé Jeronimo Folgueira (photo ci-contre), le désormais ex-patron de Deezer. Il n’y a pas d’autre industrie où tout le contenu est valorisé de la même façon, et il devrait être évident pour tout le monde que le son de la pluie ou d’une machine à laver n’est pas aussi précieux qu’une chanson de votre artiste préféré diffusée en streaming et en hi-fi ».
Chez Spotify, où l’artist centric devait commencer au premier trimestre de cette année, il est aussi prévu un seuil de streams annuels minimum avant qu’une musique ne commence à générer des redevances. « Cette décision devrait démonétiser une partie des titres qui absorbaient auparavant 0,5 % du pool de redevances de Spotify – la publicité profite aux 99,5 % restants », avait-il été précisé lors de l’annonce faite en octobre dernier (12). Il est même prévu des sanctions financières pour les distributeurs de musique, y compris les labels, lorsqu’une fraude est flagrante en termes de « streaming artificiel ».

La Sacem dans le sillage du CNM
L’approche artist centric est analysée de près par la Sacem, ainsi que par la fédération dont elle est membre, la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (Cisac). Faut-il généraliser l’« artist centric » pour une rémunération plus équitable ? C’est toute la question de l’étude d’impact menée depuis l’automne dernier par la Sacem et Deezer sur ce « modèle de redistribution de valeur centrée sur l’artiste pour le compte des producteurs de musique enregistrée » (13). Elle s’inscrit dans le prolongement des études (14) du Centre national de la musique (CNM) – financé par la « taxe streaming » – sur la rémunération user centric. @

Charles de Laubier

Pour ses 15 ans, le bitcoin – dont le créateur reste le plus grand mystère du capitalisme – va faire son 4e halving

Le bitcoin, la plus célèbre des cryptomonnaies lancée en 2009 par un illustre inconnu appelé Satoshi Nakamoto – le plus grand mystère du capitalisme –, a battu record sur record en mars 2024. Et son 4e halving (« réduction de moitié ») attendu le 19 avril 2024 risque de réserver des surprises à ses investisseurs.

Vers le 19 avril 2024, soit dans une dizaine de jours à partir de ce n°319 de Edition Multimédi@ daté du 8 avril, le bitcoin va faire son 4e halving. Cet événement inscrit dans l’ADN du bitcoin – ou plutôt dans sa blockchain éponyme – prévoit, tous les quatre ans, une « réduction de moitié » (signification en français de halving) du nombre de nouveaux bitcoins mis en circulation et sous forme de récompense aux « mineurs ».
Ce sont ces derniers (entreprises ou individus) qui minent la cryptomonnaie pour que les bitcoins existent. Les mineurs sont rétribués pour cette fonction essentielle – demandant d’importantes puissances de calcul informatique très énergivores – par l’octroi d’un certain nombre de bitcoins prédéfini. Ainsi, avec ce 4e halving, la rémunération des mineurs va baisser de moitié pour la quatrième fois depuis le lancement du bitcoin le 3 janvier 2009 : à cette date originelle, le dénommé Satoshi Nakamoto (photo) – dont personne ne connaît l’identité (1) – a été le tout premier mineur de bitcoins (2), au moment où la création d’un nouveau « bloc » sur la chaîne de blocs (la blockchain bitcoin) était payée 50 bitcoins (BTC). Ensuite, lors du 1erhalving le 28 novembre 2012, la rétribution par bloc créé a été réduite de moitié, à 25 BTC. Puis, au 2e halving du 9 juillet 2016, la récompense a été ramenée à 12,5 BTC.

Les 20 millions de BTC atteints a priori en 2026
A l’heure où nous écrivons ces lignes, nous sommes encore à l’ère du 3e halving depuis le 11 mai 2020, avec 6,25 BTC le bloc miné. Quant à la date du 4e halving, elle est estimée autour du 19 avril 2024 puisqu’un halving a été programmé par l’illustre inconnu Satoshi Nakamoto pour intervenir tous les 210.000 blocs créés sur la blockchain bitcoin. A cette prochaine échéance, un total cumulé de 840.000 blocs aura été atteint avec en tout 19,687 millions de bitcoins en circulation – 15 ans et trois mois après le lancement de la reine des cryptomonnaies. Selon les calculs de Edition Multimédi@, la barre des 20 millions de bitcoins devrait être franchie à mi-parcours du prochain cycle quadri-annuel : soit en 2026. C’est donc à partir du 840.000e bloc, aux alentours du 19 avril prochain, que les mineurs ne recevront plus que 3,125 BTC par bloc créé. Ce tarif-là restera valable pour les 210.000 prochains nouveaux blocs, à savoir jusqu’en 2028. Et ainsi de suite, au rythme d’un halving tous les quatre ans, jusqu’en… 2140, année où sera atteint un total cumulé de 6.930.000 blocs et où la rémunération des mineurs sera réduite à zéro (3).

