A propos Charles de Laubier

Rédacteur en chef de Edition Multimédi@, directeur de la publication.

La veille informationnelle (panorama de presse, veille web, agrégateurs de flux, …) se démultiplie

Les contenus des médias sont de plus en plus utilisés par les entreprises et les organisations pour suivre l’actualité les concernant. Grâce au numérique, une multitude de prestataires de « panoramas de presse » leur offrent une veille informationnelle qui génèrent des revenus pour les éditeurs.

En 2022, le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) – seul organisme en France à être mandaté par le ministère de la Culture pour percevoir et répartir les redevances au titre du droit de reproduction de la presse et du livre – a reversé aux auteurs et éditeurs adhérents 54,5 millions d’euros, soit une hausse de 5 %. Environ 40 % de ce montant, soit près de 22 millions d’euros, proviennent des copies numériques professionnelles effectuées sous forme de panoramas de presse, de prestations de veille et de copies numériques ponctuelles.

Veille classique versus veille web
Le CFC, que dirige Laura Boulet (photo) depuis novembre 2021, a signé à ce jour des contrats d’autorisation de veille avec 30 prestataires de veille informationnelle, que cela soit pour de la veille médias traditionnelle, audiovisuelle, documentaire, stratégique ou encore de la veille entièrement sur le Web.
« Ces contrats définissent les cadres de l’autorisation fournie, prévoient le versement de redevances destinées à rémunérer les titres de presse concernés ainsi que l’identification des publications utilisées et de leur volume. Ces autorisations permettent à ces acteurs de la veille de reproduire en toute légalité des contenus des publications de presse dont le CFC gère les droits, dans le cadre de leurs activités de veille et de sélection d’articles de presse à destination de leurs clients », explique l’organisme de gestion collective agréé par le ministère de la Culture depuis 1996.
Reste que les acteurs de cette veille informationnelle sont méconnus du grand public puisque leurs activités sont tournées vers les entreprises, les organisations et les administrations. Cette « veille BtoB » (1) est assurée par de nombreux prestataires, aussi divers que variés (voir graphique page suivante), dont certains sont en concurrence frontale comme les prestataires de veille média traditionnels versus les prestataires de la veille web – ces deux catégories d’acteurs ayant les mêmes clients : les directions de la communication et des relations presse des entreprises ou d’organisations.
• Pour la veille médias classique, les prestataires se nomment Onclusive (ex-Kantar Media), Cision (ex- L’Argus de la presse), Aday (ex-EDD), Explore (Explore Group), ou encore Synthèse & Médias. Ils fournissent à des entreprises clientes des copies d’articles le plus souvent au format PDF (mais aussi par e-mail, par un intranet ou un extranet) et notamment sous la forme de panoramas de presse.
• Pour la veille documentaire, les sociétés Factiva (filiale de l’américain Dow Jones) et LexisNexis (filiale de l’anglo-néerlandais Relx, anciennement Reed Elsevier) sont des acteurs historiques, aux côtés de Cision (Europresse) et Aday (ex-EDD). Ils mettent à disposition de leurs clients professionnels des contenus de presse agrégés dans leurs bases de données constituées le plus souvent sous le format XML (2).
• Pour la veille entièrement en ligne, il y a des acteurs tels que le norvégien Meltwater spécialisé dans la veille sociale (sur les réseaux sociaux), l’intelligence média (veille de la presse en ligne) et l’e-réputation (3), ou le britannique Access Intelligence (Isentia, Pulsar, ResponseSource, Vuelio), le new-yorkais Emplifi (ex- Astute-Socialbakers), ou encore l’indien Press Monitor. Ils fournissent des liens et des analyses pointant vers les articles de presse, notamment pour que les entreprises clientes puissent connaître les retombées médiatiques de leurs communiqués de presse.
• Pour la veille par les agrégateurs de flux RSS que sont ces formats de syndication simplifié (4), les éditeurs d’applications de visualisation de ces flux sont le français Netvibes (racheté par Dassault Systèmes en 2012), le suédois Feeder, le bulgare Inoreader et les américains Flipboard et Feedly. Ils proposent de consulter les flux à partir d’une application, d’un logiciel ou d’un module intégré à une messagerie, qui permettent de n’importe quel terminal connecté d’afficher et de consulter les flux d’actualité.

L’intelligence artificielle à la rescousse
• Pour la veille dite stratégique
, lorsqu’il s’agit de veille marketing et concurrentielle, les principaux fournisseurs de services sont les français Digimind (racheté en juillet 2012 par Onclusive/ex-Kantar Media), KB Crawl, Launchmetrics et Sindup (Netprestation).
Ils collectent toutes les informations tous azimut (presse en ligne, réseaux sociaux, bases de données, …). Ils « crawlent » le Web pour proposer à des directions d’entreprises (marketing, stratégie, R&D, …) du « market intelligence » basés sur l’intelligence artificielle (IA).
• Pour la veille « sociale », sur les réseaux sociaux, les prestataires de « social listening » s’appellent Linkluence (une société française intégrée au groupe Meltwater depuis 2021), Meltwater en tant que tel, et le luxembourgeois Talkwalker. Les réseaux sociaux sont leur principal terrain de jeu, mais ils s’intéressent de plus en plus à la presse en ligne.