Capitalisation record du BTC : 1.410 milliards $
La seule rétribution que conserveront alors les mineurs sera la commission qu’ils perçoivent toujours à chaque transaction de bitcoins minés effectuée dans chacun de leurs blocs, dont ils sont à l’origine dans la blockchain. Ces frais de transaction et de sécurisation de la cryptomonnaie dans la chaîne de blocs, appelés aussi « frais de gaz », perdureront, eux, pour assurer la pérennité du bitcoin. Pour la petite histoire, la toute première transaction de BTC (transfert de bitcoin d’une adresse cryptographique à une autre dans la blockchain éponyme) aurait été faite en janvier 2009 par Satoshi Nakamoto lui-même au profit d’un Américain, Hal Finney, développeur informaticien et cryptographe (décédé en 2014).
Si le 4e halving fait couler beaucoup d’encre, c’est qu’il est non seulement précédé depuis le début de cette année par les records sur records battus par le cours du bitcoin, mais aussi parce que cette période quadri-annuel de halving s’accompagne à chaque fois d’une forte hausse de la valeur du BTC – sans exclure des chutes libres comme le 2 avril dernier. En outre, la dizaine d’ETF indexés sur le bitcoin qui ont été autorisés en janvier aux Etats-Unis (nous y reviendrons) ont apporté du crédit à la numéro une mondiale des cryptomonnaies. Toutes les conditions sont donc réunies pour expliquer le « rallye » du BTC observé depuis quelques mois, sans que l’on sache si « plus dure sera la chute » après le 4e halving du 19 avril 2024.
Pour l’heure et depuis l’automne dernier, le BTC est dans un cycle « bullish » (haussier). Après avoir battu son propre record historique du 10 novembre 2021 (68.991 dollars le bitcoin ou 58.000 euros), en affichant un nouveau record historique le 14 mars 2024 (73.573 dollars le bitcoin ou 68.055 euros), le bitcoin a conforté dans le même temps sa position de « valeur refuge » – à l’instar de l’or. Et ce, dans un contexte de forte inflation des prix à la consommation qui perdure et à l’instabilité géopolitique due aux guerres en Ukraine et en Israël/Palestine. Les deux grands gagnants de ce climat incertain qui plane sur le capitalisme sont justement l’or et, toutes proportions gardées, le bitcoin. Qui eut cru à une telle remontada du BTC après l’hivercrypto de 2022 ? Au pire moment du crypto-krach, le bitcoin est descendu à 16.611 dollars (13.000 euros) le 24 novembre 2022. Entre ce creux et le nouveau pic historique, cela correspond à un bon de 342,92 % en 16 mois ! La capitalisation du bitcoin – toujours la plus élevée de toutes les cryptomonnaies – a même inscrit un nouveau record historique le 26 mars 2024 avec 1.410 milliards de dollars investis en BTC (1.300 milliards d’euros) : au moment où nous bouclons ce n°319 de Edition Multimédi@ le 5 avril 2024, sa capitalisation est de 1.405 milliards de dollars (4), ou 1.297 milliards d’euros. Elle se place en septième position par rapport aux plus importantes capitalisations boursières – devant Meta ! (5).
Où qu’il soit et quel qu’il soit, Satoshi Nakamoto peut aussi remercier les Etats-Unis pour l’engouement planétaire apporté à sa création financière décentralisée. Le fait que le gendarme américain de la Bourse – la SEC (Securities and Exchange Commission) – ait finalement autorisé, le 10 janvier 2024, les onze premiers « ETF bitcoin spot » (Exchange Traded Fund au comptant indexé directement sur la reine des cryptomonnaies), cela a « crédibilisé » le BTC. Ce fut aussi un peu comme si le bitcoin faisait indirectement son entrée en Bourse (6). Et le succès de ces ETF bitcoin, auprès d’un public toujours plus élargi, est au rendez-vous. Les onze fonds d’investissement américains émetteurs – Ark Invest, Bitwise, BlackRock, Fidelity, Franklin Templeton, Grayscale, Hashdex, Invesco, WisdomTree, Valkyrie et VanEck – s’en donnent à cœurjoie : 35,6 milliards de dollars (32,7 milliards d’euros) sous gestion au total au 4 avril 2024 (7). Leurs produits ETF bitcoin au comptant sont même proposés par d’autres établissements financiers et non des moindres, comme Morgan Stanley, Wells Fargo, UBS ou encore Merrill Lynch. Comme les onze fonds achètent, eux, directement des bitcoins, ils participent à faire monter le cours du BTC à des sommets jamais vus jusque-là.
Par exemple, le 10 février 2024, le fonds iShares de BlackRock a acheté massivement plus de 5.200 BTC pour près de 250 millions de dollars. Il n’est pas le seul. A noter que la SEC pourrait, d’ici mai prochain selon différentes sources, autoriser cette fois des « ETF ether spot » indexés sur la seconde plus importante cryptomonnaie au monde, créée en 2015 avec sa blockchain Ethereum par le Russocanadien Vitalik Buterin. Ce qui devrait provoquer une embellie de l’ETH (symbole de cette crypto).

Cryptosphère : 2.500 milliards de dollars !
Et lorsque le bitcoin va, tout va dans la cryptosphère. Et inversement. D’après CoinMarketCap au 5 avril 2024, le marché mondial des cryptomonnaies en compte près de 10.000 (9.456 à ce jour) pour une capitalisation globale de 2.500 milliards de dollars (autrement dit 2,5 trillions de dollars), ou 2.300 milliards d’euros. Mais les cryptos sont encore loin d’atteindre les plus de 100.000 milliards de capitalisation cumulés par toutes les Bourses mondiales. Pour l’instant du moins… @

Charles de Laubier

Le Monde en France, El País en Espagne, Die Welt en Allemagne : OpenAI séduit la presse au cas par cas

OpenAI a réussi à convaincre de grands titres de presse en Europe – Le Monde, El País et Die Welt – et, aux Etats-Unis, l’agence de presse AP et l’American Journalism Project pour que son IA générative ChatGPT soit plus au fait de l’actualité dans des langues différentes. Le New York Times, lui, a préféré un procès.

Le directeur des opérations d’OpenAI, Brad Lightcap (photo), n’est pas peu fier d’avoir décroché des accords pluriannuels avec les grands quotidiens européens Le Monde en France, El País en Espagne et Die Welt en Allemagne. « En partenariat avec Le Monde et Prisa Media [éditeur d’El País], notre objectif est de permettre aux utilisateurs de ChatGPT du monde entier de se connecter à l’actualité de façon interactive et pertinente », s’est-il félicité le 13 mars dernier lors de l’annonce des deux accords noués pour plusieurs années avec respectivement le groupe français Le Monde pour son quotidien éponyme et le groupe espagnol Prisa Media pour son quotidien El País, de même que pour son quotidien économique et financier Cinco Días et son site d’actualités El Huffpost (1). Trois mois auparavant, ce même Brad Lightcap annonçait un premier partenariat avec le groupe allemand Axel Springer pour son quotidien Die Welt, et son tabloïd Bild, ainsi que pour ses sites d’information Politico (édition européenne) et Business Insider (économie et finances). « Ce partenariat avec Axel Springer aidera à offrir aux gens de nouvelles façons d’accéder à du contenu de qualité, en temps réel, grâce à nos outils d’IA. Nous sommes profondément engagés à nous assurer que les éditeurs et les créateurs du monde entier bénéficient de la technologie avancée de l’IA et de nouveaux modèles de revenus », avait alors assuré le directeur des opérations d’OpenAI (2).

ChatGPT, polyglotte et informé : merci la presse
Ces « partenariats mondiaux d’information » permettent à ChatGPT d’européaniser un peu plus ses capacités d’informer en mettant à contribution trois premiers quotidiens du Vieux Continent, de trois langues différentes (français, espagnol et allemand). Et ce, après avoir largement entraîné en anglais ses grands modèles de langage « Generative Pre-trained Transformer » (GPT, GPT-2, GPT-3 et l’actuel GPT-4, en attendant GPT-5 en cours de développement). Avant les groupes européens Le Monde, Prisa Media et Axel Springer, OpenAI avait conclu aux Etats-Unis deux partenariats signés en juillets 2023 avec respectivement l’agence de presse américaine Associated Press (AP) et l’association de soutien à l’information locale American Journalism Project (AJP).