592 éditeurs concernés en France
• Pour la veille issue des data brokers
, ces courtiers de données exploitant le Big Data, dont les sources sont à la fois privées et publiques. Le norvégien Opoint et l’israélien Webz.io prospèrent dans ce domaine. Leur clientèle se trouve aussi bien dans les entreprises que chez des prestataires de veille.
• Pour la veille de référencement naturel, ou SEO (Search Engine Optimization), les trois principaux acteurs sont le français Botify, l’américain Semrush et l’allemand Sistrix. Leur spécialité : proposer en général en mode SaaS la recherche de mots-clés et de données d’analyse (classement, volume, coût, …).
Tous ces prestataires présents en France sont tenus de fournir au CFC le nombre d’articles de presse, de programmes audiovisuels et d’émissions radiophoniques, ainsi que des liens diffusées ou stockés pour la veille web). Et ce : par publication, par chaîne, par radio et par client. « Ces déclarations permettent d’établir la facturation. Pour la veille média traditionnelle, elle est également fonction de la redevance par article définie par l’éditeur pour chacune de ses publications sur la grille tarifaire du CFC. Pour les autres types de veille, il s’agit d’une somme forfaitaire, par client et par prestation dans le cas de la veille web », indique le CFC sans dévoiler les grilles tarifaires.
Ils sont 592 éditeurs en France à bénéficier des versements de redevances destinées à rémunérer les titres de presse concernés en fonction de l’identification de leur(s) publication(s) sur un total atteignant aujourd’hui 2.793 titres de presse et programmes audiovisuels. Rien que pour la répartition des droits pour les copies numériques professionnelle, le CFC indique que « 63 % des titres concernés par cette répartition sont des publications françaises » et « ces dernières représentent 98 % du montant total des redevances réparties ». Les sommes sont reversées aux éditeurs et aux auteurs en deux temps chaque année : en avril pour les redevances perçues au cours du second semestre de l’année précédente, et en décembre pour celles collectées au cours du premier semestre de l’année en cours. Ainsi, au premier semestre 2022 par exemple pour lequel plus de 8 millions d’euros ont été distribués par le CFC au titre des copies numériques, 15 éditeurs ont reçu chacun plus de 100.000 euros, 115 éditeurs ont reçu entre 10.000 et 100.000 euros et 342 plus de 1.000 euros. Mais il reste beaucoup à faire pour que tous les contenus de presse utilisés dans la veille soient monétisés au profit des éditeurs. Par exemple, les robots de crawling qui aspirent les contenus se bousculent au portillon des sites web sans forcément payer leur écot.

Du crawling à la rediffusion de podcasts
Aussi, le CFC a commencé à déployer un « outil de régulation des robots de crawling » (ORRC), dont la seconde version a été déployées en 2022 sur une quinzaine de sites de presse en ligne (dont Le Monde, Le Figaro ou encore Challenges). Ce qui permet à 17 « crawlers » en France de respecter le droit d’auteur dans le cadre d’une licence. La veille s’étend en outre aux podcasts qui rencontrent un large succès sur les plateformes Spotify, Deezer, Apple Podcast, Google Podcast, Acast ou encore Auscha. Le CFC propose désormais aux éditeurs de presse un nouveau mandat pour englober les rediffusions de podcasts. @ Charles de Laubier

Squeezie, devenu numéro un des influenceurs sur les réseaux sociaux, a atteint la consécration en 2022

C’est la tête de gondole des influenceurs sur Internet en France. Selon nos calculs, il a même dépassé en 2022 les 51 millions d’abonnés, tous réseaux sociaux confondus (YouTube, Instagram, TikTok, Twitch, …) : Squeezie, alias Lucas Hauchard, vient en plus d’avoir les honneurs du Musée Grévin, avec son chien !

Il va avoir seulement 27 ans le 27 janvier 2023 et pourtant Lucas Hauchard est déjà un vieux de la vieille des influenceurs sur les réseaux sociaux où il est devenu célèbre sous le pseudonyme Squeezie (photo). Au point d’être devenu le numéro français des youtubeurs et même de tous les influenceurs (1). Son audience dépasse celles des télévisions nationales et il est le mieux payé dans ce nouveau métier. Squeezie est un « homme-orchestre » millionnaire entré dans l’histoire. Le Musée Grévin lui a même présenté le 1er décembre dernier son double de cire avec son chien Natsu immortalisé à ses côtés – une première pour ce musée (2).
« C’est une belle consécration et très flatteur pour moi mais aussi pour Internet de manière générale. Le Grévin est rempli de personnalités qui ont marqué la culture française. Et aujourd’hui, on peut dire que nous – les gars d’Internet, les filles d’Internet – on a marqué la culture française », a lancé Lucas Hauchard le jour de l’inauguration de sa statue. Que de vidéos diffusées sur YouTube depuis ses début en mai 2008 sous son premier pseudo, Kakashlu, et surtout depuis janvier 2011 lorsqu’il se renomme Squeezie et lance sa chaîne éponyme, en référence à la chanson « Squeeze It » des DJ Tiësto et Frank qu’il écoutait il y a plus de dix ans.

Premier youtubeur en 2022 (audience et contenu)
Sa chaîne « Squeezie » dépasse aujourd’hui les 17,7 millions d’abonnés. Avec ses deux autres chaînes YouTube – Squeezie Gaming (4,5 millions d’abonnés) et Squeezie Rediffusions (349.000 abonnés) – qu’il a créées respectivement en septembre 2018 et en mars 2022, le premier influenceur de France totalise sur YouTube plus de 22,5 millions d’abonnés (avant déduplication, un internaute pouvant être abonné à plusieurs de ses chaînes). Depuis leur lancement, ses trois chaînes ont généré avec leurs multiples vidéos jusqu’à maintenant un total astronomique de plus de 11,2 milliards de vues. Et selon le classement que YouTube a révélé en fin d’année dernière, Squeezie a pris en 2022 la tête des vidéos les plus populaires vues sur la plateforme de Google, avec « Qui est l’imposteur ? ». Depuis sa mise en ligne en juin dernier, elle totalise plus de 16,3 millions de vues, ce qui la place devant celles des youtubeurs Inoxtag, Mcfly & Carlito, et MichouOff pour ne citer que les trois suivants du classement (3). Il n’était que sur la troisième marche du podium en 2021, toujours selon YouTube (4), avec la vidéo « Une seconde avant la catastrophe », derrière Mcfly & Carlito et Cyprien. Dans ce format de jeu « Qui est l’imposteur ? » qu’il a conçu, Squeezie et ses deux invités doivent débusquer un imposteur parmi trois personnes exerçant toutes un même métier ou une discipline identique. La série a aussitôt trouvé son public, dont l’audience n’a rien à envier à celles des chaînes de télévision.

Le n°1 des youtubeurs gagnerait 50.000 euros/mois
Au total, le numéro un français des youtubeurs empocherait en moyenne 50.000 euros par mois si l’on en croit les sites Youtubers.me (5) et Socialblade.com (6). Car ses plusieurs dizaines de vidéos postées par an, précédées d’annonces commerciales, génèrent des recettes publicitaires élevées. Ce qui lui rapporterait, rien que sur la plateforme vidéo de Google, un revenu annuel supérieur à 600.000 euros. Le placement de produits et l’affichage de marques sont aussi pratiqués par Squeezie, comme avec Gucci, Dior ou encore Vivo. Mais Squeezie n’est pas seulement sur YouTube. Il a aussi de très nombreux fans sur les autres réseaux sociaux : 9,1 millions d’abonnés sur Twitter, 8,1 millions de followers sur Instagram, 4,7 millions d’abonnés sur TikTok, 4 millions de followers sur Twitch, 2,3 millions d’amis sur Facebook, et 0,3 million sur Snapchat. Selon les calculs de Edition Multimédi@, la galaxie Squeezie totalise plus de 51 millions d’abonnés (toujours avant déduplication des multi-suiveurs qu’il est impossible de dénombrer). Il devance ainsi ses confrères d’influence, Cyprien et Norman, ainsi que l’influenceuse Léa Elui.
Lucas Hauchard a su se diversifier, tant sur les réseaux sociaux que dans les contenus créatifs proposés, après avoir commencé avec des tests de jeux vidéo et des histoires effrayantes (threads horreur). Il multiplie les collaborations avec d’autres influenceurs (Cyprien, Mcfly & Carlito, Mister V, Jonathan Cohen, …), ce qui lui permet de démultiplier son audience et ses revenus. Aux quelque 600.000 euros qu’il a empochés en 2022 grâce à YouTube, Squeezie engrange aussi de l’argent ailleurs, comme sur Twitch. Sur cette plateforme de live gaming et de live streaming d’Amazon, il performe financièrement : outre l’inévitable publicité en ligne, sur ses 4 millions de followers, 5.174 d’entre eux sont abonnés payants – d’après le décompte de TwitchTracker (7) – soit via Prime d’Amazon sans surcoût, soit moyennant 3,99 euros par mois (rang 1), 7,99 euros (rang 2) ou 19,99 (rang 3). Amazon prélevant au passage jusqu’à 50 %, rien que les abonnements payants sur Twitch rapporteraient à Squeezie au moins 10.000 euros par mois. Mieux, Lucas Hauchard a réussi à organiser le Grand Prix de Formule 4 le 8 octobre dernier au Mans. Avec sur la ligne de départ vingt-deux vidéastes et streamers, ce « Grand Prix GP Explorer » a enregistré une audience live record sur Twitch : 1 million d’internautes en direct, auxquels sont venus s’ajouter des millions de replay.
Véritable « homme-média », Squeezie est aussi devenu, malgré lui, un homme d’affaires grâce à ses investissements avisés. En 2015, il a créé deux sociétés : Squeezie et Balai Steak, dont la seconde subsiste aujourd’hui pour l’édition de ses chaînes et dont il est président. Parallèlement, Lucas Hauchard a créé en avril 2020 l’agence d’influence et régie publicitaire Bump, dont il détient encore, selon L’Informé (8), 20 % du capital. Et ce, après avoir quitté la régie Talent Web, laquelle avait été revendue en 2016 avec sa maison mère Mixicom (réseau multichaîne) au groupe Webedia du milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière pour 25 millions d’euros (sur 75 millions au total pour Mixicom). A l’époque, d’après le site web de BFMTV (9), cette cession d’il y a plus de cinq ans avait rapporté au moins 4 millions d’euros à Squeezie qui était coactionnaire de Talent Web à hauteur de 15,9 % aux côtés de Cyprien et Norman. En plus de cette sacrée plus-value (par rapport aux 3.000 euros initiaux investis par Squeezie), d’autres millions ont été reversés les années suivantes, notamment à Squeezie, en fonction des performances publicitaires de cette régie. Sa fortune de millionnaire vient d’abord de cette lucrative opération financière. « Cette revente, c’est ma retraite », avait-il confié sur Canal+. Aujourd’hui, son agence d’influence Bump assure non seulement la publicité de ses propres chaînes sur les réseaux sociaux mais aussi celles d’autres influenceurs tels que McFly & Carlito, Gotaga ou encore Locklear. En 2021, cette régie a réalisé 14 millions d’euros de chiffre d’affaires pour un bénéfice net de plus de 0,8 million d’euros. Squeezie est en outre coactionnaire à 25 % de la société Cotalent créée en mars 2018 avec Cyprien (46,4 % du capital) et Norman, encore eux, pour proposer à d’autres créateurs de contenus un studio de production audiovisuelle dans Paris baptisé Taiko (« tambou » en japonais).