Sur fond de plainte du New York Times
« Nous sommes impatients d’apprendre d’AP [et de savoir] comment nos modèles d’IA peuvent avoir un impact positif sur l’industrie de l’information. L’accès à ses archives de textes factuels de haute qualité, aideront à améliorer les capacités et l’utilité des systèmes d’OpenAI », avait alors dit Brad Lightcap, lors de l’annonce le 13 juillet 2023 du partenariat avec l’agence de presse américaine (3). Depuis près d’une décennie, AP utilise la technologie de l’IA pour automatiser certaines tâches routinières et libérer les journalistes pour faire des reportages plus fouillés. Elle va même jusqu’à publier des dépêches automatisées prévisualisant et récapitulant certains événements sportifs, élargissant ainsi son offre de contenu.
Cinq jours après, le 18 juillet 2023, OpenAI nouait un premier accord journalistique avec cette fois l’American Journalism Project (AJP). Pour l’occasion, ce n’est pas Brad Lightcap qui avait fait une déclaration mais le cofondateur PDG d’OpenAI Sam Altman lui-même : « Nous sommes fiers de soutenir la mission de l’AJP consistant à renforcer notre démocratie en reconstruisant le secteur de l’information locale du pays. Cette collaboration souligne notre conviction que l’IA doit profiter à tous et être utilisée comme un outil pour améliorer le travail. Nous sommes impatients […] d’explorer les façons dont la technologie de l’IA peut renforcer le travail du journalisme local », avait-il expliqué (4). La société californienne (basée à San Francisco) a versé un crédit de 5 millions de dollars à cette association à but non lucratif soutenant l’information locale aux Etats-Unis pour aider des éditeurs et agences de presse locaux « à évaluer et à déployer les technologies émergentes d’IA au sein de leurs organisations », ainsi qu’« à développer des outils qui pourraient [les] aider ».
Par ailleurs, le 8 août 2023, OpenAI a versé 395.000 dollars pour la « Ethics and Journalism Initiative » de l’institut de journalisme Arthur L. Carter Journalism de l’Université de New York (5). La licorne OpenAI, cornaquée par Microsoft qui en est devenu actionnaire et investisseur à hauteur de 13 milliards de dollars, veut ainsi montrer patte blanche vis-à-vis des médias du monde entier avec son robot textuel présenté comme un partenaire du journalisme et respectueux du droit d’auteur. Et ce, au moment où GPT-4 est accusé de pirater les journaux – et, comme l’a montré le 6 mars dernier la société d’évaluation Patronus AI, les livres (6) – pour s’entraîner et apprendre automatiquement. Le New York Times, lui, n’a pas souhaité signer un accord « ChatGPT », préférant croiser le fer judiciaire en portant plainte le 27 décembre 2023 contre OpenAI devant le tribunal de New York. « Microsoft et OpenAI utilisent illégalement le travail du Times [le New York Times, ndlr] pour créer des produits d’intelligence artificielle qui lui font concurrence et menacent la capacité du Times à fournir ce service. Leurs outils d’IA générative (GenAI) reposent sur des grands modèles de langage (LLM, ou Large Language Model) qui ont été créés en copiant et en utilisant des millions d’articles de presse protégés par le droit d’auteur du Times, des enquêtes approfondies, des articles d’opinion, des critiques, des guides pratiques, etc », a dénoncé The New York Times Company dans sa plainte de 69 pages (7). Et d’accuser Microsoft et OpenAI d’avoir opéré un piratage d’ampleur sur son quotidien de référence : « Bien que Microsoft et OpenAI aient effectué des copies à grande échelle à partir de nombreuses sources, ils ont accordé une importance particulière au contenu du Times lors de la construction de leurs LLM, révélant une préférence qui reconnaît la valeur de ses œuvres. Grâce au Bing Chat de Microsoft (récemment rebaptisé Copilot) et au ChatGPT d’OpenAI, ces derniers cherchent à profiter de l’investissement massif du Times dans son journalisme en l’utilisant pour créer des produits de substitution sans autorisation ni paiement ».
OpenAI s’est inscrit en faut contre les allégations du New York Times, en assurant « travaill[er] dur dans [son] processus de conception technologique pour soutenir les organisations de presse ». Le labo-start-up de Sam Altman a aussi indiqué avoir discuté avec « des dizaines de personnes » (8), dont la News Media Alliance (exNewspaper Association of America) qui a « applaudi » le procès intenté par le NYT (9).