Albums : Oxyz (musique hip-hop) et Bleak (BD)
Et lorsque l’« homme-média » se mue en « homme-orchestre », il diversifie ses instruments d’influence. Squeezie a ainsi créé en février 2019 sa propre marque de vêtements de style streetwear inspiré de la culture japonaise – Yoko, commercialisée par la société Yoko Gang, propriété de sa société Balai Steak. Puis en septembre 2020 est sorti son premier album musical intitulé Oxyz (14 titres de hip-hop, entièrement produits au Japon avec le producteur Kezah). Dans la foulée, il a créé sa propre maison de production, Unfold. Le décidément touche-à-tout s’est aussi essayé à la bande dessinée sur le thème de l’horreur qu’il affectionne depuis ses débuts : coécrit, et édité par Link Digital Spirit, le premier album « Bleak » est sorti début 2022 et le second est prévu le 4 mai prochain. Influenceur rime décidément avec prolifique. @

Charles de Laubier

La télévision numérique terrestre (TNT) en France reste dominée par les groupes privés TF1 et M6

La TNT présente encore la meilleure alternative en France face aux plateformes globales de SVOD. Problème : les groupes privés TF1 et M6 – dont les autorisations arrivent à échéance en mai 2023 – sont toujours en position dominante. L’appel à candidature lancé par l’Arcom va les bousculer.

Les groupes TF1 et M6 ne possèdent pas seulement les chaînes éponymes historiques (TF1 et M6) mais aussi bien d’autres chaînes gratuites de la TNT : TMC, TFX, TF1 Séries Films et LCI, soit au total cinq chaînes du côté de la filiale du groupe Bouygues ; M6, W9, 6ter et Gulli, soit également cinq chaînes du côté de la filiale de RTL Group du groupe Bertelsmann. Et encore, si l’on considère les chaînes payantes de la TNT, il y a Paris Première au sein du groupe M6.

TF1 et M6 = 40 % des chaînes gratuites
Ensemble, les groupes TF1 et M6 – qui ont finalement abandonné mi-septembre 2022 leur projet de fusion (1) – cumulent dix chaînes gratuites de la TNT. Cela représente tout de même 40 % des 25 chaînes gratuites de la TNT (voir tableau ci-dessous). Mais leur position dominante – si l’on considère ce « duopole » potentiel – est surtout le fait de leur chaîne « vaisseau amiral » que sont les chaînes TF1 et M6. « Chaînes historiques lancées à l’ère de la télévision analogique, TF1 et M6 sont les deux principaux services privés en clair de la TNT. Ils se caractérisent en particulier par leur capacité à fédérer une large audience, leurs parts de marché publicitaire, la diversité des programmes qu’ils diffusent, leur contribution au renouvellement de l’offre et le poids de leurs investissements en production. Ces services bénéficient d’une exposition avantageuse aux numéros 1 et 6 dans le plan de numérotation des chaînes de la TNT », résume l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) dans son étude d’impact publiée le 17 novembre dernier (2). Ce sont justement les autorisations accordées aux sociétés Télévision Française 1 (filiale de Bouygues) et Métropole Télévision (filiale de RTL Group/Bertelsmann) pour ces chaînes gratuites TF1 et M6 qui arrivent à échéance le 5 mai 2023. L’Arcom, qui n’avait pas vu d’un très bon oeil le projet de fusion TF1-M6 en raison « des effets notables (…) sur les marchés publicitaires, de l’édition et de la distribution, ainsi que (…) de l’acquisition de programmes » (3), veut saisir cette opportunité pour redynamiser la TNT en perte de vitesse. Aussi, c’est la toute première fois que les chaînes historiques vont devoir répondre à un appel à candidatures pour les fréquences gratuites qu’elles détiennent jusque-là – et non pas se contenter d’une procédure simplifiée de nouvellement d’autorisation sur les fréquences gratuites respectives (ces fameuses ressources radioélectriques).
C’est une petite révolution dans le PAF – paysage audiovisuel français. « Ni la consultation publique, ni l’étude d’impact ne font apparaître que la situation économique actuelle du marché de la TNT gratuite s’oppose au lancement d’un appel à candidatures pour autoriser deux chaînes nationales gratuites et financées par la publicité », en a conclu l’Arcom présidée par Roch-Olivier Maistre (photo). Le régulateur de l’audiovisuel a même estimé que « compte tenu de la place de TF1 et M6 sur le marché (en termes de publicité, d’audience et de programmes notamment), l’absence de lancement de l’appel à candidatures serait dommageable pour le marché et pour le téléspectateur qui verrait l’offre mise à sa disposition se réduire ».
L’appel à candidatures – susceptible d’ouvrir la TNT à un nouvel entrant – a été lancé par l’Arcom le 7 décembre (4) et jusqu’au 23 janvier 2023 (aactnt@arcom.fr). Cela pourrait revigorer la concurrence entre les chaînes gratuites, bousculer les « rentes » de situations ou toute autre position dominante du « duopole » TF1-M6. D’autant que l’attribution des ressources rendues disponibles, à partir du 6 mai 2023 précisément, intervient au moment où la consommation de la télévision est en baisse et l’audience des téléspectateurs vieillissante. « La durée d’écoute individuelle (DEI) de la télévision a atteint un pic en 2012 (3h50), avant d’entamer une baisse, qui s’est accélérée en 2018 et 2019 » (la hausse durant la crise sanitaire n’ayant été que conjoncturelle). Le groupe TF1 a perdu 5,8 points de part d’audience entre 2007 et 2021, toutes chaînes confondues, dont les chaînes gratuites rachetées NT1 (devenue TFX) et HD1 (devenue TF1 Séries Films) ou lancées TMC (ex-Télé Monte-Carlo) qui ont limité la casse. De même, le groupe M6 a réussi à maintenir une part d’audience stable sur l’ensemble de la période grâce aux lancements de W9 et de 6ter, et à l’acquisition de Gulli. Pour autant, les chaînes TF1 et M6, avec leur part d’audience respective de 19,7 % et de 9,1 %, s’arrogent à eux deux près de 30 % de l’audience TV nationale (voir tableau ci-contre), voire 40 % avec toutes leurs chaînes.

NJJ Médias (Niel) veut jouer les trouble-fête
Les deux groupes privés dominants de la TNT pratiquent chacun la « circulation de leurs programmes » entre leurs différentes antennes respectives, ce qui contribue à leur « position importante » sur la TNT gratuite. Mais les téléspectateurs ont vieilli. « La durée d’écoute des plus de 50 ans est globalement en hausse depuis 2010 ». La moyenne d’âge de TF1 est montée à 55 ans, tandis que celle de M6 est aussi en augmentation à 49 ans. L’époque de la « ménagère de moins de 50 ans » est révolue mais la catégorie d’âge reste. Le constat est sans appel : « L’offre des services de la TNT subit depuis plusieurs années une érosion de ses audiences et un vieillissement des téléspectateurs. Ce problème d’attractivité s’accompagne d’une fragmentation des services liée à l’élargissement de l’offre TNT permis par le passage à la diffusion numérique ». Cela n’a pas empêché les groupes privés TF1 et M6 à maintenir des « positions d’importance » (dixit) au regard du reste de l’offre TNT. Le jeune public, lui, est plus attiré par les réseaux sociaux et les plateformes de SVOD que par les chaînes de la TNT.
C’est un fait à l’ère des « adolécrans » (5). « L’arrivée à échéance des autorisations des services TF1 et M6 intervient dans un contexte plus large de bouleversements majeurs du secteur audiovisuel, tant en termes d’offre que d’usages, qui trouvent notamment leur origine dans les innovations technologiques induites par la révolution numérique. Ces évolutions, qui se traduisent par une concurrence accrue sur le marché, en particulier de la part d’acteurs internationaux, sont de nature à impacter la place occupée par les acteurs locaux de la TNT dans cette offre audiovisuelle élargie », souligne l’étude d’impact de l’Arcom. Reste à savoir si NJJ Médias (NJJ Holding), présidé par le milliardaire Xavier Niel – candidat malheureux à deux reprises au rachat de M6 – répondra – à temps (6) – à l’appel à candidatures pour une nouvelle chaîne de télévision gratuite sur la TNT après avoir manifesté le 28 novembre auprès de l’Arcom (7) son intérêt. @

Charles de Laubier

 

Meta Platforms a essuyé les plâtres en 2022, première année sous ce nom, mais reste une cash machine

L’année 2022 fut la première année fiscale de l’ex-groupe Facebook, depuis que son PDG fondateur Mark Zuckerberg l’a rebaptisé Meta Platforms le 21 octobre 2021. Malgré les griefs qui lui sont faits, malgré l’échec du décollage du métavers Horizon et malgré les amendes, la firme de Menlo Park s’en sort plutôt bien.

Malgré tout, le géant Meta Platforms (Facebook, Instagram, Messenger, WhatsApp, Quest/ex-Oculus) devrait réaliser cette année 2022 un chiffre d’affaires tout à fait honorable d’environ 115 milliards de dollars. Par rapport à l’exercice précédent, cela ne représenterait qu’une baisse annuelle d’environ 2,4 %.
Cette estimation avancée par Edition Multimédi@ se situe dans la fourchette des prévisions annoncées fin octobre par David Wehner (photo), alors encore directeur financier du groupe Meta, à savoir : entre 114,4 milliards et 116,9 milliards de dollars. La société d’études financière Zacks Equity Research table, elle, sur 115,71 milliards de dollars de chiffre d’affaires, ce qui correspondrait à un recul de seulement 1,88 % par rapport à l’exercice 2021. Dans son analyse publiée le 8 décembre, soit un mois après l’annonce du PDG cofondateur Mark Zuckerberg de la suppression de 13 % de ses effectifs (13.000 sur 87.000 employés), elle constate qu’en un mois l’action « Meta » a gagné plus de 12 %, à plus de 116 dollars, devançant le secteur informatique et technologique. Et ce, malgré les prévisions de rentabilité attendue en baisse par rapport au bénéfice net de 39,3 milliards de dollars de l’exercice 2021. Sa recommandation aux investisseurs est de garder (hold) leurs actions, voire d’en acquérir (buy).