« Source significative de revenus » (Le Monde)
Malgré ses approches au cas par cas avec la presse et ses premiers accords de partenariat, OpenAI n’échappera pas – à l’instar de Google et Facebook en leur temps – à rendre des comptes devant la justice. La presse, le livre ou encore le cinéma hésitent entre accord et procès. En Europe, Le Monde, El País et Die Welt ont préféré signer avec « ChatGPT » plutôt que de trouver un accord-cadre collectif via, par exemple en France, l’Alliance de la presse d’information générale (Apig). Le groupe Le Monde se dit satisfait de cet accord qui, selon ses dirigeants Louis Dreyfus et Jérôme Fenoglio (10), a « l’avantage de consolider [son] modèle économique en apportant une source significative de revenus supplémentaires ». @

Charles de Laubier

Lutte contre le piratage : les « cyberlockers » donnent du fil à retordre aux industries culturelles

Aiguillonnée par l’Alpa et l’Arcom, la justice française multiplie les décisions de blocage de sites pirates qui recourent aux « cyberlockers », hébergeurs générant des liens web pour permettre à leurs utilisateurs d’accéder à des fichiers de films, séries, musiques ou livres, souvent piratés.

Les « cyberlockers » ont le vent en poupe et jouent au chat et à la souris avec les ayants droits, les régulateurs et les juges. En France, rien qu’en janvier 2024, ce ne sont pas moins cinq d’entre eux – Turbobit, Rapidgator, Streamtape, Upstream et Nitroflare – qui ont été bloqués par décision de justice. En un an, près d’une quinzaine de ces sites d’hébergement générateurs de liens web uniques ou multiples – des URL (Uniform Resource Locator) pour permettre de télécharger des fichiers de contenus et de les partager – ont été bloqués, sur décision du juge, par les Orange, SFR, Bouygues ou Free.