L’ex-Facebook dévalorisé, mais loin d’être déserté
La valorisation de l’ex-Facebook est « encore » de 336 milliards de dollars au 16 décembre, même si les 922 milliards de dollars d’il y a un an sont bien loin, et la fortune professionnelle de Mark Zuckerberg et « encore » de 42,3 milliards de dollars, certes bien en-deçà des 97 milliards de dollars de 2021. Comme quoi, la situation du géant mondial des réseaux sociaux aux plus de 2,9 milliards d’utilisateurs quotidiens (Facebook, Instagram, Messenger et WhatsApp confondus), et toujours en hausse d’un trimestre à l’autre, n’est pas aussi catastrophique que ne le laisse penser la couverture médiatique. Les utilisateurs quotidiens de la galaxie Meta – les daily active people (DAP) – représentent 79 % des 3,7 milliards d’utilisateurs mensuels – les monthly active people (MAP). La principale source de revenu du groupe Meta Platforms reste la publicité : 27,2 milliards de dollars au troisième trimestre 2022 (- 3,7 % sur un an), soit 98,3 % du chiffre d’affaires global.

La rançon de la gloire coûte très chère
Quoi qu’on en dise, et bien que le groupe soit confronté au pire ralentissement de son histoire dû en grande partie au changement de politique décidé par Apple pour le ciblage publicitaire sur iOS, Meta Platforms reste une cash machine. « Notre coeur de métier est l’un des plus rentables jamais construit avec un énorme potentiel à venir », a assuré Mark Zuckerberg à ses salariés dans un message qu’il leur a adressé le 9 novembre. Cependant, la firme de Menlo Park a déjà prévenu que ce ralentissement publicitaire se poursuivrait au cours de ce quatrième trimestre, dans le contexte de hausse de l’inflation et de ralentissement de l’économie.
Mais la rançon de la gloire – même quelque peu entamée – est élevée. Pour cette première année fiscale sous la dénomination « Meta Platforms », le groupe de Mark Zuckerberg devrait totaliser de l’ordre de 85 à 87 milliards de dollars de dépenses (investissements et exploitations). Et pour la première fois en 2023, ces dépenses devraient tutoyer voire dépasser les 100 milliards de dollars, selon les estimations faites par David Wehner. Sans surprise, la division Reality Labs – où sont concentrées toute l’activité liée à la réalité virtuelle (VR) et à la réalité augmentée (AR) que sont Meta Quest (ex-Oculus VR), Meta Portal (ex- Facebook Portal) et des wearables comme les Ray-Ban Stories – pèse très lourd dans ces dépenses colossales. Cela comprend les prochains casques de réalité virtuelle qui seront lancés en 2023 et surtout le métavers Horizon Worlds en cours de déploiement (application gratuite utilisable avec un casque Meta Quest.). « Notre hausse du coût d’exploitation devrait s’accélérer, en raison des dépenses liées à l’infrastructure et, dans une moindre mesure, des coûts du matériel de Reality Labs, induits par le lancement plus tard l’an prochain de notre nouvelle génération de casque Quest. Les dépenses de Reality Labs sont incluses dans nos prévisions de dépenses totales », avait expliqué le 26 octobre dernier l’ancien directeur financier David Wehner, promu en novembre directeur de la stratégie. Susan Li lui a succédé en tant que nouvelle Chief Financial Officer du groupe Meta. Et d’ajouter : « Nous prévoyons que les pertes d’exploitation de Reality Labs augmenteront considérablement d’une année à l’autre en 2023. Au-delà de 2023, nous nous attendons à accélérer les investissements de Reality Labs afin d’atteindre notre objectif à long terme de croissance globale du bénéfice d’exploitation de l’entreprise ». Alors que le chiffre d’affaires de Reality Labs a été supérieur à 2,2 milliards de dollars en 2021 pour un déficit près de 10,2milliards, cette année 2022 devrait être marquée par des revenus équivalents mais des pertes opérationnelles bien plus importantes (les neuf premiers mois de l’année en cumulant déjà près de 9,5 milliards). Meta Platforms joue gros. C’est même son avenir qui est en jeu.
Dans son message du 9 novembre, Mark Zuckerberg a expliqué que les 11.000 suppressions d’emplois concerneront aussi bien les réseaux sociaux (« la famille d’applis ») que Reality Labs. « Nous prévoyons d’embaucher moins de gens l’an prochain. (…) Nous prolongeons également le gel de l’embauche jusqu’au premier trimestre. (…) Nos perspectives de revenus sont inférieures à celles auxquelles nous nous attendions au début de l’année, et nous voulons nous assurer de fonctionner efficacement à la fois dans la famille d’applis et dans Reality Labs. », a-t-il en outre précisé (2). Tout en ayant fait son mea culpa – « Je me suis trompé et j’en assume la responsabilité » –, « Zuck » affirme que Meta Platforms est à l’avant-garde du développement de la technologie pour définir « l’avenir de connexions sociales » et « la prochaine plateforme informatique ». Et d’ajouter pour motiver ses troupes : « Nous faisons un travail historiquement important ».
Bien que décrié, le métavers Horizon Worlds (3) est un pari audacieux – sans doute le plus important jamais lancé par un géant des GAFAM. En octobre 2021, le groupe Facebook devenant Meta Platforms avait annoncé vouloir y investir 10 milliards de dollars par an jusqu’en 2030. Son avenir est entre les mains de Reality Labs. Des investissements massifs sont aussi faits dans l’intelligence artificielle (IA) et le machine learning (ML), utilisés à tous les étages : de la vérification de l’âge des utilisateurs (Facebook Dating) aux avatars lancés récemment sur WhatsApp (un avant-goût du métavers), en passant par l’IA au service du e-commerce, des réseaux sociaux et des jeux en ligne (préfigurant le touten- un promis par le métavers). Avec en toile de fond la protection des données renforcée (4).

Partenariats : Nvidia, Microsoft, PyTorch,…
Meta Platforms ne fera pas son métavers Horizon tout seul : des partenariats sont noués, comme avec Nvidia (pour ses puces IA destinées à des superordinateurs de recherche IA/métavers), PyTorch (bibliothèque logicielle open source codéveloppée avec Microsoft, faisant partie de la Linux Foundation) ou encore Microsoft (accord annoncé en octobre consistant à intégrer d’ici 2023 la plateforme collaborative Teams aux casques Quest/Quest Pro et dans le métavers Horizon). Mark Zuckerberg a peut-être eu raison trop tôt, mais il pourrait prendre de l’avance sur des rivaux qui s’y seront pris trop tard. @

Charles de Laubier

Warner Bros. Discovery veut lancer plus tôt que prévu sa méga-plateforme de streaming « HBO Discovery »

Le calendrier s’accélère pour le géant des médias Warner Bros. Discovery (WBD), né en avril. Sa plateforme de streaming vidéo, combinant HBO Max et Discovery+, sera lancée plus tôt : au printemps 2023 aux Etats-Unis, au lieu de l’été, puis en Europe en 2024 – dont la France où son partenaire OCS est en vente.

Avec bientôt 100 millions d’abonnés cumulés non seulement à la chaîne payante HBO (Cinemax compris) mais aussi aux deux plateformes de streaming HBO Max et Discovery+, contre 94,9 millions au 30 septembre dernier, Warner Bros. Discovery (WBD) se sent pousser des ailes. La croissance des abonnements se poursuit, le troisième trimestre ayant gagné 2,8 millions de clients supplémentaires.
Cela tombe bien pour le nouveau géant américain des médias et du divertissement car le temps presse : ses chaînes de télévision traditionnelles – HBO, CNN ou TBS du côté de l’ex-WarnerMedia, et Eurosport, Discovery Channel ou MotorTrend du côté de l’ex-Discovery – sont confrontées à la fois au phénomène du cord-cutting (bien connu aux Etats-Unis lorsque les abonnés aux chaînes câblées résilient leur contrat au profit de l’accès direct par Internet aux plateformes audiovisuelles) et à la baisse des recettes publicitaires sur ces mêmes networks (à savoir les télévisions par câble d’ampleur nationale) où elles ont été en recul de 11 % sur un an au troisième trimestre. Et ce, « principalement en raison de la baisse de l’auditoire de nos émissions de divertissement et d’actualité ». Pour le groupe dirigé par David Zaslav (photo), il y a donc urgence à lancer sa méga-plateforme de streaming combinant HBO Max et Discovery+, dont le nouveau nom reste encore à trouver : HBO Discovery ? Warner Discovery ? WBD+ ?

Hausse du cord-cutting et baisse de la pub
Il s’agit aussi de ne pas se faire trop distancer par les trois locomotives de la SVOD mondiale : Netflix, Amazon Prime Video et Disney+, avec leurs respectivement 223 millions, 200 millions et 164,2 millions d’abonnés. David Zaslav a confirmé il y a un moins devant des analyses, lors de la présentation des résultats de WBD au troisième trimestre, que la nouvelle plateforme de streaming « HBO Discovery », sera disponible aux Etats-Unis dès le printemps 2023, et non l’été suivant comme il l’avait initialement annoncé. Pour l’Europe, c’est plus compliqué avec les accords d’exclusivité de HBO en cours avec Sky (Royaume-Uni, Allemagne, Italie, …) et avec OCS (France) : il faudra attendre 2024 pour la nouvelle plateforme – à moins qu’un coup d’accélérateur ne soit donné là aussi. La diffusion exclusive par OCS des contenus de HBO, dont « Game of Thrones », arrive à échéance en fin d’année.