Les 25 membres de l’Alpa en lutte
Outre les cinq cyberlockers épinglés en janvier, il en a aussi été ainsi de Doodstream, Mixdrop, Vidoza et Netu par jugement de juin 2023, de Uptobox en mai 2023 (1), ainsi que de Uqload, Upvid, Vudeo et Fembed en janvier 2023. C’est ce que révèle une étude de l’Association de la lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa), réalisée avec Médiamétrie et publiée discrètement le 7 mars dernier – communiquée, sans présentation formelle, aux membres de l’Alpa qui l’a mise en ligne sur son site web (2). Contacté par Edition Multimédi@, le délégué général de l’Alpa depuis plus de 21 ans, Frédéric Delacroix (photo), nous explique que « les sites pirates utilisent les cyberlockers pour héberger les contenus illicites qu’ils proposent sur leurs pages en mettant à disposition des liens – de téléchargement DDL (3) ou de streaming – renvoyant sur ces derniers, les cyberlockers étant des services essentiels dans l’écosystème pirate et ne servant qu’à l’hébergement de contenus illicites ». Les sites pirates et leurs sites miroirs peuvent y recourir pour brouiller les pistes en multipliant les URL. Les sites miroirs sont, eux, de nouveaux chemins d’accès via de nouveaux noms de domaine qu’utilisent les sites pirates, faisant l’objet de mesures de blocage sur leur nom de domaine initial, pour poursuivre leur activité illégale. Ces sites illégaux se nomment 1fichier.com, Yggtorrent.qa, Wawacity.autos, Papadustream.to ou encore Rapidgator.net, pour ne citer que les plus utilisés en décembre 2023 d’après Médiamétrie. « Les cyberlockers ont longtemps bénéficié du statut (favorable) d’hébergeurs, supprimant sur notification les fichiers illicites notifiés par les ayants droit, mais en favorisant leur réintroduction à l’identique en connivence avec les administrateurs pirates. Nous avons réussi à prouver que leur système économique ne reposait que sur la contrefaçon d’œuvres protégées », poursuit Frédéric Delacroix.
Le délégué général de l’Alpa rappelle que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a – dans son arrêt « Cyando/ Uploaded » du 27 juillet 2021 (4) – édicté des principes permettant d’établir le caractère contrefaisant de ce type de cyberlocker (plateforme de partage de vidéos ou plateforme d’hébergement et de partage de fichiers). « Ce qui a permis aux ayants droit, membres de l’Alpa et à notre initiative, d’en demander le blocage en justice fin 2022 ». Et depuis 2017, les ayants droit membres de l’Alpa sont à l’initiative de décisions de justice portant sur 1.300 sites pirates à ce jour, correspondant à l’utilisation de plus de 3.400 noms de domaine. L’Alpa – association française créée il y aura 40 ans l’an prochain et présidée depuis plus de 20 ans par Nicolas Seydoux (84 ans), président de Gaumont – compte aujourd’hui vingt-cinq membres que Edition Multimédi@ présente de façon inédite par catégorie : Organisations professionnelles : Association des producteurs indépendants (API), Auteurs, réalisateurs et producteurs (L’Arp), Fédération nationale des éditeurs de films (FNEF), Motion Picture Association (MPA), Société civile des producteurs de cinéma et de télévision (Procirep), Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN), Syndicat des producteurs indépendants (SPI), Union des producteurs de cinéma (UPC). Studios de cinéma : Gaumont, Paramount Picture France, Pathé Films, Sony Pictures Home Entertainment, Universal Pictures Vidéo France, Walt Disney Entertainment, Warner Bros Home Video. Salles de cinéma : Fédération nationale du cinéma français (FNCF), UGC (ex-Union générale cinématographique). Chaînes de télévision : France Télévisions, Canal+, TF1, M6 via sa Société nouvelle de distribution (SND). Plateforme de SVOD : Netflix. Autorité publique : Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).
L’Alpa touche des subventions publiques, notamment de la part du CNC qui est un établissement public à caractère administratif placé sous l’autorité du ministère de la Culture.Le CNC pourra bientôt saisir l’Arcom
Grand argentier du cinéma, de l’audiovisuel et du multimédia (dont la création numérique sur Internet, jeu vidéo, réalité virtuelle et métavers), le CNC pourrait voir ses pouvoirs étendus aux sites miroirs par la proposition de loi « visant à conforter la filière cinématographique ». Ce texte législatif, qui a été adopté en première lecture au Sénat le 14 février dernier et est actuellement entre les mains de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale (5) a fait l’objet d’un amendement adopté en commission début février (6). Celui-ci prévoit que les titulaires de droits ne soient plus les seuls à pouvoir saisir l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) pour lui demander d’enjoindre directement aux fournisseurs d’accès à internet (FAI) et sans passer par un juge (7) – comme c’est cas depuis octobre 2022 – de bloquer des sites miroirs de ces sites illégaux et cyberlockers déjà condamnés par la justice. Avec la nouvelle mesure, le CNC aurai aussi la possibilité de saisir l’Arcom pour lutter contre ces sites miroirs. Les ayants droits, les organismes de gestion collective et les organismes de défense professionnelle – autrement dit « toute personne qualifiée pour agir » (8) – pourraient aussi saisir l’Arcom sur ces sites miroirs. D’autant que les premiers résultats de cette procédure sans juge sont considérés par le régulateur et les parlementaires comme « prometteurs » au regard de « la baisse de l’audience des “galaxies” de sites miroirs ». L’Arcom aurait ainsi reçu jusqu’à maintenant plus de 600 demandes d’« actualisation de décisions de justice » qui ont lui ont permet de notifier depuis plus d’un an 770 noms de domaine aux FAI pour en empêcher l’accès.

L’audience des sites illicites baisse
Ces jugements de blocage de cyberlockers, ordonnés le plus souvent par le tribunal judiciaire de Paris aux opérateurs télécoms et FAI contribuent – à l’instar du blocage des sites illégaux ou de leurs miroirs – à la baisse de l’audience des sites de streaming vidéo en France. A chaque décision judicaire, les audiences de ces cyberlockers et plus généralement des sites pirates ou de leurs répliques (sites miroirs) reculent de façon significative. Pour autant, la fréquentation de ces mêmes cyberlockers et/ou sites pirates peut reprendre du poil de la bête avec la mise en ligne de nouveaux sites miroirs et de nouveau liens URL, mais sans retrouver les niveaux d’avant les jugements (voir graphique plus haut).
Résultat, toujours selon Médiamétrie pour l’Alpa : l’audience globale des sites illicites en France ne cesse de baisser d’année en année (sauf en 2018), passant de 15,1 millions d’« internautes pirates » en 2016 à seulement 6,3 millions en 2023. Si l’on part de l’année 2018 où les smartphones ont été pris en compte pour la première fois, portant à 15,4 millions le nombre d’« internautes pirates », cela représente un recul de 59 % en cinq ans (voir graphique ci-dessous). Mais le piratage en ligne (streaming et téléchargement) n’est pas mort pour autant. « L’efficacité est “relative” si l’on regarde la courbe du piratage », relève le délégué général de l’Alpa, d’autant que « nos statistiques ne prennent pas en compte les blocages des services IPTV que nous opérons depuis 2020 ». @

Charles de Laubier