France : fini l’exclusivité d’OCS
De plus, OCS est mis en vente par son principal actionnaire Orange (66,33 % du capital) qui discute avec Canal+ (33,33 %) intéressé par le rachat de ce bouquet de chaînes payantes assorti de son studio de cinéma au catalogue de films et séries bien fourni (1). WBD a examiné le dossier, selon Le Film Français (2). Le groupe a aussi signé en France avec Amazon Prime Video, selon Variety (3). Le fait que la plateforme « HBO Discovery » ne pourra être lancée globalement, à cause de ces restrictions géographiques, constitue un handicap.
L’ex-filiale de contenus audiovisuels et cinématographiques de l’opérateur télécoms AT&T et son compatriote Discovery fondent leur plateforme de streaming en une seule dans le cadre de leur mégafusion aux multiples synergies technologiques, marketing et numériques. En attendant, les résultats du troisième trimestre ont été en dessous des attentes des analystes financiers : les pertes se sont creusées (- 2,3 milliards sur le troisième trimestre), dues à la fusion et aux restructurations. Et le plus difficile reste à venir : WBD a augmenté ses objectifs d’économies d’ici à 2024 de 3 à 3,5 milliards de dollars. Depuis le début de la fusion en avril 2022 (4) et jusqu’à la fin de cette année, 750 millions d’euros d’économies auront été réalisées. Et les plus grosses réductions de coûts sont prévues pour l’année prochain, à hauteur de plus de 2,7 milliards de dollars. « Il reste encore des décisions difficiles à prendre mais nécessaires », a prévenu David Zaslav. Selon le Wall Street Journal, il y a déjà eu en sept mois plus de 1.000 licenciements chez WBD, notamment dans les studios de cinéma et les chaînes de télévision. Et cette réduction de la masse salariale se poursuit. Globalement, la dette de WBD dépasse les 50 milliards de dollars au 30 septembre 2022 et le groupe dispose de 2,5milliards de dollars de trésorerie.
Les chaînes de télévision – les networks (plus de 50 % du chiffre d’affaires global de WBD) – enregistrent une baisse de leurs revenus, de 8 % au cours du troisième trimestre et même de 11% pour la publicité, «principalement en raison de la baisse de l’audience des émissions de divertissement et d’actualité ».
• Les studios de cinéma – à Hollywood et à Londres (plus de 30 % du chiffre d’affaires global de WBD) – voient leurs revenus diminuer, de 5 % au troisième trimestre, « principalement en raison de la baisse des dépenses de divertissement dans les foyers et de la diminution des sorties en salle (à cause du covid-19) ». Et les revenus tirés des licences de télévision ont aussi diminué, « principalement en raison de la diminution du nombre de nouvelles sorties en salle, ce qui a réduit la disponibilité de titres sur les fenêtres payantes des chaînes ».
L’activité Direct-to-Consumer – regroupant les abonnements à HBO, HBO Max (dont Cinemax) et à Discovery+ (soit 20 % du chiffre d’affaires global de WBD) – affiche une baisse de ses revenus, de 6 % au troisième trimestre. Et ce, malgré une augmentation du nombre total cumulé d’abonnés, à 94,9 millions (+ 2,8 millions d’abonnés en un trimestre), et un doublement des recettes publicitaires sur ce segment «Dto- C ». Mais les revenus de distribution ont, eux, diminué de 6 %, « principalement en raison de l’expiration d’Amazon Channels en septembre 2021 ». Autre signe de faiblesse : l’ARPU globale du « D-to-C » a légèrement reculé au troisième trimestre (7,52 dollars) par rapport au deuxième trimestre (7,66 dollars). Dans ce contexte de transition et d’incertitudes, David Zaslav fonde de grands espoirs sur la future plateforme « WDB+ » pour redynamiser le chiffre d’affaires du groupe. Le streaming devient aussi stratégique que la salle. Le catalogue de titres fait l’objet d’un toilettage de fond en comble, par le retrait sur HBO Max de dizaines d’émissions non stratégiques et par la mise en avant des franchises que détient Warner Bros. telles que « Superman », « Harry Potter » ou encore « Batman » issues de son emblématique filiale DC Comics. Le PDG de WBD a aussi confirmé que la nouvelle plateforme proposera deux offres d’abonnement : une sans publicités et une autre moins chère avec un peu de publicités. Mais les tarifs ne sont pas encore fixés. Cependant, le Français Jean-Briac Perrette (photo cicontre), dit JB, ancien directeur du streaming et de l’international chez Discovery et nouveau PDG « Global Streaming & Games » de WBD, a indiqué que l’abonnement de HBO Max – 14,99 dollars par mois – n’avait pas augmenté depuis son lancement en mai 2020. Netflix a ouvert la voie de l’AVOD (5) en lançant début novembre dans une douzaine de pays, dont la France, sa formule d’abonnement low cost (à partir de 5,99 euros par mois) avec publicités avant et pendant les programmes (6). Disney+ va suivre le mouvement dès le 8 décembre à partir de 7,99 dollars par mois (7).

130 millions d’abonnés en 2025 ?
David Zaslav a en outre indiqué qu’une offre gratuite financée par la publicité était aussi en cours de développement pour y diffuser aussi des contenus de Warner Bros. et de Discovery. La bataille du streaming ne fait que commencer et cela aura un coût important pour WBD, à l’heure où justement les autres plateformes de SVOD réduisent leurs dépenses. Le cabinet d’études Digital TV Research indique à Edition Multimédi@ qu’il prévoit 48 millions d’abonnés d’ici fin 2023 à la future plateforme « HBO Discovery » et 58 millions d’ici fin 2024. Pour son ensemble D-to-C, WBD vise 130 millions d’abonnés en 2025. @

Charles de Laubier